Discours sur le projet de loi C-58

Comparution devant le Comité sénatorial permanent sur les affaires juridiques et constitutionnelles (LCJC)

par Caroline Maynard, commissaire à l'information du Canada

Le 17 octobre 2018
Ottawa (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)


Introduction

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Je vous remercie de m’offrir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre examen du projet de loi C-58.

Je suis accompagnée par deux responsables de mon bureau, mesdames Allison Knight, directrice principale des enquêtes, et Jacqueline Strandberg, gestionnaire des politiques et affaires parlementaires.

Permettez-moi de débuter en vous disant que je suis heureuse que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour moderniser la Loi sur l’accès à l’information.  Bien que nous puissions avoir différents points de vue sur ce que cette modernisation devrait être, nous pouvons tous nous entendre sur le fait que 35 ans d’attente pour des modifications législatives est beaucoup trop long  et nous devons reconnaitre que la Loi n’est plus à jour. La Loi sur l’accès à l’information n’est pas adaptée à la réalité de 2018, c’est-à-dire au gouvernement numérique.

Je considère ce projet de loi comme marquant le début d’un processus continu visant à mettre à jour la Loi sur l’accès à l’information. La version du projet de loi que nous avons devant nous aujourd’hui représente une nette amélioration par rapport à celle qui avait initialement été déposée à la Chambre des communes et que certains, incluant ma prédécesseure, qualifiaient avec raison comme étant régressive.

La Chambre des Communes a apporté 14 modifications au projet de loi.  Des modifications qui avaient été demandées par divers intervenants.
Parmi celles-ci, figure la modification qui me permettrait de publier des ordonnances et une autre qui exigerait que les institutions obtiennent une autorisation écrite de la part du commissaire avant de refuser une demande. Ces modifications sont améliorations appréciables.

À mon avis, toutefois, de nouvelles modifications sont encore nécessaires pour que le projet de loi C-58 représente une nette amélioration par rapport au statu quo. Aujourd’hui, mes remarques porteront sur ces modifications.

Recommandations pour l’amélioration du projet de loi

Je crois comprendre que le Commissariat a déjà remis à ce Comité une copie d’une lettre que j’ai rédigée à l’intention du président du Conseil du Trésor, qui présente des recommandations spécifiques visant à améliorer le projet de loi, ainsi qu’une lettre, que j’ai écrite conjointement avec le commissaire à la protection de la vie privée, à l’intention du président du Conseil du Trésor.

Dans ces lettres, j’ai formulé quatre propositions visant à améliorer ce projet de loi. J’espère que vous prendrez ces mêmes propositions en considération.

Premièrement, je recommande le retrait des trois nouvelles exigences ajoutées à l’article 6 de la Loi que les demandeurs doivent respecter lorsqu’ils formulent une demande d’accès à l’information. Les groupes autochtones et les défendeurs du droit à l’accès ont aussi fait cette recommandation, et cette dernière a reçu l’appui du président du Conseil du Trésor.

Selon moi, ces nouvelles exigences créent des obstacles inutiles au droit d’accès et pourraient empêcher la formulation de demandes.

Elles présument que les demandeurs possèdent une compréhension professionnelle des rouages du gouvernement ou au moins une connaissance préalable du document auquel ils souhaitent accéder. Or, ce n’est pas toujours le cas pour bien des demandeurs.

La mise en œuvre de ces nouvelles exigences limiterait le droit d’accès et réduirait la transparence.

Deuxièmement, je recommande le retrait de la période de transition d’un an relative aux nouveaux pouvoirs de surveillance du commissaire à l’information, afin que toutes les plaintes formulées après que le projet de loi ait reçu la sanction royale soient ainsi assujetties au nouveau modèle de surveillance. Faire abstraction de cette recommandation ferait en sorte que le Commissariat devrait composer avec des systèmes d’enquête parallèles, ce qui, selon moi, entraînerait des coûts, des complications et des retards inutiles. Le président du Conseil du Trésor a également offert son appui à cette recommandation.

Troisièmement, je recommande que certaines dispositions mettant en jeu la participation du commissaire à la protection de la vie aux enquêtes sur l’accès soient modifiées afin de garantir un juste équilibre entre le droit des Canadiens à la protection de la vie privée et leur droit à l’accès en temps opportun. Le commissaire à la protection de la vie privée et moi-même avons élaboré cette recommandation et sommes d’accord que sa mise en œuvre n’entraînerait pas de fardeau administratif supplémentaire pour nos commissariats. Le président du Conseil du Trésor appuie également cette recommandation.

Pour ce qui est de ma recommandation finale, je suggère que toute ordonnance du commissaire à l’information puisse faire l’objet d’une certification par la Cour fédérale.

Le projet de loi C-58 ne comprend aucun mécanisme pour que les ordonnances du commissaire à l’information soient certifiées par la Cour fédérale. Cela signifie qu’outre la possibilité de présenter une demande de mandamus, c’est-à-dire de demander à la Cour fédérale d’ordonner à une institution fédérale d’accomplir une action, le projet de loi C-58 ne prévoit aucun recours pour traiter les situations où une institution décide simplement de ne pas se conformer à une ordonnance du commissaire à l’information.

Une telle procédure ne se résume pas à une approbation automatique. Elle nécessite la tenue d’une audience et se termine par une décision de la Cour.

Selon moi, une disposition de la Loi visant la certification des ordonnances du commissaire à l’information constitue le mécanisme législatif le plus simple et le plus efficace pour garantir que les ordonnances soient contraignantes, et permet de garantir, aux demandeurs et à moi-même, que les ordonnances du commissaire soient respectées.

Conclusion

À titre de commissaire à l’information, j’ai la responsabilité de veiller à ce que la Loi sur l’accès à l’information soit appliquée correctement.

Avec les quatre modifications clés que je vous ai suggérées aujourd’hui, je suis d’avis que le projet de loi m’accordera de meilleurs outils et pouvoirs afin que je puisse m’assurer que le droit d’accès soit respecté et que les institutions se conforment à la Loi.

Je dois toutefois ajouter que, malgré ces modifications, le projet de loi C-58 ne peut à lui seul remédier aux retards généralisés dans le système d’accès.  Du financement suffisant, des ressources supplémentaires, de meilleurs processus, de la formation et des outils technologiques sont nécessaires afin de s’acquitter de l’obligation d’accès en temps opportun.

De plus, je suis d’avis que d’autres modifications à la Loi seront nécessaires afin que le gouvernement du Canada puisse réaffirmer son rôle de chef de file pour ce qui est d’un gouvernement ouvert et transparent et qui sert de modèle à l’ensemble des pays démocratiques.

Un des éléments les plus importants du projet de loi est l’examen qui devra être mené dans l’année suivant la sanction royale, et les examens subséquents qui auront à tous les cinq ans par la suite. Ces examens périodiques permettront aux divers intervenants d’examiner plus en profondeur la Loi et de formuler des recommandations supplémentaires pour les autres aspects de la Loi qui ne sont pas visés par le projet de loi, mais qui se doivent d’être mis à jour.

Par exemple, nous nous attendons à ce que le gouvernement examine les exceptions et exclusions prévues par la Loi dans une optique d’accroitre la transparence, et la nécessité d’avoir une obligation de documenter prévue dans la loi.

Pour terminer, je tiens à remercier les membres du comité de m’avoir donné l’occasion d’exprimer mon point de vue sur le projet de loi C-58. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Merci.

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