Questions et réponses – Comparution devant le Comité OGGO

1. Lors de votre dernière comparution, vous vous êtes dite très préoccupée par l’état du système d’accès à l’information durant la pandémie. Pouvez-vous faire le point à ce sujet?

Améliorations

  • Globalement, la situation est grave, mais il y a une lueur d’espoir. Aucune institution n’est complètement fermée, et il semble que, dans la plupart des institutions, les activités d’AIPRP ont repris dans une certaine mesure
  • Pour relever les défis qui se posent sur le plan opérationnel, certaines unités d’AIPRP ont fait l’essai de solutions immédiates comme la révision de la classification des documents ou le déplacement des activités qui se faisaient sur un réseau sécurisé à accès limité. Elles communiquent aussi directement avec les personnes qui font les demandes pour leur expliquer la situation et mieux comprendre leurs besoins.  
  • Les institutions échangent des pratiques exemplaires dans le cadre de différents réseaux interministériels
  • Certaines institutions ont adopté les recommandations que j’ai formulées dans mes rapports spéciaux sur la Défense nationale, la GRC et Patrimoine canadien, et je peux constater des améliorations à cet égard. C’est toutefois dommage qu’une enquête systémique soit nécessaire pour forcer le changement

Défis

  • Le principal défi auquel font face les institutions est l’accès aux documents sur place pendant qu’un confinement ou un décret ordonnant de rester à domicile est en vigueur
  • Les systèmes n’étaient pas conçus pour permettre aux employés de travailler et d’accéder aux documents à partir de la maison à pleine capacité, et, au début de la pandémie, certains employés n’avaient même pas d’ordinateur portable; ils en ont maintenant un. L’accès à distance aux services gouvernementaux est encore problématique, car le système n’a pas la capacité suffisante pour traiter de gros fichiers; les employés accumulent des heures supplémentaires
  • Le travail à la maison requiert qu’on documente mieux les décisions et qu’on adopte de meilleures pratiques de gestion de l’information
  • Les unités d’AIPRP ont également de la difficulté à avoir accès aux fonctionnaires qui ont créé les documents (qu’on appelle « bureaux de première responsabilité » ou, plus familièrement, « BPR »)
  • Le gouvernement n’a pas tiré parti de la technologie pour améliorer le service offert aux Canadiens dans le domaine de l’accès à l’information
  • Les retards dans la mise en œuvre de technologies et d’outils qui pourraient aider à améliorer le système, comme le nouveau système de demande en ligne du SCT, m’inquiètent
  • Cette amélioration du service, grâce à laquelle les Canadiens pourraient recevoir leurs documents par voie électronique directement au moyen du portail, plutôt qu’au moyen d’un fournisseur de services tiers comme Connexion postel, est un pas dans la bonne direction, mais je suis déçue du retard dans sa mise en œuvre
2. Avez-vous discuté avec le ministre Duclos de la gravité de la situation entraînée par la pandémie?
  • J’en ai discuté avec le ministre Duclos, et notre plus récente conversation a eu lieu il y a deux semaines environ. Celle-ci concernait l’examen de la Loi sur l’accès à l’information effectué par le SCT
  • J’ai profité de l’occasion pour lui rappeler que la pandémie n’a fait qu’exacerber la précarité du système d’accès, qui était déjà au bord de l’effondrement avant la pandémie
  • J’ai souligné que j’étais heureuse que l’examen vise à améliorer le système canadien d’accès à l’information dans son ensemble, mais j’ai également exprimé ma déception à l’égard du retard dans le processus d’examen. En effet, le rapport découlant des consultations du ministre ne sera pas publié avant la fin de janvier 2022
  • Entre-temps, je l’ai exhorté à prendre en considération les mesures qui peuvent être prises en dehors du processus législatif afin d’améliorer le système d’accès. Certaines de ces idées sont présentées dans la partie 1 de mes observations (leadership, divulgation volontaire, obligation de documenter et utilisation de la technologie)
3. Lors de votre dernière comparution, vous avez mentionné que le traitement des demandes à Patrimoine canadien, en particulier, était paralysé par la pandémie. Qu’en est-il maintenant?
  • J’ai moi-même pris l’initiative de déposer une plainte à ce sujet
  • À l’issue de notre enquête, nous avons produit un compte rendu qui contenait des recommandations afin d’éviter un tel échec à l’avenir
  • Je recommande notamment à Patrimoine canadien de reconnaître le statut quasi constitutionnel de la Loi et de respecter ses obligations à cet égard ainsi que d’affecter les ressources nécessaires au traitement de l’arriéré
  • Certains ministères et organismes ont déjà mis en œuvre les recommandations que j’ai formulées dans mon rapport spécial. J’invite les autres ministères et organismes à les lire en vue d’améliorer leur situation
4. Lors de votre dernière comparution devant le Comité, vous avez parlé du besoin de leadership. Qu’entendez-vous par « leadership »? Et quels problèmes un leadership plus fort réglerait-il, selon vous?
  • Les dirigeants définissent l’orientation par leurs paroles, mais plus important encore, par leurs actions
  • Des directives claires concernant la divulgation de renseignements, davantage de divulgation proactive, plus de ressources ainsi que plus d’innovation aideraient grandement à garantir la communication de l’information en temps opportun. Les plus hauts responsables du gouvernement ont le pouvoir de prendre de telles mesures
  • Durant la pandémie, nous avons vu que certains responsables des institutions sont prêts à accepter des limitations opérationnelles importantes, y compris le non-respect de leurs obligations en matière d’accès. Ce n’est pas acceptable, et cela dénote un manque de leadership
  • Je veux qu’il n’y ait aucune tolérance pour la complaisance. Il est essentiel que les ministres veillent à ce que les institutions soient dotées des ressources, des processus et des outils nécessaires pour respecter leurs obligations en vertu de la Loi. C’est à eux qu’incombe la responsabilité ultime à cet égard
  • Les Canadiens s’attendent à juste titre que le gouvernement du Canada se conforme lui-même à la Loi sur l’accès à l’information
5. Nous avons vu que le gouvernement a décidé que l’AIPRP n’était pas un service essentiel durant la pandémie. Vous semblez dire qu’il devrait l’être, particulièrement durant une crise. Quand on voit les équipes qui manquent de personnel et l’absence d’investissement dans les outils dont ont besoin les unités d’AIPRP (p. ex., pour envoyer des documents sur CD-ROM), il semble que le gouvernement n’accorde pas une grande importance à l’AIPRP. Que recommandez-vous de faire?
  • Le droit d’accès est un droit quasi constitutionnel et il devrait être traité comme tel
  • La pandémie n’a pas suspendu le droit d’accès. Au contraire, elle a suscité un plus grand intérêt quant au droit de savoir ce que fait le gouvernement
  • Les responsables des institutions doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer de respecter la Loi, peu importe la façon dont l’accès à l’information est catégorisé dans les plans de continuité des activités
6. Quelles sont vos principales recommandations pour améliorer la Loi?
  • La Loi devrait prévoir la durée maximale des consultations qui sont nécessaires pour donner suite à une demande d’accès. (Recommandation 1) POURQUOI : les retards constituent le principal problème en ce qui concerne l’accès
  • Les cabinets du premier ministre et des ministres devraient être assujettis à la Loi (Recommandation 3)
  • Le paragraphe 21(2) de la Loi devrait être modifié pour y ajouter une liste de catégories de renseignements qui ne sont pas protégées par l’exception. (Recommandation 9) POURQUOI : La période de 20 ans prévue à l’article 21(1) de la Loi devrait être réduite à 10 ans. L’exception actuelle est trop vaste
  • Les renseignements confidentiels du Cabinet devraient être assujettis à la Loi et ils devraient être visés par une exception plutôt qu’une exclusion afin de permettre une révision indépendante. (Recommandations 7 et 8)
  • Dans l’ensemble, davantage de renseignements devraient être divulgués volontairement pour devancer les demandes d’accès
7. Quels sont les principaux points que le gouvernement devrait retenir de vos observations et recommandations?
  • En résumé : ne tardez pas, n’attendez pas les modifications législatives. Prenez dès maintenant des mesures dans les quatre domaines que j’ai mentionnés dans la première partie de mes observations
  • Le leadership insuffisant et l’absence de directives claires relativement à la transparence et aux attentes en matière de divulgation
    • Un leadership, un engagement au plus haut niveau et un changement de culture sont essentiels
    • Respecter la loi actuelle et faire preuve de transparence dès le départ, en communiquant volontairement l’information qui est d’intérêt public
    • Adopter des pratiques optimales de gestion de l’information
    • Prendre des mesures pour réduire les délais de traitement et ne pas tolérer les retards. Il faut enrayer la culture de complaisance
  • Le besoin pressant d’innover et d’affecter des ressources adéquates au système d’accès
    • Les équipes d’AIPRP ont besoin de ressources. Le gouvernement doit faire des investissements adéquats dans les ressources humaines en créant des bassins, en embauchant du personnel qualifié et en élaborant de la formation
    • Les institutions ne profitent pas de la nouvelle technologie. Les outils technologiques permettraient d’utiliser plus efficacement les ressources
    • Les nouvelles technologies pourraient également être utilisées pour recueillir des statistiques opérationnelles sur l’accès des institutions afin de brosser un tableau plus complet du système d’accès
  • La nécessité de documenter adéquatement les décisions et de gérer efficacement l’information des institutions
    • Sans document, le droit d’accès n’existe pas, et une bonne gestion de l’information relative aux activités clés est essentielle pour répondre de manière efficace aux demandes d’accès
    • Les enquêtes menées par le Commissariat démontrent que ces activités ne sont pas toujours adéquatement documentées et que l'information n'est pas toujours bien gérée
    • L’établissement d’une obligation législative pour les fonctionnaires de créer un registre complet et exact des activités clés renforcera la responsabilité, la transparence, la bonne gouvernance et la confiance du public
    • Il existe des modèles législatifs étrangers qui ont fait leurs preuves et dont le gouvernement pourrait s’inspirer, notamment ceux des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de certains états australiens
    • En 2016, dans le cadre d’une résolution conjointe, les commissaires à l’information du Canada ont demandé à leur gouvernement respectif d’obliger légalement les entités publiques à documenter leurs délibérations, actions et décisions
  • La déclassification des documents en temps opportun
    • L’absence d’un système de déclassification au Canada a une incidence grandissante sur le système d’accès
    • Près de 20 % des plaintes dans l’inventaire du Commissariat concernent des plaintes relatives aux exceptions en matière de sécurité nationale (articles 13 et 15 de la Loi)
    • Bien souvent, la sensibilité des documents relatifs à la sécurité nationale diminue avec le temps
    • Un système de déclassification adéquat, basé sur des examens périodiques et le consensus d’experts, permettrait aux chercheurs et à d’autres personnes d’avoir accès aux documents n’étant plus sensibles du point de vue de la sécurité nationale, grâce à des mécanismes autres que la Loi
8. Lors de votre dernière comparution, vous avez parlé du besoin de disposer de plus de ressources à l’échelle du système. À votre connaissance, y a-t-il eu un apport en ressources?
  • Je peux seulement commenter la situation du Commissariat. Après mon dernier entretien avec vous, j’ai reçu 3 M$ en financement permanent. Par le passé, nous devions présenter une demande chaque année afin d’obtenir des fonds supplémentaires
  • Ce financement permettra à mon bureau de disposer d'un effectif d'enquêteurs suffisant et stable. Alors qu'auparavant, des consultants embauchés à court terme effectuaient une partie du travail, nous avons pu commencer à pourvoir des postes de manière permanente, ce qui permet d'accroître la mémoire et l'expertise de l'organisation
  • Nous avons procédé à des embauches l’année dernière et nous sommes actuellement en train d'embaucher 20 enquêteurs
  • Notre structure et plan de rétention des employés est maintenant stable, il y a des processus de dotation en cours et un programme de perfectionnement pour les enquêteurs
  • Nous disposons de plus de ressources, mais, si les institutions ne croissent pas aussi, leur capacité à répondre à nos questions sera réduite
  • Le Commissariat, ainsi que les institutions, se heurte à une pénurie de ressources humaines. Il n'y a pas assez de professionnels d’AIPRP correctement formés
9. Pourquoi est-il si difficile pour les Canadiens d’avoir accès aux ententes sur les vaccins ayant été négociées par le gouvernement? Nous constatons que les États-Unis et le Royaume-Uni sont beaucoup plus transparents à ce sujet.
  • Le Canada a diffusé des renseignements généraux sur les estimations de coûts des vaccins et les fabricants auxquels le gouvernement a attribué des marchés
  • Ce point fait partie des éléments au sujet desquels le gouvernement pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire et divulguer volontairement certains renseignements. Il peut y avoir des préoccupations au sujet des clauses de confidentialité figurant dans les ententes sur les vaccins, et les renseignements pouvant être visés à l’article 18 et aux alinéas 20(1)b) et c) de la Loi sur l’accès à l’information
  • Je ne peux pas m'étendre sur ce sujet car il peut faire l'objet d'une plainte
10. Que faut-il changer afin que ce gouvernement puisse être plus ouvert et transparent?
  • Modifications législatives – un cadre législatif bien conçu représente le fondement d’un solide système d’accès à l’information
  • La culture – les meilleures dispositions législatives ne fonctionneront jamais si les plus hauts responsables du gouvernement ne s'engagent pas à faire de l'accès une priorité (objectifs de rendement, des ressources, formation et innovation)
  • Être audacieux – le leadership consiste à prendre des risques, ce qui est difficile au sein du gouvernement. Tous les dirigeants devraient prendre les mesures nécessaires pour apporter des changements positifs
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