Lettre au président du Conseil du Trésor (juillet 2025)

Le 4 juillet 2025

L’honorable Shafqat Ali, C.P., député
Président du Conseil du Trésor
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

Monsieur le Ministre,

La présente est pour vous féliciter de votre nomination à titre de président du Conseil du Trésor et vous faire part de mes premières réflexions sur l’annonce récente relative à l’examen de 2025 de la Loi sur l’accès à l’information.

Tout d’abord, sachez que je suis fermement résolue à jouer un rôle constructif dans le cadre de ce premier examen quinquennal de la Loi. J’espère que nos organisations respectives poursuivront leurs discussions productives alors que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) s’engage dans ce processus d’examen de la façon la plus efficace possible. À cette fin, j’aimerais réaffirmer certains des principes directeurs qui, à mon avis, doivent être respectés afin d’assurer un examen complet et efficace.

L’examen doit être axé sur les résultats

L’examen qui a été lancé récemment est exigé par la Loi. Pourtant, même si ce n’était pas le cas, des changements à la Loi et au système qui la soutient s’avéreraient tout aussi indispensables. Depuis que je suis devenue Commissaire à l’information en 2018, j’ai constaté un déclin constant du système d’accès à l’information, à un point tel qu’il n’atteint plus son but : permettre l’accès à l’information qui peut et doit être communiquée. Tout au long de mon mandat, j’ai décrit en détail les diverses façons dont ce déclin s’est manifesté – tant par mes témoignages devant les comités parlementaires que par les rapports que j’ai publiés –, tout en proposant des solutions chaque fois que je le pouvais. 

Les solutions que je recommande pour remédier aux nombreux problèmes qui affligent le système ont pour point commun la nécessité d’obtenir des résultats concrets. Pourtant, trop souvent, le gouvernement propose des stratégies superficielles qui ne font qu’effleurer certains aspects du système ou des plans sans échéancier précis ni produits livrables concrets, ce qui en fin de compte se résume à peu de choses. Puisque le premier ministre a fait savoir que son gouvernement s’efforcerait d’obtenir des résultats concrets, j’espère que cette nouvelle philosophie se reflétera dans la façon dont l’examen se déroulera et que de véritables changements s’ensuivront. À titre d’exemple, la gestion de l’information par le gouvernement s’avère un domaine où des changements sont absolument nécessaires, car diverses lacunes paralysent la capacité des institutions à donner accès à l’information en temps opportun.

L’examen doit se dérouler promptement

Je suppose que le SCT est en train de préciser les « activités de mobilisation officielles » mentionnées sur la page Web de l’examen de 2025. Il est évident que les consultations en matière d’accès à l’information n’ont pas manqué depuis 2015, comme en témoignent les rapports et les observations qui figurent sur cette même page. À mon avis, ce serait une perte de temps et de ressources que de répéter ce long processus de consultation qui a caractérisé l’examen de 2020. Comme il a été souligné dans ma récente lettre au premier ministre, la nécessité de procéder urgemment à une refonte de la Loi fait l’objet d’un large consensus, et il en va de même pour la nature des changements qui s’imposent. Rien ne me porte à croire qu’une nouvelle consultation apporterait un éclairage supplémentaire et justifierait une fois de plus un retard semblable à celui qui a été observé lors du dernier examen. 

L’examen doit explicitement traiter des lacunes de la Loi elle-même

Des changements administratifs et opérationnels sont effectivement nécessaires, mais ils ne suffiront pas à eux seuls à régler tous les problèmes. Comme je l’ai mentionné à votre prédécesseure, je doute que le Plan d’action pour la modernisation de l’accès à l’information rendu public l’an dernier, qui se veut la reformulation d’initiatives déjà annoncées, se traduise par d’importantes améliorations en temps utile. Bien que je sois tout à fait d’accord avec le fait que les domaines d’intérêt retenus pour l’examen de 2025 méritent une attention particulière, l’examen quinquennal prévu au paragraphe 93(1) de la Loi exige que le ministre (en l’occurrence vous) procède à l’examen de la Loi elle-même. Je m’attends donc à ce que cette dernière fasse l’objet d’un réexamen afin de régler certains des problèmes les plus épineux relevés jusqu’à présent. Je continuerai également à réclamer les modifications législatives qui sont nécessaires depuis longtemps, y compris :

  • élargir l’application de la Loi afin d’inclure les cabinets du premier ministre et des ministres;
  • assujettir les documents confidentiels du Cabinet à la Loi;
  • limiter le recours à certaines exceptions, comme celle prévue à l’article 21, qui se rapporte aux avis et aux recommandations, et ajouter une disposition prévoyant la primauté de l’intérêt public;
  • prévoir la durée maximale des consultations qui sont nécessaires pour donner suite à une demande d’accès.

J’ai récemment mis sur pied une équipe chargée de mener le projet de réforme législative au sein du Commissariat l’information, dont le mandat consiste à émettre des recommandations qui vont au-delà de ces propositions, en s’appuyant sur les recommandations contenues dans les observations que j’ai formulées en 2021 dans le cadre du dernier examen du gouvernement. Nous mettrons à profit l’expérience acquise depuis la présentation de ces observations pour émettre des recommandations explicites, éclairées et fondées sur des données probantes en vue d’améliorer la Loi sur l’accès à l’information.

À mon avis, ce qu’il faut, c’est un examen entrepris de bonne foi, axé sur les résultats et mené promptement, dont le but est de proposer des changements substantiels nécessaires, ce qui inclut des modifications législatives, pour remédier aux graves lacunes du système d’accès à l’information.

En terminant, permettez-moi de faire deux remarques supplémentaires. Le gouvernement a fait savoir que des réductions sont à prévoir au sein de la fonction publique. Bien que les détails n’aient pas encore été communiqués, les leaders du gouvernement doivent garder à l’esprit que l’accès à l’information n’est pas un service. Il s’agit d’un droit quasi constitutionnel fondé sur la loi, et il doit être traité comme tel. Cela signifie concrètement que la fonction relative à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels doit être pourvue de ressources qui permettent de respecter cette obligation légale. Qui plus est, dans les mois à venir, je solliciterai votre appui en faveur d’un modèle de financement pour le Commissariat, à l’instar des modèles dont bénéficient d’autres agents du Parlement. C’est un sujet que j’ai abordé avec vos prédécesseurs, et je reste d’avis que le Commissariat doit bénéficier d’un tel mécanisme qui reflète mon indépendance en tant qu’agente du Parlement.

Je serais heureuse de vous rencontrer à votre convenance pour discuter de tout point soulevé dans la présente lettre ou de tout autre sujet.

 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.

 

Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

c.c. :       Bill Matthews, secrétaire du Conseil du Trésor

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