Trans Mountain Corporation (Re), 2025 CI 37
Date : 2025-07-07
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-03263
Numéro de la demande d’accès : ATIA.01.0003.2022
Sommaire
La partie plaignante allègue que Trans Mountain Corporation (TMC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de nombreuses dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents relatifs à la demande initiale et à l’approbation du pipeline Trans Mountain au début des années 1950. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi. Au cours de l’enquête, la partie plaignante a réduit la portée de la demande et a exclu le paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la portée de l’enquête. TMC n’a pas indiqué de quels renseignements en particulier la communication a été refusée dans les documents et n’a pas établi en quoi les renseignements non communiqués satisfaisaient aux critères des exceptions prévues par la Loi. En outre, TMC n’a pas démontré que fournir à la partie plaignante une copie des documents serait déraisonnable en vertu du paragraphe 8(1) du Règlement. La Commissaire à l’information a ordonné à TMC de communiquer les documents en cause au plus tard à une certaine date. TMC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Trans Mountain Corporation (TMC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information :
- alinéa 18a) (secrets industriels du gouvernement, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques du gouvernement);
- alinéa 18b) (compétitivité des institutions fédérales, négociations des institutions fédérales);
- alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement, capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie, avantage injustifié à une personne);
- alinéa 20(1)a) (secrets industriels de tiers);
- alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers);
- alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers);
- alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers);
- paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction);
- paragraphe 19(1) (renseignements personnels);
- article 17 (sécurité des individus).
[2] La demande d’accès visait les renseignements suivants :
[traduction] « … documents relatifs à la demande initiale et à l’approbation du pipeline Trans Mountain au début des années 1950 », y compris « demandes présentées à la Commission des transports et documentation à l’appui, transcriptions d’audiences gouvernementales, éléments de preuve présentés, rapports (p. ex. de faisabilité, économiques ou d’évaluation environnementale), correspondance interne au sein de la société et correspondance avec le gouvernement du Canada »
[3] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a indiqué qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information fasse enquête sur le refus de TMC de communiquer des [traduction] « renseignements techniques […] comme des dessins, des explications de principes techniques, des consignes d’utilisation, des manuels d’utilisation, des guides d’entretien, des listes de pièces, etc. »
[4] La portée de la demande a donc été réduite pour cibler l’information suivante, mis à part les renseignements techniques qui s’y trouvent :
- demandes à la Commission des transports, y compris documentation à l’appui, transcriptions d’audiences gouvernementales, éléments de preuve présentés, rapports (y compris de faisabilité, économiques et d’évaluation environnementale);
- tous les renseignements relatifs à la ligne de collecte principale de Sumas, en Colombie-Britannique, qui a été approuvée par la Commission des transports et construite en 1953;
- toute correspondance interne au sein de TMC ou correspondance externe entre TMC et d’autres ministères ou sociétés relativement au financement, à des questions économiques ou aux impacts environnementaux du pipeline;
- toute correspondance portant sur les impacts sur les terres des Premières Nations ou de réserve pour la période visée. (ci-après « les documents en cause »)
[5] La partie plaignante a également indiqué qu’il n’était pas nécessaire que le Commissariat fasse enquête sur l’application par TMC du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) pour refuser de communiquer les documents en cause. L’enquête se limite donc au refus par TMC de communiquer les documents en cause, mis à part les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1) (ci-après « les renseignements en cause »).
[6] Puisque les allégations de la partie plaignante concernent le refus par TMC de communiquer les renseignements en cause, elles s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Le droit d’accès prévu par la Loi
[7] La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant d’une institution fédérale, à moins que celle-ci ne soit autorisée à en refuser la communication en vertu d’une ou de plusieurs dispositions de la partie 1 de la Loi. Par conséquent, le droit d’accès peut seulement être limité par les exceptions prévues aux articles 13 à 24 et par les exclusions prévues aux articles 68 à 69.1.
[8] Lorsqu’une institution refuse de communiquer de l’information, il lui incombe de démontrer que la Loi l’autorise à le faire. Toutes les parties de documents ne contenant pas de renseignements visés par une exception et qui peuvent être prélevées sans problèmes sérieux doivent être communiquées (article 25).
Exceptions
[9] TMC a répondu à la demande d’accès en refusant de communiquer toutes les parties des documents en cause en vertu des aliénas 18a), b) et d), 20(1)a), b), c) et d), des paragraphes 16(2) et 19(1), et de l’article 17. TMC a cependant reconnu au cours de l’enquête que ce n’était pas toutes les parties des documents en cause qui étaient visées par les exceptions invoquées.
[10] Malheureusement, TMC n’a pas indiqué de quels renseignements, dans les documents en cause, elle soutient que la communication devrait être refusée. Elle n’a pas non plus fourni au Commissariat une copie des documents en cause lorsque cela lui a été demandé.
[11] En ce qui concerne l’application d’exceptions, en réponse à la demande initiale d’observations du Commissariat, TMC a mentionné la nécessité de caviarder des renseignements de nature délicate et/ou du contenu de nature délicate conformément à la Loi. Plus récemment, lorsqu’il lui a été demandé d’expliquer de façon convaincante en quoi des parties des documents demandés étaient visées par une exception, TMC a affirmé que celles-ci seront communiquées conformément aux [traduction] « procédures normales de l’AIPRP, y compris l’application de l’article 19 (renseignements personnels) et de l’article 17 (sécurité des individus), si nécessaire ».
[12] Par conséquent, comme l’article 19 n’est plus visé par la portée de la plainte, la seule exception que TMC a continué d’invoquer expressément pour refuser la communication et qui demeure pertinente dans le cadre de l’enquête, est l’article 17. TMC n’a pas établi que cette exception s’applique.
[13] L’article 17 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité des individus. Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation de ces renseignements pourrait menacer la sécurité ou la santé d’une personne;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[14] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[15] En l’espèce, TMC n’a pas démontré que la communication d’une quelconque partie des documents en cause, qui datent de plus de 70 ans, pourrait menacer la sécurité d’un individu, encore moins qu’un tel préjudice pourrait vraisemblablement être causé. Je conclus que les documents en cause ne satisfont pas aux critères de l’article 17.
[16] Si, malgré ses plus récentes observations, TMC maintient qu’une quelconque partie des documents en cause doit être caviardée en vertu des alinéas 18a), (b), (d), 20(1)a), b), c), d) et/ou du paragraphe 16(2), elle n’a pas non plus établi ce qui suit :
- en quoi les renseignements contenus dans les documents en cause satisfont aux critères de l’une ou plusieurs de ces exceptions;
- dans le cas des exceptions discrétionnaires, le pouvoir discrétionnaire a été exercé raisonnablement en tenant compte de tous les facteurs pertinents.
[17] Compte tenu de ce qui précède, TMC n’était pas autorisée à communiquer aucun des renseignements en cause.
Question incidente soulevée par TMC : paragraphe 12(1) de la Loi et paragraphe 8(1) du Règlement
[18] Au cours de l’enquête, TMC a soulevé une question incidente, à savoir si elle pouvait refuser de délivrer à la partie plaignante une copie des documents en cause suivant le paragraphe 8(1) du Règlement. Pour les motifs qui suivent, la réponse à cette question est « non ».
[19] Le paragraphe 12(1) de la Loi prévoit que l’accès aux documents s’exerce, sous réserve des règlements :
- par consultation totale ou partielle du document;
- par délivrance de copies totales ou partielles.
[20] Le paragraphe 8(1) du Règlement, quant à lui, prévoit que lorsqu’une personne se voit donner accès à la totalité ou à une partie d’un document, le responsable de l’institution peut exiger que la personne consulte le document ou la partie du document qui l’intéresse, plutôt que de lui en délivrer une copie, si le document ou la partie du document :
- soit, en raison de sa longueur, ne peut être reproduit sans que le fonctionnement de l’institution soit sérieusement entravé;
- soit est conservé sous une forme qui ne se prête pas facilement à la reproduction.
[21] En l’espèce, TMC n’a pas établi que les conditions décrites aux alinéas 8(1)a) ou b) du Règlement lui permettent d’exiger que la partie plaignante consulte le document ou une partie de celui-ci sur place, plutôt qu’une copie.
TMC n’a pas établi que les documents en cause sont si longs que la reproduction entraverait sérieusement son fonctionnement
[22] TMC n’a fourni aucune information concernant la quantité de documents en cause depuis qu’elle a été informée, en mai 2024, que la demande excluait tous les renseignements techniques. TMC n’a pas non plus fourni d’information concernant le délai requis pour reproduire les documents en cause ou sur quoi reposait l’estimation de ce délai.
[23] Au cours de l’enquête, TMC a combiné les efforts et les coûts nécessaires pour numériser, examiner et caviarder les documents pertinents avec le temps et les efforts nécessaires pour les reproduire. TMC a aussi affirmé, sans fondement, que je tentais en quelque sorte de la forcer à [traduction] « acquérir des logiciels précis », afin de fournir les documents « sur un support particulier ». Plus précisément, TMC a fait référence aux coûts associés à l’acquisition de logiciels de caviardage ou de gestion de dossiers, en plus d’affirmer que la quantité de documents, qui n’ont pas été produits par TMC lorsqu’il lui a été demandé de le faire [traduction] « rend le processus de travail relatif au caviardage difficile à gérer » ou imposerait un fardeau déraisonnable en ce qui a trait au fonctionnement de la société et [traduction] « le traitement manuel des documents nécessiterait probablement […] des années ».
[24] Il convient de préciser que la manière dont une institution fédérale communique les documents demandés en fin de compte n’annule pas son obligation de fournir un accès complet, sous réserve seulement des exceptions et exclusions applicables prévues dans la Loi en soi. Même si une institution permet à une personne qui fait une demande de consulter un document sur place, au lieu de lui délivrer une copie de celui-ci, elle doit tout de même communiquer tous les renseignements, à part les parties des documents qui sont visées par une exception prévue par la Loi, comme l’a établi l’institution.
[25] Par conséquent, le temps nécessaire pour reproduire un document est différent du temps, des efforts et des coûts nécessaires pour qu’une institution examine les documents, les caviarde et/ou fasse en sorte que ceux-ci soient accessibles. Peu importe le moment où ces étapes sont nécessaires, elles seront requises, que la communication prenne la forme d’une copie du document ou d’un d’une consultation sur place. Ces étapes ne sont donc pas pertinentes pour établir si une institution est justifiée ou non de refuser de fournir une copie d’un document en vertu de l’alinéa 8(1)a) du Règlement.
[26] En l’espèce, TMC n’a pas établi que les documents en cause étaient si longs que leur reproduction entraverait sérieusement son fonctionnement. Par conséquent, elle ne peut pas invoquer l’alinéa 8(1)a) du Règlement pour refuser de fournir à la partie plaignante une copie des renseignements en cause.
TMC n’a pas établi que le document ou qu’une partie de celui-ci est dans une forme qui ne se prête pas à la reproduction
[27] D’après les observations de TMC, les documents en cause sont en format papier et se trouvent dans des boîtes. Au cours de l’enquête, TMC n’a pas expliqué de façon convaincante pourquoi, en tant que tels, ils ne sont pas dans une forme qui se prête facilement à la reproduction.
[28] Les observations de TMC à ce sujet portaient plutôt sur le temps et les coûts associés à l’examen et au caviardage des documents – des sujets qui ne sont aucunement pertinents en ce qui a trait à l’applicabilité de l’alinéa 8(1)b) du Règlement.
[29] Tel qu’expliqué ci-dessus, si un prélèvement était effectivement requis, il faudrait tout de même le faire avant de permettre à la personne qui a fait la demande d’accès de consulter les documents sur place. Les affirmations de TMC selon lesquelles les documents nécessitent un prélèvement n’expliquent donc aucunement en quoi la forme de ceux-ci ne se prête pas facilement à la reproduction. Au contraire, si le prélèvement était effectivement requis, il est difficile de voir comment, sur le plan pratique, il serait possible pour TMC de communiquer l’information sans reproduire une version prélevée des documents en cause.
[30] En l’espèce, TMC n’a pas établi que les documents en cause sont dans une forme qui ne se prête pas facilement à la reproduction. Par conséquent, elle ne peut pas non plus invoquer l’alinéa 8(1)a) du Règlement pour refuser de fournir à la partie plaignante une copie des renseignements en cause.
Autre
[31] En plus de ce qui précède, TMC a notamment affirmé que la Loi n’exige pas qu’une institution communique l’information dans le format privilégié par la personne qui fait la demande et que [traduction] « le droit d’accès vise l’information, le document dans sa forme originale ». En l’espèce, cependant, c’est TMC, et non la partie plaignante, qui affirmait que les documents en cause devaient être fournis sur place dans leur forme originale, sans justification en vertu du paragraphe 8(1).
[32] Enfin, l’affirmation de TMC selon laquelle elle devrait être dispensée de son obligation de répondre à la demande en vertu de la Loi parce qu’une autre institution fédérale, la Régie de l’énergie du Canada (REC), traite actuellement une demande similaire n’a aucun fondement.
Résultat
[33] La plainte est fondée.
- TMC n’a pas établi qu’elle était autorisée à refuser de communiquer quelque partie que ce soit des renseignements en cause.
- TMC n’a pas non plus établi qu’elle était justifiée de refuser de fournir une copie des renseignements en cause à la partie plaignante.
Ordonnances
J’ordonne au président et directeur général de TMC ce qui suit :
- Divulguer tous les renseignements en cause à la partie plaignante au plus tard le 1erseptembre 2025;
- Communiquer l’information à la partie plaignante en lui fournissant une copie de tous les renseignements en cause au plus tard le 1erseptembre 2025.
Rapport et avis de l’institution
Le 3 juin 2025, j’ai transmis au président et directeur général de TMC mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.
Le 2 juillet 2025, le vice-président, Services juridiques et Chef contentieux, de TMC m’a avisée qu’il donnerait suite aux ordonnances en communicant intégralement les renseignements en cause, le 1er septembre 2025 ou avant cette date.
Révision par la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.