Ministère de la Justice Canada (Re), 2020 CI 5

Date : 2020-06-25
Numéro de dossier du Commissariat : 3215-00879
Numéro de dossier de l’institution : A-2015-00288

Sommaire

[1]      La plainte contestait la décision par le ministère de la Justice Canada (Justice) de ne pas divulguer dans son entièreté le contenu d’un protocole d’entente pour la prestation de services juridiques aux termes de l’article 23 (avis juridique et privilège relatif au litige) de la Loi sur l’accès à l’information. Justice n’a pas démontré que l’article 23 s’appliquait à l’entièreté du document en cause et, plus particulièrement, que les renseignements d’identification généraux comme le titre du protocole d’entente et les blocs de signature sont protégés par le secret professionnel de l’avocat. Il a également été déterminé que Justice avait renoncé au secret professionnel de l’avocat concernant certains renseignements dans le protocole d’entente et que ces renseignements n’étaient donc plus protégés. La plainte est fondée. La Commissaire à l’information recommande que Justice divulgue une partie des renseignements et Justice a communiqué son intention de donner suite à la recommandation.

Plainte

[2]      La plainte contestait la décision par le ministère de la Justice Canada (Justice) de ne pas divulguer dans son entièreté le contenu d’un protocole d’entente en vertu de l’article 23 (avis juridique et privilège relatif au litige). Il s’agit d’un protocole d’entente entre Justice et le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pour la prestation de services juridiques.

Enquête

Article 23 : Avis juridique et privilège relatif au litige

[3]      L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège du litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

Pour invoquer cette exception relativement à un avis juridique, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[4]      Lorsque ces exigences sont satisfaites, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[5]      L’enquête a démontré qu’une partie des renseignements satisfait aux critères de l’exception.

[6]      Justice a invoqué le secret professionnel sous la forme du privilège relatif à l’avis juridique pour le protocole d’entente et son addenda.

[7]      Le protocole d’entente et son addenda constituent un mandat de représentation en justice établissant la gouvernance, le prix et le régime de rendement qui régissent la relation entre la Défense nationale et Justice. Ils seraient donc normalement assujettis au secret professionnel de l’avocat.

[8]      Cependant, l’article 23 ne s’applique pas à l’entièreté du document en cause. Les renseignements d’identification généraux qui figurent dans le protocole d’entente ne satisfont pas aux exigences de l’exception et ne sont pas protégés par le secret professionnel de l’avocat. Cela comprend le titre du protocole d’entente et les blocs de signature des sous-ministres qui l’ont signé. 

[9]      De plus, Justice avait précédemment renoncé au secret professionnel de l’avocat concernant de petites parties du protocole d’entente, qui se trouvent dans deux documents publiés par Justice en mars 2015 et en janvier 2017 :

[10]    Le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas à des renseignements pour lesquels le secret professionnel a été levé (S&K Processors Ltd. v. Campbell Ave. Herring Producers Ltd., 1983 CanLII 407 (BC SC), par. 6.). 

[11]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements d’identification généraux et les renseignements pour lesquels le secret professionnel a été levé ne satisfont pas aux critères de l’article 23.

[12]    L’article 25 de la Loi exige que les parties dépourvues de renseignements faisant l’objet d’une exception en vertu de la Loi soient prélevées de l’information faisant l’objet d’une exception lorsqu’il est raisonnablement possible de le faire (Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, par. 229-238.). Je suis d’avis que Justice n’a pas communiqué tous les renseignements qu’il aurait pu prélever de l’information faisant l’objet d’une exception, tel que l’exige l’article 25.

[13]    L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire relativement à la communication de l’information?

[14]    Justice devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire relativement à la communication de l’information protégée par l’article 23. Ce faisant, il devait tenir compte de tous les facteurs pertinents pour et contre la communication (Canada (Commissariat à l’information) c. Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95, par. 83). 

[15]    Selon les observations de Justice et la preuve dont je dispose, j’estime que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte par Justice lors de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Donc, dans la mesure où le secret professionnel de l’avocat s’applique au reste du document, j’estime que Justice a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer le reste de l’information en cause.

[16]    Cela dit, dans l’esprit de transparence et de responsabilité qui sous-tend la Loi, j’ai informé le ministre de la Justice que, à mon avis, l’exercice du pouvoir discrétionnaire devrait être revu en vue de communiquer le reste des renseignements protégés par l’article 23. Cela signifie prendre en compte les points suivants : le protocole d’entente est un document standard et le mandat de Justice en tant que principal fournisseur de services juridiques des ministères fédéraux est largement reconnu.

Résultats

[17]    La plainte est fondée.

Recommandation

[18]    Le 13 février 2020, j’ai transmis à Justice mon rapport, dans lequel je présentais ma conclusion et mes recommandations concernant la communication d’une partie du document.

[19]    J’ai recommandé que Justice :

  1. communique tous les renseignements d’identification généraux, y compris le titre et les blocs de signature, qui n’avaient pas été communiqués originalement;
  2. communique tous les renseignements pour lesquels le secret professionnel de l’avocat a été levé dans les rapports de vérification de 2015 et 2017;
  3. revoit son exercice du pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des considérations soulevées dans mon rapport.

[20]    Le 5 mars 2020, Justice a donné avis qu’il donnerait suite à mes recommandations et communiquerait tous les renseignements d’identification généraux et tous les renseignements pour lesquels le secret professionnel de l’avocat a été levé.

[21]L’article 41 de la Loi confère au plaignant qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Le plaignant doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

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