Document d’information sur une obligation de documenter

 

Le 25 janvier 2016

Pourquoi une obligation de documenter?

Le droit d’accès à l’information est intimement lié à la documentation par les organismes du secteur public de leurs principales activités et décisions. Chaque année, les commissaires à l’information au Canada enquêtent sur des plaintes relatives à l’inexistence de documents parce que ceux-ci n’ont jamais été créés. Une culture émergente de prise de décisions sans trace écrite compromet l’obligation de rendre des comptes au public, les archives et la confiance des citoyens.

De plus, la gestion documentaire au 21e siècle est complexifiée par l’utilisation répandue des nouvelles technologies de communication, par le volume et la variabilité de la nature des documents et par des nouvelles pratiques comme celle « d’apporter vos appareils personnels ». Ces changements compliquent la gestion documentaire et l’accessibilité des documents.

Une obligation de documenter répond à ces préoccupations en établissant, pour les fonctionnaires et les responsables, l’obligation de créer un dossier complet et exact des activités importantes d’une organisation. Les dossiers doivent être conservés adéquatement afin de préserver leur intégrité et être facilement récupérables lorsqu’ils font l’objet de demandes d’accès à l’information.

Grâce à la création de dossiers qui expliquent le « quoi » et le « pourquoi » des décisions prises par les organismes du secteur public, une obligation de documenter promeut l’imputabilité, la transparence, la bonne gouvernance et la confiance du public.

Les Canadiens souhaitent une obligation de documenter

Une enquête nationale de 2014, commandée par l’organisme Journalistes canadiens pour la liberté d’expression, a permis de constater que 75 % des répondants sont soit d’accord, soit plutôt d’accord pour dire que « les fonctionnaires fédéraux devraient être tenus par la loi de créer un dossier permanent et récupérable de leurs délibérations et de leurs décisions au travail, y compris quand celles-ci ne sont pas consignées par écritFootnote 1. »

Pendant l’élection fédérale de 2015, une coalition composée de 22 groupes de la société civile a publié une déclaration commune, enjoignant les principaux partis fédéraux à s’engager à réformer le système d’accès à l’information du Canada. Une de leurs principales recommandations a été l’adoption d’une obligation imposée aux « agents publics pour qu’ils conservent l’ensemble des documents relatifs à leurs processus décisionnelsFootnote 2 ». 

Quelle forme une obligation de documenter prendrait-elle?

L’obligation de documenter devrait être prescrite par la loi : une politique ne suffit pas. Cette obligation légale pourrait être intégrée aux lois actuellement en vigueur concernant la gestion documentaire ou l’accès à l’information et la protection de la vie privée.

Il n’est pas nécessaire que l’obligation de documenter soit onéreuse. Elle ne vise pas la création d’un plus grand nombre de dossiers, mais la création et la conservation de documents pertinents. Les documents à créer dépendront des besoins opérationnels des organismes du secteur public et des attentes de la communauté.

Afin d’être efficace, l’obligation de documenter doit être assortie de pratiques et de normes de gestion documentaires rigoureuses, d’une surveillance par un organisme indépendant et de sanctions en cas de non-conformité.

Les Canadiens peuvent s’inspirer de modèles législatifs internationaux ayant fait leurs preuves en cette matière, dont ceux des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de certains états australiens.Footnote 3

Existe-t-il des exemples d’obligation de documenter au Canada?

Certaines lois canadiennes incluent l’obligation de créer des documents dans des circonstances particulères. Par exemple, la Loi sur les municipalités de l’Ontario exige que les municipalités, les conseils locaux et leurs comités consignent les résolutions, les décisions et les autres délibérationsFootnote 4. Une directive du Conseil du trésor du Canada stipule que les administrateurs généraux doivent « veiller à ce que les décisions et les processus décisionnels soient assortis de toute la documentation justificative nécessaire pour assurer et appuyer la continuité des opérations ministérielles, permettre la reconstitution de l’évolution des politiques et des programmes et permettre la réalisation de vérifications et d’examens indépendantsFootnote 5 ». 

Par contre, il n’y a pas d’obligation légale de documenter dans aucune des lois d’accès à l’information et de gestion de l’information fédérales, provinciales ou territoriales. C’est pourquoi les commissaires à l’information canadiens recommandent l’adoption d’une obligation législative de documenter qui soit complète et qui inclut des dispositions relatives à la surveillance et des sanctions en cas de non-conformité.

Le rôle des commissaires à l’information et à la vie privée du Canada dans la promotion d’une obligation de documenter

Depuis le début des années 1990, les commissaires à l’information fédéraux recommandent, dans leurs rapports annuels, lors des révisions de la Loi sur l’accès à l’information et dans des présentations au Comité permanent de l’accès à l’information, à la protection des renseignements personnels et à l’éthique de la Chambre des communes, l’adoption d’une obligation législative de documenter.

Les commissaires provinciaux et territoriaux ont formulé des recommandations similaires. En 2013, les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée du Canada ont adopté une résolution commune qui exhortait les gouvernements à créer une obligation législative exigeant que tous les organismes du secteur public documentent les questions relatives à leurs délibérations, leurs actions et leurs décisionsFootnote 6.

Les demandes de réforme proviennent également d’experts de partout au pays. En 2015, le comité qui a examiné la législation de Terre-Neuve-et-Labrador en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée a demandé à ce gouvernement d’imposer une obligation de documenterFootnote 7.

En Colombie-Britannique, la commissaire a exhorté le gouvernement d’adopter une obligation de documenter dans plusieurs rapports ainsi que dans sa soumission au Comité spécial qui révise la loi provinciale sur l'accès et la vie privée en 2015.Footnote 8

Et au Québec, la Commission d’accès à l’information a fait une demande similaire au gouvernement dans le cadre des audiences publiques portant sur les orientations gouvernementales relatives à la modernisation de la loi québécoise sur l’accès aux documents.

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