Services publics et Approvisionnement Canada (Re), 2022 CI 23

Date : 2022-05-06
Numéro de dossier du Commissariat : 3219-00238
Numéro de dossier de l’institution : A-2018-01089/CNE

Sommaire

La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) n’a pas fourni les documents en réponse à une demande d’accès, présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, au sujet du contrat numéro PWG560229, attribué le 10 avril 2017, concernant « Health Protection Building Deconstruction – Prime Consulting Services ».

En réponse à la demande d’accès, SPAC a indiqué n’avoir pu repérer aucun document pertinent relevant de lui. L’enquête a permis de conclure que, bien que les sous-contrats et les documents connexes ne soient pas en la possession physique de SPAC, ils relèvent de ce dernier aux fins de l’application de la Loi. Les documents auraient donc dû être récupérés et traités conformément à la Loi.

La Commissaire à l’information a recommandé que les documents soient récupérés et qu’une réponse soit fournie à la partie plaignante.

SPAC a avisé la Commissaire qu’il ne donnerait pas suite aux recommandations.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) n’a pas fourni les documents en réponse à une demande d’accès, présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, au sujet du contrat numéro PWG560229, attribué le 10 avril 2017, concernant « Health Protection Building Deconstruction – Prime Consulting Services ».

[2]      En réponse à la demande d’accès, SPAC a indiqué n’avoir pu repérer aucun document pertinent. SPAC a indiqué que la demande de soumissions a été faite par Brookfield Global Integrated Solutions (BGIS) pour répondre à ses besoins.

Enquête

[3]      L’enquête a confirmé que les documents demandés sont un sous-contrat attribué par BGIS à DST Consulting Engineers Inc. pour l’aider à respecter ses obligations contractuelles envers SPAC, ainsi que tous les documents connexes.

[4]      L’enquête visait à établir si le sous-contrat et les documents connexes relèvent de SPAC et, si c’est le cas, si ce dernier a effectué une recherche raisonnable pour les repérer.

[5]      Le fardeau incombe à SPAC de prouver que le sous-contrat et les documents connexes ne relèvent pas de lui.

Documents relevant d’une institution

[6]      La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « relever de », les cours ont affirmé que ce terme devrait être interprété de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace. [Voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, para 48.]

[7]      La question de savoir si les documents relèvent d’une institution doit être évaluée au cas par cas. La possession physique des documents n’est pas un facteur déterminant. Différents facteurs doivent être pris en considération. La portée de ce qui constitue un facteur pertinent et le poids des différents facteurs varient selon les circonstances.

Les documents relèvent-ils de l’institution?

[8]      Le test permettant d’établir si un document qui n’est pas en la possession physique d’une institution relève d’elle comporte deux étapes. Tout d’abord, le contenu du document doit se rapporter à une affaire institutionnelle. Ensuite, l’institution devrait pouvoir s’attendre à obtenir une copie du document sur demande. Parmi les facteurs pertinents, mentionnons la teneur réelle du document, les circonstances dans lesquelles il a été créé et les rapports juridiques qu’entretiennent l’institution fédérale et le détenteur du document. [Voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, para 54-56].

[9]      Le sous-contrat en question existe en raison du contrat entre SPAC et BGIS, qui porte sur les fonctions de SPAC relativement à des immeubles dont la responsabilité lui incombe, à titre de gardien désigné des locaux à bureaux polyvalents au Canada. Durant l’enquête, SPAC a convenu que les documents en question se rapportent à une affaire institutionnelle.

[10]    Cependant, SPAC est d’avis que les sous-contrats ne font pas partie de ses exigences et qu’il ne joue aucun rôle dans la détermination du mandat prévu dans les sous-contrats. SPAC a également souligné que BGIS n’est pas un représentant du gouvernement du Canada, mais un entrepreneur indépendant qui ne reçoit aucune orientation du gouvernement du Canada concernant la façon dont il s’acquitte de ses obligations contractuelles à son égard.

[11]    SPAC a fait une distinction entre les livrables prévus dans son contrat avec BGIS et les non-livrables comme les sous-contrats. SPAC a affirmé que le contrat avec BGIS n’indique pas que les sous-contrats relèvent de SPAC.

[12]    SPAC a fourni au Commissariat à l’information une copie du contrat entre SPAC et BGIS, lequel régit le sous-contrat en question, et comprend les conditions générales et l’énoncé de travail.

[13]    Après avoir examiné les observations de SPAC et de la partie plaignante, ainsi que la preuve pertinente, je ne suis pas convaincue que les documents ne relèvent pas de SPAC, comme celui-ci le soutient. J’ai pris en considération différents facteurs, y compris la teneur réelle du sous‑contrat, les circonstances dans lesquelles il a été créé, le rapport juridique entre SPAC et BGIS, la question de savoir si SPAC s’est appuyé sur le document pour préparer des documents gouvernementaux, et la question de savoir si SPAC a le pouvoir de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition du sous-contrat. Ces facteurs sont abordés en détail ci‑dessous. Ensemble, ils indiquent que le sous-contrat et les documents connexes relèvent de SPAC, même si celui-ci affirme le contraire dans ses observations.

[14]    La teneur réelle du sous-contrat est définie par le contrat entre SPAC et BGIS, tout comme les circonstances dans lesquelles le sous-contrat a été créé. Le contrat entre SPAC et BGIS prévoyait expressément l’utilisation de sous-traitants.

[15]    Le rapport juridique entre l’institution fédérale, SPAC, et le détenteur du document, BGIS, est une relation contractuelle relative à la gestion des immeubles de SPAC; les sous-contrats de BGIS relèvent donc de SPAC, dans le cadre de son droit légalement exécutoire d’obtenir lesdits sous-contrats, y compris celui visé par la présente enquête.

[16]    Le contrat entre SPAC et BGIS prévoit des mécanismes permettant au gouvernement du Canada (SPAC) d’obtenir des documents – non seulement ceux qui sont des livrables, mais aussi les sous-contrats et les demandes de renseignements concernant l’attribution des sous-contrats.

[17]    De plus, BGIS est tenu de fournir au responsable technique une liste détaillée des sous-contrats en place dans des situations précises. L’enquête a confirmé que les responsables techniques pour ce contrat entre SPAC et BGIS étaient des employés de SPAC.

[18]    Diverses autres dispositions du contrat entre SPAC et BGIS, que le Commissariat a examiné en détail, indiquent que les sous-contrats de BGIS relèvent de SPAC. Le gouvernement du Canada joue clairement un rôle dans l’assurance de la conformité au contrat en ce qui concerne les sous‑contrats. Par conséquent, je suis d’avis que la position de SPAC affirmant le contraire est incorrecte.

[19]    Dans les circonstances, le rapport juridique entre SPAC et BGIS est le plus important facteur dans l’analyse de la question de savoir si un haut fonctionnaire de SPAC pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du sous-contrat en question sur demande. L’analyse ci-dessus démontre que, dans la mesure où SPAC veut obtenir les sous-contrats, il a la capacité juridique de le faire. Les observations de SPAC et la preuve dont je dispose ne me démontrent pas le contraire.

[20]    Enfin, selon moi, le pouvoir de SPAC de réglementer ou de contrôler l’utilisation ou la disposition du sous-contrat est un autre facteur pertinent. La clause de confidentialité dans le contrat entre SPAC et BGIS semble indiquer que SPAC a un certain pouvoir sur l’utilisation ou la disposition du sous-contrat, si celui-ci contient des renseignements confidentiels.

[21]    Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le sous-contrat en question, et par conséquent les documents connexes, qui sont en cause, relèvent de SPAC. Puisque le sous-contrat et les documents connexes relèvent de SPAC, je me penche maintenant sur la question de savoir si ce dernier a effectué une recherche raisonnable.

Recherche raisonnable

[22]    SPAC est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.

[23]    Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.

[24]    Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.

L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?

[25]    Compte tenu de ma conclusion ci-dessus, à savoir que le sous-contrat et les documents connexes relèvent de SPAC, je conclus que ce dernier n’a pas effectué une recherche raisonnable pour les documents répondant à la demande. Le sous-contrat et les documents connexes sont en la possession physique de BGIS, mais ils relèvent de SPAC aux fins de l’application de la Loi. SPAC n’a fait aucun effort pour obtenir le sous-contrat et les documents connexes.

[26]    Une conclusion selon laquelle les documents relèvent d’une institution ne signifie pas nécessairement qu’ils doivent être communiqués, mais que les documents doivent être récupérés et traités conformément à la Loi.

Résultat

[27]    La plainte est fondée.

Recommandations

Je recommande à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement ce qui suit :

  1. Récupérer auprès de BGIS les documents demandés, qui, d’après mes conclusions, relèvent de SPAC;
  2. Répondre à la demande d’accès en traitant les documents demandés conformément à la Loi, en communiquant la totalité du sous-contrat et des documents connexes, à moins que les renseignements, en tout ou en partie, ne puissent pas être communiqués en vertu de dispositions précises de la Loi.

Le 28 février 2022, j’ai transmis à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations prévues.

Le 28 avril 2022, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement m’a avisée qu’elle ne donnerait pas suite à mes recommandations. Cette décision semble se fonder sur la même justification que celle fournie durant l’enquête; je suis toujours d’avis que cette justification est contraire à l’objet de la Loi.

La ministre a également affirmé que, bien que SPAC prenne ses obligations en vertu de la Loi très au sérieux, l’application de l’approche présentée dans le rapport à ce contrat en particulier, et possiblement aux milliers d’autres contrats attribués à des entreprises par des organisations fédérales, accroîtrait le champ d’application de la Loi bien au-delà de son cadre législatif actuel.

L’article 41 de la Loi confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43 .

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