Gendarmerie royale du Canada (Re), 2025 CI 29

Date : 2025-04-29
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-03252
Numéro de la demande d’accès : A-2021-05884

Sommaire

La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux) et 19(1) (renseignements personnels) ainsi que de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir des renseignements concernant la partie plaignante qui datent approximativement de la fin des années 2000. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

L’enquête a permis de confirmer que les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1), de l’article 23 ainsi que certaines parties des renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 13(1) satisfaisaient aux critères de l’exception visée. La Commissaire à l’information a toutefois conclu que certains des renseignements non communiqués ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 13(1). Elle a aussi conclu que la GRC n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour demander le consentement des organismes gouvernementaux d’où les renseignements avaient été obtenus, comme l’exige le paragraphe 13(2), pour décider de communiquer les renseignements visés par l’exception prévue au paragraphe 13(1). 

La Commissaire a ordonné à la GRC de communiquer les renseignements qui ne satisfont pas aux critères du paragraphe 13(1). Elle lui a aussi ordonné de demander le consentement des organismes gouvernementaux, conformément au paragraphe 13(2), et, s’il est donné, d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements.

La GRC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite aux ordonnances.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux) et 19(1) (renseignements personnels) ainsi que de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir des renseignements concernant la partie plaignante qui datent approximativement de la fin des années 2000. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]        Le Commissariat à l’information mène une enquête distincte sur l’allégation de la partie plaignante selon laquelle la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la même demande d’accès (5822-04558).

Enquête

[3]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

Paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux

[4]        Le paragraphe 13(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux.

[5]        Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • Les renseignements ont été obtenus de l’un des organismes gouvernementaux suivants :
    • un gouvernement ou un organisme d’un État étranger;
    • une organisation internationale d’États ou un de ses organismes;
    • un gouvernement ou un organisme provincial;
    • une administration ou un organisme municipal ou régional;
    • un gouvernement ou un conseil autochtone mentionné au paragraphe 13(3).
  • Les renseignements ont été obtenus de l’organisme gouvernemental à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.

[6]        Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 13(2)) existent :

  • l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
  • l’organisme gouvernemental les a déjà rendus publics.

[7]        Lorsque l’une ou l’autre de ces circonstances ou les deux existent, le paragraphe 13(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[8]        La GRC a refusé de communiquer des courriels échangés entre des membres de la GRC et une organisation internationale en vertu de l’alinéa 13(1)b); ces courriels se trouvent aux pages 821-846.

[9]        Je conviens que les courriels envoyés par l’organisation internationale à la GRC ont été obtenus d’une organisation internationale d’États ou d’un de ses organismes.

[10]      Je n’accepte pas que les courriels rédigés par les membres de la GRC répondent à ce critère. Dans la mesure où certaines parties de ces courriels correspondent à des renseignements fournis par l’organisation internationale (première phrase du deuxième paragraphe du courriel se trouvant aux pages 823, 829 et 837), je conviens que les renseignements peuvent être considérés comme ayant été obtenus d’une organisation internationale.

[11]      Cependant, les courriels qui restent ne peuvent être considérés comme ayant été « obtenus », au sens de l’alinéa 13(1)b).

[12]      Par conséquent, je conclus que les courriels envoyés par les membres de la GRC à partir de leurs adresses de courriel au travail n’ont pas été obtenus d’une organisation internationale.

[13]      De plus, la GRC a refusé de communiquer, en vertu de l’alinéa 13(1)d), des parties du casier judiciaire de la partie plaignante de même que des renseignements liés à une enquête se trouvant aux pages 11-12, 112, 569, 575 et 679. Je conviens que ces renseignements ont été fournis par un organisme municipal de services de police, ce qui satisfait au premier critère.

[14]      En ce qui concerne le dernier critère du paragraphe 13(1), la GRC doit démontrer la nature confidentielle des renseignements en cause. Elle a expliqué qu’elle dispose d’une entente avec d’autres organismes de services de police visant à protéger tout renseignement fourni et que la divulgation des renseignements pourrait nuire aux relations avec ces organismes ou même les rompre. De plus, la GRC a fourni une copie de son entente d’échange de renseignements avec l’organisme de services de police, ce qui confirme le fait que les renseignements sont échangés en toute confidentialité.

[15]      Je conclus que les renseignements reçus de l’organisme municipal de services de police et de l’organisation internationale ont été obtenus d’organismes gouvernementaux à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[16]      Étant donné que certains des renseignements satisfont aux critères du paragraphe 13(1), la GRC était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 13(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

  • l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
  • l’organisme a déjà rendu les renseignements publics lorsqu’il a répondu à la demande d’accès.

[17]      Je conviens que les renseignements n’ont pas été rendus publics par les organismes gouvernementaux compétents de manière à permettre la communication en vertu de l’alinéa 13(2)b).

[18]      Cependant, en vertu de l’alinéa 13(2)a), la GRC devait faire des efforts raisonnables pour demander le consentement des organismes gouvernementaux d’où les renseignements avaient été obtenus. De son avis, le fait de demander le consentement des organismes gouvernementaux compromettrait sa capacité à maintenir de bonnes relations. La GRC n’a toutefois pas expliqué de façon convaincante comment le simple fait de consulter d’autres organismes gouvernementaux sur la question du consentement pourrait raisonnablement engendrer un tel résultat.

[19]      Compte tenu de ce qui précède, il était déraisonnable pour la GRC de ne pas avoir demandé le consentement des organismes gouvernementaux dans le but d’établir si les circonstances permettaient ou non la divulgation en vertu de l’alinéa 13(1)a).

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[20]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[21]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[22]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[23]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[24]      La GRC a appliqué le paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer des renseignements d’individus identifiables autres que la partie plaignante, comme leurs coordonnées, des renseignements sur leur santé et des documents sur leurs interactions avec la GRC.

[25]      Je conviens que les renseignements concernent des individus, qu’il y a une possibilité sérieuse que la communication des renseignements permette d’identifier ces individus et que les renseignements ne sont pas assujettis à l’une des exceptions prévues à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».

[26]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[27]      Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), la GRC devait raisonnablement établir si au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) permettait la divulgation et, le cas échéant, était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements.

[28]      Je conviens que les circonstances décrites au paragraphe 19(2) n’existaient pas :

  • il n’aurait pas été approprié de demander le consentement des individus que les renseignements personnels concernent, compte tenu de la nature des documents;
  • les renseignements ne sont pas accessibles au public;
  • la communication des renseignements ne serait pas conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[29]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les circonstances prévues au paragraphe 19(2) n’existaient pas lorsque la GRC a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question ayant trait au pouvoir discrétionnaire.

Article 23 : secret professionnel de l’avocat

[30]      L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client.

[31]      Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[32]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[33]      La GRC a refusé de communiquer deux phrases se trouvant à la page 111, en vertu de l’article 23.

[34]      Je conviens que les renseignements consistent en des communications entre des clients et leur avocat concernant des avis juridiques, et que les communications étaient destinées à être confidentielles.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire?

[35]      Étant donné que les renseignements satisfont aux critères de l’article 23, la GRC était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, elle devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[36]      La décision prise par une institution de ne pas communiquer l’information doit être transparente, intelligible et justifiée. L’explication de l’institution est suffisante lorsque cette dernière précise comment la décision a été prise et que les documents relatifs au processus décisionnel permettent de comprendre pourquoi l’institution a procédé comme elle l’a fait.

[37]      La GRC a mentionné qu’elle a pris en considération la question de savoir si les renseignements étaient visés par l’exception et si la communication allait créer un sentiment de méfiance entre les parties. Elle a aussi pris en considération l’intérêt public dans la communication. En fin de compte, la GRC a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser de communiquer les renseignements en cause.

[38]      Je conclus que la GRC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, le pouvoir discrétionnaire qu’elle a exercé était raisonnable.

Résultat

[39]      La plainte est fondée.

Ordonnances

J’ordonne au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ce qui suit :

  1. Communiquer tous les renseignements qui ne satisfont pas aux critères du paragraphe 13(1). Ces renseignements se trouvent aux pages 822-823, 825-829, 831-834, 836-837 et 839-846.
  2. Demander le consentement et, s’il est donné, exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements qui satisfont aux critères du paragraphe 13(1). Ces renseignements se trouvent aux pages 11-12, 112, 569, 575, 679 et dans des parties des pages 821-824, 828-830, 834-838.

Rapport et avis de l’institution

Le 31 mars 2025, j’ai transmis au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 25 avril 2025, le directeur général de la Sous-direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée, au nom du ministre de la Sécurité publique, qu’il avait l’intention de donner suite aux ordonnances dans leur intégralité.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

 

Date de modification :
Déposer une plainte