Transports Canada (Re), 2023 CI 37

Date : 2023-01-25
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-01349
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00472

Sommaire

La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des renseignements relatifs aux demandes les plus récentes et aux documents spécifiant l’effectif minimal de sécurité (DEMS) délivrés pour le navire à passagers Queen of Cumberland. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Les renseignements personnels non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) ne sont plus visés par la plainte.

L’institution et le tiers n’ont pas démontré que tous les critères de l’alinéa 20(1)b) étaient satisfaits.

La Commissaire à l’information a ordonné à Transports Canada de communiquer tous les renseignements dont la communication avait été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b), sauf les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1).

Transports Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait « probablement » suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des renseignements relatifs aux demandes les plus récentes et aux documents spécifiant l’effectif minimal de sécurité (DEMS) délivrés pour le navire à passagers Queen of Cumberland. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]     Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels).

Enquête

[3]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]     Le Commissariat à l’information a demandé au tiers, BC Ferries, de présenter des observations en vertu de l’alinéa 35(2)c). En réponse, BC Ferries a indiqué ne pas prendre position sur la communication des renseignements figurant dans les documents. BC Ferries a eu une autre occasion de présenter des observations en réponse à l’avis du Commissariat en vertu de l’article 36.3, mais ne l’a pas fait.

[5]     Dans ses observations, Transports Canada a convenu que les renseignements dont la communication était auparavant refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b), qui se trouvent aux pages 1, 3-8, 10-14, 16-26, 28-36, 39-40 et 42-53, peuvent maintenant être communiqués. Aucune observation n’a été présentée concernant les renseignements dont la communication a été refusée aux pages 2, 9, 15 et 27.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[6]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[7]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[8]     Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[9]     De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[10]     Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[11]     L’alinéa 20(1)b) exige que les parties qui s’opposent à la communication présentent des observations démontrant que les quatre critères de l’exception ont été satisfaits à l’égard des renseignements non communiqués.

[12]     Transports Canada a appliqué l’exception aux renseignements relatifs aux caractéristiques physiques, à l’équipement et aux procédures de sécurité du navire, à des notes manuscrites et à des mentions de chiffres relatifs à l’effectif minimal de sécurité dans des courriels, un formulaire d’évaluation, des demandes d’effectif minimal de sécurité et des DEMS signés.

[13]     Comme mentionné ci-dessus, après avoir eu l’occasion de présenter des observations, BC Ferries a indiqué ne pas prendre position sur la communication des renseignements figurant dans les documents.

[14]     En ce qui concerne le premier critère, à savoir que les renseignements doivent être « financiers », « commerciaux », « scientifiques » ou « techniques », la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, au para 139, a déclaré qu’il « convient de donner aux termes “financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques” leur sens lexicographique ordinaire. »

[15]     Je conviens que les détails des caractéristiques physiques du navire et les renseignements relatifs à sa sécurité, comme son système d’évacuation maritime, constituent des renseignements techniques. Cependant, je ne suis pas convaincue que les chiffres liés à l’effectif minimal de sécurité, qu’ils soient présentés dans les courriels, le formulaire d’évaluation ou les DEMS, sont de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, au sens courant de ces termes.

[16]     Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public. [Voir : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, para 72.]    

[17]     En ce qui concerne les caractéristiques du navire et les renseignements relatifs à la sécurité dont la communication a été refusée dans le formulaire d’évaluation, au moins une partie de ces renseignements est accessible au public. BC Ferries publie les renseignements relatifs à la sécurité de chaque navire faisant partie de sa flotte sur son site Web.

[18]     Bien que certains des renseignements relatifs à la sécurité fournis en ligne ne correspondent pas à ceux dans le formulaire d’évaluation, les renseignements publiés démontrent que BC Ferries met certains renseignements concernant ses navires et leur sécurité à la disposition du public. En outre, certaines des caractéristiques des navires et leur équipement de sécurité pourraient être observés par les passagers, qui recevraient probablement de l’information au sujet de la sécurité avant le départ. Compte tenu du fait que ces renseignements sont accessibles au public, je ne suis pas convaincue que BC Ferries les a transmis avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués.

[19]     Pour ce qui est de la dernière condition de confidentialité, je ne suis pas d’avis que la confidentialité des caractéristiques du navire ou des renseignements relatifs à la sécurité favorise la relation entre le gouvernement et BC Ferries dans l’intérêt public. BC Ferries doit fournir des renseignements concernant son navire à Transports Canada dans ses demandes de DEMS. Les inspecteurs de la sécurité maritime (ISM) de Transports Canada vérifient les renseignements fournis, remplissent les évaluations et délivrent les DEMS. Je ne vois pas en quoi la confidentialité des renseignements favoriserait l’échange de renseignements similaires avec Transports Canada dans l’avenir, et donc comment cela favoriserait la relation BC Ferries et Transports Canada dans l’intérêt public.

[20]     En ce qui concerne les chiffres liés à l’effectif minimal de sécurité, je ne suis pas d’avis que les renseignements satisfont aux conditions de confidentialité. Le Commissariat n’a pas reçu d’observations démontrant que ces renseignements ne sont pas accessibles au public. Il est également difficile de voir en quoi BC Ferries a transmis les renseignements en cause avec l’assurance qu’ils ne seront pas divulgués. Pour ce qui est de la dernière condition, comme mentionné ci-dessus, il est difficile de voir en quoi la confidentialité des renseignements favoriserait la relation entre le gouvernement et BC Ferries dans l’intérêt public.

[21]     Pour ce qui est du troisième critère de l’alinéa 20(1)b), je ne suis pas convaincue que tous les renseignements non communiqués ont été fournis à Transports Canada par BC Ferries. Transports Canada a confirmé que BC Ferries avait rempli et fourni les copies du formulaire d’évaluation. BC Ferries a également produit les notes manuscrites figurant aux pages 20 et 22, alors que le reste des notes manuscrites ont été produites par les ISM. Je conviens que les renseignements dans les courriels envoyés par le capitaine de BC Ferries, les formulaires de demande et le formulaire d’évaluation constituent des renseignements fournis par un tiers à Transports Canada. Cependant, je ne suis pas d’avis que les notes manuscrites produites par les ISM ou les DEMS approuvés constituent des renseignements fournis par un tiers.

[22]     Dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a affirmé que la question de savoir si les renseignements ont été fournis par un tiers est une question de fait et que c’est le contenu plutôt que la forme des renseignements qui doit être pris en compte. Le simple fait qu’un document a été préparé par un fonctionnaire ne suffit pas pour que sa communication soit refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b). Cependant, les renseignements que les fonctionnaires recueillent eux-mêmes à la suite d’observations, par exemple des rapports produits par des inspecteurs du gouvernement en fonction de ce qu’ils ont observé, ne sont pas considérés comme ayant été fournis par un tiers (Merck, supra, para 156).

[23]     Dans ce cas, les notes manuscrites des ISM dans ces documents constituent des observations faites par les ISM lorsqu’ils assistaient à des exercices de sécurité. En ce qui concerne les DEMS remplis, ces documents sont produits et signés par les ISM de Transports Canada. Bien que le nombre de membres de l’équipage indique l’effectif auquel aura recours BC Ferries, c’est Transports Canada qui établit et approuve le nombre de membres de l’équipage indiqué dans ces documents à la suite de sa propre évaluation et en fonction de la réglementation sur la sécurité maritime. Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas au troisième critère de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

[24]     En ce qui concerne le dernier critère, aucune observation n’a été présentée pour démontrer que BC Ferries a toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels. Dans sa réponse à Transports Canada durant le traitement de la demande, BC Ferries a affirmé que refuser de communiquer ces renseignements serait conforme à ses réponses à des demandes d’accès provinciales. Cependant, comme mentionné ci-dessus, certains des renseignements concernant le navire ont été mis à la disposition du public sur le site Web de l’entreprise et pourraient être facilement observés par les passagers du navire.

[25]     Transports Canada n’a pas démontré que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b). Par conséquent, je conclus qu’aucun des renseignements en cause ne satisfait aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Résultat

[26]     La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre des Transports de communiquer tous les renseignements dont la communication avait été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b), sauf les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1).

Le ministre des Transports doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 18 novembre 2022, j’ai transmis au ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 9 janvier 2023, le sous-ministre m’a avisée que Transports Canada donnerait probablement suite à une ordonnance de communiquer les renseignements de tiers tout en maintenant l’application des exceptions en vertu du paragraphe 19(1).

Le Commissariat aussi fait parvenir le présent compte rendu à BC Ferries.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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