Transports Canada (Re), 2023 CI 38

Date : 2023-10-25
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-00469
Numéro de dossier de l’institution : A-2019-00078/JAB

Sommaire

La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, des parties du Rapport d’enquête sur les situations comportant des risques, daté du 25 août 2016, sur le décès d’un employé de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Certains renseignements ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 19(1), dont les numéros de trains, les numéros de voies, les emplacements et des renseignements dans les dépositions de témoins dont la communication ne créerait pas de fortes possibilités d’identification des témoins.

L’institution et le tiers n’ont pas démontré que les renseignements satisfaisaient aux quatre critères de l’alinéa 20(1)b).

La Commissaire à l’information a ordonné à Transports Canada de communiquer des renseignements précis dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1), d’établir s’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)c) et, le cas échéant, d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire, et de communiquer les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) lorsque ceux-ci ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1).

Transports Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, des parties du Rapport d’enquête sur les situations comportant des risques, daté du 25 août 2016, sur le décès d’un employé de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN).

Enquête

[2]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[3]     Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[4]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[5]     Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[6]     Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[7]     En l’espèce, le plus proche parent de la victime a consenti à ce que Transports Canada communique les renseignements concernant la victime à la partie plaignante. Transports Canada a communiqué une quantité importante de renseignements concernant la victime, mais a refusé de communiquer d’autres renseignements. Le Commissariat à l’information comprend que Transports Canada est d’avis que les renseignements dont la communication a été refusée concernent des personnes autres que la victime, comme des témoins et d’autres employés du CN.

[8]     Les renseignements qui n’ont pas été communiqués en vertu de cette exception sont les suivants :

  • numéros de trains, numéros de voies, emplacements;
  • noms, postes et numéros de téléphone d’employés du CN;
  • dépositions de témoins et description de la situation comportant des risques.

[9]     Je conviens que les noms, les postes et les numéros de téléphone des employés du CN, de même que des parties des dépositions de témoins, sont des renseignements personnels visés par le paragraphe 19(1).

[10]     Cependant, pour les motifs qui suivent, en ce qui concerne les numéros de série de trains, les numéros de voies, les emplacements et des parties des dépositions de témoins dont la communication ne créerait pas de fortes possibilités d’identification, je suis d’avis que les critères du paragraphe 19(1) ne sont pas satisfaits.

[11]     Dans ses observations, le CN a indiqué que l’accident mortel a été mentionné dans les nouvelles et que la communication des dépositions de témoins ainsi que des renseignements connexes, comme les numéros de série de trains, les numéros de voies et/ou les emplacements, pourrait permettre au public d’identifier les employés présents au moment de l’accident. Le CN n’a cependant pas expliqué en quoi la communication de ces renseignements pourrait faire en sorte que ces individus soient identifiables.

[12]     Dans ses observations, Transports Canada maintenait que la communication des dépositions de témoins doit être refusée en vertu du paragraphe 19(1). Transports Canada soutenait que les descriptions des témoins devraient être considérées comme leurs opinions et points de vue personnels au sujet de ce qui s’est passé, et que la communication de ces renseignements pourrait permettre d’identifier les personnes présentes lors de l’incident. Cependant, comme c’était le cas pour les observations du CN, Transports Canada n’a pas démontré en quoi la communication de certaines parties des dépositions de témoins créerait de fortes possibilités d’identification des individus impliqués, en l’absence d’autres renseignements accessibles au public au sujet des événements.

[13]     Conformément à l’alinéa 35(2)d), le Commissariat a consulté le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP). Ce dernier était d’avis que, considérés isolément, les renseignements comme les numéros de série de trains, les numéros de voies et les emplacements ne constituent pas des renseignements personnels. Le CPVP a fait référence au critère des fortes possibilités établi dans la décision Gordon c. Canada (Santé), 2008 CF 258 (Gordon). Selon ce critère, il faut évaluer s’il y a de fortes possibilités qu’un individu puisse être identifié par l’utilisation de ces renseignements, seuls ou en combinaison avec des renseignements provenant d’autres sources.

[14]     En ce qui a trait aux renseignements factuels que renferment les dépositions de témoins, le CPVP était d’accord avec moi et reconnaît que la plupart des renseignements semblent être liés aux activités ferroviaires normales. Le CPVP a souligné plusieurs exemples, que j’ai inclus dans mon rapport à Transports Canada. Le CPVP a aussi déclaré que la communication de ce type de renseignements n’augmenterait pas la possibilité d’identifier les individus. De l’avis du CPVP, les experts de l’industrie ferroviaire sont les mieux placés pour établir en quoi consistent des événements normaux dans l’industrie.

[15]     Après avoir examiné les observations fournies par Transports Canada, le CN, le CPVP et la partie plaignante, je conclus qu’il n’a pas été établi que les renseignements comme les numéros de série de trains, les numéros de voies et les emplacements satisfont aux critères du paragraphe 19(1). Il semble que les seules personnes qui pourraient vraisemblablement identifier des témoins à partir de ce type de renseignements seraient des personnes qui seraient déjà bien au fait des événements. Compte tenu du critère énoncé dans la décision Gordon, je ne suis pas d’avis que les parties ont démontré qu’il y avait de fortes possibilités que les individus présents au moment de l’incident fatal puissent raisonnablement être identifiés par des personnes autres que celles qui connaissent déjà les renseignements. Transports Canada a affirmé dans ses observations qu’il était désormais disposé à communiquer ce type de renseignements.

[16]     Pour ce qui est des dépositions de témoins, je conclus que celles-ci consistent essentiellement en des comptes rendus des événements qui ont eu lieu. Si les noms des témoins sont caviardés, il est difficile de voir en quoi des parties des dépositions pourraient révéler des renseignements concernant un individu identifiable et ainsi être visées par l’exception prévue au paragraphe 19(1). Dans ses observations au Commissariat, le CPVP a cité plusieurs phrases qui, à son avis, ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1). Outre ces exemples, il semblerait qu’il y a de nombreuses autres parties des dépositions qui auraient pu être communiquées sans créer de possibilité d’identifier l’individu qui a fait la déposition, comme celles que j’ai incluses dans mon rapport à Transports Canada. Je conclus que les parties n’ont pas démontré que ce type de renseignements factuels figurant dans les dépositions de témoins révélait de l’information au sujet d’un individu identifiable autre la victime.

[17]     Je conclus que les renseignements dont la communication ne créerait pas de fortes possibilités d’identification d’un individu autre que la victime ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1). Cela comprend les numéros de série de trains, les numéros de voies, les emplacements et les renseignements contenus dans les dépositions de témoins dont la communication ne créerait pas de fortes possibilités d’identification des témoins.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[18]     Étant donné qu’une partie des renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), Transports Canada était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse à la demande d’accès.

[19]     En vertu de l’alinéa 19(2)a), Transports Canada était tenu d’établir si le consentement a été donné en faisant des efforts raisonnables pour demander le consentement des personnes dont les renseignements personnels figurent dans les documents. Il convient de noter que, lorsqu’il a répondu à la demande, Transports Canada a exercé son pouvoir discrétionnaire quant à la communication des renseignements personnels concernant la victime, compte tenu du consentement fourni par la partie plaignante. Transports Canada a indiqué que les témoins ont fourni leur déposition avec l’assurance qu’elle serait confidentielle et, par conséquent, Transports Canada n’a pas considéré qu’il était raisonnable de demander le consentement aux individus dont les renseignements n’ont pas été communiqués. Je conviens que, dans les circonstances, la position de Transports Canada est raisonnable.

[20]     En ce qui concerne l’alinéa 19(2)b), Transports Canada devait raisonnablement établir si les renseignements personnels sont accessibles au public. Bien que j’aie constaté que certains des renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) sont accessibles au public, j’ai également conclu qu’ils ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’évaluer s’il était nécessaire d’exercer le pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)b) en ce qui concerne les numéros de série de trains, les numéros de voies et les emplacements.

[21]     Transports Canada était également tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)c) lorsque la communication serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme les documents concernent des accidents mortels en milieu de travail, j’ai cherché à savoir si Transports Canada avait tenu compte du sous-alinéa 8(2)m)(i) de cette loi, qui lui aurait permis de communiquer des renseignements personnels lorsque « des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ». Transports Canada a indiqué qu’il avait évalué si la communication serait dans l’intérêt public, et qu’il a conclu que ce dernier ne justifiait pas nettement la violation de la vie privée qui aurait découlé de la communication. Transports Canada n’a cependant pas démontré qu’il avait pris en compte tous les facteurs pertinents lorsqu’il a évalué l’intérêt public dans la communication par rapport à une éventuelle violation de la vie privée, comme il se doit [voir Fraser v. Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2023 FCA 167 aux para 71 à 77 – en anglais seulement]    . Dans ce cas, les témoins ont fourni les renseignements à titre d’employés du tiers et leurs dépositions ne sembleraient pas les impliquer dans des actes répréhensibles. Par conséquent, la violation de leur vie privée découlant de la communication partielle ou totale de leur déposition pourrait être minimale.

[22]     Je conclus que les circonstances prévues aux alinéas 19(2)a) et b) n’existaient pas lorsque Transports Canada a répondu à la demande d’accès, sauf lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)a) quant à la communication de renseignements concernant la victime quand il a traité la demande. En ce qui concerne l’alinéa 19(2)c), je dois conclure que Transports Canada n’a pas démontré qu’il avait établi si ces circonstances existaient ou non, ce qui l’a empêché d’exercer son pouvoir discrétionnaire, le cas échéant.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[23]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[24]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[25]     Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[26]     De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[27]     Le Commissariat a demandé au tiers, le CN, de lui faire part de ses observations, conformément à l’ alinéa 35(2)c). Le CN a répondu et fait part de ses observations, mais je ne suis toujours pas convaincue que les critères de l’alinéa 20(1)b) étaient satisfaits en ce qui concerne les renseignements non communiqués.

[28]     Comme l’exige l’article 36.3, le Commissariat a informé le tiers de mon intention d’ordonner à Transports Canada de communiquer les renseignements qui ne sont pas autrement protégés par le paragraphe 19(1). Le CN a répondu par les mêmes observations qu’il avait fournies précédemment.

[29]     Le Commissariat a également demandé des observations à Transports Canada, suivant l’alinéa 35(2)b).

[30]     Transports Canada a refusé de communiquer, en vertu de l’alinéa 20(1)b), des parties du rapport contenant des numéros de trains de marchandises, des renseignements sur les voies et les bornes kilométriques, des dépositions de témoins, des faits relatifs à l’événement, une analyse des facteurs et des parties des conclusions et recommandations.

[31]     Concernant le premier critère de l’exception, je conviens que certains des renseignements caviardés sont de nature commerciale et/ou technique, au sens courant de ces termes. Par conséquent, au moins une partie des renseignements caviardés peuvent satisfaire au premier critère de l’alinéa 20(1)b). Je ne suis cependant pas convaincue que tous les renseignements correspondent à l’une de ces catégories.

[32]     Les mouvements de la victime, par exemple, ne semblent pas être des renseignements de nature commerciale ou technique. Comme l’indiquait mon rapport à Transports Canada, je ne suis pas convaincue que les renseignements aux pages 11 et 13-16 sont de nature commerciale ou technique.

[33] Dans ses observations, le CN a fourni des exemples de renseignements qu’il estimait être de nature technique et commerciale : les numéros de série de trains, les numéros de voies et/ou les emplacements du CN, les processus opérationnels sur lesquels s’appuie le CN. Bien que je convienne que la plupart des renseignements que le CN a désignés sont de cette nature, certains des renseignements semblent se rapporter à des pratiques normales de l’industrie. Transports Canada n’a présenté aucune observation abordant ces points. Il semble plutôt s’appuyer sur l’affirmation du CN selon laquelle les renseignements sont de nature commerciale ou technique. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, une telle déclaration générale ne suffit pas pour démontrer que les premiers critères de l’exception sont satisfaits.

[34] Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  1. le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  2. les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  3. les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453]; voir aussi Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 133.]

[35] Bien que je convienne que ce ne sont pas tous les renseignements qui sont accessibles au public, une grande partie de ceux-ci sont dans le domaine public et ne satisfont donc pas au critère selon lequel les renseignements doivent être objectivement confidentiels. Je souligne notamment les pratiques normales de l’industrie susmentionnées et le fait que des détails de l’incident sont mentionnés dans une lettre envoyée par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) à Transports Canada, datée du 22 mai 2015, qu’on peut trouver en ligne : https://www.documentcloud.org/documents/6793183-RSA-06-15-Communicating-Changes-to-Workplans.html (en anglais seulement). Le BST publie régulièrement ce type de lettres sur son site Web.

[36] Un autre exemple de renseignements dans le domaine public : la communication d’une citation provenant des instructions générales d’exploitation du CN a été refusée en vertu de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b), aux pages 18 à 19. Cette section des instructions est accessible dans un rapport publié par le BST sur son site Web.

[37] Même si le CN affirme que les renseignements publics ne sont pas comparables aux renseignements hautement sensibles qui se trouvent dans les documents, il n’a aucunement appuyé cette position, et je ne suis pas convaincue que la communication de ces renseignements dans le contexte des documents révèlerait des renseignements qui ne sont pas publics.

[38] Au cours de l’enquête, Transports Canada a indiqué que, après avoir examiné davantage les renseignements accessibles au public, il ne maintient plus l’application de l’alinéa 20(1)b) aux renseignements accessibles au public qui figurent aux pages 9-11 et 13-17.

[39] De plus, je note que certains des renseignements qui demeurent caviardés ont été communiqués ailleurs dans le document et j’en ai donné des exemples à Transports Canada dans mon rapport.

[40] Je n’ai pas reçu d’élément de preuve me permettant de conclure que tous les renseignements caviardés dans le rapport ont été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués. Ce type de renseignements est régulièrement communiqué par le BST, ce qui semble réduire l’attente que Transports Canada refuserait de communiquer ce même type de renseignements dans des circonstances similaires.

[41] Bien que le CN ait présenté des observations expliquant en quoi la confidentialité des renseignements favorise la relation entre le CN et Transports Canada dans l’intérêt public, je ne suis pas convaincue. À titre d’exemple illustrant en quoi la confidentialité de la communication serait bénéfique, le CN cite les mesures de sécurité supplémentaires qu’il a mises en place après l’incident en cause, mais il semble peu probable que le CN aurait décidé de ne pas mettre en place ces nouvelles mesures de sécurité simplement parce que les détails de l’incident ont été rendus publics par Transports Canada. Lorsque les renseignements non communiqués se rapportent à la sécurité ferroviaire, la confidentialité de la communication semble être contraire à l’intérêt public.

[42] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les renseignements dont la communication a été refusée satisfont au deuxième critère de l’exception.

[43] Je conviens que la plupart des renseignements non communiqués auraient été fournis à Transports Canada par le CN ou ses employés, et qu’ils satisfont donc au troisième critère de l’exception. Cependant, certains des renseignements non communiqués semblent pouvoir être directement observés par les enquêteurs de Transports Canada, notamment des renseignements comme les bornes kilométriques, les numéros de trains ainsi que les vêtements et l’équipement de la victime.

[44] Enfin, selon les observations et la preuve, je suis prête à convenir que les renseignements dont la communication a été refusée ont toujours été traités comme confidentiels par le CN, et donc qu’ils satisfont au quatrième critère de l’exception.

[45] Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b), car aucun des renseignements ne satisfait aux quatre critères de l’exception.

Résultat

[46] La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre des Transports ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements qui ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1), tel que décrit dans mon rapport;
  2. Établir si la communication serait dans l’intérêt public et établir sérieusement si l’intérêt public justifierait la violation de la vie privée et, s’il est nécessaire d’exercer le pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)c), raisonnablement exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire quant aux renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1);
  3. Communiquer les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) lorsque ceux-ci ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1).

Le 12 septembre 2023, j’ai transmis au ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 19 octobre 2023, le sous-ministre de Transports Canada m’a avisé que le ministère donnerait suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu au CN et au commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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