Santé Canada (Re), 2025 CI 11
Date : 2025-02-19
Numéro de dossier du Commissariat : 5824-01345
Numéro de la demande d’accès : A-2023-000803
Sommaire
La partie plaignante allègue que Santé Canada, en réponse à une demande d'accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents ayant un lien avec l'impact des feux de camp sur la qualité de l'air. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Santé Canada a refusé de communiquer le nom des tiers et des textes courts les concernant en vertu de l’alinéa 20(1)c). Les tiers n’ont pas démontré que les renseignements généraux ou inoffensifs satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)c). Santé Canada était d’accord pour relâcher les informations suite à une ordonnance délivrée par la Commissaire à l’information.
La Commissaire à l’information a ordonné à Santé Canada de communiquer les renseignements en cause.
Santé Canada a indiqué qu’il communiquerait des pages précises conformément à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Santé Canada, en réponse à une demande d'accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents ayant un lien avec l'impact des feux de camp sur la qualité de l'air. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
[2] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1). Elle a également décidé d’exclure la page 122 des documents répondant à la demande de l’enquête.
Enquête
[3] Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.
[4] Le Commissariat a demandé des observations aux tiers, l'Association canadienne des automobilistes (CAA) et l'Institut canadien des urbanistes (ICU), conformément à l'alinéa 35(2)c) de la Loi. Le Commissariat a avisé la CAA et l’ICU, en vertu de l'article 36.3, de mon intention d'ordonner à Santé Canada de divulguer les informations en question.
[5] Santé Canada et la partie plaignante ont également été invités à présenter des observations au cours de l'enquête. J'ai pris en considération toutes les observations fournies par les tiers, Santé Canada et la partie plaignante pour prendre ma décision.
Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers
[6] L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.
[7] Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[8] Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[9] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
[10] De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :
- la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
- l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.
[11] Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[12] Santé Canada a appliqué l’alinéa 20(1)c) pour caviarder le nom des tiers (au niveau des pages 100, 105 et 118) et des textes courts les concernant (au niveau des pages 102 et 120).
[13] L’alinéa 20(1)c) exige des éléments de preuve démontrant l’impact financier de la divulgation de l’information sur le tiers et sur sa compétitivité, et la probabilité de cet impact. Il doit y avoir un lien clair et direct entre la divulgation d’une information donnée et le risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture (voir Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, paras. 197, 206).
[14] Dans ses observations, la CAA s'est opposée à la divulgation de ces informations, les qualifiant de fausses. Selon la CAA, ces informations pourraient entraîner un « risque futur » pour l’organisation. Toutefois, la CAA n'a fourni aucune preuve de la manière dont la divulgation pourrait causer un préjudice spécifique.
[15] En ce qui concerne la désinformation, la Cour suprême a estimé que les décideurs devaient être sceptiques quant aux allégations selon lesquelles l'incompréhension par le public des informations divulguées causerait un préjudice à des tiers, et que le refus de divulguer des informations pour cette raison compromettrait l'objectif de la législation sur l'accès à l'information (voir : Merck, supra, paragraphe 224). En outre, Santé Canada pourrait inclure une note explicative dans sa réponse afin de réduire la possibilité d'un tel préjudice (voir Les viandes du Breton Inc. c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2006 CF 335).
[16] Pour sa part, l’ICU a indiqué que la divulgation ne lui causerait aucun préjudice.
[17] Santé Canada a affirmé dans ses observations qu’il procèdera à la divulgation de l’information suite à une ordonnance délivrée par la Commissaire à l’information.
[18] Je conclus que l’information qui reste en cause ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).
Résultat
[19] La plainte est fondée.
- Les renseignements que Santé Canada a refusé de communiquer en vertu de l’alinéa 20(1)c) ne satisfaisaient pas aux critères de l’exception.
Ordonnances et recommandations
J’ordonne au ministre de la Santé de communiquer tous les renseignements dans la portée de la plainte dont la communication avait été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)c).
Rapport et avis de l’institution
Le 17 janvier 2025, j’ai transmis au ministre de la Santé mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.
Le 10 février 2025, la directrice exécutive, opérations de l’Accès à l’information et protection des renseignements personnels, m’a avisée que Santé Canada donnerait suite à mon ordonnance.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables qui suivent. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.
Autres destinataires du compte rendu
Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à la CAA et l’ICU.