Service canadien du renseignement de sécurité (Re), 2023 CI 11

Date : 2023-02-28
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-01454
Numéro de dossier de l’institution: 117-2019-275

Sommaire

La partie plaignante allègue que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n’a pas indiqué clairement quelles parties des documents demandés avaient été caviardées ni pour quel motif il a refusé de communiquer certains renseignements, lorsqu’il a répondu à sa demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande visait à obtenir des renseignements historiques sur Warren Hart et les activités/services effectués au Canada dans le cadre de contrats conclus avec une institution fédérale.

L’enquête a révélé que le SCRS avait eu recours à une méthode de caviardage en blanc (negative or white redactions) pour prélever certaines parties des documents demandés après s’être basé sur des exceptions au droit d’accès et qu’il n’avait pas indiqué sur les documents en cause quelles parties faisaient l’objet du refus de communication ni en vertu de quelle exception.

Le SCRS a affirmé que le fait d’indiquer quels passages étaient caviardés et le motif justifiant le refus de communication de certains renseignements pourrait en soi être préjudiciable.

La Commissaire à l’information a conclu que le SCRS n’a pas expliqué de manière convaincante comment le fait d’indiquer clairement les passages caviardés et les exceptions invoquées sur les documents en cause pourrait révéler des renseignements dont la protection serait justifiée en vertu de la Loi ou permettre à quiconque de déchiffrer de tels renseignements.

La Commissaire a recommandé au SCRS ce qui suit : fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante, laquelle indique clairement quelles parties des documents font l’objet du refus de communication et mentionne, pour chacune d’entre elles, la ou les dispositions précises de la partie 1 de la Loi en vertu desquelles elles sont caviardées; cesser d’utiliser la méthode de caviardage en blanc; cesser de mentionner les exceptions uniquement dans les lettres de réponse, ces deux dernières recommandations étant conformes à la Directive sur les demandes d’accès à l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le SCRS a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux recommandations.

La plainte est fondée.

Plainte

[1] La partie plaignante allègue que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n’a pas indiqué clairement quelles parties des documents demandés avaient été caviardées ni pour quel motif il a refusé de communiquer certains renseignements, lorsqu’il a répondu à sa demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande visait à obtenir des renseignements historiques sur Warren Hart et les activités/services effectués au Canada dans le cadre de contrats conclus avec une institution fédérale.

Enquête

[2] En l’espèce, le SCRS :

  • a eu recours à une méthode de caviardage en blanc pour prélever certaines parties des documents demandés après s’être basé sur des exceptions au droit d’accès;
  • n’a pas indiqué sur les documents en cause quelles parties avaient fait l’objet du refus de communication ni en vertu de quelle exception.

[3] La partie plaignante allègue que, ce faisant, le SCRS n’a pas indiqué clairement quelles parties des documents demandés avaient été caviardées ni pour quels motifs, ce qui contrevient à la Loi.

Le SCRS s’est-il acquitté de ses obligations prévues par la Loi en ayant recours à une méthode de caviardage en blanc et en n’indiquant pas les exceptions invoquées pour refuser de communiquer certaines parties des documents demandés?

[4] La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Précises et limitées, les exceptions indispensables à ce droit sont énoncées dans la Loi [alinéa 2(2)a)]. Le paragraphe 10(1) exige que les institutions, lorsqu’elles refusent de communiquer les documents demandés, en tout ou en partie, avisent la personne qui a fait la demande de ce qui suit, selon la situation :

  • les documents n’existent pas;
  • les dispositions précises en vertu desquelles la communication est refusée;
  • les dispositions précises de la Loi en vertu desquelles la communication pourrait raisonnablement être refusée si les documents existaient.

[5] Les institutions sont tenues de procéder à un prélèvement et de communiquer les autres parties des documents qui n’ont pas besoin d’être caviardées en vertu d’une disposition précise énoncée dans la partie I de la Loi, à condition que le prélèvement ne pose pas de problème sérieux (article 25). De plus, le paragraphe 4(2.1) de la Loi prévoit que le responsable d’une institution fédérale « fait tous les efforts raisonnables, sans égard à l’identité de la personne qui fait […] une demande, pour lui prêter toute l’assistance indiquée, donner suite à sa demande de façon précise et complète […] »

[6] Bien que la Loi ne mentionne pas expressément comment procéder au caviardage, la jurisprudence établie reconnaît qu’un demandeur doit obtenir les renseignements qui le mettent en mesure de cerner le document en question et de contester l’exception invoquée (voir par exemple : Blank c. Canada (Environnement), 2007 CAF 289, para. 6).

[7] De plus, au moment de traiter la demande d’accès, c’est la « Directive provisoire concernant l’administration de la Loi sur l’accès à l’information » du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) qui était en vigueur, et les institutions étaient tenues de respecter l’exigence suivante :

7.8.2 Indiquer toutes les exceptions invoquées par rapport aux documents, sauf si cela est susceptible d’entraîner la divulgation des renseignements visés par l’exception ou de causer le préjudice sur lequel se base l’exception.

[8] Selon le SCRS, le fait d’appliquer une méthode de caviardage en blanc et de préciser les exceptions dans sa lettre de réponse aux personnes qui ont fait des demandes (plutôt que sur les documents eux-mêmes) ne contrevient pas à la Loi ou aux principes relatifs à l’obligation de prêter assistance, ou même à la Directive provisoire du SCT.

[9] Le SCRS a soutenu que, vu la nature délicate des renseignements non communiqués, il a fourni des explications sur les exceptions dans la lettre de réponse qu’il a adressée à la partie plaignante.

[10] Le SCRS a cité comme exemple un cas hypothétique, à savoir celui d’un demandeur qui pourrait déduire la cote de sécurité d’un individu à partir de l’information obtenue d’un gouvernement étranger et l’importance de cette information si les caviardages et les exceptions étaient indiqués clairement sur les documents. Outre l’improbabilité de cet exemple, celui-ci n’est pas pertinent pour la demande en l’espèce.

[11] Au cours de l’enquête, le SCRS n’a pas expliqué de manière convaincante comment le fait d’indiquer clairement les passages caviardés et les exceptions invoquées sur les documents en cause pourrait révéler des renseignements dont la protection serait justifiée en vertu de la Loi ou permettre à quiconque de déchiffrer de tels renseignements.

[12] J’ai aussi constaté au cours de l’enquête que le SCT a publié, en juillet 2022, la « Directive sur les demandes d’accès à l’information », une version à jour de celle en vigueur jusque-là. Les dispositions pertinentes révisées énoncent ce qui suit :

4.1.34 Indiquer, sur chaque page des documents communiqués en vertu de la partie 1 de la loi, toutes les exceptions et les exclusions invoquées, sauf si une telle précision est susceptible de divulguer les renseignements visés par l’exception ou de faire en sorte que le préjudice sur lequel se fonde l’exception se matérialise.

4.1.35 Indiquer clairement les renseignements caviardés d’une manière qui est évidente sur le document individuel.

[13] Conformément à la Politique sur l’accès à l’information, la Directive est contraignante pour les institutions fédérales, y compris le SCRS. Les points 6 et 7 portent sur l’application de la Politique et de la Directive ainsi que sur les conséquences d’une non-conformité.

[14] Bien que la nouvelle Politique ait récemment été publiée, les dispositions qui y figurent reflètent parfaitement ce que la Loi et la jurisprudence attendent d’une institution. Compte tenu de ce qui précède, le Commissariat à l’information a demandé au SCRS s’il avait changé d’avis. Ce dernier est resté sur ses positions et a refusé de mentionner les exceptions invoquées sur chaque page des documents et d’indiquer clairement les passages caviardés, et ce, sans me convaincre que cette précision « est susceptible de divulguer les renseignements visés par l’exception ou ferait en sorte que le préjudice sur lequel se fonde l’exception se matérialise ».

[15] Compte tenu de ce qui précède, il m’est impossible d’accepter l’argument selon lequel il était justifié pour le SCRS de ne pas indiquer les exceptions invoquées pour les différentes parties des documents en cause. Je conclus que le SCRS ne s’est pas acquitté de son obligation en matière de prélèvement ni de celle de prêter assistance, comme le prévoit le paragraphe 4(2.1).

Résultat

[16] La plainte est fondée.

Recommandations

Je recommande au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité ce qui suit :

  1. Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante, laquelle indique clairement quelles parties des documents font l’objet du refus de communication et mentionne, pour chacune d’entre elles, la ou les dispositions précises de la partie 1 de la Loi en vertu desquelles elles sont caviardées;
  2. Cesser d’utiliser la méthode de caviardage en blanc, comme l’exige la Directive sur les demandes d’accès à l’information du SCT;
  3. Cesser de toujours préciser les exceptions uniquement dans les lettres de réponse, comme l’exige la Directive sur les demandes d’accès à l’information du SCT.

Le 18 janvier 2023, j’ai transmis au SCRS mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations.

Le 22 février 2023, la coordonnatrice de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du SCRS m’a avisée que le SCRS accepte mes conclusions et entend exécuter les mesures suivantes :

  • Recourir à une méthode de caviardage traditionnelle dans ses divulgations aux personnes qui ont fait des demandes;
  • Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante en indiquant quelles parties des documents font l’objet du refus de communication et en mentionnant, pour chacune d’entre elles, les dispositions précises de la partie 1 de la Loi en vertu desquelles elles sont caviardées;
  • À l’avenir, préciser les exceptions invoquées sur les documents en cause, sauf si une telle précision est susceptible de divulguer les renseignements visés par l’exception ou ferait en sorte que le préjudice sur lequel se fonde l’exception se matérialise, conformément à la version à jour de la Directive sur les demandes d’accès à l’information du SCT.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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