Décision en vertu de l’article 6.1, 2022 CI 14

Date de la décision : Février 2022

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. L’institution a affirmé que la demande d’accès est vexatoire et qu’elle constitue un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution a également affirmé qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui avait fait la demande d’accès.

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi qu’elle avait respecté son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande. La Commissaire a également conclu que l’institution ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès était vexatoire ou constituait un abus du droit de faire une demande de communication.

La demande d’autorisation est rejetée et l’institution est tenue de donner suite à la demande d’accès.

Demandes d’accès

L’institution a reçu une demande d’accès visant des parties précises d’un manuel de formation utilisé par l’une de ses divisions.

Discussion

Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1(1) de la Loi.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC)), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC)].

En vertu du paragraphe 4(2.1), les institutions sont également tenues de prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès. Tel qu’expliqué dans les documents d’orientation et de procédure publiés par le Commissariat à l’information concernant les demandes en vertu de l’article 6.1, les institutions devraient seulement demander à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour aider le demandeur.

Obligation de prêter assistance

L’institution n’a pas indiqué comment elle a respecté son obligation en vertu du paragraphe 4(2.1).

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi qu’elle avait respecté son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande.

Bien que le non-respect par l’institution de son obligation de prêter assistance soit un motif suffisant pour que la Commissaire rejette la demande d’autorisation, la Commissaire a fait les constatations suivantes concernant l’allégation par l’institution selon laquelle la demande était vexatoire ou constituait autrement un abus du droit de faire une demande de communication.

Vexatoire

Le terme « vexatoire » n’est pas défini dans la Loi. Bien que, par « vexatoire », l’on entende généralement l’intention de contrarier, de harceler, d’embarrasser ou de causer un malaise, comme l’a mentionné le juge Stratas dans Canada c. Olumide, 2017 CAF 42, pour définir le terme « vexatoire », il est préférable d’éviter d’être trop précis.

Voici des exemples de facteurs qui pourraient permettre de conclure qu’une demande est vexatoire :

  1. un volume excessif de demandes d’accès;
  2. une même demande présentée à répétition par une personne ou un groupe de personnes travaillant ensemble dans le cadre d’un effort concerté;
  3. des antécédents de demandes d’accès à l’information visant à harceler ou tout le moins à contrarier un organisme public, ou une tendance en ce sens;
  4. le moment auquel sont présentées les demandes d’accès.

Ces facteurs et tous les autres facteurs pertinents doivent être pris en considération ensemble pour conclure qu’une demande d’accès est vexatoire ou non.

Une demande d’accès n’est pas vexatoire seulement parce qu’un organisme public est contrarié ou irrité que la demande vise des renseignements dont la communication pourrait le mettre dans l’embarras. [Voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC); Insurance Corporation of British Columbia (Re), [2002] B.C.I.P.C.D. No 57 (BC OIPC), au para 4.] Une demande d’accès sera au contraire considérée comme vexatoire si on établit que son but principal n’est pas d’obtenir des renseignements, mais de harceler continuellement ou de façon répétée.

L’institution, pour appuyer son allégation selon laquelle la demande d’accès est vexatoire, a mentionné les nombreuses demandes d’accès présentées par le demandeur au fil du temps. Les allégations de l’institution selon lesquelles les demandes d’accès sont vexatoires n’étaient cependant pas appuyées par des preuves claires et convaincantes.

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi que le volume de demandes d’accès était suffisant pour que celles-ci soient considérées comme vexatoires. Comme l’a mentionné l’ancien commissaire à l’information de la Saskatchewan, [traduction] « un demandeur peut soumettre à une institution gouvernementale un grand nombre de demandes d’accès à l’information en vue d’obtenir divers documents sans utiliser les droits d’accès conférés par [la loi] de façon illégitime » [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), supra].

Même si un certain nombre de demandes d’accès sont similaires, l’institution n’a pas démontré qu’elles étaient redondantes ou répétitives ou que le demandeur avait déjà reçu les renseignements demandés dans la réponse de l’institution à une ou plusieurs demande(s) précédente(s).

Bien que l’institution ait déclaré avoir déjà informé le demandeur qu’un manuel de formation particulier n’était plus disponible, elle n’a pas établi que la demande actuelle englobe l’information contenue dans ce document et encore moins qu’elle se limite à celle-ci.

Si, comme dans le cas qui nous occupe, une institution soutient que la demande est vexatoire au motif que le demandeur a déjà demandé et obtenu l’information demandée, elle doit établir que c’est le cas au moyen d’explications convaincantes, étayées par des preuves. Il ne suffit pas d’affirmer que la demande est répétitive. Elle doit également expliquer clairement comment une demande d’accès formulée de façon similaire, sans être redondante, permettrait d’obtenir les mêmes documents.

La Commissaire a conclu que, dans le cas qui nous occupe, selon la demande d’autorisation de l’institution, il n’était pas évident que la demande d’accès actuelle englobe de l’information déjà demandée ou que l’institution a déjà fourni une réponse.

L’institution ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande était vexatoire.

Abus du droit de faire une demande de communication

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié.

Le volume de demandes d’accès en soi n’est pas suffisant pour permettre de conclure à un abus [voir London Police Services Board (re), (1995), ordonnance M­618 (ON IPC)]. Toutefois, le volume, conjugué à d’autres facteurs, peut permettre de conclure à un abus du droit de faire une demande de communication.

En Saskatchewan, l’ancien commissaire Gary Dickson a cerné certains de ces facteurs. Il a conclu que la nature répétitive des demandes, en combinaison avec la manière cyclique dont les demandes d’accès et les demandes de révision étaient soumises, ont mené à une conclusion d’abus du processus [voir Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC)].

L’abus du droit de faire une communication doit être examiné au cas par cas et, dans certaines situations, peut être établi d’après une combinaison de facteurs.

Même si le demandeur a présenté de nombreuses demandes d’accès à l’institution au fil des ans, l’institution n’a pas établi que la demande actuelle est répétitive ou que le demandeur a déjà reçu la réponse de l’institution concernant les renseignements demandés. La Commissaire a rejeté l’allégation de l’institution selon laquelle il n’est pas justifié de chercher des documents répondant à la demande parce que les circonstances n’ont pas changé depuis que l’institution a répondu à des demandes précédentes visant la même information.

Encore une fois, la Commissaire a noté que, bien que le demandeur ait présenté de multiples demandes d’accès, l’institution n’a pas établi que l’une ou l’autre de ces demandes était redondante ou répétitive par rapport à d’autres demandes. D’autres demandes d’accès mentionnées dans la demande d’autorisation visaient de l’information différente et/ou analogue, mais pour des périodes différentes. Le fait que l’institution n’ait pas trouvé de documents qui répondaient à certaines des demandes précédentes n’établit donc pas que l’institution a déjà répondu aux demandes ou que le demandeur a déjà reçu les documents demandés.

La Commissaire a conclu que l’institution n’avait pas établi que les actions du demandeur démontraient que son but premier n’était pas d’obtenir des renseignements. La Commissaire a déclaré que lorsqu’une demande d’accès est motivée par une tentative de trouver des faits ou d’obtenir la preuve d’un acte répréhensible, son but ne peut pas être considéré comme déraisonnable ou illégitime. Les demandeurs peuvent chercher à obtenir de l’information pour les aider dans le cadre d’un différend les opposant à un organisme public ou de l’information concernant ce qu’ils considèrent comme un comportement inapproprié ou illégal.

L’institution ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande constituait un abus du droit de faire une demande de communication.

Résultat

La Commissaire a rejeté la demande d’autorisation. L’institution est tenue de donner suite à la demande d’accès.

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