Société du Vieux-Port de Montréal inc. (Re), 2025 CI 28

Date : 2025-04-08
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-03467
Numéro de la demande d’accès : OPM-A-2023-001

Sommaire

La partie plaignante allègue que la Société du Vieux-Port de Montréal inc. (SVPM), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18b) (compétitivité ou négociations des institutions fédérales), de l’alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement ou capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise l’obtention d’informations en lien avec les demandes de proposition sur invitation DDPI-510-22-1543 et DDPI-510-22-1545. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

La SVPM n’a pas démontré que l’information satisfaisait aux critères des alinéas 18b), 18d), 20(1)c) et 20(1)d), et du paragraphe 19(1). Plus spécifiquement, les préjudices allégués étaient de nature spéculative, et les noms caviardés en vertu du paragraphe 19(1) appartenaient à des employés qui ont reçu un document dans l’exercice de leur fonction, et qui sont assujettis à l’exception prévue à l’alinéa 3(j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La Commissaire à l’information a ordonné à la SVPM de communiquer les documents dans leur intégralité. La SVPM a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que la Société du Vieux-Port de Montréal inc. (SVPM), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18b) (compétitivité ou négociations des institutions fédérales), de l’alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement ou capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise l’obtention d’informations en lien avec les demandes de proposition sur invitation DDPI-510-22-1543 et DDPI-510-22-1545. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]       Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[3]        Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a pris en considération toutes les observations fournies par SVPM, incluant celles qui ne sont pas en lien avec l’analyse des exceptions appliquées aux renseignements.

[4]        Le Commissariat a également demandé des observations aux tiers, qui sont des entreprises, conformément à l’alinéa 35(2)c). En réponse, certains tiers ont indiqué que l’information ne satisfait pas, selon eux, aux critères des alinéas 20(1)c) et 20(1)d). Un tiers n’a pas répondu.

[5]        Comme l’exige l’article 36.3, j’ai avisé les tiers concernés de mon intention d’ordonner à SVPM de communiquer certains des renseignements en cause. Aucun des tiers n’a répondu.

[6]        Le 7 novembre 2024, SVPM a communiqué des noms et le mot « montant », dont elle avait refusé la communication en vertu de l’alinéa 18b), de l’alinéa 18d) et du paragraphe 19(1) au moment de la réponse. SVPM a maintenu son refus de communiquer les autres renseignements en vertu de l’alinéa 18b), de l’alinéa 18d), du paragraphe 19(1), de l’alinéa 20(1)c) et de l’alinéa 20(1)d).

[7]        La partie plaignante a informé le Commissariat à l’information qu’elle n’était pas satisfaite de la communication supplémentaire.

Alinéas 18b) : compétitivité et négociations des institutions fédérales

[8]        L’alinéa 18b) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la compétitivité ou d’entraver des négociations contractuelles ou autres d’une institution fédérale.

[9]        Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation de ces renseignements pourrait nuire à la compétitivité d’une institution fédérale;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[10]      Pour invoquer cette exception relativement à l’entrave de négociations contractuelles ou autres, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • des négociations contractuelles ou autres sont en cours ou seront menées ultérieurement;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire aux négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[11]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[12]      L’alinéa 18b) a été appliqué simultanément avec l’alinéa 18d), et parfois avec les alinéas 20(1)c) et 20(1)d), aux noms des entreprises, aux montants, ainsi qu’à leur rang et à leur note totale.

[13]      SVPM a expliqué que les demandes de proposition sur invitation ne sont pas soumises aux mêmes règles que les appels d’offre. Ainsi, lorsqu’une institution procède par demandes de proposition sur invitation, il n’y a pas d’obligation de publication des contrats octroyés, du montant octroyé, ni du nom du prestataire. SVPM a ajouté que, dans ces deux demandes de proposition sur invitation, les proposants ont été informés de la manière dont le processus allait se dérouler, de leurs droits et obligations, et de la manière dont l’évaluation serait faite.

[14]      SVPM a ajouté qu’elle fait de nombreuses fois par année des demandes de proposition pour différents travaux d’envergure différente. Elle a précisé en avoir fait une pour une autre réfection de compteurs d’eau après celle de 2022.

[15]      SVPM estime que dévoiler le nom des entreprises qui participent ou non à ce processus pourrait nuire à son libre choix de décider qui peut participer. Elle affirme que dévoiler l’information de la page 2, ainsi que le rang et les montants proposés permettrait aux proposants de modifier leurs prix lors de futures demandes de proposition, ainsi ne reflétant pas une proposition adéquate et juste. Elle a ajouté que cela pourrait mener à des conflits et poursuites, à un ralentissement indésiré des travaux et des opérations pour la SVPM, ce qui affecterait ses intérêts financiers.

[16]      SVPM estime qu’il y a une attente raisonnable que ces préjudices puissent être causés car, normalement, les autres proposants n’ont pas accès à ce type d’information.

[17]      La Cour suprême a établi que la formulation acceptée pour le préjudice allégué est le « risque vraisemblable de préjudice probable ». Les parties doivent démontrer un lien clair et direct entre la divulgation des renseignements en cause et un risque de préjudice allant bien au-delà de la simple possibilité, bien qu’il ne soit pas nécessaire d’établir le risque selon la prépondérance des probabilités (Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paras 194-197).

[18]      Les tribunaux ont interprété l’entrave, dans le contexte de l’alinéa 20(1)d), qui utilise le même libellé que l’alinéa 18b), comme signifiant « obstruction », comme mentionné dans l’analyse de l’application de l’alinéa 20(1)d). La notion d’entraver, dans le contexte de l’alinéa 20(1)d), correspond au terme « interférence » dans la version anglaise, lequel a été interprété par les tribunaux comme désignant le terme anglais « obstruction » (voir Bande des Blood c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2003 CF 1397 (CanLII), para 49; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures) (1re inst.), [1990] 3 C.F. 665, (R.D.C.F.) paras 24-25).

[19]      Les observations fournies par SVPM n’établissent pas en quoi le processus de proposition sur invitation constitue des négociations, et elles ne démontrent pas en quoi la communication des renseignements en cause pourrait vraisemblablement entraver les négociations pour ce type spécifique de travaux. De plus, les observations de SVPM ne démontrent pas en quoi la communication des renseignements en cause risquerait vraisemblablement, c’est-à-dire au-delà d’une simple possibilité, de permettre à un concurrent actuel ou potentiel de nuire à sa compétitivité. En effet, les préjudices allégués me semblent de nature spéculative.

[20]      Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 18b).

Alinéa 18d) : intérêts financiers du gouvernement ou avantage injustifié à une personne

[21]      L’alinéa 18d) permet aux institutions de refuser de communiquer des documents qui comprennent des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire de façon appréciable à leurs intérêts financiers ou à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie canadienne ou causer des avantages injustifiés à une personne.

[22]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements (par exemple, des détails sur la monnaie canadienne ou une modification envisagée du taux d’intérêt bancaire, comme le prévoient les sous-alinéas 18(i) à (vi)) pourrait avoir l’une des conséquences suivantes :
    • porterait un préjudice appréciable aux intérêts financiers ou économiques d’une institution fédérale;
    • porterait un préjudice appréciable à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie du pays;
    • ferait en sorte qu’une personne ou une société reçoive un avantage plus important que nécessaire, inapproprié ou injustifié.
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[23]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[24]      L’alinéa 18d) a été appliqué simultanément avec l’alinéa 18b), et parfois avec les alinéas 20(1)c) et 20(1)d), aux noms des entreprises, aux montants, ainsi qu’à leur rang et à leur note totale.

[25]      Selon SVPM, le fait de dévoiler ces informations permettrait aux futurs proposants de modifier leurs futures propositions en fonction de ce qu’ils peuvent voir des autres propositions, ce qui impacterait son objectif d’obtenir une valeur optimale pour ses projets par demande de propositions. Elle ajoute que la connaissance des propositions des autres peut ouvrir la porte à des conflits et poursuites. Elle affirme que tout cela affecterait de manière appréciable ses intérêts financiers. Enfin, SVPM estime que certains proposants pourraient avoir un avantage injustifié à connaître les prix des autres et modifier leurs prix dans le futur en conséquence, soit à la hausse ou à la baisse afin d’être plus similaire à ce qui se retrouve sur le marché.

[26]      Selon SVPM, les entreprises auraient un avantage à connaître la liste des entreprises qu’elle invite dans ce type de demande de propositions, et que des entreprises non invitées pourraient essayer de faire valoir qu’ils ont un droit de soumissionner auprès de la Société, ce qui pourrait engendrer des troubles lors des négociations futures pour ce type de projet.

[27]      Enfin, SVPM affirme que dévoiler le pointage permettrait aux proposants de déduire, par une simple règle de trois, la valeur du contrat qui a été attribué par la SVPM, car les proposants savaient que le pointage était sur 100 et uniquement basé sur le prix fourni.

[28]      SVPM estime qu’il y a une attente raisonnable que ces préjudices puissent être causés car, normalement, les autres proposants n’ont pas accès à ce type d’information.

[29]      Le terme « avantage injustifié » s’entend des avantages superflus ou inopportuns. 

[30]      Par ailleurs, la Cour suprême a établi que la formulation acceptée pour le préjudice allégué est le « risque vraisemblable de préjudice probable ». Les parties doivent démontrer un lien clair et direct entre la divulgation des renseignements en cause et un risque de préjudice allant bien au-delà de la simple possibilité, bien qu’il ne soit pas nécessaire d’établir le risque selon la prépondérance des probabilités (Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paras 194-197).

[31]      Les observations fournies par SVPM n’établissent pas que la communication des renseignements porterait un préjudice appréciable à ses intérêts financiers ou économiques, ni qu’elle ferait en sorte qu’une personne ou une société reçoive un avantage plus important que nécessaire, inapproprié ou injustifié. En effet, les préjudices allégués me semblent de nature spéculative.

[32]      Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 18d).

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[33]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[34]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[35]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[36]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[37]      SVPM a appliqué le paragraphe 19(1) à des noms d’individus.

J’accepte que les noms soient des renseignements qui concernent des personnes et qui peuvent les identifier.

[38]      Au cours de l’enquête, SVPM a confirmé qu’il s’agit de noms d’employés actuels ou passés. SVPM a précisé que les noms caviardés sont les noms de personnes qui ont reçu communication du document, mais qui ne l’ont pas établi. Elle en a déduit qu’il ne s’agit pas d’une des exceptions à la définition de « renseignements personnels » prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[39]      Comme SVPM est une institution fédérale au sens de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, je suis d’avis que les noms caviardés sont soumis à l’exception des alinéas 3(j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le Commissaire à la protection de la vie privée (CPVP), que le Commissariat a consulté en vertu de l’alinéa 35(2)d), est d’accord avec moi que ces exceptions s’appliquent à tout employé, actuel ou passé, qu’il ait ou non établi le document. Comme il s’agit ici de noms d’employés de SVPM ayant reçu les documents dans l’exercice de leur fonction, ces noms sont assujettis à l’exception prévue à l’alinéa 3(j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui stipule que les informations relatives aux noms, fonctions et postes d’employés actuels ou anciens soient exclues de la définition de renseignements personnels au sens de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information.

[40]      Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1).

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[41]      L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[42]      Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[43]      Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[44]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[45]      SVPM a appliqué l'alinéa 20(1)c) en parallèle avec l’alinéa 20(1)d) pour retenir le nom des tiers et les montants proposés par ces tiers en lien avec les demandes de proposition sur invitation DDPI-510-22-1543 pour le projet d’aménagement d’une place publique 2 et DDPI-510-22-1545 pour le projet de réfection de la chambre des compteurs d’eau.

[46]      SVPM affirme que les entrepreneurs pourraient être influencés dans des demandes de propositions futures pour le calcul de leur prix si l’information est divulguée. Selon SVPM, connaître les prix du marché va inévitablement être utilisé au bénéfice de l’entreprise qui connaît ces renseignements afin de mieux se placer dans le futur lors d’opportunités pour des contrats de ce genre. Ces informations serviront d’une manière ou d’une autre à adapter la manière dont l’entreprise fera affaire et soumettra des prix dans le futur. Cela aurait un impact appréciable sur les pertes et profits des tiers sur les finances des tiers et pourrait vraisemblablement nuire à la compétitivité qui existe entre les entreprises qui œuvrent dans le même domaine.

[47]      De plus, étant donné qu’elle part en demande de propositions de nombreuses fois par année, SVPM estime qu’il y a un risque réel et éventuel que l’information obtenue puisse causer les préjudices décrits.

[48]      Toutefois les tiers qui ont fourni des observations ont indiqué que la divulgation de l’information n’aurait aucune incidence sur leurs finances, ni sur leur compétitivité, et ne leur causerait aucun préjudice.

[49]      Le fardeau d'établir que les critères de l'alinéa 20(1)c) sont satisfaits comprend une charge de la preuve qui ne peut être satisfaite par de simples affirmations selon lesquelles la divulgation donnerait probablement ou sans aucun doute lieu à un préjudice allégué. Des observations qui sont vagues ou spéculatives sont insuffisantes pour établir une attente raisonnable d'un préjudice probable. Ce qu'il faut, c'est une preuve spécifique que le résultat décrit est raisonnablement probable (voir : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paras 194-196, 206).

[50]      Aucune partie n’a démontré qu'il y a une attente raisonnable que la divulgation des renseignements puisse causer des pertes ou profits financiers appréciables pour un des tiers ou nuire à sa compétitivité.

[51]      Je conclus que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[52]      L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[53]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[54]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[55]      SVPM a appliqué l'alinéa 20(1)d) en parallèle avec l’alinéa 20(1)c) pour retenir le nom des tiers et les montants proposés par ces tiers en lien avec les demandes de proposition sur invitation DDPI-510-22-1543 pour le projet d’aménagement d’une place publique 2 et DDPI-510-22-1545 pour le projet de réfection de la chambre des compteurs d’eau.

[56]      SVPM a expliqué qu’elle repart en demande de propositions de nombreuses fois par année pour des projets d’envergure différente, et que certaines de ces entreprises se voient inviter à nouveau pour soumettre une proposition. Selon SVPM, divulguer ces informations affecteraient vraisemblablement comment une entreprise soumet ses propositions, car ces dernières ne seraient pas sur la base de la valeur optimale à recevoir, mais pourraient être entachées d’injustice, de bénéfice avantageux pour une entreprise connaissant cette information.

[57]      Toutefois, les tiers qui ont fourni des observations ont indiqué que la divulgation de l’information ne nuirait pas aux négociations spécifiques en lien avec le projet ou tout autre projet s’ils prévoyaient mener de telles négociations.

[58]      Cette exception, comme les autres exceptions de la Loi fondées sur le préjudice, exige un lien clair et direct entre la divulgation de renseignements précis et un risque de préjudice allant bien au-delà de ce qui est simplement possible ou spéculatif (Merck Frosst Canada Ltée. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paras 195, 197, 206).

[59]      Des précisions doivent être fournies au sujet de négociations contractuelles ou autres, réelles ou raisonnablement prévues, autres que les opérations commerciales quotidiennes ordinaires (131 Queen Street Limited c. Canada (Procureur général), 2007 CF 347 (CanLII), para 42 ; Fermes Burnbrae Limitée c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2014 CF 957 (CanLII), para 125). De plus, l'interférence avec les négociations doit être de la nature d'une obstruction auxdites négociations et non simplement à l'intensification de la compétition (Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700 (CanLII), para 20).

[60]      Aucune partie n’a démontré qu'il y a une attente raisonnable que la divulgation des renseignements puisse nuire aux négociations spécifiques.

[61]      Je conclus que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).

Résultat

[62]      La plainte est fondée car les renseignements que la SVPM a refusé de communiquer en vertu des alinéas 18(b),18(d), 20(1)(c), 20(1)(d) et paragraphe 19(1) ne satisfont pas aux critères des exceptions.

Ordonnance

J’ordonne au président et premier dirigeant de la Société du Vieux-Port de Montréal Inc. de communiquer toute l’information. 

Rapport et avis de l’institution

Le 27 février 2025, j’ai transmis au président et premier dirigeant mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 27 mars 2025, l’adjointe secrétaire général et gestionnaire, Services juridiques m’a avisée que, bien que SVPM maintienne sa position indiquée dans ses observations, elle donnerait suite à mon ordonnance.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables qui suivent. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé aux deux tiers qui ont fourni des observations et au commissaire à la protection de la vie privée.

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