Ressources naturelles Canada (Re), 2023 CI 45

Date : 2023-10-16
Numéro de dossier du Commissariat : 3218-01867
Numéro de dossier de l’institution : DC7040-18-017/JA

Sommaire

La partie plaignante allègue que Ressources naturelles Canada (RNCan) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des documents liés à un contrat précis. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

RNCan et le tiers n’ont pas démontré que tous les critères des alinéas 20(1)b) et 20(1)c) étaient satisfaits en ce qui concerne certaines parties de l’information.

La Commissaire à l’information a recommandé à RNCan de communiquer tous les renseignements dont la communication avait été refusée précédemment en vertu des alinéas 20(1)b) et c), à part le chèque annulé ainsi que les prix unitaires et les quantités. RNCan n’a pas avisé la Commissaire, comme l’exige le paragraphe 37(1), de son intention de donner suite ou non à la recommandation. L’institution a plutôt communiqué des renseignements supplémentaires à la partie plaignante et fourni une copie au Commissariat à l’information. En examinant la communication supplémentaire, la Commissaire a constaté que celle-ci ne contenait pas tous les renseignements visés par sa recommandation.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que Ressources naturelles Canada (RNCan) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 68(a) (documents publiés ou mis en vente) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des documents liés à un contrat précis. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]     Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a confirmé que la portée de l’allégation était limitée à l’application par RNCan des alinéas 20(1)b) et c) pour refuser de communiquer les renseignements en cause.

Enquête

[3]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]     Au cours de l’enquête, le Commissariat a demandé des observations à Welund North America (Welund) et à RNCanada conformément à l’article 35 de la Loi. Welund n’a pas répondu à la demande du Commissariat, mais a fourni des observations à RNCan, qui en a fait part au Commissariat. Avant de la de transmettre le présent compte rendu, le Commissariat a donné à Welund la possibilité de faire des observations concernant mes conclusions préliminaires et mon analyse de l’application par RNCan des exceptions pour refuser de communiquer les renseignements en cause. Aucune réponse n’a été reçue.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[5]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[6]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[7]     Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[8]     De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[9]     L’alinéa 20(1)b) a été appliqué simultanément à l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer différents renseignements liés au contrat entre RNCan et Welund, y compris, mais sans s’y limiter, le numéro d’entreprise de Welund, de l’information dans le bon de commande, un chèque annulé fourni par Welund, les prix unitaires et les quantités en ce qui concerne les services, et des noms de fichiers électroniques.

[10]     Concernant le premier critère de l’exception, dans la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire.

[11]     Je suis d’avis que des petites parties des renseignements, comme les prix unitaires et un chèque annulé appartenant à Welund, constituent des renseignements financiers. Cela dit, il est difficile de savoir comment la plupart des autres renseignements non communiqués s’inscrivent dans les catégories des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques.

[12]     Ces documents ont trait aux activités de Welund et ils ont été créés dans le cadre d’une procédure ayant des répercussions financières ou commerciales. Cependant, bon nombre d’entre eux ne contiennent pas explicitement de renseignements financiers ou commerciaux. [Voir : Appleton & Associates c. Canada (Bureau du Conseil privé), 2007 CF 640, au para 26]. Outre l’affirmation de Welund selon laquelle les renseignements sont financiers et techniques, aucune observation n’a été présentée pour démontrer en quoi les renseignements en cause correspondent au sens lexicographique ordinaire de ces termes. Je ne suis donc pas d’avis que le premier critère a été satisfait pour la plupart des renseignements non communiqués.

[13]     Concernant le deuxième critère, à savoir la confidentialité des renseignements dont la communication a été refusée, Welund a déclaré à RNCan que ceux-ci ont été transmis confidentiellement avec l’assurance qu’ils ne seraient pas divulgués, car ils comprennent des détails financiers et techniques sensibles.

[14]     Afin que les renseignements soient considérés comme confidentiels, ils :

  • ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public [voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. No. 453].

[15]     Je conviens que certains des renseignements protégés dans les documents ne peuvent pas être obtenus de sources auxquelles le public a accès. Cependant, des parties des renseignements semblent être accessibles au public, comme les services et le numéro d’entreprise de Welund.

[16]     De plus, à part le chèque annulé susmentionné, aucune observation n’a été présentée, outre l’affirmation de Welund, pour démontrer que tous ces renseignements ont été transmis avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués. Comme l’a conclu la Cour fédérale : « Une partie qui cherche à obtenir une approbation du gouvernement, tout comme celles qui cherchent à obtenir des fonds ou des contrats du gouvernement, ne peut s’attendre à jouir du même degré de confidentialité qu’une partie qui aide le gouvernement » [AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé), 2005 CF 189, para 76; confirmé dans 2006 CAF 241].

[17]     Aucune information n’a été fournie me permettant de conclure que la plupart des renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation qui est dans l’intérêt public et que la confidentialité favorise cette relation.

[18]     Par conséquent, je conclus que les renseignements, à part le chèque annulé, ne satisfont pas au test de confidentialité eu égard au deuxième critère.

[19]     Je conviens que la plupart des renseignements en question ont été fournis à RNCan par Welund. Je constate cependant que certains renseignements créés par RNCan et ses représentants, lesquels ne révèlent pas les renseignements fournis par Welund à RNCan, ne satisfont pas à ce critère.

[20]     Pour ce qui est du quatrième critère, je ne suis pas convaincue que tous les renseignements caviardés ont toujours été traités comme étant confidentiels par Welund, car aucune observation n’a été présentée à cet effet.

[21]     Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements, à part le chèque annulé, ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

[22]     Étant donné que les renseignements ne satisfont pas aux critères de cette exception, j’ai aussi examiné la question de savoir si RNCan avait correctement appliqué l’alinéa 20(1)c) aux renseignements dont la communication avait été refusée simultanément en vertu de cette exception.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[23]     L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[24]     Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[25]     Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[26]     Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[27]     De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[28]     RNCan a invoqué l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer les mêmes renseignements qu’il a refusé de communiquer en vertu de l’alinéa 20(1)b), à part le numéro d’entreprise de Welund.

[29]     Welund a affirmé à RNCan que la communication des renseignements en cause pourrait avoir de graves répercussions et compromettre non seulement la proposition actuelle, mais aussi toute négociation ou occasion d’affaires future. Welund soutenait que les documents fournissaient des renseignements sur ses méthodes, ses services, ses coûts et ses stratégies pour rédiger une soumission qui sera retenue. Enfin, Welund a déclaré que les documents contenaient de l’information qui pouvait offrir un avantage concurrentiel en révélant des idées novatrices, des bonnes pratiques ou des méthodes qui ont fait leurs preuves pour préparer une soumission qui sera retenue.

[30]     La jurisprudence concernant la Loi est claire : il incombe à la partie qui s’oppose à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c) d’établir qu’il y a une attente raisonnable que se produise le préjudice probable décrit à cet alinéa si les renseignements sont communiqués [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 92; Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 CF 47, para 22]. Il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication des renseignements en cause et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [Merck Frosst, para 197 et 206].

[31]     Le fardeau d’établir que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c) comprend une charge de la preuve, dont on ne peut pas s’acquitter par de simples affirmations selon lesquelles la communication donnerait probablement ou sans aucun doute lieu au préjudice allégué. Une preuve vague ou spéculative ne peut servir d’appui pour établir une attente raisonnable de préjudice probable [Wyeth-Ayerst Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 257, para 20].

[32]     Je conviens qu’il y a une attente raisonnable que la communication des prix unitaires et des quantités de Welund, par exemple aux pages 325 et 346 des documents en cause, nuise à sa compétitivité.

[33]     Je ne suis cependant pas convaincue que la communication des autres renseignements non communiqués, comme les formulaires fournis par le gouvernement du Canada et une description des services/logiciels de Welund, constitue un risque bien au-delà d’une simple possibilité (Merck Frosst, para 197 et 206).

[34]     En outre, comme mentionné ci-dessus, les renseignements au sujet des services offerts par Welund sont accessibles au public.

[35]     Enfin, il y a des renseignements dans les documents qui n’ont pas été communiqués à certaines pages, mais qui l’ont été à d’autres.

[36]     Je conclus donc que les renseignements en cause, à part les prix unitaires et les quantités, ne sont pas visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c).

Résultat

[37]     La plainte est fondée.

Recommandation

Je recommande au ministre des Ressources naturelles de communiquer tous les renseignements dont la communication avait été refusée en vertu des alinéas 20(1)b) et c), à part le chèque annulé à la page 366 ainsi que les prix unitaires et les quantités.

Le 17 août 2023, j’ai transmis au ministre des Ressources naturelles mon rapport dans lequel je présentais ma recommandation. Le ministre ne m’a pas avisée, comme l’exige le paragraphe 37(1), de son intention de donner suite ou non à ma recommandation. Le 3 octobre 2023, RNCan a plutôt communiqué des renseignements supplémentaires à la partie plaignante et a, par la suite, transmis au Commissariat une copie des documents communiqués. Après avoir examiné ceux-ci, j’ai noté qu’ils ne comprenaient pas certains des renseignements visés par ma recommandation.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à Welund North America.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer son recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celle-ci n’exerce pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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