Transports Canada (Re), 2022 CI 63

Date : 2022-12-01
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-03837
Numéro de dossier de l’institution : A-2019-00078/JAB

Sommaire

La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)a) (secrets industriels de tiers), 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès qui visait des types précis de documents liés à un système d’aéronef du Boeing 737 MAX [Maneuvering Characteristics Augmentation System (MCAS)]. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Les renseignements personnels non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) ne sont plus visés par la plainte.

Transports Canada a refusé de communiquer des documents pertinents dans leur totalité en vertu des alinéas 20(1)a), b) et c).

L’institution et le tiers n’ont pas démontré que les critères de l’alinéa 20(1)a) étaient satisfaits, que tous les renseignements étaient des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels satisfaisant aux critères de l’alinéa 20(1)b) ou que les renseignements généraux ou inoffensifs satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)c).

La Commissaire à l’information a ordonné à Transports Canada de communiquer les renseignements en cause et d’exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6).

Transports Canada a indiqué qu’il communiquerait des pages précises conformément à l’ordonnance.  

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)a) (secrets industriels de tiers), 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès qui visait des types précis de documents liés à un système d’aéronef du Boeing 737 MAX [Maneuvering Characteristics Augmentation System (MCAS)]. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1) aux renseignements en cause.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le Commissariat a demandé des observations au tiers, la société Boeing, suivant l’alinéa 35(2)c) de la Loi, ainsi qu’à Transports Canada, suivant l’alinéa 35(2)b). Bien que Boeing soutienne que les alinéas 20(1)a), b) et c) s’appliquent à la totalité des documents, elle a consenti à divulguer certaines parties de ceux-ci.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[5]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[6]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[7]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[8]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[9]      Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]    Transports Canada a refusé de communiquer la totalité des documents pertinents en vertu de l’alinéa 20(1)b), même qu’en vertu des alinéas 20(1)a) et 20(1)c).

[11]    Le Commissariat a noté que, dans ses observations à Transports Canada, Boeing a déclaré que les documents contiennent des renseignements très sensibles concernant des systèmes d’aéronef du 737 MAX.

[12]    Je conviens que les documents contiennent beaucoup de renseignements techniques, mais je ne suis pas convaincue que la totalité des renseignements est de nature financière, commerciale, scientifique ou technique. Par exemple, les pages de couverture, les remerciements, les numéros de page et les en-têtes/titres génériques ne semblent pas correspondre à la définition commune de ces termes, car ils contiennent des renseignements plus généraux. Selon les conclusions de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 141-142, des parties de documents techniques peuvent être considérées comme ne satisfaisant pas aux critères pour être des renseignements techniques. Je ne suis pas convaincue par l’argument de Transports Canada selon lequel la totalité des renseignements dans ces documents sont de nature commerciale ou technique du seul fait qu’ils font partie d’un document qui est en grande partie technique et qui est nécessaire au succès commercial de Boeing.

[13]    Selon la Cour fédérale [Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453, à 197], pour que l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) s’applique, il faut que les renseignements en question répondent aux critères de confidentialité suivants :

1) le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;

2) les renseignements doivent avoir, été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;

3) les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public. [Voir aussi : Merck Frosst, supra, para 133; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, para 72].

[14]    Je note que certaines parties des documents en cause sont accessibles au public dans au moins une autre administration. Je ne peux donc pas conclure que les renseignements accessibles au public énumérés dans mon rapport à Transports Canada satisfont au premier critère de confidentialité.

[15]    Ensuite, bien que je convienne que beaucoup des renseignements en cause satisfont au deuxième critère de confidentialité, ce n’est pas le cas pour la totalité de ceux-ci.

[16]    Comme l’a conclu la Cour fédérale dans AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé), 2005 CF 189 (confirmé dans 2006 CAF 241) : « Une partie qui cherche à obtenir une approbation du gouvernement, tout comme celles qui cherchent à obtenir des fonds ou des contrats du gouvernement, ne peut s’attendre à jouir du même degré de confidentialité qu’une partie qui aide le gouvernement. Et surtout lorsque l’approbation en question est liée à la santé et au bien-être physique des gens. »

[17]    Transports Canada a présenté des éléments de preuve attestant de l’attente de confidentialité qu’il y a entre lui et les constructeurs à l’égard desquels il réglemente.

[18]    Je ne suis cependant pas convaincue que l’information qui est connue d’un vaste public, comme les renseignements généraux liés à l’industrie, c.-à-d. les acronymes et références externes ou les renseignements généraux, satisfont au critère de confidentialité. Ni Transports Canada ni Boeing n’ont présenté d’observations adéquates pour s’acquitter du fardeau qui leur incombait pour me convaincre du contraire.

[19]    Bien que je convienne que la plupart des documents satisfont au troisième critère de confidentialité, je ne suis pas convaincue que tous les renseignements en cause y satisfont. La communication publique, plutôt que confidentielle, de ces renseignements, favoriserait la relation entre Boeing et Transports Canada dans l’intérêt du public.

[20]    Je conviens que les documents en question ont été fournis à Transports Canada par Boeing par l’entremise de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis [Merck Frosst, supra, para 156-159] et que Boeing a toujours traité les documents comme étant confidentiels. Les troisième et quatrième critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) sont donc satisfaits.

[21]    Je conclus que ce ne sont pas tous les renseignements non communiqués qui satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b). Boeing et Transports Canada n’ont pas démontré que certains renseignements sont confidentiels et de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, comme l’indiquait mon rapport à Transports Canada.

Alinéa 20(1)a) : secrets industriels de tiers

[22]    L’alinéa 20(1)a) exige que les institutions refusent de communiquer des secrets industriels qui appartiennent à des tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[23]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer que les renseignements sont un secret industriel, c’est-à-dire un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé qui possède toutes les caractéristiques suivantes :

  • les renseignements sont secrets, c’est-à-dire qu’ils ne sont connus que par un seul individu ou un nombre restreint de personnes;
  • le tiers a agi dans l’intention de traiter les renseignements comme étant secrets;
  • les renseignements ont une application pratique dans le secteur industriel ou commercial;
  • le tiers a un intérêt digne d’être protégé par la loi (c’est-à-dire un intérêt économique).

[24]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[25]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)a) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[26]    Transports Canada a refusé de communiquer la totalité des documents pertinents en vertu de l’alinéa 20(1)a), de même qu’en vertu des alinéas 20(1)b) et 20(1)c).

[27]    Dans ses observations à Transports Canada, Boeing a déclaré que les documents contiennent des renseignements très sensibles concernant les systèmes d’aéronef du 737 MAX en lien avec la certification.

[28]    Dans Merck Frosst, supra, para 109, la Cour suprême du Canada a défini le secret industriel comme étant un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé qui possède les caractéristiques suivantes :

  • l’information doit être secrète dans un sens absolu ou relatif (elle est connue seulement d’une ou de quelques personnes);
  • le détenteur de l’information doit démontrer qu’il a agi avec l’intention de traiter l’information comme si elle était secrète;
  • l’information doit avoir une application pratique dans le secteur industriel ou commercial;
  • le détenteur doit avoir un intérêt (p. ex., un intérêt économique) digne d’être protégé par la loi. 

[29]    Bien qu’il soit possible que les documents contiennent des secrets industriels, je ne suis pas convaincue que la totalité de ceux-ci constitue des secrets industriels.

[30]    Pour constituer un secret industriel, l’information doit être un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé. Le Commissariat a cherché à savoir si c’était vraiment le cas, en quoi tous ces renseignements peuvent avoir une application industrielle ou commerciale, ainsi qu’en quoi Boeing a un intérêt dans l’ensemble des renseignements (dont une grande partie a trait à la conformité à la réglementation) digne d’être protégé par la loi. Bien que la société Boeing ait indiqué que les documents peuvent contenir certains procédés ou plans, elle n’a pas démontré en quoi la totalité des documents satisfait à ce critère. Le Commissariat a demandé des observations à Transports Canada au sujet des points susmentionnés, notamment pour savoir exactement quels renseignements dans les documents en cause constituent des secrets industriels [voir Canada (Transports) c. Air Transat A.T. Inc., 2019 CAF 286, para 63-66; voir aussi : Merck Frosst, supra, para 120-126].

[31]    Transports Canada a concédé qu’après avoir réexaminé les documents, il n’invoquerait plus l’alinéa 20(1)a) pour refuser de communiquer les documents. Transports Canada n’a présenté aucune observation appuyant l’affirmation de Boeing selon laquelle les critères de l’alinéa 20(1)a) sont satisfaits.

[32]    Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)a).

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[33]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[34]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[35]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[36]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[37]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[38]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[39]    Transports Canada a refusé de communiquer la totalité des documents pertinents en vertu de l’alinéa 20(1)c), de même qu’en vertu des alinéas 20(1)a) et 20(1)b).

[40]    Je ne suis pas convaincue que la totalité des renseignements dans les documents en cause satisfont aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c). Plus précisément, je ne suis pas convaincue que les renseignements qui ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b), selon mes conclusions, satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c). Cependant, quant aux renseignements qui, selon moi, satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b), il n’est pas nécessaire d’aborder l’applicabilité de l’alinéa 20(1)c).

[41]    Je suis d’avis que Boeing et Transports Canada ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer que les renseignements généraux et inoffensifs, comme des pages de titre et des références, satisfont aux critères de l’exception. En consentant à la communication de ce type de renseignements, Boeing met plutôt en doute l’attente raisonnable que leur communication cause un préjudice. Bien que Boeing soutienne que la communication des références révélerait les détails de son processus interne pour obtenir une certification, je ne suis pas d’avis que cela s’applique à tous les renseignements dans les listes de références. Ni Transports Canada ni Boeing n’ont démontré que les numéros de document et les autres renseignements qui ne révèlent pas de renseignements commerciaux ou techniques confidentiels satisfont aux critères de l’exception.  

[42]    Puisque beaucoup de renseignements relatifs à l’aéronef Boeing 737 MAX ont été rendus publics à la suite des écrasements de Lion Air et d’Ethiopian Airlines, il faut tenir compte de ce fait dans le contexte de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c) [Bombardier Inc. c. Canada (Procureur général), 2019 CF 207, para 21, 125-126].

[43]    Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue qu’il y a un lien clair et direct entre la communication des renseignements en cause susmentionnés et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [Merck Frosst, supra, para 197, 206].

[44]    Je conclus que certains des renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)c). Transports Canada et Boeing n’ont pas démontré qu’il y a une attente raisonnable que la communication de certains renseignements cause l’un des préjudices décrits à l’alinéa 20(1)c), comme l’indiquait mon rapport à Transports Canada.

Paragraphe 20(5) : communication autorisée

[45]    Lorsque les critères des alinéas 20(1)a), b) et c) sont satisfaits et que le tiers concerné consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[46]    Dans ses observations, Boeing a indiqué qu’elle consentait à la communication de certaines parties des documents.

[47]    Le Commissariat a demandé des observations à Transports Canada pour savoir s’il acceptait maintenant d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(5) dans les cas où il estimait que les critères des alinéas 20(1)a), b) ou c) sont satisfaits, mais que Boeing a consenti à communiquer les renseignements.

[48]    Transports Canada a indiqué que, puisque la société Boeing y consentait, il était maintenant disposé à communiquer les parties des documents indiqués par celle-ci.

Paragraphe 20(6) : communication pour des raisons de sécurité publique

[49]    Lorsque les critères des alinéas 20(1)a), b) ou c) sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[50]    À la suite des écrasements de Lion Air et d’Ethiopian Airlines, des défenseurs de la sécurité publique ont exprimé un fort intérêt pour les renseignements relatifs à l’aéronef Boeing 737 MAX. La société Boeing a été accusée par le département de la Justice des États-Unis relativement au système MCAS de son aéronef 737 MAX, à la suite de quoi un accord de poursuite suspendue a été conclu, dans lequel Boeing acceptait de verser plus de 2,5 milliards de dollars : https://www.justice.gov/opa/press-release/file/1351336/download [disponible en anglais seulement]. Selon cet accord, le système MCAS s’est activé durant les écrasements de Lion Air et d’Ethiopian Airlines et il pourrait avoir joué un rôle dans les accidents.

[51]    Je reconnais que Transports Canada n’aurait pas pu évaluer si l’une ou l’autre des circonstances décrites au paragraphe 20(6) existait lorsqu’il a répondu à la demande d’accès, car il n’aurait pas pu exercer son pouvoir discrétionnaire dans les cas où les critères de l’alinéa 20(1)a) sont satisfaits, et qu’il a appliqué cet alinéa à la totalité des documents.

[52]    Selon la conclusion préliminaire du Commissariat, les critères de l’alinéa 20(1)a) n’étaient pas satisfaits pour la totalité des documents. Il a donc demandé des observations à Transports Canada sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6). Transports Canada a alors concédé que les critères de l’alinéa 20(1)a) ne sont pas satisfaits, mais maintient que ceux des alinéas 20(1)b) ou c) le sont.

[53]    Après avoir décidé qu’aucun des documents n’était visé par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)a), Transports Canada a présenté au Commissariat des observations sur son exercice subséquent du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6). Transports Canada a indiqué que l’intérêt public avait été pris en considération, mais qu’il ne serait pas dans l’intérêt public de communiquer les renseignements. Transports Canada a affirmé que la communication compromettrait sa crédibilité auprès de ses partenaires dans le domaine de la navigabilité et des manufacturiers à l’échelle internationale, citant les décisions Air Atonabee, supra, au para 49, et Porter, supra, au para 68, à l’appui de sa position.  

[54]    Les observations de Transports Canada ne mentionnent pas que les écrasements de Lion Air et d’Ethiopian Airlines ont été pris en considération, ni l’intérêt public de la communication des renseignements en cause qui en découle dans ce contexte. Il s’agit évidemment d’un facteur sur lequel Transports Canada aurait raisonnablement dû se pencher dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6) (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 SCC 65, para 128).

[55]    Je conclus que Transports Canada n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents en décidant de ne pas communiquer les renseignements. Son traitement superficiel de l’intérêt public, sans égard pour l’intérêt public relatif aux écrasements de Lion Air et d’Ethiopian Airlines, n’atteint pas le niveau de justification requis, en ce qui a trait aux faits et au droit, pour que son exercice du pouvoir discrétionnaire soit raisonnable. Par conséquent, je suis d’avis que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par Transports Canada n’était pas raisonnable.

Paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux

[56]    Le paragraphe 13(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux.

[57]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • Les renseignements ont été obtenus de l’un des organismes gouvernementaux suivants :
    • un gouvernement ou un organisme d’un État étranger;
    • une organisation internationale d’États ou un de ses organismes;
    • un gouvernement ou un organisme provincial;
    • une administration ou un organisme municipal ou régional;
    • un gouvernement ou un conseil autochtone mentionné au paragraphe 13(3).
  • Les renseignements ont été obtenus de l’organisme gouvernemental à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.

[58]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
  • l’organisme gouvernemental les a déjà rendus publics.

[59]    Lorsque l’une ou l’autre de ces circonstances ou les deux existent, le paragraphe 13(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[60]    Dans ses observations, Boeing alléguait que l’alinéa 13(1)a) aurait dû être appliqué pour protéger les renseignements fournis par la FAA. La société soutenait que les documents pertinents avaient été fournis à Transports Canada par la FAA et que l’entente entre ces deux organismes ne permet pas à Transports Canada de communiquer des renseignements fournis par la FAA sans le consentement de celle-ci ou du tiers auquel les renseignements se rapportent. Dans ses observations, Transports Canada a indiqué que seul le tiers, et non la FAA, pouvait consentir à la communication des renseignements. Transports Canada a indiqué dans ses observations qu’il estime que les critères de l’alinéa 13(1)a) ne sont pas satisfaits.

[61]    Après avoir examiné les procédures de mise en œuvre auxquelles Boeing fait référence, je conclus que celles-ci permettent de communiquer les renseignements fournis par la FAA à Transports Canada, dans la mesure où aucune exception relative à un tiers ne s’applique. Par conséquent, rien n’indique que la transmission de ce type de renseignements par la FAA à Transports Canada est confidentielle, tel que décrit au paragraphe 13(1). Par conséquent, le deuxième critère de cette exception n’est pas satisfait.

[62]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 13(1).

Résultat

[63]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre des Transports ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements auxquels les exceptions prévues à l’article 20 ne s’appliquent pas, selon mes conclusions, tel qu’indiqué dans mon rapport;
  2. Exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6) en prenant en considération tous les facteurs pertinents, notamment l’intérêt public de la communication en ce qui a trait aux écrasements de Lion Air et Ethiopian Airlines;
  3. Communiquer ces renseignements dans un délai de 10 jours suivant la date de prise d’effet de cette ordonnance, en vertu de l’alinéa 36.1(4)b).

Comme les renseignements en cause concernent un tiers, le ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 14 octobre 2022, j’ai transmis au ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 28 novembre 2022, le sous-ministre des Transports m’a avisé que Transports Canada communiquerait probablement la totalité des pages 1, 25 à 29, 1804, 1826, 2223, 2224, 2227, 2231, 2243, 2382, 2386, 2394, 2456, 2481 et 2597. Il communiquera probablement aussi une partie des renseignements aux pages 2 à 4, 44 à 47, 49 à 51, 1951, 1952, 2237, 2238, 2383, 2384, 2387, 2395, 2406, 2414, 2415, 2442, 2443, 2457, 2458, 2480, 2482, 2483, 2485, 2486, 2487, 2498 à 2516, 2524 à 2526, 2528, 2560 et 2598, en appliquant les exceptions prévues aux alinéas 20(1)b) et 20(1)c) en conformité avec l’ordonnance prévue.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à Boeing.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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