Service correctionnel Canada (Re), 2022 CI 56

Date : 2022-02-07
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-05665
Numéro de dossier de l’institution : A-2017-00460

Sommaire

La partie plaignante allègue que Service correctionnel Canada (SCC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en réponse à une demande d’accès en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et 21(1)a) (avis ou recommandations) de la Loi sur l’accès à l’information. Un contrat établi entre SCC et un tiers, à savoir Presidia Security Consulting Inc. (Presidia), est au centre de cette demande. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Au cours de l’enquête, SCC a décidé de ne plus invoquer l’alinéa 21(1)a) et d’effectuer une communication supplémentaire suivant la réponse à la demande. La Commissaire à l’information demeurait d’avis que les exceptions visant certains des renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) et de l’article 20 étaient aussi incorrectement appliquées. SCC était aussi d’accord que des renseignements non communiqués auparavant suivant le paragraphe 19(1) ne satisfaisaient pas aux critères des exceptions en question sur certaines pages, mais il maintenait son application de l’article 20.

La Commissaire à l’information a donc ordonné à la Commissaire du Service correctionnel du Canada de communiquer la partie plaignante les renseignements précis n’ayant pas été communiqués auparavant suivant le paragraphe 19(1) et l’article 20. À la suite de cette ordonnance, SCC a communiqué les renseignements supplémentaires.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Service correctionnel Canada (SCC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en réponse à une demande d’accès, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et 21(1)a) (avis ou recommandations) de la Loi sur l’accès à l’information. Un contrat établi entre SCC et un tiers, à savoir Presidia Security Consulting Inc. (Presidia), est au centre de cette demande.

Enquête

[2]      Au cours de l’enquête, SCC a décidé de ne plus invoquer l’alinéa 21(1)a) après avoir reconnu que, dans certains cas, les renseignements ne satisfaisaient pas aux critères relatifs aux renseignements personnels, comme le prévoit le paragraphe 19(1). De ce fait, le SCC est prêt à communiquer l’information suivante : tous les renseignements visés antérieurement par l’exception énoncée à l’alinéa 21(1)a) de même que certaines adresses de courriel et certains noms d’individus visés antérieurement par l’exception énoncée au paragraphe 19(1). Cela dit, SCC maintient son recours au paragraphe 19(1) ainsi qu’aux alinéas 20(1)b) et 20(1)c) pour refuser de communiquer les autres renseignements.

[3]      Le Commissariat à l’information a demandé à Presidia de présenter des observations, notamment sur l’application de l’article 20. Ces observations sont examinées en détail ci-dessous.

[4]      En vertu de la Loi, il incombe aux parties s’opposant à la communication de justifier un refus de donner accès à l’information. Après avoir examiné les observations présentées au Commissariat, je suis convaincue que SCC a correctement appliqué la Loi aux autres renseignements, à l’exception des renseignements figurant à la page 337 qui n’ont pas été communiqués suivant l’article 20. Je demeure convaincue que ceux-ci ne satisfont pas aux critères des exceptions respectives prévues par la Loi.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[5]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[6]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[7]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[8]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[9]      Pour étayer l’application de l’exception aux autres renseignements qui n’ont pas été communiqués suivant le paragraphe 19(1), SCC a fait valoir que leur communication pourrait raisonnablement permettre d’identifier certains individus. 

[10]    Après avoir examiné les renseignements en question et les observations reçues, je suis convaincue qu’il s’agit de renseignements personnels concernant un ou des individus identifiables ou de renseignements qui pourraient permettre d’identifier un ou des individus. Je suis également convaincue que les renseignements ne sont pas assujettis à l’une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».  

[11]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que SCC a correctement appliqué l’exception aux autres renseignements, conformément au paragraphe 19(1).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[12]    En vertu du paragraphe 19(2), SCC devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les autres renseignements lorsqu’une ou plusieurs des circonstances énoncées dans ce paragraphe existaient.

[13]    SCC a fourni une justification détaillée expliquant pourquoi les circonstances du paragraphe 19(2) n’existaient pas en l’espèce :

  • il a donné des motifs précis expliquant pourquoi il n’aurait pas été approprié de demander le consentement de l’individu ou des individus que les renseignements personnels concernent;
  • il a montré que le public n’y a pas accès;
  • il a démontré que la communication des renseignements n’est pas conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[14]    Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas. Il n’était donc pas nécessaire pour SCC d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[15]    L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[16]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[17]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[18]    Les institutions doivent aussi exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[19]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[20]    Cette exception a été appliquée aux renseignements d’une enquête et a été invoquée en parallèle avec l’alinéa 20(1)c).

[21]    D’après les observations reçues de SCC et de Presidia, je suis d’avis que les autres renseignements qui n’ont pas été communiqués suivant l’alinéa 20(1)b) satisfont aux critères de l’exception, à l’exception des renseignements figurant à la page 337.

[22]    Selon SCC, les renseignements figurant sur cette page précise pourraient être considérés comme des renseignements commerciaux. Il ajoute que Presidia ne souhaite peut-être pas que ses concurrents connaissent le processus par lequel elle mène ses enquêtes en tant que tiers. Je constate néanmoins que, dans ses propres observations, Presidia n’a fourni aucune justification pour étayer l’affirmation selon laquelle ces renseignements constituent des renseignements commerciaux. De ce fait, je ne suis pas convaincue que ces renseignements satisfont au premier critère de l’alinéa 20(1)b).

[23]    De plus, les observations de SCC et de Presidia ne démontrent pas comment les renseignements figurant à la page 337 sont objectivement confidentiels et ne démontrent pas si Presidia les a toujours traités comme tels. De ce fait, je ne suis pas convaincue que les deuxième et quatrième critères ont été remplis.

[24]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements figurant à la page 337 qui n’ont pas été communiqués ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[25]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[26]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers importants pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[27]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[28]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[29]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[30]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[31]    Cette exception a été appliquée aux renseignements d’une enquête et a été invoquée en parallèle avec l’alinéa 20(1)b).

[32]    D’après les observations reçues de SCC et de Presidia, je suis d’avis que les renseignements qui n’ont pas été communiqués suivant l’alinéa 20(1)c) satisfont aux critères de l’exception, à l’exception des renseignements figurant à la page 337.

[33]    En ce qui a trait aux renseignements figurant sur cette page précise, je constate que ni Presidia ni SCC n’ont expliqué comment l’alinéa 20(1)c) peut être invoqué pour les protéger. À cette fin, il n’est pas clair comment la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers pour Presidia et/ou comment elle pourrait nuire à sa compétitivité. Rien n’indique non plus que ce risque de préjudice soit raisonnablement susceptible de se produire.

[34]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Résultat

[35]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information, j’ordonne à la commissaire du Service correctionnel du Canada ce qui suit :

  • Communiquer tous les renseignements des documents pertinents figurant aux pages précisées ci-après que SCC a déjà convenu de divulguer : 14, 50, 81, 94, 113, 126, 142, 143, 144, 146, 155, 189, 227, 255, 302, 304, 310, 311, 327, 337, 338, 339, 340, 345, 346, 347, 358-361, 376, 399, 401, 429, 488 et 505.
  • Communiquer tous les renseignements des documents pertinents figurant à la page 337 qui n’ont pas été communiqués auparavant suivant l’article 20.
  • Envoyer une copie de la lettre de réponse au Greffe du Commissariat à l’information par courriel ( Greffe-Registry@oci-ci.gc.ca ).

Le 6 décembre 2021, j’ai transmis à la commissaire de SCC mon rapport dans lequel je présentais l’ordonnance que j’avais l’intention de rendre.

Le 14 janvier 2022, la commissaire de SCC m’a avisée qu’elle donnerait suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à Presidia.

L’article 41 de la Loi confère à tous les destinataires du présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante et l’institution doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celle-ci n’exerce pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prendra effet conformément au paragraphe 36.1(4).

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