Services publics et Approvisionnement Canada (Re), 2022 CI 45

Date : 2022-11-08
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-01920
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00130

Sommaire

La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) n’a pas fourni les documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande concernait un rapport sur les substances désignées visant tout l’Immeuble de la protection de la santé (pré Tunney). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

En réponse à la demande d’accès, SPAC a fourni une partie des documents contractuels qui y étaient mentionnés. Toutefois, il n’a pas fourni les documents qui, de son avis, ne relèvent pas de son institution. L’enquête a permis de conclure que, bien que les documents en cause ne soient pas en la possession physique de SPAC, ils relèvent de ce dernier pour l’application de la Loi.

La Commissaire à l’information a ordonné à la ministre de récupérer les documents et de fournir une réponse à la partie plaignante.

SPAC a avisé la Commissaire qu’il ne donnerait pas suite aux ordonnances.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande concernait un rapport sur les substances désignées visant tout l’Immeuble de la protection de la santé (pré Tunney).

[2]      En fait, elle concernait une liste de documents contractuels se rapportant au sous-contrat attribué à DST Consulting Engineers Inc., par Brookfield Global Integrated Solutions (BGIS), le 7 avril 2017, relativement à l’ébauche du rapport susmentionné. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

Recherche raisonnable

[3]      SPAC est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.

[4]      Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.

[5]      Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents qui relèvent d’elles.

L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?

[6]      En réponse à la demande d’accès, SPAC a fourni une partie des documents contractuels qui y étaient mentionnés, dont les documents de SPAC liés au contrat, le Rapport d’analyse des investissements, l’énoncé des besoins et le rapport final.

[7]      Toutefois, SPAC n’a pas fourni les documents suivants parce qu’il estime qu’ils ne relèvent pas de son institution :

Documents d’appel d’offres

  • « Addendum 1.pdf », date de téléchargement le 1er mars 2017
  • « Addendum 2.pdf », date de téléchargement le 7 mars 2017

Documents de la demande de proposition

  • « Attachment No. 7-Designated Substance Report 1.pdf », document téléchargé le 2017-02-21
  • « Attachment No. 8-Designated Substance Report 2.pdf », document téléchargé le 2017-02-21
  • « Section B Scope of Work »

« DST Consulting Engineers Inc. Completed Stipulated Bid Document »

  • « Appendix F Supplementary Conditions »

[8]      Le Commissariat à l’information s’est penché sur deux questions concernant ces documents (ci-après les « documents en cause ») :

  1. si les documents en cause relèvent de SPAC;
  2. si la recherche de documents pertinents, effectuée par ce dernier et relevant de lui, était raisonnable.

Documents relevant d’une institution

[9]      La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « relever de », les tribunaux ont affirmé que ce terme devrait être interprété de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace. Cela comprend notamment la décision rendue par la Cour suprême du Canada, en 2011, dans l’affaire Agenda du premier ministre ( Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25; voir également : Ontario (Children’s Lawyer) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), 2018 ONCA 559).

[10]    La question de savoir si les documents relèvent d’une institution doit être évaluée au cas par cas. La possession physique des documents n’est pas un facteur déterminant. Différents facteurs doivent être pris en considération. La portée de ce qui constitue un facteur pertinent et le poids des différents facteurs varient selon les circonstances.

Les documents relèvent-ils de l’institution?

[11]    Le critère juridique permettant d’évaluer si un document qui n’est pas en la possession physique d’une institution relève d’elle comporte deux étapes. La première étape consiste à évaluer si le contenu du document se rapporte à une affaire institutionnelle.

[12]    La seconde étape consiste à évaluer si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, l’institution pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande. Parmi ces facteurs, mentionnons la teneur réelle du document, les circonstances dans lesquelles il a été créé et les rapports juridiques qu’entretiennent l’institution fédérale et le détenteur du document. La seconde étape correspond à une analyse objective qui est axée sur la question de savoir si un cadre supérieur de l’institution fédérale peut raisonnablement être en mesure d’obtenir une copie du document sur demande (Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, para 54-56).

[13]    La portée de ce qui constitue un facteur pertinent et le poids des différents facteurs varieront selon les circonstances.

[14]    Les documents en cause se rapportent au sous-contrat attribué à DST Consulting Engineers Inc., par BGIS, pour l’aider à respecter ses obligations contractuelles envers SPAC. Au cours de l’enquête, ce dernier a fourni au Commissariat une copie du contrat entre SPAC et BGIS, lequel régit les documents en cause, et comprend les clauses particulières et l’énoncé des travaux. DST Consulting Engineers Inc. a effectué une partie des travaux prévus par ce contrat en tant que sous-traitant engagé par BGIS.

[15]    Après avoir examiné les observations de SPAC et de la partie plaignante ainsi que la preuve pertinente, j’estime que les documents en cause relèvent de SPAC. Ce dernier tente de minimiser le lien entre son institution et les documents en cause, et ce, malgré de nombreuses indications qui démontrent le contraire.

[16]    Il est clair que les documents se rapportent à une affaire institutionnelle. Les documents en cause existent en raison du contrat entre SPAC et BGIS. En définitive, il incombe à SPAC, en tant que gardien désigné des locaux à bureaux à vocation générale au Canada, d’assurer la gestion de l’immeuble gouvernemental en question.

[17]    J’estime aussi qu’un cadre supérieur de SPAC peut raisonnablement s’attendre à obtenir les documents en cause sur demande auprès de BGIS.

[18]    J’ai tenu compte de divers facteurs, dont la teneur réelle des documents en cause, les circonstances dans lesquelles ils ont été créés, les rapports juridiques qu’entretiennent SPAC et BGIS, le pouvoir de SPAC de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition des documents en cause ou son pouvoir relatif à la communication des documents. Ces facteurs sont abordés en détail ci-dessous. Ensemble, ils démontrent que les documents en cause relèvent de SPAC, et ce, même si celui-ci affirme le contraire dans ses observations.

[19]    La teneur réelle des documents en cause (documents du sous-contrat) est essentiellement définie par le contrat entre SPAC et BGIS. Il en va de même pour les circonstances dans lesquelles ils ont été créés. Le contrat entre SPAC et BGIS prévoyait expressément le recours à des sous-traitants.

[20]    Les rapports juridiques entre l’institution fédérale (SPAC) et le détenteur du document (BGIS) constituent une relation contractuelle relative à la gestion des immeubles de SPAC; les documents du sous-contrat de BGIS relèvent de SPAC, dans le cadre de son droit légalement exécutoire d’obtenir lesdits documents, y compris ceux visés par la présente enquête. Dans les circonstances, il s’agit là du facteur le plus important pour déterminer de qui relèvent les documents. Le contrat entre SPAC et BGIS prévoit des mécanismes permettant au gouvernement du Canada (SPAC) d’obtenir des documents – non seulement ceux qui sont des livrables, mais aussi les sous-contrats et les demandes de renseignements concernant leur attribution.

[21]    De plus, BGIS est tenu de fournir au responsable technique des renseignements complets et de lui prêter toute son assistance pour que ce dernier puisse vérifier, évaluer ou constater que les travaux sont exécutés conformément au contrat. L’enquête a confirmé que, dans le cadre du contrat entre SPAC et BGIS, les responsables techniques sont des employés de SPAC.

[22]    Il convient de noter que SPAC reconnaît qu’il peut obtenir des documents comme ceux en cause, auprès de BGIS, si, par exemple, ils sont requis dans le cadre d’une affaire judiciaire. Diverses autres clauses du contrat entre SPAC et BGIS, que le Commissariat a examinées en détail, renforcent le droit légalement exécutoire de SPAC d’obtenir les documents et témoignent de son pouvoir de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition des documents en cause et/ou de son pouvoir relatif à la communication des documents en cause.

[23]    Le Commissariat a fait part de sa conclusion préliminaire détaillée à SPAC, selon laquelle les documents en cause relèvent de ce dernier, ainsi que d’une analyse préliminaire des divers facteurs pertinents. Malheureusement, SPAC n’a pas tenu compte de ces facteurs et a rejeté la conclusion préliminaire du Commissariat. En réponse à la demande d’observations que lui a faite le Commissariat en vertu de l’alinéa 35(2)b), SPAC a plutôt réaffirmé ne pas posséder ni avoir traité de documents qui relèvent de BGIS.

[24]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les documents en cause relèvent de SPAC, et ce, malgré le fait qu’il ne les a pas en sa possession. Ces documents se rapportent à des affaires institutionnelles de SPAC. Compte tenu de tous les facteurs pertinents, y compris les facteurs clés susmentionnés, et surtout le droit légalement exécutoire de SPAC d’obtenir les documents en cause, un cadre supérieur de SPAC peut raisonnablement s’attendre à les obtenir sur demande. L’analyse ci-dessus démontre que, dans la mesure où SPAC veut obtenir les documents en cause, il a la capacité juridique de le faire. Les observations de SPAC et la preuve dont je dispose ne me démontrent pas le contraire.

[25]    Par conséquent, je conclus que SPAC n’a pas encore effectué de recherche raisonnable à l’égard de ces documents.

[26]    Une conclusion selon laquelle les documents relèvent d’une institution ne signifie pas nécessairement qu’ils doivent être communiqués, mais que les documents doivent être récupérés et traités conformément à la Loi.

Résultat

[27]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement ce qui suit :

  1. Récupérer tous les documents en cause auprès de BGIS (ou de DST Engineers Inc.), qui, d’après mes conclusions, relèvent de SPAC, en particulier :

Documents d’appel d’offres

  • « Addendum 1.pdf », date de téléchargement le 1er mars 2017
  • « Addendum 2.pdf », date de téléchargement le 7 mars 2017

Documents de la demande de proposition

  • « Attachment No. 7-Designated Substance Report 1.pdf », document téléchargé le 2017-02-21
  • « Attachment No. 8-Designated Substance Report 2.pdf », document téléchargé le 2017-02-21
  • « Section B Scope of Work »

« DST Consulting Engineers Inc. Completed Stipulated Bid Document »

  • « Appendix F Supplementary Conditions »
  1. Répondre à la demande d’accès en traitant les documents en cause conformément à la Loi, c’est-à-dire en les communiquant dans leur intégralité, à moins qu’ils ne puissent être communiqués, en tout ou en partie, en vertu de dispositions précises de la Loi.

La ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’elle communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 3 octobre 2022, j’ai transmis à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 20 octobre 2022, le sous-ministre adjoint, Politiques, Planification et Communications, m’a avisée que SPAC est d’avis que le contrat entre SPAC et BGIS n’engendre pas la production de documents se rapportant à des sous-contrats.

Par conséquent, la ministre ne donnera pas suite à mon ordonnance. Comme je l’ai indiqué dans le rapport que je lui ai transmis, si elle ne prévoit pas de donner suite à mon ordonnance, elle doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai prévu au paragraphe 41(2) de la Loi.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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