Transports Canada (Re), 2025 CI 9

Date : 2025-02-18
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-00068
Numéro de la demande d’accès : A-2019-00729

Sommaire

La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 16(1)c) (application des lois, déroulement d’enquêtes), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir une copie du rapport final de l’enquête et de l’analyse en lien avec le décès accidentel d’une personne identifiée, survenu dans une gare de triage du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP). L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Les parties n’ont pas démontré que certains renseignements satisfaisaient aux critères des exceptions appliquées. Bien que le CFCP ait fait valoir que des exceptions supplémentaires en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers), de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) et du paragraphe 24(1) (communication restreinte par une autre loi) s’appliquent aux renseignements relatifs au CFCP, le tiers ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que les critères de ces exceptions étaient satisfaits.

La Commissaire à l’information a ordonné à Transports Canada de communiquer certains renseignements pour lesquels les parties n’avaient pas démontré que les critères des exceptions étaient satisfaits. Transports Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux ordonnances. La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 16(1)c) (application des lois, déroulement d’enquêtes), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information.

[2]        La demande vise à obtenir une copie du rapport final de l’enquête et de l’analyse en lien avec le décès accidentel d’une personne identifiée, survenu dans une gare de triage du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP).

[3]        L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[4]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[5]        Le Commissariat à l’information a demandé des observations au CFCP, à Transports Canada, au commissaire à la protection de la vie privée du Canada et à la partie plaignante. Il a reçu des observations de toutes les parties, et je les ai prises en considération pour tirer mes conclusions.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[6]        Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[7]        Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[8]        Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[9]        Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]      Je conviens que les documents demandés contiennent une quantité importante de renseignements personnels concernant des individus identifiables. Les renseignements personnels non communiqués comprennent les noms, titres et coordonnées des employés de tiers ainsi que les renseignements personnels de la victime (par exemple : expérience de travail, date de naissance, blessures subies) et les dépositions de témoins recueillis par les enquêteurs (qui sont à la fois les renseignements personnels des témoins et, dans certains cas, ceux de la victime et d’autres personnes qu’ils ont pu mentionner). Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, sont considérés comme étant personnels s’ils concernent un individu. « Les renseignements seront des renseignements concernant un individu identifiable lorsqu’il y a de fortes possibilités que l’individu puisse être identifié par l’utilisation de ces renseignements, seuls ou en combinaison avec des renseignements d’autres sources. » [Gordon c. Canada (Santé), 2008 CF 258, au paragraphe 34].

[11]      En ce qui concerne les renseignements dans les dépositions de témoins et les sommaires de dépositions, et la question de savoir si les renseignements concernent des individus identifiables, Transports Canada a fourni des observations détaillées affirmant qu’il a considéré le risque de réidentification relativement à ces renseignements.

[12]      Conformément à l’alinéa 35(2)d), le Commissariat à l’information a consulté le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) pour établir si les renseignements factuels dans les sommaires et les dépositions de témoins constituent des renseignements personnels, et s’il y a de fortes possibilités que les témoins puissent être identifiés à partir de ces renseignements s’ils sont divulgués.

[13]      En ce qui a trait à la question de savoir si les renseignements factuels dans les dépositions de témoins constituent des renseignements personnels, le CPVP était d’accord avec le Commissariat à l’information, à savoir qu’ils ne l’étaient pas. J’estime que les documents contiennent des renseignements factuels qui peuvent raisonnablement être prélevés des renseignements personnels. Il ne s’agit pas de renseignements personnels, car ils concernent la météo, l’endroit, l’équipement et d’autres questions non personnelles, et ne révèlent rien au sujet des opinions ou des actions d’individus.

[14]      Je me penche maintenant sur la question de savoir si le reste des renseignements dans les sommaires et les dépositions de témoins, qui, selon moi, sont des renseignements personnels, concernent des individus identifiables. Contrairement aux documents en cause dans ma décision Transports Canada (Re), 2023 CI 38, les sommaires de dépositions en l’espèce contiennent les heures de début et de fin de chaque entrevue. À ce titre, j’ai examiné comment ces renseignements pouvaient être utilisés par des individus qui attendaient d’être interrogés ou qui venaient de l’être afin d’identifier certains individus. Compte tenu des documents en question et des observations que j’ai reçues du CPVP et de Transports Canada, je conclus qu’il n’est pas possible de communiquer davantage de renseignements sans qu’il y ait de fortes possibilités de réidentifier les individus.

[15]      La partie plaignante a avancé que les sommaires de dépositions [traduction] « représentent une analyse secondaire et un sommaire de l’enquêteur » plutôt que des renseignements personnels. Après les avoir attentivement examinés, j’estime que les sommaires ne font que paraphraser les dépositions de témoins sans aucune analyse. Compte tenu de leur concision, les dépositions renferment un grand nombre de détails pouvant occasionner de fortes possibilités de réidentifier les témoins.

[16]      Je conclus que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), sauf ceux qui sont de nature factuelle et qui peuvent raisonnablement être prélevés des renseignements personnels.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[17]      Étant donné que Transports Canada était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères du paragraphe 19(1), il était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[18]      Transports Canada a démontré ce qui suit :

  • il n’était pas raisonnable de demander le consentement aux individus, dans les circonstances;
  • les renseignements publics pertinents n’étaient pas du même type ou avaient fait l’objet de fuites plutôt que d’une communication intentionnelle;
  • il s’est demandé si la communication serait justifiée conformément à n’importe quel alinéa du paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais a conclu qu’elle ne le serait pas.

[19]      Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas lorsque Transports Canada a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question ayant trait au pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 16(1)c) : application des lois, déroulement d’enquêtes

[20]      L’alinéa 16(1)c) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application des lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes (par exemple, des renseignements sur l’existence d’une enquête qui révéleraient l’identité d’une source confidentielle ou qui ont été obtenus au cours d’une enquête, comme le prévoient les sous-alinéas 16(1)c)(i) à (iii)).

[21]      Pour invoquer cette exception relativement à l’application des lois fédérales ou provinciales, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’application de toute loi du Canada ou d’une province;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[22]      Pour invoquer cette exception relativement au déroulement des enquêtes, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire au déroulement d’enquêtes licites, c’est-à-dire d’enquêtes qui relèvent des pouvoirs d’une institution et qui correspondent à l’une des situations suivantes :
    • elles sont menées pour appliquer une loi fédérale ou sont autorisées en vertu d’une telle loi;
    • elles font partie d’une catégorie d’enquête décrite à l’annexe II du Règlement sur l’accès à l’information.

[23]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[24]      Transports Canada a appliqué l’alinéa 16(1)c) aux pages 52-61 et 63-64 des documents. À part les dépositions de témoins, qui, selon moi, satisfont aux critères du paragraphe 19(1), Transports Canada a refusé de communiquer le numéro de l’incident en vertu de l’alinéa 16(1)c).

[25]      Transports Canada n’a présenté aucune observation précise sur le numéro de l’incident ni sur la façon dont la communication de ces renseignements pourrait nuire à l’application des lois ou au déroulement d’enquêtes.

[26]      Transports Canada ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, car il a omis de déterminer le préjudice qui résulterait de la communication ou la probabilité qu’un tel préjudice se produise suivant la communication.

[27]      Je conclus que le numéro de l’incident ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 16(1)c).

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[28]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[29]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[30]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[31]      Transports Canada a appliqué l’alinéa 20(1)b) aux renseignements suivants :

  • des observations dans le cadre d’une analyse d’un livret moteur (pages 8-11 des documents);
  • la réponse du CFCP aux recommandations du comité de santé et de sécurité (pages 44, 46, 176-177, 180 et 182 des documents);
  • des parties d’entrevues avec les témoins (pages 67-70, 72-77, 79, 83-86, 88, 90-96, 98-103 et 106-109 des documents);
  • des parties de données du consignateur d’événements de la locomotive (pages 110-117 des documents);
  • des parties de l’annexe 18 : Enquête de l’employeur et présentation aux employés (pages 129-131 des documents);
  • la description des causes et les mesures correctives (pages 138, 173, 175-177 et 180-181 des documents);
  • les mesures prises par le comité local (pages 137 et 175 des documents);
  • des parties de réponses du CFCP à la direction (pages 181-182 et 187 des documents);
  • une partie de la Promesse de conformité volontaire du CFCP (page 192 des documents).

[32]      Dans les cas où l’alinéa 20(1)b) a été appliqué aux parties d’entrevues et de dépositions de témoins, j’estime que les renseignements sont de nature technique ou commerciale, tels que la référence à l’équipement utilisé, la configuration de la gare de triage, les procédures ou les détails de certains types d’activités.

[33]      Je conviens que les détails du réseau du CFCP ainsi que les détails de ses activités, de ses règles, de ses procédures, des projets de ses clients, tout comme les mesures qu’il se proposait de prendre pour améliorer ses activités, s’inscrivent dans le cadre des renseignements commerciaux. De tels renseignements figurent non seulement dans les entrevues avec les témoins, mais aussi dans l’annexe 26 (pages 181-182).

[34]      Je conviens que les détails de l’analyse du livret moteur et les données du consignateur d’événements de la locomotive (pages 8-11 et 110-117) s’inscrivent dans le cadre des renseignements techniques et satisfont au premier critère de l’exception.

[35]      Ni Transports Canada ni le CFCP n’ont toutefois démontré que les types de renseignement suivants sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques : les faits relatifs aux événements inhabituels qui ont contribué à l’accident, les remarques du CFCP sur l’enquête, les initiatives en matière de sécurité et les préoccupations soulevées par Transports Canada et le comité de sécurité du CFCP.

[36]      Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453]; voir aussi Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 133.]

[37]      Il a été confirmé que les 49 premières pages du rapport sont accessibles en ligne en raison d’une fuite, et non pas de la décision de l’autorité de les rendre publiques. Par conséquent, la confidentialité objective des renseignements n’est pas un facteur déterminant.

[38]      Je ne suis pas non plus convaincue que certains des renseignements en cause ont été communiqués avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués. Les documents en cause ont été communiqués dans le cadre de l’enquête menée par Transports Canada, en vertu du Code canadien du travail, sur le décès d’un employé qui s’est produit en milieu de travail. Les paragraphes 144(5) et (5.01) du Code permettent la publication ou la communication de ce type de renseignements si le chef est convaincu qu’il y va de l’intérêt de la santé et de la sécurité au travail ou de l’intérêt public.

[39]      Le CFCP a affirmé que, vu les circonstances limitées dans lesquelles les renseignements peuvent être communiqués en vertu du Code, il y a une attente raisonnable que les renseignements demeurent en grande partie confidentiels. Bien que je comprenne la position du CFCP, il convient de noter qu’il y a des circonstances, comme la communication dans l’intérêt public, dans lesquelles les renseignements recueillis en vertu du Code peuvent être communiqués. Par conséquent, j’estime que le CFCP n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir que ces dispositions sont un facteur déterminant contribuant à une attente raisonnable de confidentialité.

[40]      Dans les cas où les renseignements se rapportent à des questions de sécurité potentielles, j’estime qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que Transports Canada communique ces renseignements dans l’intérêt public.

[41]      Je ne suis pas non plus convaincue que certains renseignements aient été communiqués dans le cadre d’une relation entre le tiers et Transports Canada et que la confidentialité des renseignements favorise l’intérêt public. Je conviens que, d’une manière générale, une communication confidentielle peut favoriser la relation entre Transports Canada et le CFCP dans l’intérêt public en accroissant la transparence et la collaboration. Toutefois, lorsque les renseignements se rapportent à des questions de sécurité, j’estime que le maintien de leur confidentialité est contraire à l’intérêt public.

[42]      Compte tenu de ce qui précède, il n’a pas été établi que le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) est satisfait dans le cas des renseignements non communiqués se rapportant à des questions de sécurité.

[43]      Les renseignements non communiqués ont tous été fournis à Transports Canada par le CFCP et ses employés. Ils satisfont donc au troisième critère de l’exception.

[44]      Pour ce qui est du dernier critère de l’alinéa 20(1)b), compte tenu des observations reçues, je conviens que le CFCP a toujours traité ces renseignements comme étant confidentiels.

[45]      Je conclus que seuls les renseignements suivants satisfont aux quatre critères de l’alinéa 20(1)b) :

  • les données aux pages 8-11 et 110-117;
  • les renseignements techniques et commerciaux contenus dans les questions adressées aux témoins (déclarations et entrevues) (pages 67-70, 72-77, 79, 83-86, 88, 90-96, 98-103, 106-109);
  • les renseignements techniques et commerciaux contenus dans les communications échangées entre le CFCP et Transports Canada (pages 129, 173, 176, 181-182, 187).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[46]      Étant donné que Transports Canada était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)b), il était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques, ou la protection de l’environnement, lorsque les deux circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse.

[47]      Transports Canada a présenté des observations détaillées sur ce point, indiquant notamment que la communication ne serait pas dans l’intérêt public si elle empêchait les tiers de présenter ouvertement des rapports à Transports Canada. Je conclus que la position de Transports Canada sur ce point est raisonnable.

[48]      Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) n’existaient pas lorsque Transports Canada a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question ayant trait au pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[49]      L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[50]      Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[51]      Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[52]      Transports Canada n’a pas appliqué l’alinéa 20(1)c) aux documents, mais le CFCP a invoqué cette exception dans ses observations.

[53]      Le CFCP a indiqué que la communication pourrait être préjudiciable du fait qu’elle entraînerait des conséquences judiciaires. Quant à la question de litige, à part les cas où il y a suffisamment d’éléments de preuve à l’appui, les tribunaux ont statué que l’alinéa 20(1)c) « ne devait pas, à l’origine, viser les frais judiciaires et les dommages-intérêts » [Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Santé), 2005 CF 1633, para 54; Hutton c. Canada (Ministre des Ressources naturelles), 1997 CanLII 5581, para 3). Je ne suis pas convaincue que les renseignements en cause aient satisfait aux critères de l’exception, car le CFCP n’a étayé aucun lien avec un préjudice financier important ou un préjudice à sa compétitivité.

[54]      Le CFCP a aussi indiqué que les renseignements concernant [traduction] « des questions relatives au personnel pourraient être utilisées par des concurrents pour causer un désavantage et un préjudice à CPKC ». Le CFCP n’a pas précisé en quoi les renseignements le concernant ont trait à des « questions relatives [à son] personnel » et il n’a pas non plus fourni de détails sur la façon dont ce type de renseignements pourrait être utilisé contre lui.

[55]      Pour que l’alinéa 20(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[56]      Le CFCP n’a pas fourni suffisamment d’observations et d’éléments de preuve pour démontrer que la divulgation des renseignements non communiqués risquerait vraisemblablement de causer des pertes financiers appréciables au CFCP ou de nuire à sa compétitivité. Tout lien avec ce type de préjudice prévisible serait vraisemblablement atténué par le fait que certains des renseignements sont accessibles au public, alors que le CFCP n’a pas indiqué que cela lui a été préjudiciable.

[57]      Transports Canada a indiqué qu’il était d’accord avec mon évaluation.

[58]      Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Article 23 : secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige

[59]      L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[60]      Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[61]      Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige;
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[62]      Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[63]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[64]      Transports Canada n’a pas appliqué l’article 23 aux documents; cependant, le CFCP a soulevé cette exception dans ses observations. Ce dernier soutenait que les renseignements en cause étaient soit le résultat d’une communication entre un client et un avocat, soit des renseignements relatifs à un litige en instance ou envisagé ou créés principalement dans ce but.

[65]      Bien que ses avocats aient possiblement participé à l’interrogation des témoins et aux communications avec Transports Canada, le CFCP n’a pas démontré en quoi la communication révélerait le contenu de communications visant directement l’obtention d’avis juridiques. Si les avis échangés entre le CFCP et ses avocats se trouvent dans les documents, on pourrait penser que le CFCP aurait renoncé au privilège en divulguant cet échange à Transports Canada.

[66]      En ce qui concerne l’affirmation du CFCP selon laquelle le privilège relatif à un litige s’applique également, il n’a pas indiqué de litige en instance ou appréhendé ni tenté de préciser quels documents ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige.

[67]      Transports Canada a indiqué que, à son avis, l’article 23 ne peut pas s’appliquer aux renseignements en cause.

[68]      Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’article 23.

Paragraphe 24(1) : communication restreinte par une autre loi

[69]      Le paragraphe 24(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication est restreinte par une disposition de l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[70]      Transports Canada n’a pas appliqué le paragraphe 24(1) à aucune partie des documents, mais le CFCP a invoqué cette exception en réponse à l’avis que je lui ai transmis en vertu de l’article 36.3.

[71]      Le CFCP a fait valoir que les documents contiennent [traduction] « des renseignements, notamment sur des secrets de fabrication et de commerce, obtenus par Transports Canada sur le lieu de travail de CPKC, dans le cadre des pouvoirs d’enquête qui lui ont été conférés par l’article 141 du Code [canadien du travail]. »

[72]      Le paragraphe 144(3) du Code canadien du travail correspond à une disposition de l’annexe II et il s’appliquerait aux renseignements en cause si ces derniers constituent des secrets de fabrication ou de commerce. Le CFCP n’a toutefois pas cité de renseignements précis de cette nature et il n’a présenté aucune observation selon laquelle l’un ou l’autre de ces renseignements appartient à l’une de ces catégories.

[73]      Vu le caractère obligatoire de cette exception, le Commissariat a demandé des observations à ce sujet à Transports Canada. Ce dernier a indiqué qu’il ne croit pas que les renseignements constituent des secrets de fabrication ou de commerce, ce qui explique pourquoi il n’a pas appliqué le paragraphe 24(1) aux documents.

[74]      Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 24(1).

Résultat

[75]      La plainte est fondée.

Ordonnances

J’ordonne à la ministre des Transports ce qui suit :

  1. Communiquer le numéro de l’incident, dont la divulgation a été refusée en vertu de l’alinéa 16(1)c), aux pages 52-60 et 63 des documents;
  2. Communiquer les renseignements dont la divulgation a été refusée en vertu du paragraphe 19(1) qui sont de nature factuelle, ne se rapportent pas à un individu et peuvent raisonnablement être prélevés des renseignements personnels, lorsque j’ai conclu que les mêmes renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b);
  3. Communiquer les renseignements dont la divulgation a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b), sauf les renseignements qui, selon mes conclusions, satisfont aux critères du paragraphe 19(1) ou de l’alinéa 20(1)b).

Rapport et avis de l’institution

Le 20 janvier 2025, j’ai transmis à la ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 17 février 2025, la gestionnaire, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, m’a avisée que Transports Canada donnerait suite à mes ordonnances.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé au CFCP et au commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

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