Ressources naturelles Canada (Re), 2022 CI 62

Date : 2022-10-14
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-00274
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00464/TR

Sommaire

La partie plaignante allègue que Ressources naturelles Canada (RNCan) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci vise des documents concernant, sans toutefois s’y limiter, le rôle et les activités de RNCan et/ou des représentants du Service canadien des forêts qui sont membres du Conseil d’administration du Collège de technologie forestière des Maritimes (CTFM). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Une partie des documents avait aussi fait l’objet d’un refus de communication en vertu du paragraphe 19(1) et de l’article 23, mais les exceptions qui y sont prévues ne sont pas en cause.

Au cours de l’enquête, le CTFM a décidé de ne plus s’opposer à la communication de deux éléments d’information qui étaient accessibles au public.

Quant aux autres renseignements, RNCan et le tiers n’ont pas pu démontrer que tous les critères de ces exceptions avaient été satisfaits, à savoir que les renseignements satisfaisaient aux critères de confidentialité et qu’il y avait une attente raisonnable que leur communication cause un préjudice.

La Commissaire à l’information a ordonné à RNCan de communiquer tout renseignement dont la divulgation n’a pas été refusée en vertu du paragraphe 19(1) ou de l’article 23.

RNCan a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Ressources naturelles Canada (RNCan) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci vise des documents concernant, sans toutefois s’y limiter, le rôle et les activités de RNCan et/ou des représentants du Service canadien des forêts qui sont membres du Conseil d’administration du Collège de technologie forestière des Maritimes (CTFM). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Bien que le paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) aient aussi été invoqués pour refuser la communication des renseignements en réponse à la demande d’accès, les exceptions qui y sont prévues ne sont pas en cause.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le Commissariat à l’information a demandé au CTFM, soit le tiers, de présenter des observations en vertu de l’alinéa 35(2)c). Ce dernier a soutenu que les alinéas 20(1)b), 20(1)c) et 20(1)d) s’appliquent à l’ensemble des renseignements non communiqués par RNCan, à l’exception de deux éléments d’information.

[5]      Le CTFM a aussi présenté d’autres observations selon lesquelles il est d’avis que les documents, qui ont trait à la participation d’un directeur général de RNCan au Conseil d’administration du CTFM (en sa qualité de représentant du Service canadien des forêts de RNCan), ne relèvent pas de RNCan. En réponse à la demande d’observations du Commissariat, RNCan a choisi de ne pas en présenter, s’en remettant plutôt à celles du CTFM.

Documents relevant d’une institution

[6]      La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « relever de », la Cour suprême du Canada a affirmé que ce terme devrait être interprété de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace. [Voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25.]

[7]      Lorsque les documents ne relèvent pas des institutions, ils ne sont pas assujettis à la Loi. Les institutions ne sont donc pas tenues de les communiquer.

[8]      Bien que le CTFM affirme que les documents en cause ne relèvent pas de RNCan, je constate que ce dernier les a traités comme s'ils relevaient de lui. RNCan a traité les documents sous le régime de la Loi, c’est-à-dire en communiquant certaines parties et en en refusant d’autres en vertu d’exceptions prévues aux articles 19, 20 et 23 de la Loi.

[9]      Les documents ont trait à la participation d’un directeur général au Conseil d’administration du CTFM, en sa qualité de représentant de RNCan. Puisque ce dernier les a traités sous le régime de la Loi, c’est-à-dire qu’il a conclu que les documents relevaient de lui, la question est sans objet et elle n’a pas besoin d’être examinée plus à fond.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[10]    L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[11]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[12]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[13]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[14]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[15]    Cette exception a été invoquée pour refuser de communiquer des renseignements qui concernent les activités du CTFM et qui figurent sur un certain nombre de pages.

[16]    Concernant le premier critère, dans la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire.

[17]    Certaines parties des renseignements consistent en des renseignements financiers. Cela dit, il est difficile de savoir comment tous les renseignements non communiqués s’inscrivent dans les catégories des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques.

[18]    Ces documents ont trait aux activités du CTFM et ils ont été créés dans le cadre d’une procédure ayant des répercussions financières ou commerciales. Cependant, bon nombre d’entre eux ne contiennent pas explicitement de renseignements financiers ou commerciaux. [Voir : Appleton & Associates c. Canada (Bureau du Conseil privé), 2007 CF 640, au para 26). De plus, bien que le CTFM affirme que certains renseignements sont techniques, aucune explication ou preuve supplémentaire n’a été fournie à l’appui de cette affirmation. Je n’ai donc pas reçu suffisamment d’observations pour conclure que le premier critère a été satisfait pour l’ensemble des renseignements non communiqués.

[19]    Concernant le deuxième critère, afin que l’alinéa 20(1)b) s’applique, les documents doivent être confidentiels. Dans la décision Air Atonabee Limited c. Canada (1989), 27 F.T.R. 194, la Cour fédérale a souligné trois sous-critères précis qui doivent être satisfaits pour que les renseignements soient considérés comme confidentiels :

  • les renseignements ne doivent pas être disponibles auprès de sources autrement accessibles au public;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • la relation entre le gouvernement et le tiers n’est pas contraire à l’intérêt public, et l’échange confidentiel des renseignements doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

[20]    Le Commissariat a dressé une liste des renseignements qui n’ont pas été communiqués et qu’il considère comme étant accessibles au public. Bien que le CTFM ait reconnu que deux éléments d’information doivent être communiqués, il n’a pas abordé le fait que certains des autres renseignements sont aussi disponibles auprès de sources accessibles au public.

[21]    Le CTFM n’a pas non plus établi que ces renseignements avaient été transmis confidentiellement à RNCan avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués. Bien que le CTFM ait indiqué dans ses observations que l’attente en matière de confidentialité était implicite, il n’a pas précisé les parties concernées des renseignements qui, selon lui, avaient été transmis confidentiellement à l’institution avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas ou ne pourraient pas être divulgués.

[22]    Qui plus est, il n’a pas été démontré que l’échange confidentiel de tous les renseignements favoriserait la relation entre RNCan et le CTFM dans l’intérêt du public. Étant donné la présence de RNCan au sein du Conseil d’administration du CTFM, il semblerait qu’une communication transparente, plutôt que confidentielle, de ces renseignements favoriserait la relation dans l’intérêt du public. Ni les observations de RNCan ni celles du CTFM n’ont permis de tirer une conclusion différente.

[23]    Par conséquent, les renseignements, qui, selon RNCan, sont visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b), ne satisfont pas au critère de confidentialité.

[24]    Bien qu’il semble que le CTFM ait fourni une grande partie des renseignements en question à une institution fédérale, il ne pensait pas les avoir fournis à RNCan. Le CTFM a affirmé que les renseignements avaient été fournis à une personne qui n’exerçait pas de fonctions à RNCan. Je constate aussi que certains renseignements créés par RNCan et ses représentants, lesquels ne révèlent pas les renseignements fournis par le CTFM à l’institution, ne satisfont pas à ce critère.

[25]    Concernant le quatrième critère de l’exception, je ne suis pas convaincue que le CTFM a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels. Ses observations indiquent que certains renseignements pourraient être publiés sur son site Web si certains renseignements confidentiels indéterminés sont retranchés. Tel qu’il est mentionné plus haut, certains des renseignements non communiqués sont déjà accessibles au public, et le CTFM n’a pas démontré que des renseignements précis ont toujours été traités comme étant confidentiels. Il semble donc peu probable que tous les renseignements non communiqués aient toujours été traités comme étant confidentiels. Par conséquent, le quatrième critère de l’exception ne semble pas avoir été satisfait.

[26]    De même, il n’est pas clair si les membres du Conseil d’administration ( à qui le CTFM semble avoir communiqué les renseignements en question) ont l’obligation d’assurer la confidentialité des renseignements, étant donné que le Conseil regroupe des représentants du gouvernement et du secteur privé. Le CTFM n’a pas fourni d’observations concernant ce point important, sauf des affirmations de confidentialité implicite.

[27]    En résumé, je ne suis pas convaincue que les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) satisfont aux deuxième et quatrième critères de cette exception. Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

[28]    Étant donné que les renseignements ne satisfont pas aux critères de cette exception, j’ai aussi examiné la question de savoir si RNCan avait correctement appliqué les alinéas 20(1)c) et 20(1)d) aux renseignements dont la communication avait été refusée simultanément en vertu de ces exceptions.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[29]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[30]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[31]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[32]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[33]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[34]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[35]    Suivant l’alinéa 20(1)c), il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui établissent l’incidence que la communication des renseignements aurait sur le CTFM ainsi que la probabilité de cette incidence. RNCan et le CTFM doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206]. Je n’ai pas reçu d’observations ou d’éléments de preuve en ce sens.

[36]    Le CTFM a précisé que la communication de certains renseignements risquerait de lui causer un préjudice sur le plan financier ou de nuire à sa compétitivité, mais il n’a pas donné d’explications à ce sujet.

[37]    Le CTFM n’a pas non plus fourni d’observations visant l’application de l’alinéa 20(1)c), par RNCan, à l’égard de certaines pages.

[38]    Bien que le CTFM ait fourni un exemple de préjudice sur le plan financier relativement à une série de pages, je n’ai pas reçu d’explication suffisamment détaillée sur la manière dont leur communication risquerait vraisemblablement d’entraîner des pertes ou des gains financiers importants pour le CTFM, sur la manière dont elle pourrait nuire à sa compétitivité ou sur la probabilité de ces préjudices.

[39]    De plus, tel qu’il est mentionné plus haut, certains renseignements non communiqués étaient accessibles au public, ce qui suggère qu’il est peu probable que la communication de ces renseignements cause un préjudice sur le plan financier ou nuit à sa compétitivité. [Voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 208-210.]

[40]    La jurisprudence établie sous le régime de la Loi indique clairement qu’une partie qui s’oppose à une communication en se fondant sur l’alinéa 20(1)c) a le fardeau d’établir, d’une manière qui dépasse le cadre général, l’existence d’une attente raisonnable qu’un préjudice probable décrit à cet alinéa se produise si les renseignements sont communiqués. [Voir : Les Viandes du Breton Inc. c. Canada (Ministère de l’Agriculture), 2000 CanLII 16764 (CF), au para 12]. Cela nécessite que la partie qui s’oppose à la communication démontre que le préjudice est vraisemblablement probable et doit être établi en fonction des faits et des documents particuliers en cause dans une demande d’accès [voir : Samsung Electronics Canada Inc. c. Canada (Santé), 2020 CF 1103, au para 113]. RNCan et le CTFM n’ont pas démontré l’existence d’un lien clair et direct entre la communication des renseignements en cause et un risque de préjudice allant bien au-delà de la simple possibilité.

[41]    Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

[42]    Étant donné que les renseignements ne satisfont pas aux critères de cette exception, j’ai aussi examiné la question de savoir si RNCan avait correctement appliqué l’alinéa 20(1)d) aux renseignements dont la communication avait été refusée simultanément en vertu de cette exception.

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[43]    L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[44]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[45]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[46]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[47]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)d) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[48]    Suivant l’alinéa 20(1)d), il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui démontrent en quoi la communication des renseignements visés par l’exception perturberait toute négociation prévue ou en cours menée par le CTFM et la probabilité de cette perturbation. RNCan ou le CTFM doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206]. Je n’ai pas reçu d’observations ou d’éléments de preuve en ce sens.

[49]    La jurisprudence établie sous le régime de la Loi indique clairement qu’une partie qui s’oppose à une communication en se fondant sur l’alinéa 20(1)d) a le fardeau d’établir l’existence d’une attente raisonnable qu’un préjudice probable décrit à cet alinéa se produise si les renseignements sont communiqués. [Voir Merck Frosst c. Canada (Ministre de la Santé), 2012 CSC 3, para 195, 227; Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.) au para 22].

[50]    Pour que l’exception invoquée en vertu de l’alinéa 20(1)d) s’applique, la ou les parties qui s’opposent à la communication doivent démontrer qu’une entrave aux négociations en cours ou raisonnablement prévues, autres que les activités quotidiennes du tiers, pourrait raisonnablement découler de la communication. [Voir : Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Minister of Supply & Services) (1990), 67 D.L.R. (4th) 315 (Fed. C.A.), au para 316; Canadian Broadcasting Corp. c. National Capital Commission (1998), 147 FTR 254, au para 271].

[51]    L’alinéa 20(1)d) a été invoqué pour refuser de communiquer plusieurs pages dans leur intégralité, sans que les renseignements qui n’étaient pas liés aux négociations aient été prélevés. Le CTFM n’a pas fourni de réponse au Commissariat quant à la question de savoir si la possibilité d’entraver les négociations était passée, même si j’accepte que certaines parties des renseignements aient trait à des négociations prévues ou en cours.

[52]    Le CTFM n’a pas non plus démontré comment la communication des renseignements risquerait vraisemblablement de nuire aux négociations ou comment la communication des autres renseignements généraux perturberait ses négociations prévues ou en cours.

[53]    Le CTFM n’a pas suffisamment expliqué les entraves aux négociations qui pourraient avoir lieu dans le cas des autres pages auxquelles l’alinéa 20(1)d) devrait s’appliquer.

[54]    RNCan et le CTFM n’ont pas démontré l’existence d’un lien clair et direct entre la communication des renseignements et une entrave des négociations en cours ou raisonnablement prévues. Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).

Résultat

[55]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre des Ressources naturelles ce qui suit :

  1. Communiquer tous les renseignements non divulgués auparavant en vertu des alinéas 20(1)b), c) et d), tel qu’il est indiqué ci-dessous :
  • 0005 – 0007, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1) (renseignements personnels);
  • 0009, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0010, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0012 – 0014, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0015 – 0040;
  • 0047 – 0049, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0052, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu des exceptions prévues au paragraphe 19(1) et à l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige);
  • 0056 – 0058, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0061 – 0062, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0063;
  • 0070 – 0071, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • 0077, à l’exception des renseignements non divulgués par RNCan en vertu des exceptions prévues au paragraphe 19(1) et à l’article 23.

Le ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 12 août 2022, j’ai transmis au ministre des Ressources naturelles mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 3 octobre 2022, la sous-ministre déléguée de RNCan m’a avisée que l’institution prévoit de donner suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu au CTFM.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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