Service correctionnel du Canada (Re), 2021 CI 18

Date : 2021-06-16
Numéro de dossier du Commissariat : 3219-00372
Numéro de dossier de l’institution : A-2017-00167

Sommaire

La partie plaignante allègue que le Service correctionnel du Canada (SCC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La plainte porte sur une demande visant une copie à jour du dossier carcéral d’un détenu.

L’enquête a cependant révélé que le SCC n’a ni localisé ni traité les documents en cause avant d’y appliquer le paragraphe 19(1) pour protéger la totalité des renseignements demandés. Par conséquent, le SCC ne peut pas légitimement soutenir que les renseignements satisfont aux critères relatifs aux renseignements personnels suivant le paragraphe 19(1). En outre, s’ils n’ont pas accès aux documents en cause, les responsables délégués du SCC ne peuvent pas démontrer l’existence des circonstances qui permettraient la communication de renseignements personnels en vertu du paragraphe 19(2).

La Commissaire à l’information a recommandé au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de localiser et de traiter la totalité des renseignements demandés et d’envoyer une nouvelle réponse à la partie plaignante au plus tard le 30 juin 2021. La Commissaire du SCC a avisé la Commissaire à l’information que l’institution donnerait suite à ses recommandations. La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le Service correctionnel du Canada (SCC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La plainte porte sur une demande visant une copie à jour du dossier carcéral d’un détenu.

Enquête

[2]      Il incombe au SCC de démontrer qu’il a invoqué correctement le paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer les renseignements demandés. L’enquête a cependant révélé que le SCC n’a ni localisé ni traité les documents en cause avant d’y appliquer le paragraphe 19(1) pour protéger la totalité des renseignements demandés. Par conséquent, le SCC n’a pas correctement exercé ses pouvoirs en vertu de la Loi.

[3]      Selon les observations initiales de l’institution, les justifications avancées par le SCC pour refuser de localiser et de traiter les documents en cause se résument comme suit :

  • Le fait de localiser les documents en cause et de les stocker sur les serveurs sécurisés du SCC (conformément aux procédures internes de l’institution) compromet considérablement la vie privée du détenu et des victimes, compte tenu de l’attention médiatique entourant les documents en cause.
  • Les dossiers carcéraux, de par leur nature même, constituent des renseignements personnels et, dans le cas qui nous occupe, cette notion permet donc aux responsables du SCC de refuser de communiquer la totalité des renseignements en cause en vertu du paragraphe 19(1).
  • Le SCC envisageait la possibilité de communiquer certains renseignements conformément au paragraphe 19(2), notamment en ce qui concerne l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais a choisi de ne pas le faire en raison du préjudice possible à la vie privée d’une ou plusieurs personnes.
  • Compte tenu de ce qui précède, le SCC était d’avis qu’il n’était pas tenu de localiser et de traiter les documents en cause.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[4]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[5]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des responsables).

[6]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[7]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[8]      En appliquant l’exception sans d’abord localiser et traiter les documents en cause ni procéder à un examen exhaustif, le SCC ne peut pas légitimement soutenir que les renseignements satisfont aux critères relatifs aux renseignements personnels suivant le paragraphe 19(1).

[9]      En outre, la décision de communiquer ou non les renseignements doit être prise par une personne qui est autorisée à le faire (responsable délégué en vertu de la Loi). Dans le cas qui nous occupe, puisque les renseignements n’ont pas été localisés ou traités, les responsables délégués du SCC n’ont pas été en mesure d’examiner toute l’information contenue dans les documents avant d’appliquer l’exception prévue au paragraphe 19(1) à la totalité de ceux‑ci. Le SCC a par ailleurs manqué à ses obligations en vertu de l’article 25, qui exige de prélever les parties dépourvues des renseignements visés par une exception lorsque le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

[10]    Compte tenu de ce qui précède, je ne peux pas conclure que l’information satisfait aux critères de l’exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[11]    S’ils n’ont pas accès aux documents en cause, les responsables délégués du SCC ne peuvent pas raisonnablement soutenir qu’ils ont tenu compte, comme il se doit, des circonstances qui permettraient la communication de renseignements personnels en vertu du paragraphe 19(2). Je ne suis pas convaincue que le SCC a fait des efforts raisonnables pour obtenir le consentement des personnes [voir Fontaine c. Canada (Gendarmerie royale), 2009 CAF 150, au para 26], vérifier si le public a accès à l’information ou établir si la communication d’une partie ou de la totalité de ces renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[12]    Je note que le SCC a effectivement tenté d’obtenir le consentement du détenu, conformément à l’alinéa 19(2)a) (qui n’a pas été obtenu), et que l’institution a procédé à une analyse rigoureuse en vertu de l’alinéa 19(2)c) afin d’établir si les renseignements demandés pouvaient être communiqués. Cependant, un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire nécessite d’examiner les documents en cause. Un tel exercice nécessiterait également, entre autres, d’établir si le public a accès à certains des documents en cause en vertu de l’alinéa 19(2)b), y compris les renseignements relatifs à la détermination de la peine. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que le SCC a tenu compte de tous les facteurs pertinents en vertu du paragraphe 19(2) et j’en conclus donc que le SCC n’a pas exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de ne pas communiquer les renseignements.

Nouvelle position du SCC

[13]    À la suite de mon enquête et des communications récentes entre le Commissariat à l’information et le SCC, le 19 mars 2021, ce dernier m’a informée que sa position initiale a changé et qu’il localiserait et examinerait les documents en cause (le dossier carcéral). Le SCC a également reconnu que le dossier carcéral devrait être localisé afin que le responsable de l’institution puisse exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2).

[14]    Le SCC a aussi indiqué que, bien qu’il dispose de ressources limitées, il tentera de traiter les documents pertinents dès que possible.

Résultat

[15]    La plainte est fondée.

Recommandations

Je recommande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ce qui suit :

  • Localiser et traiter la totalité des renseignements demandés;
  • Faire examiner la totalité des documents en cause par un responsable délégué afin de les traiter en vertu de la Loi sur l’accès à l’information;
  • Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de tous les facteurs pertinents conformément à toute exception qui serait invoquée;
  • Conformément à l’exigence prévue à l’article 25, communiquer les parties des documents dépourvues des renseignements pouvant faire l’objet d’une exception, si le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux;
  • Envoyer une nouvelle réponse à la partie plaignante et fournir une copie de cette réponse au Commissariat à l’information;
  • Prendre toutes les mesures qui précèdent au plus tard le 30 juin 2021.

Le 27 avril 2021, j’ai transmis au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations.

Le 20 mai 2021, la Commissaire du SCC m’a avisée que l’institution donnerait suite à mes recommandations et que, pour ce faire, elle a élaboré un plan d’action pour traiter ce dossier au plus tard le 30 juin 2021. La Commissaire a souligné qu’en date du 20 mai 2021, son institution avait localisé tous les documents en cause et avait affecté des ressources à leur examen. La Commissaire affirme qu’à la conclusion de cet examen, le ou les responsable(s) délégué(s) au SCC rendrai(en)t une décision et autoriserai(en)t la communication de toute partie des documents qui n’est pas protégée par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Les institutions doivent se conformer au paragraphe 37(4) lorsqu’elles communiquent des documents pour donner suite à mes recommandations.

L’article 41 de la Loi confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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