Services publics et Approvisionnement Canada (Re), 2025 CI 50
Date : 2025-09-29
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-07644
Numéro de la demande d’accès : A-2020-00374 / RM1
Sommaire
La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement, avantage injustifié à une personne), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers), de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) et de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise les états financiers relatifs à la cession-bail de sept immeubles précis. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
SPAC n’a pas pu démontrer qu’il satisfaisait à tous les critères de ces exceptions, compte tenu notamment de la dépense d’une somme considérable de fonds publics. La Commissaire à l’information a ordonné à SPAC de communiquer les renseignements en question. SPAC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18d) (intérêts financiers du gouvernement, avantage injustifié à une personne), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers), de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) et de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise les états financiers relatifs à la cession-bail des immeubles suivants :
- Place du Canada, 9700, avenue Jasper Avenue Nord-Ouest, Edmonton;
- Immeuble Harry Hays, 220 4 Avenue SE, Calgary;
- Édifice Joseph-Shepard, 4900, rue Yonge, Toronto;
- Édifice Thomas D’Arcy McGee, 90, rue Sparks, Ottawa;
- Complexe Skyline, 1400 Merivale Road, Ottawa;
- Quartier général divisionnaire de la GRC, 4225, boulevard Dorchester, Westmount;
- Bureau des services fiscaux de l’ARC, 305, boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal.
[2] L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
[3] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1) ou sur le refus de communiquer les renseignements suivants qui se trouvent dans les factures de taxes municipales : renseignements bancaires, numéros de compte, codes d’accès et NIP.
Enquête
[4] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.
[5] Conformément à l’alinéa 35(2)c), le Commissariat a demandé des observations à Canadian Leaseback (GP) Inc. (Canadian Leaseback) et à Maple Leaf Property Management (MLPM), et les a obtenues. Le Commissariat a également transmis un avis aux tiers conformément à l’article 36.3 de la Loi, mais n’a reçu aucune réponse.
[6] Les tiers ont avancé que la communication de certains renseignements personnels aurait dû être refusée en vertu du paragraphe 19(1), plutôt qu’en vertu des exceptions relatives aux tiers, lorsque la communication de salaires figurant dans un rapport d’audit a été refusée et que ceux-ci sont clairement liés aux postes d’individus identifiables. Puisque la partie plaignante a indiqué que les renseignements personnels ne l’intéressaient pas et puisque ces renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), j’estime que ces renseignements ne sont pas visés par la portée de la plainte.
[7] Je note que les tiers ont aussi avancé que certains documents ne sont pas pertinents dans le cadre de la demande et ne devraient pas être en cause. Selon la jurisprudence, les institutions ne devraient pas faire une interprétation étroite des demandes d’accès. Une fois qu’une réponse à une demande d’accès a été transmise, il n’y a pas d’exception fondée sur la pertinence des documents qui peut être invoquée [voir : AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé),2005 CF 189,para 59-61; Corp. Hôtelière Canadien Pacifique c. Canada (Procureur général),2004 CF 444, para 25-31]. De plus, selon le Manuel de l’accès à l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor (Manuel du SCT) : « l’absence de pertinence de la demande n’est pas un motif d’exemption en vertu de la Loi ». Par conséquent, je me suis penchée sur l’application des exceptions à l’ensemble des documents dont SPAC a refusé la communication dans sa réponse.
Alinéa 18d) : intérêts financiers du gouvernement, avantage injustifié à une personne
[8] L’alinéa 18d) permet aux institutions de refuser de communiquer des documents qui comprennent des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire de façon appréciable à leurs intérêts financiers ou à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie canadienne ou causer des avantages injustifiés à une personne.
[9] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements (par exemple, des détails sur la monnaie canadienne ou une modification envisagée du taux d’intérêt bancaire, comme le prévoient les sous-alinéas 18(i) à (vi)) pourrait avoir l’une des conséquences suivantes :
- porterait un préjudice appréciable aux intérêts financiers ou économiques d’une institution fédérale;
- porterait un préjudice appréciable à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie du pays;
- ferait en sorte qu’une personne ou une société reçoive un avantage plus important que nécessaire, inapproprié ou injustifié.
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[10] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[11] SPAC a appliqué l’alinéa 18d) pour refuser de communiquer les types de renseignements suivants, parallèlement aux alinéas 20(1)b), 20(1)c) et 20(1)d) :
- Parties de rapports provenant de cabinets comptables embauchés par SPAC;
- Parties de rapports d’audit réalisés par SPAC, y compris les conclusions de l’auditeur sur les divergences et les préoccupations.
[12] SPAC affirmé que la divulgation pourrait porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement, porter un préjudice appréciable à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie et faire en sorte qu’un tiers reçoive un avantage injuste lors de la négociation future de baux avec le gouvernement.
[13] Je suis d’avis que les observations de SPAC ne sont pas suffisantes pour démontrer que la divulgation pourrait vraisemblablement causer un tel préjudice appréciable. Bien que le terme « appréciable » ne soit pas défini dans la Loi, les tribunaux ont conclu qu’il signifie « considérable » ou « important » [voir : Burns Meats Ltd. c. Canada (Ministre de l’Agriculture) (1987), 14 F.T.R. 137, 141 (C.F. 1re inst.), Matol Botanique International Ltée c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1994] ACF no 860]. SPAC n’a pas tenté de quantifier le préjudice qui, selon lui, serait causé par la divulgation.
[14] SPAC n’a pas non plus établi en quoi la divulgation pourrait causer un préjudice appréciable à la capacité du gouvernement du Canada de gérer l’économie. SPAC a affirmé ce qui suit :
[Traduction] Le gouvernement a annoncé qu’il vendra certains immeubles, ce qui les rend plus vulnérables dans cette situation. Les propriétaires pourraient vraisemblablement interpréter ces renseignements comme une occasion de demander un loyer plus élevé, sachant que le locataire pourrait être plus disposé à accepter leurs conditions.
[15] La description de l’alinéa 18d) dans le Manuel du SCT, exposée ci-dessous, appuie cette interprétation, à savoir que les types de renseignements en cause en l’espèce ne sont pas visés par cette exception.
[16] La Loi ne définit pas un « avantage injustifié », mais le Manuel du SCT décrit le terme ainsi : « avantages superflus ou inopportuns ». Il donne également les exemples suivants : « une hausse des recettes, une amélioration de la réputation d’une organisation ou un accroissement de l’actif incorporel ».
[17] SPAC a affirmé que [traduction] « la divulgation de renseignements financiers précis ou de décisions stratégiques pourrait donner de l’information que des concurrents ou des parties privées pourrait utiliser pour porter un préjudice à la situation financière du gouvernement » et « donner à l’institution un net désavantage dans des négociations, particulièrement avec les propriétaires futurs qui pourraient utiliser l’information à leur avantage ». Je suis d’avis que les observations de SPAC sur ce point se fondent entièrement sur des suppositions.
[18] Comme c’est le cas pour les autres exceptions fondées sur un préjudice, les parties doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [voir : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206]. SPAC ne l’a pas fait en l’espèce.
[19] Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 18d).
Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers
[20] L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).
[21] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements sont de nature confidentielle;
- le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
- le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[22] SPAC a appliqué l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer les types de renseignements suivants, parallèlement aux alinéas 20(1)c) et 20(1)d) ainsi que, dans certains cas, l’alinéa 18d) :
- Données financières comme le loyer total, les taxes foncières et les coûts d’exploitation du locataire, dont la communication a été refusée également en vertu de l’alinéa 18d);
- Sommaires des réparations prévues;
- Factures de taxes foncières;
- Factures d’autres tiers adressées à Canadian Leaseback ou à MLPM (factures de tiers);
- Parties de lettres et de courriels échangés par SPAC et MLPM;
- Rapports d’audit, rédigés par le gouvernement et des auditeurs tiers, y compris les conclusions des auditeurs sur les divergences et les préoccupations.
[23] Dans les cas où des tiers ont présenté des factures à Canadian Leaseback ou à MLPM et celles-ci ont ensuite été transmises à SPAC, je conviens que ces renseignements sont de nature financière, commerciale et/ou technique et que la divulgation de ces factures de tiers, de façon générale, révèlerait la relation entre les parties, ce qui constitue de l’information commerciale. Je suis cependant d’avis que ce n’est pas le cas pour les factures de taxes foncières, qui ne se rapportent à aucune relation commerciale entre une municipalité et un contribuable.
[24] Dans leurs observations, les tiers ont également indiqué certaines catégories de renseignements qui, j’en conviens, correspondent à la définition de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Je conclus que les types de renseignements suivants satisfont au premier critère de l’exception :
- Parties des baux qui révèlent des modalités financières;
- Renseignements sur le loyer;
- Conditions des options d’achat;
- Relevés des coûts d’exploitation recouvrables qui pourraient vraisemblablement être utilisés pour calculer les paiements de loyer ou autres renseignements financiers.
[25] Les parties n’ont pas établi en quoi ce critère est satisfait pour le reste des renseignements, y compris :
- La nature des réparations prévues (par exemple, les renseignements non communiqués aux pages 28-29);
- Les en-têtes de factures et les dates sur des factures de MLPM et de Canadian Leaseback à SPAC (par exemple, les renseignements non communiqués aux pages 64, 70-71, 73, 75);
- Les conclusions des auditeurs qui ne révèlent pas de renseignements financiers ou commerciaux (par exemple, les renseignements non communiqués aux pages 10, 14-15, 19-20, 22, 26-27, 32, 84-86, 114-118).
[26] Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :
- le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
- les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
- les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453]; voir aussi Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 133.]
[27] Aucun des renseignements en cause ne semble être dans le domaine public, à part les factures de taxes foncières. Celles-ci sont accessibles en s’adressant aux municipalités et ne satisfont pas à cette condition.
[28] En ce qui concerne les factures de tiers, puisque ces parties traitaient avec Canadian Leaseback ou MLPM, et non directement avec le gouvernement, elles avaient probablement une attente raisonnable que leurs factures ne soient pas divulguées. Par conséquent, je conviens que les factures de tiers satisfont aux critères de la confidentialité objective.
[29] Pour ce qui est du reste des renseignements, je conclus que les parties n’ont pas établi que le deuxième volet du test de confidentialité objective est satisfait. Bien que les tiers et SPAC aient affirmé que les renseignements en cause ne peuvent pas être divulgués conformément à la clause de confidentialité des ententes pertinentes, une telle clause, en soi, n’est pas un facteur déterminant pour établir la confidentialité objective. Bien que ce type de clause puisse être pris en considération, ni SPAC ni le tiers n’ont fourni au Commissariat de copie des ententes pertinentes ou du libellé de la clause de confidentialité.
[30] Les tiers et SPAC ont également affirmé que les coûts d’exploitation sont objectivement confidentiels en raison du fait qu’il s’agit de renseignements commerciaux sensibles. Les parties n’ont fourni que des déclarations générales expliquant en quoi c’est le cas, ce qui, à mon avis, n’est pas suffisant pour établir que cette condition est satisfaite.
[31] En ce qui concerne la dernière condition de confidentialité objective, les tiers n’ont pas présenté d’observation expliquant en quoi la confidentialité de la communication favoriserait la relation entre Canadian Leaseback ou MLPM et SPAC dans l’intérêt public. SPAC a affirmé que, puisque certains des locataires du gouvernement du Canada dans ces immeubles ont des exigences particulières en matière de sécurité, la divulgation risquerait de préjudicier la relation avec les tiers au détriment de la sécurité publique. SPAC a aussi affirmé que la confidentialité garantit que les tiers transmettent des [traduction] « renseignements sensibles » au gouvernement et « favorise l’innovation et des partenariats efficaces entre les secteurs privé et public ». Or, les parties ont transmis les renseignements en cause conformément à leurs obligations contractuelles. Je ne suis pas persuadée que la divulgation ferait en sorte que ces tiers soient moins disposés à communiquer ce type de renseignements à l’avenir ou que les tiers refuseraient d’entretenir des systèmes de sécurité essentiels pour ses locataires si ces renseignements étaient divulgués. Ces arguments semblent reposer entièrement sur des suppositions.
[32] En ce qui concerne les factures de tiers, cependant, je suis d’avis que la confidentialité de leur communication favorise la relation entre les tiers et SPAC dans l’intérêt public. La divulgation des coûts transmis au gouvernement qui se trouvent dans les documents de Canadian Leaseback et de MLPM serait dans l’intérêt public en ce qui a trait à la transparence, alors que la communication des relations commerciales des tiers avec ses fournisseurs risque d’avoir des répercussions négatives sur cette relation avec le gouvernement, sans contribuer clairement à l’intérêt public.
[33] Ni SPAC ni les tiers n’ont établi que les renseignements en cause satisfont aux critères de confidentialité objective, à part les factures de tiers.
[34] Bien qu’une grande partie des renseignements aient été clairement fournis à SPAC par des tiers, les parties n’ont pas démontré que certaines parties des renseignements satisfont au troisième critère de l’alinéa 20(1)b). Selon la jurisprudence établie sous le régime de la Loi, les conditions négociées ne constituent pas des renseignements fournis par un tiers [voir : Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700, para 14; Halifax Developments Ltd. v. Canada (Minister of Public Works and Government Services), [1994] FCJ No. 2035, 1994 CarswellNat 3178 (FCT)]. Par conséquent, les renseignements comme les taux et les conditions convenues par SPAC et les tiers ne satisfont pas à ce critère.
[35] Les tiers n’ont présenté aucune observation à ce sujet. Dans ses observations, SPAC a indiqué que certains des renseignements non communiqués ont été convenus par SPAC et les tiers, notamment les prix, les modalités de contrat et qui payerait certaines dépenses. Je suis d’avis que ces renseignements ne satisfont pas au troisième critère de l’alinéa 20(1)b).
[36] En ce qui concerne le dernier critère de l’exception, compte tenu des observations présentées par Canadian Leaseback et MLPM, je suis d’avis que les tiers ont toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.
[37] Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b), à part les factures de tiers.
Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers
[38] L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.
[39] Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[40] Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[41] SPAC a appliqué l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer les types de renseignements suivants, parallèlement aux alinéas 20(1)b) et 20(1)d) ainsi que, dans certains cas, l’alinéa 18d) :
- Données financières comme le loyer total, les taxes foncières et les coûts d’exploitation du locataire, dont la communication a été refusée également en vertu de l’alinéa 18d);
- Sommaires des réparations prévues;
- Factures de taxes foncières;
- Factures de tiers;
- Parties de lettres et de courriels échangés par SPAC et MLPM;
- Parties de rapports d’audit, y compris les conclusions des auditeurs sur les divergences et les préoccupations.
[42] Les tiers n’ont pas indiqué quel préjudice pourrait être causé par la divulgation dans le cadre de l’alinéa 20(1)c). Les tiers ont plutôt cité des principes pertinents énoncés dans la décision Merck Frosst, sans expliquer en quoi ils étaient pertinents dans cette situation.
[43] SPAC a affirmé ce qui suit :
- La divulgation pourrait permettre à des concurrents d’évaluer les profits réalisés le tiers et d’ajuster leurs offres afin de satisfaire aux exigences du locataire, à des prix plus compétitifs;
- La divulgation pourrait avoir une incidence sur le prix de vente ou les négociations avec de futurs acheteurs, si le tiers décide de vendre les immeubles;
- Un préjudice pourrait être causé si la divulgation de certains renseignements commerciaux, comme les modalités de contrat ou les prix, avait une incidence directe sur les résultats financiers du tiers ou sur sa capacité de demeurer concurrentiel sur le marché;
- Des concurrents pourraient prendre connaissance de la structure de prix pu de la stratégie d’affaires du tiers, ce qui leur permettrait d’être plus concurrentiels ou d’exploiter des faiblesses. Il pourrait en découler des pertes financières ou un avantage compétitif injuste pour d’autres, particulièrement si le tiers se fonde sur ces renseignements confidentiels pour demeurer concurrentiel;
- La divulgation permettrait aux concurrents d’ajuster leurs prix ou leurs activités de façon à nuire à la position du tiers sur le marché ou à sa stabilité financière.
[44] Je suis d’avis que les observations de SPAC se fondent entièrement sur des suppositions et qu’elles ne sont appuyées par aucun élément de preuve concret.
[45] Suivant l’alinéa 20(1)c), il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui établissent l’incidence financière que la communication des renseignements aurait sur le tiers et sa compétitivité ainsi que la probabilité de cette incidence. Les parties doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [voir : Merck, supra, para 197, 206].
[46] Bien que les tiers aient indiqué que la communication des renseignements en cause devrait être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)c), ni SPAC ni les tiers n’ont présenté d’observation qui ne se fonde pas seulement sur des suppositions pour démontrer que la divulgation des renseignements pourrait vraisemblablement causer des pertes financières ou un préjudice au tiers ou nuire à sa compétitivité.
[47] Dans la décision Corp. Hôtelière Canadien Pacifique c. Canada (Procureur général), 2004 CF 444, au para 35, la Cour fédérale a conclu « qu’une plus forte concurrence ne donne pas lieu à un risque vraisemblable de pertes financières appréciables ou d’atteinte à la position concurrentielle de la demanderesse au sens de l’alinéa 20(1)c) ». Les parties ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait de démontrer que le préjudice, en l’espèce, pourrait être plus important qu’une concurrence accrue.
[48] Je conclus que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).
Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers
[49] L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).
[50] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[51] SPAC a appliqué l’alinéa 20(1)d) pour refuser de communiquer les types de renseignements suivants, parallèlement aux alinéas 20(1)b) et 20(1)c) ainsi que, dans certains cas, l’alinéa 18d) :
- Données financières comme le loyer total, les taxes foncières et les coûts d’exploitation du locataire, dont la communication a été refusée également en vertu de l’alinéa 18d);
- Sommaires des réparations prévues;
- Factures de taxes foncières;
- Factures de tiers;
- Parties de lettres et de courriels échangés par SPAC et MLPM;
- Parties de rapports d’audit, y compris les conclusions des auditeurs sur les divergences et les préoccupations.
[52] Les tiers ont indiqué certains types de négociations sur lesquels, selon eux, la divulgation des renseignements aurait une incidence : discussions concernant le renouvellement de baux, ventes ou acquisitions de biens, et exécution de projets et soumissions pour des services ne faisant pas partie du portefeuille vente/cession-bail. Je conviens que les parties ont indiqué des négociations pertinentes.
[53] Les tribunaux ont interprété l’entrave, dans le contexte de l’alinéa 20(1)d), comme signifiant « obstruction », tout comme le terme correspondant dans la version anglaise, « interference ». [voir Blood Band c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2003 CF 1397, para 49; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures), [1990] 3 F.C. 665 (F.C.T.D.), para 24-25].
[54] Ni SPAC ni les tiers n’ont fourni d’observations suffisantes pour démontrer en quoi la divulgation des renseignements en cause pourrait vraisemblablement entraver les négociations indiquées par les tiers. Les observations des parties consistent seulement en des déclarations générales et des suppositions.
[55] Comme le gouvernement loue beaucoup d’espace de bureau par rapport à d’autres locataires, il semble peu probable que la divulgation des renseignements en cause en l’espèce ait une incidence directe sur les négociations entre MLPM et Canadian Leaseback et des parties externes au gouvernement. Les tiers n’ont fourni aucun élément de preuve indiquant qu’ils mènent ou prévoient mener des négociations pour des baux dont la portée correspondrait à celle des baux en cause. Les tiers et SPAC n’ont pas abordé cette question, malgré le fait que le Commissariat leur a demandé des observations à ce sujet.
[56] Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).
Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations
[57] L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.
[58] Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[59] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
- le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
- au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.
[60] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[61] Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer ce qui suit :
- des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
- des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[62] Aux pages 2891-2892 et 3137-3138, SPAC a appliqué l’alinéa 21(1)b) à des lettres de sa part à l’intention de Canadian Leaseback concernant des problèmes dans des états financiers audités.
[63] Ces lettres ne révèlent pas la nature des délibérations, mais elles présentent la position finale de SPAC. Bien que des fonctionnaires aient contribué aux lettres et que celles-ci aient été créées moins de vingt ans avant la demande d’accès, pour les motifs qui suivent, SPAC n’a pas démontré que les autres critères de l’alinéa 21(1)b) sont satisfaits.
[64] SPAC a affirmé que la divulgation de ces lettres révèlerait des détails de consultations et de délibérations. Cependant, les renseignements non communiqués dans ces pages consistent en des résumés factuels des positions des parties sur les questions discutées dans les lettres et des citations de dispositions du bail pertinent. Le but des renseignements non communiqués n’est pas de décrire les consultations entreprises, les délibérations tenues, les conseils fournis ou les échanges d’idées en vue d’une décision particulière.
[65] Je conclus que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 21(1)b).
Résultat
[66] La plainte est fondée.
Ordonnances
J’ordonne au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux ce qui suit :
- Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 18d), sauf dans les cas où le paragraphe 19(1) a également été appliqué aux mêmes renseignements;
- Communiquer les renseignements non divulgués en vertu des alinéas 20(1)b), 20(1)c) et 20(1)d), sauf les factures non municipales provenant des tiers et adressées à Canadian Leaseback ou à MLPM ou dans les cas où le paragraphe 19(1) a également été appliqué aux mêmes renseignements;
- Communiquer tous les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 21(1)b) qui se trouvent aux pages 2891-2892 et 3137-3138.
Rapport et avis de l’institution
Le 4 août 2025, j’ai transmis au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.
Le 4 septembre 2025, le directeur principal, Accès à l’information, Protection des renseignements personnels et Gouvernance, de SPAC m’a avisée que ce dernier donnerait suite à mes ordonnances.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables qui suivent. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.
Autres destinataires du compte rendu
Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à Canadian Leaseback et à MLPM.