Gravir le mont Everest : Collaboration, communication et enjeux reliés à l’accès Caroline Maynard, Commissaire à l’information du Canada

Discours à la Conférence sur l’accès et la protection des renseignements personnels de 2018

par Caroline Maynard, commissaire à l'information Canada

Le 26 juin 2018
Edmonton (Alberta)

(Le discours prononcé fait foi)


Bonjour,

C’est un plaisir d’être ici dans la belle province de l’Alberta. Mon mari a étudié le droit ici et j’ai visité Edmonton quelques fois dans les années 90 avant de déménager à l’autre bout du Canada pour m’établir à Ottawa et fonder une famille. Nous sommes mariés depuis 20 ans et nous sommes les fiers parents de trois garçons adolescents qui nous gardent occupés. Comme vous pouvez l’imaginer, en dehors du travail je suis une cuisinière et une chauffeuse, mais je suis d’abord et avant tout une hockey mom.

Je suis heureuse d’avoir l’occasion de me présenter et de partager mes réflexions sur l’accès avec vous aujourd’hui. J’aimerais remercier Wayne McDonald pour l’aimable invitation à participer à cette conférence.

Je suis plutôt nouvelle au poste de commissaire à l’information du Canada. J’ai été nommée il y a seulement quatre mois, soit le 1er mars 2018, pour un mandat de sept ans.

J’ai postulé pour le poste en raison de mon expérience avec l’accès à l’information et avec les plaintes et les enquêtes. Le travail semblait être fait pour moi et je crois que le gouvernement le pensait aussi.

À titre d’information, j’ai reçu un baccalauréat en droit de l’université de Sherbrooke en 1994 et j’ai pratiqué brièvement le droit dans le secteur privé. J’ai ensuite commencé une carrière juridique avec le gouvernement du Canada, travaillant dans des organismes indépendants qui menaient des révisions indépendantes de griefs soumis par les membres de la GRC et des Forces armées canadiennes.

Mon travail quotidien dans ces agences m’a offert un aperçu de la façon de répondre aux besoins des individus en plus d’assurer une révision complète, efficace et impartiale. En tant que conseillère juridique et ensuite présidente pour un tribunal administratif, j’étais souvent amenée à commenter ou appliquer les lois sur l’accès et la protection des renseignements personnels.

Ceux qui me connaissent vont vous dire que je valorise l’intégrité, l’excellence et l’équité. Ces valeurs fondamentales sont devenues de plus en plus importantes au fur et à mesure que je progressais dans ma carrière et ils seront au cœur de tout ce que je ferai dans mon nouveau rôle.

Mes quatre premiers mois en tant que commissaire à l’information ont été très occupés.

Je tente de m’habituer à avoir ma photo prise plus souvent et à voir mon nom dans les journaux de temps en temps.

Je me suis également familiarisée avec mon trajet quotidien de l’autre côté de la rivière depuis Ottawa jusqu’à mon bureau à Gatineau, le tout en jonglant avec nos aventures familiales. Ceci inclut le fait que mon fils le plus âgé vient tout juste d’être repêché par une ligue américaine et il envisage déménager en Alaska pour jouer au hockey junior. En Alberta, l’Alaska ne semble pas être très loin, seulement une province et un territoire nous séparent, mais pour une maman à Ottawa cela semble être l’autre bout du monde.   

Je peux vous dire que je prends mon rôle de commissaire à l’information très au sérieux. En tant que personne sociable, il était très important d’apprendre à connaître mon équipe, et ce, dès le départ. J’ai donc pris la décision de rencontrer chaque employé dans mon bureau durant mes deux premières semaines. Je reconnais que ce n’est pas tous les chefs d’institutions fédérales qui ont l’occasion d’apprendre à connaître personnellement tout le monde dans leur organisme, mais j’ai senti que ce serait la clé pour construire une relation étroite et de confiance. J’ai rapidement constaté que j’ai la chance de travailler avec une équipe incroyable au Commissariat à l’information du Canada. Leur soutien, leur dévouement et leur engagement m’inspirent. J’admire leur expertise et la polyvalence qu’ils démontrent tous les jours. Comme vous pouvez l’imaginer, dans une petite organisation comme la mienne avec seulement 93 employés à temps plein, les gens doivent souvent porter plusieurs chapeaux en même temps. Il n’est pas du tout rare de voir les superviseurs se retrousser les manches pour faire avancer les choses.

Mes expériences et mes observations pendant les quatre derniers mois m’ont aussi permis de déterminer les quatre plus grandes priorités pour la première partie de mon mandat.

Ma priorité principale est celle qui est la plus urgente pour le Commissariat. Nous avons un arriéré d’environ 3 500 plaintes. C’est une augmentation de 23 pour cent depuis l’année précédente.

Les nouvelles plaintes continuent d’affluer. Nous avons enregistré près de 2 600 nouvelles plaintes l’année dernière. C’est 25 pour cent de plus que l’année précédente.

La Loi sur l’accès à l’information exige un accès rapide à l’information. Nous devons faire de notre mieux pour tenir cette promesse et résoudre les plaintes le plus rapidement possible. Les dossiers qui ont cinq ans ne profitent à personne, les demandeurs n’ont pas l’information qu’ils veulent dans les délais qu’ils méritent alors que mes enquêteurs et les institutions fédérales tentent de jongler avec de vieux dossiers et un nombre croissant de nouveaux, et ce, avec des ressources limitées. C’est pourquoi ma priorité principale est de gravir ce que j’ai appelé un mont Everest de plaintes tout en continuant d’enquêter sur les nouvelles plaintes au fur et à mesure qu’elles arrivent. Comme vous pouvez le constater, je ne prévois pas de minimiser ou de banaliser l’étendue du défi à venir !

Étant donné notre taille, la clé du succès pour mon bureau sera d’être plus efficace dans la façon dont nous enquêtons sur les plaintes. Je travaille présentement avec le personnel pour améliorer nos processus d’enquête et augmenter le rendement en nous basant sur les recommandations qui m’ont été faites lors de mes premières discussions avec mon équipe.

Dans mon emploi précédent, j’ai réussi à réduire de façon significative le temps requis pour traiter les griefs militaires. Avec l’aide de mon équipe actuelle, je suis convaincue que nous pouvons faire la même chose pour les Canadiens qui ont déposé une demande en vertu de la Loi et qui croient qu’on leur a refusé de l’information à laquelle ils avaient droit.

Ma première démarche pour traiter les retards fut de créer une équipe de triage. Cette équipe révise les nouvelles plaintes lors de leur arrivée et communique avec les plaignants pour vérifier leurs attentes et les échéanciers. Ce processus s’est avéré utile puisqu’il fournit un point de contact initial et une opportunité de clarifier les détails de la demande.

En plus de l’équipe de triage, j’ai également mis en œuvre quelques changements simples qui rendent déjà nos processus et notre travail plus efficaces. Ces changements comprennent l’inclusion de notre équipe juridique tôt dans le processus, la réduction de la taille des équipes et le changement vers un environnement sans papier. J’ai même commandé un deuxième écran pour les enquêteurs, ce qui a augmenté la vitesse de traitement. Ceci n’est que le début, puisque nous n’avons pas encore révisé le processus actuel d’enquête, mais jusqu’à présent nous avons déjà fermé 70 dossiers de plus que l’année précédente à la même date et les changements sont en place depuis seulement un mois. C’est très encourageant. 

Je travaille également avec mes directeurs afin d’engager et former de nouveaux enquêteurs. Le budget fédéral de 2018 incluait 2,9 millions de dollars en financement pour mon bureau. Malheureusement, ce financement n’est que pour une année, alors nous devons pourvoir les postes permanents vacants et engager rapidement des consultants expérimentés afin de pouvoir résoudre plus de plaintes durant le reste de cet exercice financier.

Ma deuxième priorité est de nous préparer pour la mise en œuvre du projet de loi C-58, lequel est le premier projet de loi à modifier et mettre à jour de façon significative la Loi sur l’accès à l’information au niveau fédéral depuis qu’elle est devenue loi en 1983.

Mon équipe et moi-même travaillons sur de nouveaux processus pour gérer les changements à la Loi ainsi que des directives qui expliqueront comment nous allons mettre en œuvre ces changements.

Il y a deux changements importants qui risquent d’affecter notre travail. 

Le premier changement concerne l’article proposé du projet de loi qui permettra aux institutions fédérales de refuser de traiter une demande d’accès quand :

  • le demandeur a déjà eu accès à un document identique ;
  • la demande concerne un grand nombre de documents ou requiert une recherche parmi un grand nombre de documents ; ou
  • quand la demande est vexatoire, faite de mauvaise foi ou constitue un abus du droit d’accès.

La restriction est qu’une institution ne peut pas refuser de traiter une demande sans l’approbation de la commissaire à l’information. Ces dossiers devront alors être traités rapidement par mon bureau afin d’assurer aux demandeurs leur droit à un accès rapide.

Le deuxième changement important est que le projet de loi me permettrait d’émettre et de publier des ordonnances plutôt que d’être limitée à émettre des conclusions et des recommandations, comme c’est le cas présentement. Mon équipe analyse plusieurs outils pour mettre en place une base de données sur notre site internet, laquelle permettra aux Canadiens, aux institutions ainsi qu’aux parties prenantes d’éventuellement trouver les nouvelles ordonnances ainsi que de nouvelles conclusions et directives. Ceci va selon moi bénéficier à tout le monde, puisqu’il procurera de la clarté quant à la position du Commissariat dans des cas spécifiques et cela se soldera en une plus grande cohérence à travers le gouvernement.

Le projet de loi C-58 est présentement devant le Sénat, nous ne prévoyons pas qu’il soit adopté par le Parlement avant au moins cet automne, étant donné le congé estival.

Ceci m’amène à ma troisième priorité, qui est d’assurer que le travail quotidien de mon bureau est ouvert et transparent.

Mon but avec cette priorité est de faire du processus d’enquête de plainte un processus aussi simple et transparent que possible. Je veux être claire en ce qui a trait à nos interprétations de la Loi et à nos processus lorsque nous menons des enquêtes. De cette façon, les Canadiens et les institutions pourront facilement comprendre notre position.

Afin d’y arriver, nous publierons plus de directives à propos des nouveaux processus d’enquête et des décisions que nous prenons. Nous fournirons plus de mises à jour rapides sur l’information affectant notre bureau et le régime d’accès à l’information. Nous communiquerons également tout nouveaux processus ou exigence de façon claire aux institutions et au public.

Nous ferons tout notre possible afin de publier toute directive et mise à jour sur notre site web et sur les médias sociaux. Le travail est en cours pour améliorer et actualiser ces plateformes.

Ma quatrième et dernière priorité est de travailler en étroite collaboration avec les institutions afin de les aider à remplir leurs obligations conformément à la Loi et pour aborder les barrières dans le système. Avec ceci en tête, j’ai saisi chaque opportunité de collaborer avec les institutions fédérales et de rencontrer la direction de ces institutions. J’accueille également toute opportunité comme celle d’aujourd’hui afin de rencontrer les professionnels de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels en plus de mes homologues des provinces et des territoires et les parties prenantes.

Gardant ceci à l’esprit, j’ai rencontré le mercredi 6 juin les coordonnateurs de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels à Ottawa. Ils sont les responsables des unités dans les institutions fédérales qui répondent aux demandes d’accès. Après m’être présentée et avoir partagé mes priorités pour le Commissariat, j’ai partagé les résultats d’un sondage envoyé aux 192 coordonnateurs à travers le gouvernement fédéral. Le but de ce sondage était de comprendre les enjeux auxquels leurs bureaux font face et rechercher des commentaires quant aux améliorations que les institutions et mon bureau pourraient apporter pour améliorer l’accès à l’information.

Les résultats ont démontré que leurs plus grandes problématiques étaient la charge de travail, suivie de près par le personnel, la collaboration, la formation et les consultations avec les autres institutions fédérales.

Quand nous leur avons demandé comment mon bureau pourrait les aider, les coordonnateurs ont indiqué que les rencontres en personne ainsi que davantage de collaboration, d’outils et de ressources amélioreraient la relation entre nos bureaux.

Les coordonnateurs ont également défini un nombre de pratiques exemplaires qui ont été mises en œuvre pour les aider à faire leur travail. Celles-ci comprennent la désignation d’une personne ou d’une équipe dans leur institution pour travailler uniquement sur les plaintes d’accès, l’utilisation d’un outil pour suivre les plaintes d’accès et leur statut, la décentralisation des ordonnances de délégation et l’offre d’outils d’apprentissage en ligne.

Mon équipe et moi allons garder en tête tous les commentaires que nous avons reçus des coordonnateurs au fur et à mesure que nous bâtissons nos nouveaux processus d’enquêtes et nos lignes directrices.

Dans l’esprit d’une collaboration future avec les institutions, j’ai créé un nouveau prix, judicieusement appelé le Prix de la commissaire à l’information, afin de reconnaître les efforts exceptionnels d’une personne ou d’une équipe de la communauté fédérale d’accès à l’information.

Une équipe de mon bureau, composée de nos directeurs des enquêtes, de la sous-commissaire des enquêtes et de la gouvernance, Layla Michaud, qui est ici aujourd’hui, et de moi-même choisit les gagnants en utilisant quatre critères de sélection :

  • La communication
  • L’innovation
  • Le leadership
  • Le service

J’ai remis le prix de 2018 à Marie-Claude Juneau, la coordonnatrice de l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels pour l’Agence du revenu du Canada et à Dan Proulx, le coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels pour l’Agence des services frontaliers du Canada. Le tout s’est déroulé lors des célébrations de la Semaine nationale de la fonction publique la semaine dernière.

Ces deux personnes méritantes ont été sélectionnées pour leur capacité à motiver et à inspirer leurs collègues à respecter le droit d’accès à l’information. Le travail d’équipe et la collaboration entre les institutions et mon bureau sont très importants pour moi. J’ai été honorée de récompenser ces deux fonctionnaires qui démontrent toutes ces qualités et qui, espérons-le, seront un exemple pour leurs collègues. Je comprends que mon rôle est autant celui d’encourager que de réprimer à quelques occasions, mais je peux vous dire que j’espère beaucoup encourager le succès dans une communauté qui doit composer avec plusieurs défis, incluant une augmentation de 215 % des demandes dans les 6 dernières années. Je crois que nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer que le gouvernement soit ouvert et transparent et c’est un but atteignable si nous travaillons tous ensemble.  

Je prévois de m’attaquer à toutes ces priorités à court terme.

Par contre, l’enjeu dominant qui a été un problème continuel pour mon bureau : les ressources.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous avons reçu un financement temporaire de 2,9 millions de dollars pour réduire l’arriéré de plaintes. Par contre, mon bureau n’a pas vu son budget permanent augmenter depuis six ans, et ce, même si le nombre de plaintes ne cesse d’augmenter. Comme vous pouvez l’imaginer, cela prend du temps pour engager et former des enquêteurs, mais sans financement permanent nous ne pouvons pas engager du personnel permanent afin de construire notre capacité interne et assurer de la stabilité.

Finalement, le but est d’assurer que la Loi soit appliquée convenablement et de répondre aux plaintes dans un délai convenable : je crois que c’est un but atteignable avec un financement suffisant, des innovations et de la collaboration.

Pour conclure, c’est un véritable honneur pour moi de servir en tant que commissaire à l’information du Canada.

Je suis consciente de la confiance qui a été placée en moi et je vais faire tout mon possible pour promouvoir la transparence et l’ouverture au niveau fédéral.

J’aimerais aussi prendre un moment pour remercier la faculté de l’éducation permanente de l’Université de l’Alberta pour leurs efforts dans l’organisation de cette importante conférence annuelle et pour l’opportunité d’y participer.

Les conférenciers et les activités prévues pour aujourd’hui et demain seront très instructifs. Je suis impatiente d’y participer et de discuter avec chacun d’entre vous.

Merci.

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