Lettre au Comité ETHI : Mécanisme de financement (Mai 2023)

Le 5 mai 2023

John Brassard, député
Président du Comité permanent de l’accès à l’information,
de la protection des renseignements personnels et de l’éthique
Chambre des communes
131, rue Queen, 6e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

Monsieur le Président,

Par la présente, je souhaite suggérer que soit ajoutée au rapport final de l'étude de votre comité sur les systèmes d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels une recommandation portant précisément sur la nécessité de mettre en place un mécanisme de financement indépendant pour le Commissariat à l'information du Canada.

Comme je l'ai mentionné lors de précédentes comparutions devant votre comité, le mode de financement du Commissariat se doit de refléter mon indépendance. Compte tenu du rôle que je joue au sein du système d'accès à l'information, la crédibilité du Commissariat repose sur cette indépendance.

Comme vous le savez, dans le cadre du modèle actuel, c'est le gouvernement en place, et non le Parlement, qui fixe les niveaux de financement du Commissariat et examine les demandes de financement que je soumets. Cet état de choses a des conséquences très concrètes sur mes opérations. Cela signifie que je dois présenter des demandes de financement supplémentaire par l'intermédiaire du ministre responsable d'un ministère dont j’assure la surveillance. Ces demandes doivent actuellement être formulées de manière à ce qu’elles contribuent aux « priorités du gouvernement » et à d’autres aspects qui ne devraient pas être des facteurs déterminants pour l’octroi d’un tel financement. La question de savoir si ces demandes sont acceptées ou non passe au second plan par rapport à la véritable question : le simple fait de devoir passer par des organismes centraux pour obtenir un financement peut créer l’apparence d’un conflit d’intérêts potentiel ou réel dans la conduite de mes enquêtes. 

Un modèle de financement indépendant pour le Commissariat et pour d'autres agents du Parlement ne constitue pas une nouveauté. En effet, certains de mes collègues opèrent déjà selon un tel modèle et ont largement démontré qu'en respectant les normes les plus élevées en matière de gestion des fonds publics et en incluant les mesures de contrôle nécessaires, ils peuvent garantir une utilisation optimale des ressources à leur disposition. 

Ce n'est par ailleurs pas la première fois que le Parlement s'intéresse à cette question. Le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la 38e législature a publié un rapport en mai 2005 dans lequel il recommandait la création d'un organe parlementaire chargé d’établir le budget destiné au financement de tous les agents du Parlement.

Ce rapport a mené à la création du Groupe consultatif sur le financement et la surveillance des hauts fonctionnaires du Parlement dans le cadre d'un projet pilote pluriannuel visant à évaluer les demandes de financement des agents du Parlement, y compris celles provenant du Commissariat à l’information. Le rapport Corbett publié en 2008 a recommandé que ce modèle soit maintenu de manière permanente, mais cette recommandation est malheureusement restée sans suite.

En 2019, les agents du Parlement ont abordé cette question de nouveau dans une lettre commune adressée à M. Michael Wernick, alors greffier du Conseil privé. Les efforts déployés pour établir un dialogue avec le greffier sur l'engagement pris dans la lettre de mandat du leader du gouvernement à la Chambre des communes de « veiller à ce que les agents du Parlement soient correctement financés et ne rendent compte qu'au Parlement, et non au gouvernement en place » n'ont pas non plus débouché sur des résultats concrets.

Compte tenu des divers défis auxquels est confronté le système d'accès, il apparaît évident que la présence d'un organisme de surveillance indépendant et fiable, rendant compte uniquement devant le Parlement, est une nécessité. Dans le contexte actuel, certains pourraient douter du degré d'indépendance du Commissariat dans la mesure où son financement dépend de la bonne volonté du gouvernement.

Je crois que vous conviendrez qu'en ce qui concerne le modèle de financement du Commissariat, le statu quo doit être remis en question. Il y a près de vingt ans, le rapport du Comité ETHI a clairement plaidé en faveur de ce changement :

Il ne fait pas de doute que l’actuel processus d’établissement des budgets des hauts fonctionnaires du Parlement soulève de graves préoccupations. Le Comité estime qu’on ne peut se contenter du statu quo. La situation présente laisse à tout le moins croire que les fonctions cruciales de ces hauts fonctionnaires pourraient être entravées par des restrictions budgétaires imposées par l’organisme même dont ils sont chargés de scruter les actions.

C’est donc avec respect que je suggère que le rapport final de votre étude mette en évidence ce changement nécessaire, et ce, dans l'intérêt du droit d'accès et de la crédibilité de nos institutions démocratiques.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.

Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

c.c. :   Mme Iqra Khalid, première vice-présidente
          Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique

          René Villemure, deuxième vice-président
          Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique

          Mme Nancy Vohl, greffière
          Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique

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