Décision en vertu de l’article 6.1, 2022 CI 31

Date de la décision : Juin 2022

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. L’institution a affirmé que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution a également affirmé qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui avait fait la demande d’accès.

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi qu’elle avait respecté son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande. La Commissaire a également conclu que l’institution ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication.

La demande d’autorisation est rejetée et l’institution est tenue de donner suite à la demande d’accès.

Demande d’accès

L’institution a reçu une demande d’accès à l’information visant des courriels qui mentionnent le nom de la personne qui a fait la demande d’accès, un nom qu’elle dit être unique, sur une période d’un an. La demande d’accès mentionne également trois comptes de courriel d’employés susceptibles de contenir des documents pertinents, de même qu’une unité opérationnelle précise au sein de l’institution.

Discussion

Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1(1) de la Loi.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC)].

En vertu du paragraphe 4(2.1), les institutions sont également tenues de prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès. Tel qu’expliqué dans les documents d’orientation et de procédure publiés par le Commissariat à l’information concernant les demandes en vertu de l’article 6.1, les institutions devraient seulement demander à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour aider la personne qui a fait la demande.

Obligation de prêter assistance

L’institution a indiqué qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1), en communiquant avec la personne qui a fait la demande d’accès et en tentant de cibler la demande afin de s’assurer que la recherche était raisonnable.

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas respecté son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande. Même si l’institution a déclaré que ses communications avec la personne qui a fait la demande d’accès comprenaient des tentatives de cibler cette dernière afin de s’assurer que la recherche était raisonnable, la documentation fournie par l’institution à l’appui de sa demande d’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) semble indiquer que ses communications avec la personne qui a fait la demande d’accès, dans l’ensemble, visaient seulement à réduire la portée de la demande.

Le non-respect par l’institution de son obligation de prêter assistance est un motif suffisant pour que la Commissaire rejette la demande d’autorisation; cependant, la Commissaire a fait les conclusions suivantes concernant l’allégation par l’institution selon laquelle la demande était vexatoire ou constituait autrement un abus du droit de faire une demande de communication.

Abus du droit de faire une demande de communication

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié.

L’abus du droit de faire une communication doit être examiné au cas par cas et, dans certaines situations, peut être établi d’après une combinaison de facteurs. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII  406, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.

L’institution soutient que la nature et la portée de la demande d’accès, son objet ainsi que le refus de la personne qui l’a faite d’en réduire la portée permettent de conclure à un abus du droit de faire une demande de communication.

L’institution a notamment précisé dans sa demande d’autorisation que, selon le libellé de la demande d’accès, elle devait mener sa recherche dans les comptes de courriels de chaque employé. De plus, cette recherche ne pouvait pas être effectuée centralement, en raison des restrictions technologiques et juridiques relatives à l’accès au courriel des employés.

L’institution allègue que le ton et le contenu des communications de la personne qui a fait la demande d’accès donnaient l’impression qu’elle n’était pas vraiment intéressée par les documents pertinents, mais qu’elle souhaitait plutôt vexer l’institution en lui faisant effectuer une recherche longue et inutile de documents qui sont strictement personnels et qui ne contribuent pas vraiment à atteindre les objectifs de la Loi.

Selon la Commissaire, la nature ou la portée de la demande d’accès permettent de conclure que la demande est un abus du droit de faire une demande de communication. La demande d’accès visait des courriels (y compris les pièces jointes et les métadonnées), sur une période d’un an, dans lesquels était mentionné le nom unique de la personne qui a fait la demande d’accès. Cette dernière fournissait aussi des exemples de comptes de courriels et d’unités opérationnelles en particulier où des documents pertinents pourraient probablement être trouvés, tout en mentionnant la possibilité que d’autres comptes de courriel contiennent l’information demandée.

La personne qui a fait la demande d’accès a précisé qu’elle ne s’attendait pas à ce que tous les employés aient des documents pertinents et, comme point de départ, elle a précisé des emplacements où elle s’attendait à ce que des documents soient trouvés. Cependant, la personne ne sait pas avec certitude où l’ensemble des documents potentiellement pertinents pourraient se trouver. Le fait qu’elle ne précise pas l’emplacement de tous les documents potentiellement pertinents ne fait pas de la demande un abus du droit de faire une demande de communication.

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle, pour répondre à la demande, il faudrait que chaque employé cherche dans son compte de courriel respectif, je note que la Loi oblige l’institution à faire une recherche raisonnable de documents répondant à la demande. L’institution n’a pas expliqué sur quoi elle se fondait pour suggérer que les seuls moyens par lesquels elle pourrait satisfaire à cette obligation étaient d’effectuer des recherches dans le compte de courriel de chacun de ses employés. L’institution n’a pas non plus fourni d’information concernant le temps qu’il faudrait à un ou des employé(s) pour chercher l’information demandée dans leur compte de courriel.

En outre, la Commissaire a conclu que le refus de la personne qui a fait la demande d’accès de fournir de l’information permettant de réduire la portée de la recherche ne constitue pas un abus du droit de faire une demande de communication. Il convient de répéter qu’une institution qui reçoit une demande d’accès est tenue de faire une recherche raisonnable de documents. Bien qu’une personne qui fait une demande d’accès ne puisse pas ordonner à une institution de faire un type de recherche donné pour respecter cette obligation, la demande n’est pas pour autant abusive parce que la personne exprime son point de vue ou son opinion quant à la recherche qui peut ou devrait être effectuée selon elle.

Pour ce qui est du nombre de documents potentiellement pertinents, rien n’indique que l’institution a entrepris des recherches pour vérifier l’exactitude de sa projection.

Il n’y avait aucune preuve que la personne qui a fait la demande d’accès n’était pas intéressée par les documents pertinents. Il n’y avait également aucune preuve que la personne souhaitait vexer l’institution en lui faisant effectuer une recherche longue et inutile de documents à des fins inappropriées, comme celle-ci l’alléguait.

La demande d’accès ne constitue aucunement un abus du droit de faire une demande de communication, parce que les renseignements demandés sont les renseignements personnels de la personne qui a fait la demande d’accès. La Loi a pour objet « d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions ». Une demande d’accès à des renseignements sur soi-même relevant d’une institution ne va pas à l’encontre de cet objet et ne prouve pas que la demande est un abus du droit de faire une demande de communication.

L’institution ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande constituait un abus du droit de faire une demande de communication.

Résultat

La Commissaire a rejeté la demande d’autorisation. L’institution est tenue de donner suite à la demande d’accès.

Date de modification :
Déposer une plainte