Transports Canada (Re), 2025 CI 24

Date : 2025-03-31
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-03438
Numéro de la demande d’accès : A-2020-00216

Sommaire

La partie plaignante allègue que Transports Canada, en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents relatifs à l’essai de collision no TC11-231 d’un véhicule automobile Ford Focus 2011, mené le 15 mars 2012. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Conformément au paragraphe 20(4), les essais préliminaires peuvent être visés par l’exception, si les critères de celle-ci sont satisfaits. Transports Canada et les tiers n’ont pas démontré que les critères de l’alinéa 20(1)c) étaient satisfaits, compte tenu notamment de la note explicative proposée par Transports Canada. Ce dernier avait initialement refusé de communiquer les documents parce qu’il craignait qu’une mauvaise interprétation de ceux-ci puisse causer un préjudice. Les tribunaux concluent invariablement que les notes explicatives peuvent minimiser le risque que des documents soient mal interprétés et causent un préjudice.

La Commissaire à l’information a ordonné à Transports Canada de communiquer les documents dans leur intégralité et de joindre une note explicative à la communication. Transports Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux ordonnances. La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que Transports Canada, en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents relatifs à l’essai de collision no TC11-231 d’un véhicule automobile Ford Focus 2011, mené le 15 mars 2012. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[3]        Le Commissariat à l’information a demandé des observations aux tiers suivants, conformément à l’alinéa 35(2)c) :

  • TOMY International, Inc.;
  • PMG Technologies;
  • Ford du Canada Limitée (Ford Canada)
  • The Children’s Hospital of Philadelphia.

[4]        Ford Canada a répondu qu’il ne s’opposait pas à la communication, à condition qu’une note explicative adéquate soit jointe à la réponse. Les autres tiers n’ont pas répondu à la demande d’observations du Commissariat.

[5]        Le Commissariat a avisé tous les tiers de mon intention d’ordonner à Transports Canada de communiquer les renseignements se rapportant à eux. Seul Ford Canada a répondu et il a répété qu’il ne s’opposait pas à la communication si elle respectait les conditions qu’il avait établies initialement.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[6]        L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[7]        Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[8]        Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[9]      Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]      Transports Canada a initialement informé la partie plaignante qu’il refusait de communiquer les documents en vertu du paragraphe 20(4). Il a ensuite transmis une correction à la partie plaignante, indiquant qu’il appliquait l’alinéa 20(1)c) aux documents.

[11]      La partie plaignante affirmait que la communication des renseignements en cause ne peut pas être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)c), car le paragraphe 20(4) interdit aux institutions d’invoquer cet alinéa pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits effectués au nom d’un gouvernement. Transports Canada a expliqué que les essais en question étaient préliminaires, dans le cadre de recherches visant à mettre au point de nouvelles méthodes d’essai. Suivant le paragraphe 20(4), ce type d’essai préliminaire peut être visé par l’exception, si les critères de celle-ci sont satisfaits.

[12]      Transports Canada a refusé de communiquer l’intégralité des données et des vidéos de l’essai de collision en vertu de l’alinéa 20(1)c), mais il n’a pas indiqué quel préjudice pourrait découler de la communication de ces renseignements, à part un préjudice découlant d’une possible mauvaise compréhension. Plus précisément, Transports Canada a déclaré avoir les préoccupations suivantes :

  • Puisque les sièges d’auto ont été utilisés incorrectement durant ces essais, la communication des renseignements pourrait donner la fausse impression que les produits ne fonctionnent pas comme ils le devraient;
  • Le public pourrait faussement conclure qu’il est acceptable d’utiliser les sièges d’auto de cette manière incorrecte.

[13]      Suivant l’alinéa 20(1)c), il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui établissent l’incidence financière que la communication des renseignements pourrait avoir sur le tiers et sa compétitivité ainsi que la probabilité de cette incidence. Les parties doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [voir : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[14]      La Cour suprême a statué que les décideurs devraient accueillir avec scepticisme les allégations que la mauvaise compréhension, par le public, des renseignements divulgués sera préjudiciable au tiers, et que refuser de communiquer des renseignements pour cette raison compromettrait l’objet fondamental de la législation en matière d’accès à l’information (voir : Merck, au para 224).

[15]      De plus, Transports Canada a proposé de joindre une note explicative à la communication. La formulation proposée pour cette note a été communiquée aux tiers. Les tribunaux considèrent invariablement que ce type de note peut minimiser le risque de mauvaise interprétation des documents pouvant donner lieu au préjudice [voir : Fermes Burnbrae Limitée c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CF 957, aux para 112-113; Les Viandes du Breton Inc. c. Canada (Ministère de l’Agriculture), 2000 CanLII 16764, aux para 18-19].

[16]      Ford Canada a suggéré une autre formulation pour une note explicative, qui se lisait ainsi [traduction] :  

Ces vidéos et ces documents contiennent des images et des données recueillies dans le cadre de programmes de recherche sur la résistance aux chocs de Transports Canada. Ces essais ont été menés pour étudier les réactions des outils et de l’équipement de mesure, et non les véhicules.

Les essais visent notamment à étudier les capacités et les limitations des dispositifs anthropomorphes d’essai, à décrire comment les fonctions/caractéristiques du produit influent sur les réactions des dispositifs anthropomorphes, et à mettre au point de bonnes méthodes d’essai. Dans certains programmes, les méthodes sont intentionnellement choisies pour faire des essais au-delà des protocoles prescrits par la règlementation ou pour obtenir une réaction précise.

Les vidéos et les données ne devraient pas être utilisées ou consultées à d’autres fins.

[17]      Ford Canada a indiqué qu’il ne s’opposait pas à la communication des renseignements si une note explicative adéquate y était jointe. Ford Canada a indiqué que la note explicative serait visible pour la durée des vidéos. Aucun autre tiers n’a fait de suggestion concernant une note explicative.

[18]      Dans ses observations finales, Transports Canada a indiqué qu’il n’était plus d’avis que les critères de l’alinéa 20(1)c) ou de toute autre exception étaient satisfaits. Il a confirmé qu’il avait l’intention d’utiliser la formulation proposée par Ford Canada pour une note explicative.

[19]      Je conclus donc que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Résultat

[20]      La plainte est fondée.

Ordonnance

J’ordonne à la ministre des Transports de communiquer les documents dans leur intégralité et de joindre une note explicative à la communication.

Rapport et avis de l’institution

Le 20 mars 2025, j’ai transmis à la ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 26 mars 2025, la gestionnaire, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, de Transports Canada m’a avisée que ce dernier donnerait suite à l’ordonnance.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à Ford Canada.

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