Documents relevant d’une institution

Table des matières

Le droit d’accès prévu par la Loi sur l’accès à l’information s’applique seulement aux documents relevant des institutions fédérales. Ces dernières doivent donc déterminer si les documents demandés en vertu de la Loi relèvent d’elles.

Pour ce faire, deux cadres d’analyse peuvent être utilisés, selon qui est en possession des documents. Les deux cadres tiennent compte de plusieurs facteurs et de la jurisprudence fédérale et provinciale (dont des exemples sont fournis ci‑dessous).

Exigences : paragraphe 4(1)

Droit d’accès aux documents

4(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Décret d’extension no 1 (Loi sur l’accès à l’information), article 2

Le droit d’accès aux documents des institutions fédérales que prévoit le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information est étendu à toute personne physique présente au Canada qui n’est pas un citoyen canadien ou un résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et à toute personne morale qui est présente au Canada. 

Le paragraphe 4(1) de la Loi accorde aux citoyens canadiens et aux résidents permanents un droit d’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. L’article 2 du décret d’extension no 1 étend le droit d’accès à toutes les personnes et à toutes les sociétés présentes au Canada. Cela signifie qu’une institution fédérale doit donner aux demandeurs accès aux renseignements qui relèvent d’elle, sous réserve des exceptions et exclusions prévues par la Loi.

L’expression « relevant de » n’est pas définie dans la Loi. Toutefois, la Cour suprême du Canada a affirmé dans la décision Agenda du premier ministre que l’expression devrait être interprétée de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace.

 

Détermination de la possession

Dispositions d’autres lois qui peuvent être pertinentes :

Lorsqu’on examine la question de la possession, l’article 15 de la Loi sur Services partagés Canada prévoit que, même si certains documents sont conservés dans les systèmes de Services partagés Canada (c’est-à-dire la possession matérielle), ces documents ne relèvent pas de Services partagés Canada.

L’article 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada prévoit expressément que les documents transférés à Bibliothèque et Archives Canada relèvent de cette institution. De plus, tous les documents d’une institution fédérale dont les fonctions ont cessé sont considérés comme relevant de Bibliothèque et Archives Canada.

Le cadre d’analyse à appliquer dépend de qui est en possession des documents.

Le terme « possession » désigne l’organisation, l’institution ou la personne qui a la garde matérielle des documents pertinents. Par exemple, les documents peuvent être des copies papier conservées dans une installation d’une organisation externe, des copies électroniques conservées sur un réseau d’une institution fédérale ou des notes liées au travail conservées au domicile d’un particulier.

L’évolution de la jurisprudence pertinente a créé deux cadres d’analyse, selon qui est en possession des documents :

  • l’examen des facteurs pertinents lorsque l’institution fédérale est en possession matérielle des documents;
  • le test de l’Agenda du premier ministre lorsque l’institution fédérale n’est pas en possession matérielle des documents.
 

Garde et contrôle

Contrairement à la Loi sur l’accès à l’information, certaines lois provinciales sur l’accès à l’information font référence à la « garde » ou au « contrôle » lorsqu’il est question d’établir le droit d’accès des citoyens. La « garde » est généralement interprétée comme étant semblable à la « possession ». Cela signifie que dans certaines circonstances, le simple fait de posséder un document peut suffire pour qu’il soit assujetti à la loi provinciale. Par conséquent, il n’est pas toujours possible d’établir des analogies à partir de la jurisprudence interprétant la loi de ces provinces.

 

1 – Facteurs utilisés pour déterminer si les documents relèvent de l’institution fédérale lorsqu’ils sont en la possession matérielle de celle-ci

Les cours ont pris en considération un certain nombre de facteurs pour déterminer de qui relèvent les documents lorsque l’institution est en possession matérielle de ceux-ci.

L’applicabilité et l’évaluation des facteurs dépendent des circonstances particulières. Cela signifie que les facteurs peuvent ne pas être tous pertinents pour chaque document demandé. Lorsqu’un facteur n’est pas pertinent, il n’est pas nécessaire de l’inclure dans l’analyse. En général, aucun facteur n’est déterminant à lui seul. Les documents relèvent de l’institution lorsque les facteurs pertinents, pris ensemble, appuient une telle conclusion. Une liste non exhaustive des facteurs reconnus dans la jurisprudence commence plus bas.

2 – Test de l’Agenda du premier ministre

Le test de l’Agenda du premier ministre s’applique lorsque l’institution n’est pas en possession matérielle des documents.

Dans sa décision, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de savoir si les documents détenus par le cabinet du premier ministre et d’autres cabinets de ministres relevaient d’une « institution fédérale » en vertu de la Loi.

La Cour a conclu que le cabinet du premier ministre et les cabinets de ministres n’étaient pas considérés comme des « institutions fédérales » en vertu de la Loi. Toutefois, il n’est pas nécessaire de limiter les documents qui relèvent des institutions fédérales aux documents qui sont en la possession matérielle d’une institution fédérale. La Cour a confirmé un test à deux étapes pour déterminer de qui relèvent les documents qui ne sont pas en la possession matérielle d’une institution fédérale.

1. Le contenu du document se rapporte‑t‑il à une affaire institutionnelle?

La première étape de ce test consiste à déterminer si le document se rapporte à une affaire institutionnelle. (Voir « Le contenu des documents se rapporte‑t‑il à une affaire institutionnelle? ».) La Loi ne vise pas les documents concernant des affaires non institutionnelles en la possession matérielle d’organisations non fédérales. À ce stade de l’enquête, il faut tenir compte du contenu des documents et de leur pertinence par rapport au mandat, aux obligations, aux activités et aux fonctions de l’institution. Si le contenu des documents n’est pas lié à une affaire institutionnelle, l’enquête prend fin, car les documents ne relèveraient pas de l’institution fédérale.

2. Dans l’affirmative, un cadre supérieur de l’institution peut‑il raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande, compte tenu de tous les facteurs pertinents?

À la deuxième étape de ce test, il faut tenir compte de tous les autres facteurs pertinents afin de déterminer si un cadre supérieur de l’institution peut raisonnablement s’attendre à en obtenir une copie sur demande. Le critère de l’attente raisonnable est objectif, c’est‑à‑dire que si un cadre supérieur de l’institution fédérale, compte tenu de tous les facteurs pertinents, peut raisonnablement être en mesure d’obtenir une copie du document, le critère est respecté et le document est assujetti à la Loi.

Les facteurs à prendre en considération à cette étape sont les mêmes que ceux du cadre 1, sauf que la question de savoir si le contenu se rapporte à une affaire institutionnelle aura déjà été examinée. La liste de ces facteurs suit.

Facteurs à considérer

Remarque : Les exemples de facteurs pertinents ci‑dessous peuvent aider à analyser si le document relève de l’institution, mais ils ne devraient pas remplacer un examen approfondi de tous les facteurs pertinents relatifs au document demandé.

Qui a créé le document?

L’identité de la personne qui a créé le document peut permettre de déterminer si le document relève d’une institution. La relation entre l’institution et la personne qui a créé le document (p. ex. employé, entrepreneur ou personne nommée par le gouverneur en conseil) peut également être pertinente pour déterminer de qui relève le document.

Par exemple, dans sa décision Conseil canadien des relations de travail, la Cour d’appel fédérale a conclu que les notes prises par les membres d’un tribunal ne relevaient pas d’une institution. La Cour a conclu que les notes étaient prises « non pas par des employés du Conseil, mais par des représentants du gouverneur en conseil investis de fonctions juridictionnelles qu’ils doivent exercer, non pas en qualité de mandataires du Conseil, mais de façon indépendante par rapport aux autres membres de celui-ci, y compris le président dudit Conseil ou d’une institution fédérale. ».

Dans l’affaire Lukits, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral a conclu que les notes de cours créées par un professeur à l’emploi du Collège militaire royal du Canada et demandées en vertu de la Loi ne relevaient pas du Collège. La preuve a démontré que, bien que le M. Lukits ait utilisé les notes dans le cadre de son emploi, l’employeur n’exigeait pas la production des notes, n’imposait aucune norme quant à la rédaction de celles-ci et n’exerçait aucun contrôle sur leur conservation ou leur destruction. Ainsi, bien que M. Lukits ait été un employé du Collège, d’autres circonstances faisaient en sorte que ses notes de cours ne relevaient pas du Collège.

Le contenu des documents se rapporte‑t‑il à une affaire institutionnelle?

Un autre facteur dont il faut tenir compte est le contenu des documents et leur pertinence par rapport au mandat, aux obligations, aux activités et aux fonctions de l’institution.

Par exemple, bien que la jurisprudence indique que les courriels de nature personnelle ne relèvent généralement pas d’une institution, si l’information contenue dans ces courriels a été utilisée à des fins liées au mandat de l’institution, la conclusion pourrait être différente. Cela pourrait être le cas, par exemple, si les courriels demandés portaient sur une enquête menée au sujet de possibles mauvais usages des ressources électroniques du gouvernement ou si les courriels portaient sur des questions d’emploi.

Les documents liés à la participation des employés aux activités d’organisations externes (p. ex. siéger à des comités ou faire du bénévolat), et donc non liés à des affaires institutionnelles, ne relèvent généralement pas d’une institution, même si ces documents se trouvent sur des serveurs gouvernementaux. Par exemple, dans l’affaire University of Alberta [en anglais seulement], la Cour du banc de la Reine de l’Alberta s’est demandé si les courriels envoyés par un professeur à l’aide des serveurs de l’université et concernant ses activités bénévoles au sein d’un conseil de recherche relevaient de l’université. Même si l’université encourageait le professeur à participer au conseil de recherche, la Cour a statué que ces documents ne relevaient pas de l’université.

Pourquoi le document a‑t‑il été créé ou obtenu?

Le but dans lequel le document a été créé peut permettre de déterminer s’il relève d’une institution. Cela comprend ce qui suit :

  • si le document a été créé ou obtenu dans le cadre de l’exécution d’une fonction professionnelle et/ou s’il était destiné à être utilisé à des fins liées à l’emploi;
  • si le document a été créé ou obtenu dans le but de satisfaire à une exigence légale imposée à une institution.

Par exemple, dans l’affaire Lukits, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral a conclu que M. Lukits avait rédigé les notes de cours en question dans le cadre de son emploi de professeur au Collège militaire royal du Canada, mais que les notes étaient destinées à son usage personnel pour préparer et donner des cours au Collège. La conclusion était donc que les documents ne relevaient pas du Collège.

Par contre, dans la décision du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario dans l’ordonnance P‑120 [en anglais seulement], l’arbitre s’est penché sur la question de savoir si les notes prises par un employé de la Direction des ressources humaines lors d’un processus d’embauche relevaient de l’institution. Dans cette affaire, l’employée avait conservé les documents en sa possession et les avait créés en dehors des heures de travail à la fois sur un ordinateur personnel et sur un ordinateur de travail. Toutefois, l’arbitre a conclu qu’ils relevaient de l’institution. Cela s’explique par le fait que les notes ont été [traduction] « créées pour documenter les préoccupations liées à l’emploi soulevées par la tierce partie en sa qualité d’employée de la Direction ».

De même, des documents qui peuvent sembler ne pas relever d’une institution peuvent en fait en relever, selon les exigences légales. Par exemple, dans l’affaire Hale [en anglais seulement], la Cour d’appel de l’Ontario a examiné une demande d’accès aux bandes audio de sauvegarde créées par un sténographe judiciaire afin de préparer une transcription. Le sténographe judiciaire était un entrepreneur indépendant embauché par la Commission ontarienne d’examen constituée en vertu du Code criminel et il n’était pas tenu de créer des bandes de sauvegarde. La Commission soutenait que les bandes de sauvegarde ne relevaient pas d’elle. La Cour a conclu qu’en vertu du Code criminel, la Commission était tenue de tenir un registre de ses délibérations et que la bande de sauvegarde figurait parmi les documents créés pour assurer l’exactitude du dossier. Par conséquent, la Cour a conclu que les documents relevaient de la Commission.

L’institution s’est‑elle appuyée sur le document pour préparer des documents gouvernementaux?

Le fait que l’institution s’appuie sur le document peut influer sur le fait que celui-ci relève de l’institution. Dans l’affaire CIBC, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de savoir si certains renseignements relevaient de la Commission canadienne des droits de la personne. La Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) avait transmis de l’information à la Commission, qui l’a ensuite intégrée dans un rapport. La CIBC a fait valoir que la Loi sur l’équité en matière d’emploi limitait la diffusion de l’information recueillie conformément à celle‑ci, de sorte qu’on ne pouvait pas dire que cette information relevait de la Commission. La Cour a statué que le fait que la Loi sur l’équité en matière d’emploi impose certaines limites à la capacité de la Commission de diffuser l’information dans le document n’était pas une raison pour conclure que le document lui‑même ne relevait pas de la Commission.

L’institution a‑t‑elle un droit d’accès au document légalement exécutoire?

Un droit d’accès légalement exécutoire peut provenir d’une loi ou d’un contrat.

Par exemple, la Cour d’appel de l’Ontario a statué dans l’affaire Hale [en anglais seulement] que la Commission d’examen de l’Ontario constituée en vertu du Code criminel avait droit aux bandes de sauvegarde du sténographe judiciaire, compte tenu de l’obligation légale de la Commission de produire un compte rendu exact de ses délibérations.

Dans l’affaire Conseil canadien des relations de travail, la Cour d’appel fédérale a examiné la loi qui habilitait le Conseil et a conclu qu’aucun pouvoir législatif ne lui conférait un droit d’accès aux notes des membres du tribunal.

L’institution a‑t‑elle le pouvoir de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition du document?

La question de savoir si l’institution a le pouvoir de réglementer l’utilisation ou la disposition du document a trait à la relation entre l’institution et les documents. Par exemple, dans l’affaire Conseil canadien des relations de travail, la Cour d’appel fédérale a conclu que le Conseil n’avait pas le pouvoir de réglementer ou de contrôler les notes prises par les membres du tribunal. Cela indique que les documents ne relevaient pas du Conseil.

Un autre exemple à considérer est le stockage de renseignements personnels sur les propriétés ou les réseaux du gouvernement. Bien qu’une institution exerce un certain contrôle sur un classeur qui contient des documents personnels appartenant à ses employés, elle n’a pas le pouvoir de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition de ces documents. De même, le stockage des fichiers électroniques s’accompagne d’un besoin accru de surveillance, mais la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans l’affaire Ville d’Ottawa [en anglais seulement], a conclu que ce fait [traduction] « ne modifie pas la nature des documents ni la nature de la conduite de l’institution à leur égard ».

La communication du contenu des documents nécessite‑t‑elle l’autorisation d’un cadre ou d’un employé d’une institution?

Les circonstances dans lesquelles la communication du document nécessiterait l’autorisation d’un cadre ou d’un employé de l’institution tendent à indiquer que l’institution a un plus grand contrôle sur le document.

Par exemple, un employé n’aurait pas besoin d’une autorisation officielle d’un cadre ou d’un employé pour envoyer ou recevoir des courriels de nature personnelle par l’entremise des réseaux gouvernementaux lorsque ces courriels n’ont aucun lien avec les fonctions de l’employé ou avec le mandat ou les activités de l’institution. Les documents ne relèveraient pas de l’institution, dans ce cas.

Le document est‑il intégré à d’autres documents détenus par l’institution? Si oui, dans quelle mesure le document a-t-il été intégré?

Dans l’affaire Ministère du Procureur général [en anglais seulement], la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’est penchée sur la question de savoir si les documents préparés pour le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario, puis communiqués au ministère du Procureur général de l’Ontario, étaient sous la garde et/ou le contrôle du ministère. Même si le principe de l’indépendance judiciaire penchait en faveur du fait que les documents ne relevaient pas du ministère, la Cour a conclu que les documents étaient intégrés aux documents au travail du ministère à un tel degré que les documents étaient sous sa garde et étaient donc assujettis à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. La Cour s’est fondée en partie sur le fait que le ministère avait affiché sur son intranet l’information contenue dans des documents, les intégrant ainsi à son propre fond de renseignements.

À l’inverse, dans l’affaire Ville d’Ottawa [en anglais seulement], la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que la surveillance et l’analyse courantes à l’échelle du système pour s’assurer que les réseaux fonctionnent efficacement et pour isoler et résoudre les problèmes ou répondre à d’autres demandes de renseignements généraux ne transforment pas les courriels de nature personnelle en renseignements gouvernementaux relevant d’une institution.

Références

Décisions de la Commissaire

Date de modification :
Déposer une plainte