Décision en vertu de l’article 6.1, 2022 CI 35

Date de la décision : Juillet 2022

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. L’institution a affirmé que la demande d’accès est vexatoire et qu’elle constitue un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution a également affirmé qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui avait fait la demande d’accès.

La Commissaire a conclu que l’institution s’était acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès constitue un abus du droit d’accès. Plus particulièrement, la Commissaire a conclu qu’en soumettant la demande d’accès, le demandeur répète un comportement habituel qui consiste à faire des demandes en vue d’obtenir essentiellement la même information. La Commissaire a également noté que la plupart des renseignements demandés avaient été soit fournis par le demandeur à l’institution, soit déjà fournis au demandeur par l’institution. Elle a également conclu que l’institution s’est acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande. Compte tenu de la conclusion de la Commissaire, il n’est pas nécessaire de déterminer si la demande d’accès était également vexatoire.

La demande d’autorisation est acceptée.

Demande d’accès

L’institution a reçu une demande d’accès à l’information visant des documents relevant d’elle qui ont été soumis par le demandeur ou fournis à celui-ci, concernant des divulgations en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.

Discussion

Le paragraphe 6.1 (1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1 (1) de la Loi.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC)), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC)].

En vertu du paragraphe 4 (2.1), les institutions sont également tenues de prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès. Tel qu’expliqué dans les documents d’orientation et de procédure publiés par le Commissariat à l’information concernant les demandes en vertu de l’article 6.1, les institutions devraient seulement demander à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour aider le demandeur.

Abus du droit de faire une demande de communication

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié.

L’abus du droit de faire une communication doit être examiné au cas par cas et, dans certaines situations, peut être établi d’après une combinaison de facteurs. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII 4406 (BC SC), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.

Selon l’institution, au cours des sept dernières années, le demandeur a soumis huit demandes d’accès qui étaient répétitives et se chevauchaient. Celles-ci concernaient toutes le même sujet que la demande la plus récente, qui fait l’objet de la présente demande d’autorisation.

L’institution a déclaré que la demande d’accès initiale du demandeur n’était pas déraisonnable, mais que le demandeur refusait de préciser la portée de sa demande la plus récente afin de viser la période entre sa dernière demande et cette nouvelle demande. Le refus par le demandeur de modifier la portée de sa demande d’accès semble indiquer que son but est davantage de faire valoir son droit d’accès que d’obtenir de l’information.

En outre, l’institution a affirmé que le but avoué du demandeur, en soumettant la plus récente demande, est de vérifier si l’institution a conservé tous les renseignements qu’il lui a soumis, une affirmation qui n’a pas été réfutée par le demandeur.

Enfin, l’institution allègue que, comme dans la décision en vertu de l’article 6.1, 2021 CI 30 du Commissariat, la question en l’espèce n’est pas nécessairement le volume des demandes d’accès, mais plutôt le fait qu’elles sont redondantes. Ces antécédents montrent qu’il n’y a aucune raison de croire que le demandeur cessera de faire des demandes d’accès ni que ses demandes lui permettront d’obtenir de nouveaux documents ou des documents qu’il n’a pas déjà en sa possession.

Le demandeur a eu plusieurs occasions de présenter des observations concernant cette demande d’autorisation, mais le Commissariat n’avait pas reçu d’observations pertinentes à la date où la Commissaire a pris sa décision.

Dans le cas qui nous occupe, le fait que le demandeur ait soumis huit demandes d’accès ne signifie pas que la demande actuelle constitue un abus du droit de faire une demande. Comme l’a mentionné l’ancien commissaire à l’information de la Saskatchewan, [traduction] « un demandeur peut soumettre à une institution gouvernementale un grand nombre de demandes d’accès à l’information en vue d’obtenir divers documents sans utiliser les droits d’accès conférés par [la loi] de façon illégitime » [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC)].

Cependant, la question en l’espèce est le fait que les demandes soient répétitives et redondantes, en plus du fait que les renseignements recherchés ont en grande partie été fournis par le demandeur à l’institution.

En comparant le libellé de la demande d’accès actuelle avec celui des demandes précédentes et en examinant la preuve convaincante soumise par l’institution sur ce point, la Commissaire était d’avis que :

  • l’ensemble du sujet de la demande d’accès actuelle est visé par une ou plusieurs des demandes précédentes faites par le demandeur;
  • la période visée par la demande d’accès actuelle est presque entièrement visée par une ou plusieurs des demandes précédentes faites par le demandeur, à l’exception de la période entre la dernière demande traitée et la demande actuelle.

L’institution a offert de réduire la portée de la demande d’accès pour traiter les documents qui n’étaient pas visés par les demandes précédentes, en vue de fournir au demandeur l’information recherchée sans imposer un fardeau à l’institution. Le demandeur n’a pas accepté cette offre.

La Commissaire a conclu qu’en soumettant la demande d’accès en question, le demandeur répète un comportement habituel qui consiste à faire des demandes en vue d’obtenir essentiellement la même information. De plus, la plupart des renseignements recherchés ont été soit fournis par le demandeur à l’institution, soit déjà été fournis au demandeur par l’institution. Dans ce contexte, la Commissaire accepte la position de l’institution, à savoir qu’il est improbable que la demande actuelle permette au demandeur d’obtenir des documents qu’il n’a pas déjà en sa possession, même pour la période qui n’est pas visée par les demandes précédentes.

Pour ce qui est du but de la demande d’accès, la Commissaire est d’accord que le refus par le demandeur de modifier la portée de ses demandes semble indiquer qu’il est davantage de faire valoir son droit d’accès que d’obtenir de l’information. Par conséquent, la Commissaire a conclu que la demande d’accès n’a pas été faite dans le but d’obtenir de l’information.

L’institution s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès constitue un abus du droit d’accès.

Un régime d’accès n’est efficace que si les deux parties font preuve de bon sens et agissent de façon responsable. (Voir la décision en vertu de l’article 6.1, 2021 CI 20.) Bien que le droit d’accès soit vaste, il convient de rappeler au demandeur qu’il ne faut pas en abuser [traduction] :

 « Tous les droits s’accompagnent de responsabilités […]. […] En imposant un fardeau excessif à un organisme public, la mauvaise utilisation par une personne du droit d’accès peut menacer ou diminuer l’exercice légitime de ce droit par d’autres […]. De plus, un tel abus va à l’encontre de l’intérêt public, puisqu’il ajoute indûment à ce qu’il en coûte aux organismes publics pour se conformer à la Loi. […] » [British Columbia (Children and Family Development) (Re), 2020 BCIPC 17 (CanLII), citant Auth. 43) 99-01, p. 7].

Étant donné que la Commissaire a conclu que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication, il n’est pas nécessaire de déterminer si elle était également vexatoire.

Obligation de prêter assistance

L’institution a indiqué qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4 (2.1) en offrant au demandeur de préciser la demande d’accès afin qu’elle vise les documents créés ou obtenus depuis sa demande précédente, et a confirmé que le demandeur pourrait recevoir des copies de ses demandes précédentes. Ensuite, l’institution a tenté de préciser l’information dans la demande qui n’était pas exacte, c’est-à-dire qu’elle contenait les noms de personnes qui ne travaillaient pas à l’institution ainsi qu’une mention d’une autre institution. Le demandeur n’a pas répondu aux questions de l’institution concernant la demande.

La Commissaire a conclu que les questions de l’institution étaient claires et qu’elle avait fait tous les efforts requis dans les circonstances.

Il est obligatoire pour les deux parties de collaborer. Le demandeur a l’obligation de fournir suffisamment de renseignements à l’institution pour qu’elle puisse traiter la demande d’accès en application de la Loi. Si l’institution nécessite plus de précisions pour le traitement de la demande, elle doit, en raison de l’obligation de prêter assistance, chercher à l’obtenir auprès du demandeur. (Voir la décision en vertu de l’article 6.1, 2020 CI 19.)

Le demandeur n’a pas répondu aux questions de l’institution concernant la demande. Par conséquent, dans le contexte de la demande d’accès, les efforts déployés par l’institution pour préciser ou cibler la demande d’accès afin que la personne obtienne l’information qu’elle recherchait sans imposer un fardeau excessif à l’institution étaient raisonnables.

La Commissaire est d’avis que l’institution s’est acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4 (2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande d’accès.

Résultat

La Commissaire a accepté la demande d’autorisation.

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