Santé Canada (Re), 2025 CI 34
Date : 2025-06-06
Numéro de dossier du Commissariat : 5824-03837
Numéro de la demande d’accès : A-2024-000018
Sommaire
La partie plaignante allègue que Santé Canada n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information ou dans le délai prorogé en vertu de cette même loi. La demande vise des documents qui remontent à des dates précises et qui concernent des délibérations parlementaires tenues en 2021 et en 2022 en vue d’obtenir certains documents relatifs à l’Agence de la santé publique du Canada et au Laboratoire national de microbiologie. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Santé Canada est réputé avoir refusé de communiquer les documents demandés, selon le paragraphe 10(3).
L’enquête a révélé que la préparation de la réponse avait été suspendue, malgré le fait que les consultations et le traitement de la demande d’accès étaient achevés.
Selon les explications de Santé Canada, au moment de préparer la réponse à fournir à la partie plaignante, il a été informé par l’un des bureaux de première responsabilité (soit la Direction générale des services corporatifs – Sécurité) que de multiples enquêtes sur l’incident survenu au Laboratoire national de microbiologie étaient toujours en cours.
La Commissaire à l’information a indiqué que les actions de Santé Canada relativement à la demande n’étaient ni autorisées ni justifiables en vertu de la Loi, car cette dernière n’autorise pas une institution à « suspendre » la préparation d’une réponse à une demande en attendant le résultat d’une enquête. Elle a aussi indiqué que les préoccupations relatives au caractère délicat des renseignements ou à l’incidence que leur communication pourrait avoir sur les enquêtes en cours sont traitées de façon appropriée par l’application opportune d’exceptions.
La Commissaire a avisé Santé Canada de son intention de lui ordonner de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 36e jour suivant la date du compte rendu.
Santé Canada a informé la Commissaire qu’il avait déjà fourni une réponse à la demande d’accès. La Commissaire a donc fait savoir qu’il n’était plus nécessaire pour elle de rendre une ordonnance à ce propos.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Santé Canada n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information ou dans le délai prorogé en vertu de cette même loi. La demande vise des documents qui remontent à des dates précises et qui concernent des délibérations parlementaires tenues en 2021 et en 2022 en vue d’obtenir certains documents relatifs à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et au Laboratoire national de microbiologie. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Délais pour répondre aux demandes d’accès
[2] L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9. Lorsqu’une institution ne répond pas à une demande dans le délai de 30 jours ou dans le délai prorogé, elle est réputée avoir refusé de communiquer les documents en vertu du paragraphe 10(3).
[3] L’institution est néanmoins tenue de fournir une réponse à la demande.
Qu’est-ce qu’une réponse?
[4] La réponse à une demande d’accès doit être écrite et elle doit indiquer si l’institution communique les documents demandés, en tout ou en partie.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle communique les documents, en tout ou en partie, l’institution doit les communiquer.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle refuse de communiquer les documents, en tout ou en partie, l’institution doit expliquer que les documents n’existent pas ou qu’elle refuse de les communiquer, en tout ou en partie, en vertu d’une exception précise, et elle doit identifier cette disposition.
[5] Dans des circonstances précises, l’institution peut refuser de confirmer ou de nier l’existence des documents, en vertu du paragraphe 10(2).
L’institution a-t-elle répondu dans les délais?
[6] Santé Canada a reçu la demande d’accès le 3 avril 2024 et a prorogé le délai de réponse de 210 jours en vertu des alinéas 9(1)a) et 9(1)b).
[7] Santé Canada n’avait pas répondu à la demande d’accès à l’échéance du délai prorogé. Je conclus donc qu’il n’a pas respecté son obligation de répondre à la demande dans le délai prorogé. Santé Canada est réputé avoir refusé de communiquer les documents demandés, selon le paragraphe 10(3).
[8] Le 18 avril 2024, le Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de Santé Canada a reçu 211 pages de documents pertinents. Après avoir mené à terme ses consultations auprès de l’ASPC, du Commissariat à la protection de la vie privée, du Service canadien du renseignement de sécurité, du Bureau du Conseil privé et du ministère de la Justice, il a terminé son examen final le 29 janvier 2025.
[9] Santé Canada a par la suite consulté son directeur exécutif de la Gestion de la sécurité, qui a fait part de recommandations verbales le 7 février 2025 portant sur d’autres caviardages.
[10] L’Unité des services juridiques de Santé Canada a aussi fait part de certaines recommandations. Celles-ci ont été reçues, puis mises en œuvre avant le 24 février 2025.
[11] Un rapport présentant brièvement les mesures prises (dont les détails sont précisés dans le dossier fourni par Santé Canada) montre que la demande a été ajoutée au rapport hebdomadaire du portefeuille le 24 février 2025, dans le cadre du processus « C & N », qui signifie « Comms and Notification » [communications et notifications], selon ce qu’en comprend le Commissariat.
[12] Malgré le fait que les consultations et le traitement de la demande d’accès étaient achevés, la directrice exécutive de l’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels a suspendu la préparation de la réponse le 27 février 2025.
[13] Selon les explications de Santé Canada, au moment de préparer la réponse à fournir à la partie plaignante, la directrice exécutive de l’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels a été informée par l’un des bureaux de première responsabilité (soit la Direction générale des services corporatifs – Sécurité) que de multiples enquêtes sur l’incident survenu au Laboratoire national de microbiologie étaient toujours en cours. De ce fait, la directrice exécutive a été conseillée de suspendre la préparation de la réponse jusqu’à ce que ces enquêtes soient terminées. Santé Canada a ajouté qu’il devra procéder à de nouveaux caviardages avant de fournir une réponse à la partie plaignante, mais n’a pas indiqué qu’il prévoyait de le faire.
[14] Les actions de Santé Canada relativement à cette demande ne sont ni autorisées ni justifiables en vertu de la Loi. Cette dernière n’autorise pas une institution à « suspendre » la préparation de la réponse à une demande en attendant le résultat d’une enquête.
[15] L’accès aux documents gouvernementaux en temps opportun constitue la pierre angulaire d’une société démocratique saine et ouverte. Dans ce domaine, retarder l’accès équivaut trop souvent à refuser l’accès. Lorsqu’une institution ne répond pas à une demande d’accès dans les délais prévus par la Loi, il ne s’agit pas d’une omission mineure, négligeable ou sans importance. Il s’agit plutôt d’une violation de la lettre et de l’esprit de la Loi qui nuit à la confiance du public envers les institutions fédérales et le système d’accès dans son ensemble.
[16] Une personne qui a le droit d’avoir accès aux documents relevant d’une institution fédérale (assujettie aux exceptions et aux exclusions prévues à la partie 1 de la Loi) a aussi le droit d’y avoir accès en temps opportun. Comme le fait remarquer la Cour d’appel fédérale : [traduction] « […] selon la formulation de la Loi, son intention est manifestement de faire en sorte que la demande d’accès à l’information d’un demandeur ne soit pas contrecarrée par l’inaction bureaucratique : lambiner équivaut à un refus. » [Cyanamid Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être),1992 CanLII 15456 (CAF)].
[17] À cette fin, la Loi exige que les institutions fédérales fournissent une réponse à une demande d’accès dans le délai prévu à l’article 7 et limite le recours aux prorogations de délai à des circonstances particulières. De plus, elle impose aux institutions une responsabilité légale, comme le prévoit le paragraphe 4(2.1) de la Loi, à savoir de « donner suite à sa demande de façon précise et complète et, sous réserve des règlements, lui communiquer le document en temps utile sur le support demandé ». Enfin, le paragraphe 10(3) permet à la personne qui a fait une demande d’accès de déposer une plainte lorsqu’une institution ne répond pas à cette demande dans le délai prévu par la Loi, autrement cette personne peut attendre une réponse en vain.
[18] Santé Canada doit savoir qu’aucune disposition de la Loi ne permet à une institution de suspendre le traitement d’une demande d’accès en attendant le résultat d’une enquête. Il doit faire preuve de leadership en répondant rapidement aux demandes d’accès et donner ainsi l’exemple à ses fonctionnaires en s’acquittant de sa responsabilité de fournir un accès rapide à l’information aux Canadiens et Canadiennes. Les préoccupations relatives au caractère délicat des renseignements ou à l’incidence que leur communication pourrait avoir sur les enquêtes en cours sont traitées de façon appropriée par l’application opportune d’exceptions. Il s’agit là de l’esprit de la Loi, comme le prévoyait le législateur; aucune disposition ne permet à une institution de suspendre le traitement d’une demande dans les circonstances actuelles.
[19] La partie plaignante attend maintenant une réponse à sa demande d’accès depuis plus d’un an. Chaque jour supplémentaire pris pour répondre à cette demande représente un jour de plus où les droits d’accès de la partie plaignante lui sont refusés. Cette absence de réponse contrevient clairement aux obligations de Santé Canada en vertu de la Loi et mine la crédibilité du système d’accès.
[20] Puisque seules 211 pages sont en cause, Santé Canada devrait être en mesure d’appliquer rapidement toute exception supplémentaire qui s’impose afin de ne pas communiquer des renseignements de nature délicate. Il pourra par la suite fournir une réponse à la partie plaignante.
[21] Santé Canada doit répondre à la demande d’accès dans les plus brefs délais. Toute réponse doit nécessairement être conforme aux autres obligations de Santé Canada en vertu de la Loi, y compris celle de donner suite à la demande de façon précise et complète. Compte tenu du travail qui reste à faire (notamment d’appliquer des exceptions supplémentaires pour refuser de communiquer les renseignements liés à la sécurité ou aux enquêtes en cours), je conclus que Santé Canada doit fournir une réponse à la demande au plus tard le 36e jour ouvrable suivant la date du compte rendu.
Résultat
[22] La plainte est fondée.
Rapport et avis de l’institution
Le 13 mai 2025, j’ai transmis à la ministre de la Santé mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance, soit de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 36e jour ouvrable suivant la date du compte rendu.
Le 28 mai 2025, Santé Canada m’a avisée qu’il avait déjà fourni une réponse complète à la demande d’accès. Il n’est donc plus nécessaire pour moi de rendre une ordonnance à ce propos.
Révision par la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.