Exception à la divulgation : renseignements personnels

Table des matières

Critères : paragraphe 19(1)

  1. Les renseignements concernent-ils un individu?
  2. Y a-t-il de fortes possibilités que la communication des renseignements permette d’identifier l’individu?
  3. Les renseignements sont-ils visés par l’une des exceptions applicables à la définition de « renseignements personnels »?

Circonstances : paragraphe 19(2)

  1. L’individu concerné par les renseignements consent-il à leur divulgation?
  2. Les renseignements sont-ils accessibles au public?
  3. La communication est elle conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

Exercice du pouvoir discrétionnaire

  1. L’institution s’est-elle penchée sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  2. L’institution a-t-elle pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  3. La décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est elle-justifiée, transparente et intelligible?

Références

Décisions de la Commissaire

Critères : paragraphe 19(1)

Renseignements personnels

Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels.

Le paragraphe 19(1) prévoit une exception qui exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels. 

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer que tous les critères suivants sont satisfaits :

  1. les renseignements concernent un individu, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  2. il y a de fortes possibilités que la communication de ces renseignements permette d’identifier cet individu;
  3. les renseignements ne sont pas assujettis à l’une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».

Il incombe aux institutions d’établir que cette exception s’applique aux documents. Le Commissariat à l’information examine les documents en question et analyse les observations qui lui sont présentées par les parties afin d’évaluer si cette exception a été invoquée à bon droit par l’institution.  

1. Les renseignements concernent-ils un individu?

Le terme « renseignements personnels » est défini à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels comme étant « [l]es renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable […] ». Dans la décision Dagg, la Cour suprême a déclaré que cette définition est « indéniablement large » et qu’elle semble destinée à viser tout renseignement sur une personne donnée, sous réserve d’exceptions précises. 

Exemples

Des exemples de types de renseignements qui constituent des « renseignements personnels » (et qui sont donc des renseignements « concernant » un individu) figurent aux alinéas 3a) à 3i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces exemples n’étant pas exhaustifs, les renseignements n’ont pas à correspondre à l’un de ces exemples pour constituer des renseignements personnels.

Voici des exemples de renseignements « concernant » un individu :

  • les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;
  • les renseignements relatifs à son dossier médical ou à ses antécédents professionnels;
  • les renseignements relatifs à des opérations financières;
  • son numéro d’assurance sociale ou son numéro de compte bancaire;
  • les coordonnées d’employés du secteur privé (comme leur nom, leur titre et leur adresse professionnelle);
  • ses opinions ou ses idées personnelles, sous réserve de certaines exceptions;
  • son nom, lorsque celui-ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet.

Une société, un groupe ou une association n’est pas un « individu ». Ces entités peuvent être des « personnes » morales, mais ne sont pas des « individus ».  

Les renseignements « concernant » un individu portent sur un individu et révèlent de l’information à son sujet. Il n’est pas nécessaire qu’ils révèlent de l’information précise ou délicate au sujet de l’individu. 

Dans la décision NAV Canada, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il faut notamment se demander si les renseignements touchent l’intimité, l’identité, la dignité et l’intégrité de l’individu pour établir s’il s’agit de renseignements « concernant » un individu.  

En outre, il convient de souligner que les mêmes renseignements peuvent concerner de nombreux individus.

Lorsqu’il s’agit de renseignements « concernant » un individu, il faut poursuivre l’analyse. Les renseignements doivent également satisfaire aux deux critères énoncés ci-dessous pour que cette exception soit valablement invoquée par l’institution.

2. Y a-t-il de fortes possibilités que la communication des renseignements permette d’identifier l’individu?

Dans les cas où le nom d’un individu n’est pas fourni ou son identité est remise en question, les renseignements sont traités comme des renseignements concernant un individu identifiable s’il y a de fortes possibilités que l’individu puisse être identifié au moyen de ces renseignements, qu’ils soient utilisés seuls ou en combinaison avec d’autres renseignements disponibles.  

L’existence de « fortes possibilités » constitue un degré de probabilité : 

  • Il n’est pas nécessaire que la communication des renseignements permette d’identifier un individu.
  • Il doit exister plus qu’une simple possibilité ou hypothèse que la communication des renseignements permette d’identifier l’individu, mais il n’est pas nécessaire qu’il soit plus probable qu’improbable que cette possibilité se concrétise (50 % + 1).

La portée des « autres renseignements disponibles » relativement au critère des fortes possibilités dépend des particularités de chaque cas. Dans la décision Sécurité publique, la Cour fédérale a tiré les conclusions suivantes : 

  • Ils ne comprennent pas les renseignements confidentiels dont dispose le gouvernement.
  • Ils n’englobent pas les renseignements présents dans l’esprit de l’individu qu’ils concernent lorsque seul cet individu peut s’identifier (c’est-à-dire qu’ils n’incluent pas les renseignements qu’un individu reconnaît comme étant ses propres renseignements en raison de ce qu’il sait).
  • Ils incluent les renseignements qui sont accessibles au grand public.
  • Ils peuvent comprendre les renseignements qui sont uniquement accessibles à une partie de la population, selon le contexte. 

Les renseignements concernant un objet peuvent être considérés comme des renseignements personnels s’ils concernent un individu et qu’il y a de fortes possibilités que leur communication permette d’identifier cet individu. L’analyse qui s’impose est tributaire des faits et du contexte.

Voici un exemple de situation où le critère des fortes possibilités a été satisfait. Dans la décision Gordon de la Cour fédérale, Santé Canada avait communiqué au demandeur environ 82 champs de données provenant de la base de données du Système canadien d’information sur les effets indésirables des médicaments, dont l’année de naissance, le sexe, la taille, le poids, le résultat et la description de l’effet. Toutefois, le demandeur souhaitait qu’un autre champ lui soit communiqué, soit le champ « province ». Santé Canada était d’avis que ce champ constituait des renseignements personnels. La Cour fédérale a souscrit à la position de Santé Canada et a conclu que celui-ci avait présenté une « preuve substantielle » selon laquelle le champ « province » constituait des renseignements personnels, car la communication de ce champ « augmenterait considérablement » la possibilité que des individus soient identifiés. 

Plus précisément, la Cour fédérale a conclu que la communication :

  • des renseignements en question (à savoir le champ « province »), 
  • jumelés à d’autres renseignements disponibles (c’est-à-dire les renseignements qui sont déjà divulgués dans la base de données et d’autres renseignements, tels que les notices nécrologiques et les autres renseignements connus d’un voisin), 

aurait pour effet de créer de fortes possibilités que des individus soient identifiés. En raison des autres renseignements disponibles auxquels le champ « province » pourrait être jumelé pour identifier des individus, la Cour a conclu que ce champ constitue des renseignements personnels. Cet effet est parfois appelé l’« effet de mosaïque ».

La décision Sécurité publique constitue un exemple de situation où le critère des fortes possibilités n’a pas été satisfait. Dans cette décision, la Cour fédérale a conclu que la communication des numéros de série d’un type particulier d’arme à feu n’aurait pas pour effet de créer de fortes possibilités que les propriétaires des armes à feu soient identifiés.  

3. Les renseignements sont-ils visés par l’une des exceptions applicables à la définition de « renseignements personnels »?

Les alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels restreignent la définition de « renseignements personnels » pour l’application de l’exception relative aux renseignements personnels. Les alinéas 3j), 3j.1), 3k) et 3l) visent à accroître la responsabilité du gouvernement ainsi que de ses représentants et ses employés envers le public. L’alinéa 3m) s’applique aux renseignements concernant les individus qui sont décédés depuis plus de 20 ans.

Alinéa 3j)
Cette disposition est la plus courante. Elle s’applique aux renseignements concernant un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions. La liste des exemples figurant aux sous-alinéas 3j)(i) à 3j)(v) n’est pas exhaustive ni ne limite l’application de la disposition introductive de l’alinéa 3j)

Pour que l’alinéa 3j) s’applique, les renseignements doivent porter sur le poste ou les fonctions d’un cadre ou d’un employé d’une institution fédérale. Dans la décision Gendarmerie royale du Canada, la Cour suprême a conclu ce qui suit :

  • Sont exclus les renseignements qui touchent la compétence et les caractéristiques de l’employé.
  • Cette exception s’applique lorsque les renseignements demandés ont un lien suffisant avec les caractéristiques générales rattachées au poste ou aux fonctions d’un cadre ou d’un employé d’une institution fédérale.

Exemples
Voici des exemples de renseignements qui sont visés par l’exception prévue à l’alinéa 3j) :  

  • les renseignements qui se trouvent dans une description de travail, ce qui comprend les conditions liées à quelqu’un en particulier, dont les qualités requises, les attributions, les responsabilités, les heures de travail et l’échelle de traitement; 
  • les noms d’individus figurant sur une feuille de présence d’un ministère qui indiquent que ces individus se trouvaient à leur lieu de travail pendant la fin de semaine (décision Dagg);
  • les affectations antérieures des agents de la Gendarmerie royale du Canada, y compris leur statut, leurs grades, leurs années de service et la date d’anniversaire de leur entrée en service (décision Gendarmerie royale du Canada).

Alinéa 3j.1)
L’alinéa 3j.1) s’applique seulement aux documents créés le 21 juin 2019 ou après cette date. Les renseignements contenus dans ces documents et révélant qu’un individu est ou était un conseiller ministériel ou un membre du personnel ministériel, ainsi que son nom et son titre, sont visés par cette exception. 

De plus, si un document créé le 21 juin 2019 ou après cette date contient des renseignements supplémentaires autres que ceux qui sont susmentionnés, l’exception ne s’appliquerait pas à ces renseignements supplémentaires. Par exemple, si un document présente les idées et les opinions personnelles, ou les antécédents financiers, d’un conseiller ministériel ou d’un membre du personnel ministériel, cette information constituerait des renseignements personnels. 

Alinéas 3k), 3l) et 3m)
Les alinéas 3k) (renseignements concernant un individu assurant, au titre d’un contrat, la prestation de services), 3l) (renseignements concernant des avantages financiers facultatifs) et 3m) (renseignements concernant un individu décédé) ne sont pas appliqués aussi couramment que les exceptions prévues aux autres dispositions. 

L’alinéa 3k) s’applique aux renseignements qui :

  • concernent un individu qui, au titre d’un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale;
  • portent sur la nature de la prestation de services.  

Cette exception s’applique au nom de l’individu ainsi qu’aux idées et aux opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de la prestation de ces services.

L’alinéa 3l) s’applique aux renseignements relatifs aux avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de ces avantages.  

Dans la décision Premier ministre, la Cour d’appel fédérale a conclu que le remboursement des dépenses engagées par un employé du fait qu’il occupe un poste particulier et que celles-ci découlent directement de l’exercice de ses fonctions (comme les coûts de réinstallation et les frais de déplacement) n’est pas un avantage. 

L’alinéa 3m) est explicite; cette exception s’applique aux renseignements concernant les individus qui sont décédés depuis plus de 20 ans. 

Circonstances : paragraphe 19(2)

Cas où la divulgation est autorisée

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :   

    a) l’individu qu’ils concernent y consent;
    b) le public y a accès;
    c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Si les critères du paragraphe 19(1) sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  1. l’individu concerné par les renseignements consent à leur divulgation;
  2. les renseignements sont accessibles au public;
  3. la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La norme à appliquer pour établir si ces circonstances existent est la norme de la décision raisonnable, c’est-à-dire que les institutions ont l’obligation positive de prendre des mesures raisonnables pour évaluer si ces circonstances existent.  

Dans l’affirmative, le paragraphe 19(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. (Voir la section « Exercice du pouvoir discrétionnaire » ci-dessous.)  

1. L’individu concerné par les renseignements consent-il à leur divulgation?

L’institution doit faire des efforts raisonnables pour demander le consentement de l’individu concerné par les renseignements. Il incombe à l’institution de démontrer qu’elle a tenté d’obtenir ce consentement, ou d’expliquer pourquoi elle ne l’a pas fait. 

Selon la Cour d’appel fédérale, dans la décision Fontaine, les institutions n’ont qu’une obligation de moyen, à savoir de faire des efforts raisonnables pour demander le consentement des individus concernés. La Cour a également conclu que, dans cette décision, la Gendarmerie royale du Canada n’était pas tenue de demander le consentement d’un nombre considérable d’individus impliqués dans une enquête policière d’envergure.  

Il existe quelques circonstances où il n’est pas raisonnable de demander le consentement de l’individu concerné par les renseignements, notamment lorsqu’un très grand nombre de personnes sont impliquées, lorsque, dans des situations délicates, il est très peu probable que le consentement de l’individu soit obtenu, ou lorsqu’il est probablement impossible de localiser des individus. Cependant, dans d’autres circonstances où ces difficultés ne se présentent pas, et lorsque seulement un ou quelques individus peuvent être facilement localisés, les efforts raisonnables déployés nécessiteront souvent la demande de ce consentement. 

2. Les renseignements sont-ils accessibles au public?

L’institution doit raisonnablement établir si les renseignements personnels sont accessibles au public. Elle n’est pas tenue « de vérifier chaque source possible avant de décider si les renseignements personnels sont accessibles au public » (décision de la Cour fédérale dans l’affaire Ressources naturelles). Cependant, l’institution doit agir raisonnablement dans les circonstances lorsqu’elle évalue si elle a le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 19(2)b). 

Définition de l’expression « accessibles au public »

Il existe de multiples définitions de l’expression « accessibles au public ». Dans la décision Lukács, la Cour d’appel fédérale a statué que cette expression s’entend de « ce qui est mis à la disponibilité de l’ensemble des citoyens ». Dans la décision Ministre de l’Industrie, les juges majoritaires de la Cour d’appel fédérale ont cependant statué que les renseignements accessibles au public incluent les renseignements qui sont à la disposition d’une partie de la population, et non la population en entier. La décision des institutions d’utiliser l’une ou l’autre de ces définitions lorsqu’elles évaluent si elles ont le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 19(2)b) peut être raisonnable.

Par ailleurs, certaines dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous caution prévoient que, dans le contexte des audiences de libération conditionnelle, certains renseignements ne sont pas « accessibles au public » au sens de l’alinéa 19(2)b).

Les renseignements personnels qui ont été rendus publics par inadvertance ne sont généralement pas considérés comme des renseignements accessibles au public pour l’application de l’alinéa 19(2)b).

Cas complexes : déterminer la nature exacte des renseignements personnels

Pour établir si des renseignements personnels sont accessibles au public, il faut prêter une attention particulière à la nature exacte des renseignements personnels en question. Les documents peuvent contenir de nombreux types de renseignements personnels. 

Prenons l’exemple d’un échange de courriels entre un employé du secteur privé et une institution fédérale. Le nom et l’adresse courriel de l’employé du secteur privé permettraient de révéler son employeur, et peut-être le titre de son poste, lesquels renseignements répondraient à la définition de renseignements personnels. Si ces renseignements personnels – à savoir le lien qui unit l’employé, son employeur et le titre de son poste – sont accessibles au public sur LinkedIn, ces renseignements seraient considérés comme des renseignements accessibles au public au sens de l’alinéa 19(2)b). 

Cependant, le nom et l’adresse courriel de l’employé du secteur privé qui figurent dans l’échange de courriels pourraient révéler des renseignements personnels supplémentaires sur cette personne, selon le contexte de l’échange de courriels. Il est possible que ces renseignements supplémentaires ne soient pas accessibles au public (p. ex. des détails sur le travail précis qu'effectue l'employé ne figurant pas dans le titre de son poste qui est accessible au public, ou ses idées ou opinions personnelles qui n’ont pas été rendues publiques). En pareil cas, il peut être raisonnable qu’une institution conclue que les renseignements personnels en question ne sont pas accessibles au public. 

Dans les décisions Husky et Suncor, la Cour d’appel fédérale a statué que les noms et les titres de poste des employés du secteur privé qui figurent dans des documents administratifs pouvaient être communiqués par l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers en vertu de l’alinéa 19(2)b). Les noms des employés, leurs titres et leurs liens avec leur employeur (Husky et Suncor) étaient accessibles au public sur LinkedIn ou ZoomInfo. Husky et Suncor ont fait valoir que les documents administratifs en question contenaient d’autres renseignements personnels sur les employés que ceux qui étaient accessibles au public et que l’Office n’avait donc pas le pouvoir discrétionnaire de communiquer ces renseignements en vertu de l’alinéa 19(2)b). La Cour d’appel fédérale a rejeté cet argument au motif que Husky et Suncor n’avaient pas démontré que les documents en question contenaient d’autres renseignements personnels que ceux qui étaient accessibles au public.  

Dans les cas complexes, la question qui se pose souvent est celle de savoir si le document contenant des renseignements personnels en cause révèle d’autres renseignements personnels que ceux qui sont accessibles au public. 

3. La communication est-elle conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

L’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit des cas précis où des renseignements personnels peuvent être communiqués sans le consentement de l’individu qu’ils concernent. L’institution doit raisonnablement se demander si la communication des renseignements serait conforme à cette disposition. 

La grande majorité des cas figurant à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne sont habituellement pas pertinents pour l’application de l’alinéa 19(2)c). Comme l’a conclu la Cour fédérale dans la décision Sécurité publique, il n’est pas nécessaire que les institutions fournissent une explication pour chaque cas énoncé à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsqu’il est clair que la plupart des dispositions ne s’appliquent pas du tout. 

La disposition la plus couramment utilisée pour la communication de renseignements en vertu de l’alinéa 19(2)c) est le sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui permet la communication de renseignements lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :  

  • il existe un intérêt public quant à la communication des renseignements (c’est-à-dire que cet intérêt est supérieur à l’intérêt en matière de vie privée du demandeur quant à la communication des renseignements);
  • des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée.

Quant à l’exercice de mise en balance qui doit être effectué selon le second point ci-dessus, l’intérêt en matière de vie privée doit être pris en compte pour évaluer le degré de violation de la vie privée. Dans la décision Ruby, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il y a deux façons de tenir compte de l’intérêt en matière de vie privée :

  • de façon précise — en mettant l’accent sur l’intérêt en matière de vie privée de l’individu en question;
  • de façon générale — en mettant l’accent sur l’objectif général que constitue l’intérêt en matière de vie privée pour la société, sans faire référence à un individu en particulier. 

Comme l’a établi la Cour fédérale dans la décision Sécurité publique, une institution doit fournir une explication suffisamment transparente et intelligible pour expliquer pourquoi elle juge que des raisons d’intérêt public justifiant la divulgation l’emportent clairement sur la violation de la vie privée. Cependant, cette explication n’a pas besoin d’être longue ni détaillée.  

Exercice du pouvoir discrétionnaire

Si l’une des circonstances présentées au paragraphe 19(2) existe, l’institution doit démontrer qu’elle a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider si elle devait communiquer ou non des renseignements. 

L’exercice du pouvoir discrétionnaire doit être évalué en faisant preuve de déférence envers l’institution. Par « faire preuve de déférence », on entend faire preuve de retenue et de respect à l’égard de l’institution lors de l’évaluation d’une décision que cette institution a le pouvoir de prendre en vertu de la Loi.   

Pour évaluer l’exercice du pouvoir discrétionnaire, il convient de se pencher sur les questions suivantes : 

  1. L’institution s’est-elle penchée sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  2. L’institution a-t-elle pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  3. La décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est-elle justifiée, transparente et intelligible?

1. L’institution s’est-elle penchée sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Le Commissariat doit être convaincu que l’institution a compris qu’elle avait un pouvoir discrétionnaire et qu’elle a exercé ce pouvoir. Pour tirer une telle conclusion, le Commissariat doit s’appuyer sur la preuve et les observations dont il dispose.  

2. L’institution a-t-elle pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Les facteurs pertinents qui doivent être pris en compte comprennent :  

  • l’objet de la Loi
  • l’objet de l’exception invoquée; 
  • l’intérêt public dans la communication; 
  • le risque de préjudice découlant de la communication. 

La liste précédente n’est pas exhaustive. L’existence d’autres facteurs pertinents dépendra des circonstances propres à chaque cas. 

Le Commissariat doit être convaincu, selon la preuve et les observations dont il dispose, que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte. Une déclaration standard de l’institution selon laquelle tous les facteurs pertinents ont été pris en compte ne serait pas suffisante pour convaincre le Commissariat. Cependant, il n’est pas nécessaire de fournir une analyse détaillée de chaque facteur et de la manière dont ils ont été soupesés les uns en fonction des autres (décision Premier ministre de la Cour d’appel fédérale). 

Autrement dit, l’institution n’est pas tenue d’expliquer en détail qu’elle a pris en compte les facteurs x, y et z, qu’elle a accordé un poids particulier à chacun de ces facteurs, et qu’elle a ensuite exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non des renseignements.  

Cependant, le Commissariat peut inférer de la preuve dont il dispose que l’institution a pris en compte des facteurs pertinents même si elle n’en a pas expressément fait mention dans ses observations. 

Des facteurs non pertinents ou inappropriés, dont l’embarras que pourrait subir l’institution, ne peuvent pas être pris en compte lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire.  

3. La décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est-elle justifiée, transparente et intelligible?

Le Commissariat peut conclure par inférence que la décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est justifiée, transparente et intelligible en s’appuyant sur la preuve et les observations dont il dispose. Pour qu’une décision soit justifiée, transparente et intelligible, il faut notamment que :

  • le raisonnement quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire soit discernable, rationnel et logique dans les circonstances;
  • des éléments de preuve soient présentés relativement à la personne ayant exercé le pouvoir discrétionnaire et à sa capacité à le faire;
  • les facteurs qui ont été pris en compte dans le cadre de l’exercice du pouvoir soient énoncés; 
  • les raisons pour lesquelles la décision a été prise soient fournies — comme a conclu la Cour d’appel fédérale dans la décision Premier ministre.  

Il faut évaluer la décision de l’institution dans son ensemble en tenant compte du raisonnement qui la sous-tend et de son résultat.

Références

Décisions de la Commissaire

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