Santé Canada (Re), 2024 CI 10

Date : 2024-03-26

Numéro de dossier du Commissariat : 5822-07913

Numéro de dossier de l’institution : A-2022-001482

Sommaire

La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que Santé Canada a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à une demande d’accès est déraisonnable. Cette dernière vise à obtenir des renseignements concernant une demande d’exemption pour servir de l’ayahuasca dans un cadre religieux, suivant l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information.

Santé Canada a pris une prorogation de 1 000 jours en vertu des alinéas 9(1)a) et 9(1)b) pour finir de traiter la demande. Si cette prorogation était valide, l’échéance du délai de réponse serait le 19 décembre 2025.

Au cours de l’enquête, Santé Canada a démontré qu’il satisfaisait à tous les critères des alinéas 9(1)a) et 9(1)b), particulièrement que le calcul de la prorogation de délai était suffisamment logique ou soutenable, que la communication des documents dans un délai sensiblement plus court que celui proposé entraverait de façon sérieuse son fonctionnement et que les consultations rendraient pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours.

Santé Canada a démontré que la prorogation est valide, et la date d’échéance du délai de réponse demeure le 19 décembre 2025. La Commissaire à l’information invite la partie plaignante et Santé Canada à travailler ensemble afin de réduire la portée de la demande d’accès pour que le nombre de documents à traiter soit moins important et qu’une réponse puisse être communiquée plus rapidement.

La plainte est non fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que Santé Canada a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à une demande d’accès est déraisonnable. Cette dernière vise à obtenir des renseignements concernant une demande d’exemption pour servir de l’ayahuasca dans un cadre religieux, suivant l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information.

Enquête

[2]      L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9.

[3]      Santé Canada a reçu la demande d’accès le 23 février 2023 et a avisé la partie plaignante dans un délai de 30 jours qu’il lui faudrait 1 000 jours supplémentaires, en vertu des alinéas 9(1)a) et 9(1)b), pour finir de traiter la demande. Si cette prorogation était valide, l’échéance du délai de réponse serait le 19 décembre 2025.

Prorogations de délai

Alinéa 9(1)a) : prorogation du délai en raison de la quantité de documents

[4]      L’alinéa 9(1)a) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :

  • la demande vise un grand nombre de documents ou nécessite que l’institution fasse des recherches parmi un grand nombre de documents;
  • l’observation du délai entraverait de façon sérieuse leur fonctionnement;
  • la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.

L’institution a-t-elle démontré qu’elle satisfaisait aux critères de l’alinéa 9(1)a)?

La demande d’accès vise-t-elle un grand nombre de documents?

[5]      Santé Canada a déclaré que le bureau de première responsabilité (BPR) chargé de chercher des documents a fourni 14 278 pages de documents possiblement pertinents à l’Unité de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) aux fins de traitement. Santé Canada a démontré que la demande vise un grand nombre de documents.

L’observation du délai entraverait-elle de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution?

[6]      Santé Canada a expliqué qu’il fallait non seulement tenir compte du grand nombre de documents à traiter, mais aussi de leur nature. Les documents ont trait à une demande d’exemption pour raisons religieuses étant toujours à l’étude et susceptible de créer un précédent pour les futures demandes. Pour cette raison, les simples mentions de cette demande d’exemption figuraient parmi une multitude de documents autres que la demande d’exemption elle-même et nécessitaient l’intervention de plusieurs équipes et de nombreux employés, ce qui a rendu la collecte et l’examen des documents difficiles pour les bureaux concernés par la demande d’accès.

[7]      Au-delà de la demande d’exemption elle-même, les documents comprenaient divers autres types de documents, notamment des conseils aux décideurs et des documents d’analyse. De plus, plusieurs documents portaient la mention « Secret » ou faisaient l’objet d’une obligation de préservation dans le cadre d’un litige, d’où un surcroît d’efforts et de complexité au moment de les traiter. L’Unité de l’AIPRP a ensuite dû prendre en considération les recommandations du secteur de programme concernant les exceptions à appliquer à certaines parties des documents.

[8]      Santé Canada a indiqué que la tenue de consultations et de discussions exhaustives à l’interne serait nécessaire pour bien comprendre les subtilités et la nature délicate des documents. Il a aussi expliqué que, dans le cas d’un dossier aussi volumineux que celui-ci, caractérisé par de nouvelles considérations et des décisions en suspens, il s’agirait d’un processus laborieux et chronophage.

[9]      Santé Canada a démontré que le fait de rechercher et de traiter autant de documents en plus de répondre à la demande d’accès dans un délai de 30 jours—pour autant que cela soit possible—aurait monopolisé ses ressources dans une large mesure et aurait nui au traitement d’autres demandes d’accès. L’exécution du travail nécessaire entraverait donc de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution.

[10]    Santé Canada a ajouté que, au moment où cette prorogation a été prise, l’Unité de l’AIPRP faisait face à une importante hausse des demandes d’accès ainsi qu’à un manque de ressources au sein de l’équipe chargée de l’intérêt public, dans lequel s’inscrit la demande d’accès. Bien que Santé Canada ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour accroître sa capacité opérationnelle, à savoir en veillant au perfectionnement professionnel de son personnel actuel et en procédant à l’embauche de personnel supplémentaire, l’institution continue de subir des retards considérables dans le traitement de la plupart des demandes d’accès.

La prorogation de délai est-elle d’une période que justifient les circonstances?

[11]    En vertu de l’alinéa 9(1)a), Santé Canada a prorogé le délai de réponse de 900 jours supplémentaires. Il a pris plusieurs facteurs en considération pour veiller à ce que la prorogation de délai soit la plus courte possible :

  • le grand nombre de documents (plus de 14 000 pages);
  • la complexité et la nature délicate des documents;
  • le temps dont l’Unité de l’AIPRP a dit avoir besoin pour analyser et appliquer les exceptions à un nombre aussi important de documents en fonction de la charge de travail réelle de l’analyste et de son équipe, sans pour autant nuire au traitement des autres demandes.

[12]    Santé Canada a fait preuve d’une rigueur et d’une logique suffisantes pour déterminer de manière sérieuse la durée de la prorogation du délai, de sorte que le délai de 900 jours est raisonnable et justifié dans les circonstances.

Alinéa 9(1)b) : prorogation du délai aux fins de consultations

[13]    L’alinéa 9(1)b) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :

  • elles doivent mener des consultations au sujet des documents demandés;
  • ces consultations rendent pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours;
  • la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.

L’institution a-t-elle démontré qu’elle satisfaisait aux critères de l’alinéa 9(1)b)?

Les consultations étaient-elles nécessaires?

[14]    Santé Canada a informé le Commissariat à l’information que le BPR lui avait recommandé de consulter l’Unité de services juridiques de l’organisation, étant donné que l’objet de la demande d’accès a trait à une demande d’exemption pour raisons religieuses qui s’inscrit dans un contexte litigieux et qui pourrait avoir une incidence sur les futures demandes d’exemption.

[15]    Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les consultations sont nécessaires.

Les consultations rendraient‐elles pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours?

[16]    Selon Santé Canada, les consultations rendraient pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours étant donné le nombre de documents. L’Unité des services juridiques aurait besoin d’un délai raisonnable pour examiner les renseignements et formuler ses recommandations à l’Unité de l’AIPRP, même si ce n’est que pour un petit nombre de ces documents.

[17]    Je suis donc d’avis que les consultations avec l’Unité des services juridiques rendraient pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours.

La prorogation de délai est-elle d’une période que justifient les circonstances?

[18]    En vertu de l’alinéa 9(1)b), Santé Canada a prorogé le délai de réponse de 100 jours supplémentaires. La durée de cette prorogation repose sur le nombre de pages pouvant nécessiter une consultation avec l’Unité des services juridiques. Santé Canada a indiqué que d’autres consultations pourraient également être nécessaires.

[19]    Je suis donc d’avis que la durée de la prorogation en vertu de l’alinéa 9(1)b) est raisonnable.

[20]    Je conclus que Santé Canada a démontré qu’il satisfaisait à tous les critères des alinéas 9(1)a) et 9(1)b). La prorogation est donc valide, et la date d’échéance du délai de réponse demeure le 19 décembre 2025.

[21]    Cela dit, j’invite la partie plaignante et Santé Canada à travailler ensemble afin de réduire la portée de la demande d’accès pour que le nombre de documents à traiter soit moins important et qu’une réponse puisse être communiquée plus rapidement.

Résultat

[22]    La plainte est non fondée.

Recours en révision devant la Cour fédérale

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

Date de modification :
Déposer une plainte