Postes Canada (Re), 2025 CI 40

Référence neutre : Postes Canada (Re), 2025 CI 40
Date : 2025-07-09
Numéro de dossier du Commissariat : 5824-00495
Numéro de la demande d’accès : A-2023-00107

Sommaire

La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, Postes Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 19(1) (renseignements personnels) et 18.1(1) (secrets industriels de la Société canadienne des postes, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de la Société canadienne des postes) ainsi que des alinéas 21(1)a) (avis ou recommandations) et 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information. Elle allègue aussi que Postes Canada n’a pas recherché les documents demandés et/ou que d’autres documents pertinents doivent exister. La demande d’accès vise à obtenir des documents concernant la décision de modifier la distribution du courrier à Iqaluit, qui utilisait le numéro des cases postales, en vue d’utiliser les adresses municipales. Les deux allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Bien que Postes Canada ait présenté certaines observations, elle n’a pas répondu aux questions précises qui lui ont été posées. Par conséquent, elle n’a pas fourni d’éléments de preuve relativement à des points essentiels. Postes Canada n’a pas montré que certains renseignements satisfaisaient à l’ensemble des critères du paragraphe 18.1(1), plus précisément que les renseignements sont des secrets industriels ou qu’ils sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels lui appartenant.

Postes Canada n’a pas non plus expliqué comment elle avait effectué une recherche raisonnable de documents.

La Commissaire à l’information a rendu une ordonnance en l’espèce, à savoir que Postes Canada communique certains renseignements et effectue une nouvelle recherche.

Postes Canada a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, Postes Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information :

  • paragraphe 19(1) (renseignements personnels);
  • paragraphe 1(1) (secrets industriels de la Société canadienne des postes, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de la Société canadienne des postes);
  • alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations);
  • alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations).

[2]        La partie plaignante allègue aussi que Postes Canada n’a pas recherché les documents demandés et/ou que d’autres documents pertinents doivent exister.

[3]        Les deux allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[4]        La demande d’accès vise à obtenir des documents concernant la décision de modifier la distribution du courrier à Iqaluit, qui utilisait le numéro des cases postales, en vue d’utiliser les adresses municipales.

[5]        Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information d’examiner l’application du paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer des renseignements concernant des personnes qui ne sont pas fonctionnaires.

Enquête

[6]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

[7]        Le 11 avril 2025, Postes Canada a communiqué des renseignements qui, reconnaît-elle, ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 19(1); il s’agissait notamment de renseignements concernant des fonctionnaires et/ou appartenant au gouvernement du Canada. De plus, elle a communiqué certains renseignements qu’elle n’avait pas divulgués préalablement en vertu du paragraphe 18.1(1) ainsi que des alinéas 21(1)a) et 21(1)b).

[8]        La partie plaignante a informé le Commissariat qu’elle n’était pas satisfaite des documents supplémentaires qui lui avaient été fournis, puisqu’aucun renseignement financier n’avait été divulgué. Elle a indiqué que le reste de la plainte se limite à tout renseignement financier présent dans les documents. Postes Canada maintient son refus de communiquer les autres renseignements en cause dans le cadre de cette plainte en vertu du paragraphe 18.1(1).

Paragraphe 18.1(1) : secrets industriels de la Société canadienne des postes, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de la Société canadienne des postes

[9]        Le paragraphe 18.1(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle appartenant à la Société canadienne des postes, Exportation et Développement Canada, l’Office d’investissement des régimes de pension du secteur public et VIA Rail Canada Inc.

[10]      Pour invoquer cette exception relativement à des secrets industriels, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un secret industriel, c’est-à-dire un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé qui possède toutes les caractéristiques suivantes :
    • ils sont secrets, c’est-à-dire qu’ils ne sont connus que par un seul individu ou un nombre restreint de personnes;
    • l’institution a agi avec l’intention de traiter les renseignements comme étant secrets;
    • les renseignements ont une application pratique dans le secteur industriel ou commercial;
    • l’institution a un intérêt digne d’être protégé par la loi (c’est-à-dire un intérêt économique).
  • le secret industriel appartient à l’une des quatre institutions susmentionnées;
  • cette institution a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[11]      Pour invoquer cette exception en ce qui a trait aux renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements appartiennent à une des institutions susmentionnées;
  • cette institution a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[12]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[13]      Toutefois, le paragraphe 18.1(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer le paragraphe 18.1(1) pour refuser de communiquer des renseignements qui concernent :

  • l’administration des quatre institutions susmentionnées, y compris les renseignements relatifs aux dépenses de déplacement, d’hébergement et d’accueil (conformément à l’article 3.1); ou
  • toute activité exercée par la Société canadienne des postes qui est entièrement financée à même les crédits parlementaires (le Trésor).

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[14]      Postes Canada a invoqué le paragraphe 18.1(1) pour refuser de communiquer les renseignements aux pages 175-182.

[15]      Le Commissariat a demandé à Postes Canada de présenter des observations sur plusieurs points, y compris l’application du paragraphe 18.1(2) aux renseignements des pages 175-182.

[16]      Bien que Postes Canada ait présenté certaines observations au cours de l’enquête, elle n’a pas répondu aux questions du Commissariat précisées dans la demande d’observations en vertu de l’alinéa 35(2)b). Par conséquent, elle n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve relativement à des points essentiels.

[17]      Comme il est difficile de savoir si Postes Canada prétend que les renseignements sont des secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, j’ai examiné les deux cas de figure.

[18]      Après avoir examiné les renseignements en cause et considéré le peu d’observations reçues, je ne suis pas d’avis que les renseignements en cause sont des « secrets industriels » au sens courant du terme. Il est notamment difficile de voir en quoi les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 18.1(1) constituent « un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé » qui n’est pas seulement secret et destiné à être traité comme tel, mais qui a une application pratique dans le secteur industriel ou commercial pour lequel Postes Canada a un intérêt économique digne d’être protégé. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si les autres critères d’un « secret industriel » sont satisfaits.

[19]      Postes Canada a indiqué qu’il s’agit de documents stratégiques, financiers et commerciaux sensibles ayant une valeur importante pour la société. J’ai donc examiné si les renseignements en cause sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui appartiennent à Postes Canada et qui ont toujours été traités comme étant confidentiels par cette dernière.

[20]      Je conviens que les renseignements aux pages 175-182 sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques et appartiennent à l’institution.

[21]      Pour ce qui est du prochain critère du paragraphe 18.1(1), il est évident que les documents ont été préparés par Postes Canada et qu’ils lui appartiennent.

[22]      Je suis aussi d’avis que les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 18.1(1) ont toujours été traités comme étant confidentiels par cette institution.

[23]      Postes Canada a déclaré dans ses observations qu’elle maintient la confidentialité de ces renseignements afin d’assurer la protection de ses stratégies concurrentielles et opérationnelles.

[24]      Toutefois, le paragraphe 18.1(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer le paragraphe 18.1(1) pour refuser de communiquer des renseignements qui ont trait à l’administration de Postes Canada. Selon le manuel du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), comme le terme « administration » n’est pas défini dans la Loi, on lui donne son sens habituel : « fonctions de gestion liées à l’administration d’une organisation ».

[25]      Les renseignements se rapportant à l’administration des quatre sociétés d’État susmentionnées et de leurs filiales en propriété exclusive comprennent les renseignements portant sur les ressources humaines, la formation et le perfectionnement, la gestion de l’information et la technologie, les activités de gestion (notamment la planification stratégique, la gestion du rendement, les vérifications et les évaluations), la gestion des biens, la sécurité, et tout autre renseignement relatif à la gestion de l’institution. Il s’agit généralement des coûts encourus par une société pour maintenir ses activités quotidiennes, lesquels ne sont pas directement liés à des fonctions opérationnelles précises. Parmi ces dépenses figurent le loyer et les services publics, les frais de téléphone et d’Internet, les fournitures de bureau ainsi que les dépenses liées aux ressources humaines, aux relations publiques, aux services de soutien internes et aux frais de déplacement.

[26]      Les renseignements aux pages 175-182, tels qu’ils sont décrits ci-dessus, semblent concerner la gestion des biens (c.-à-d. le bureau de poste à Iqaluit). Ce type de renseignements semble se rapporter à l’administration de la Société canadienne des postes au sens prévu par le SCT. Postes Canada n’a pas fourni d’éléments de preuve pour établir que le paragraphe 18.1(2) ne s’applique pas aux documents des pages 175-182.

[27]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements aux pages 175-182 ne satisfont pas aux critères de l’exception.

Recherche raisonnable

[28]      Postes Canada est tenue d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.

[29]      Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.

[30]      Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.

L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?

[31]      J’ai examiné la documentation limitée relative à la recherche de documents pertinents effectuée par Postes Canada. Cinq bureaux de première responsabilité (BPR) s’étaient vu attribuer la tâche de recherche. 

[32]      Les documents que j’ai reçus jusqu’à maintenant montrent qu’au moins un des employés nommés ne travaillait plus à Postes Canada lorsque la recherche a été entreprise, et il semble y avoir peu de dossiers pertinents concernant cet employé. Je me suis donc demandé si Postes Canada avait pris des mesures raisonnables pour repérer les documents concernant d’anciens employés.

[33]      Le Commissariat a demandé à Postes Canada de présenter des observations sur les points suivants afin d’évaluer :

  • quelles sont les mesures précises prises par Postes Canada pour repérer et localiser tous les documents pertinents, notamment les mots-clés utilisés pour localiser ceux-ci et les dépôts où les recherches ont été effectuées;
  • comment les paramètres et la portée de la recherche ont été interprétés et s’ils étaient suffisamment généraux pour permettre de trouver tous les documents pertinents;
  • si les recherches ont été effectuées dans des lieux physiques, des secteurs de programme ou des bases de données précises;
  • pourquoi les BPR qui se sont vu attribuer cette tâche étaient-ils les plus susceptibles de détenir les documents pertinents et pourquoi d’autres BPR de Postes Canada ont été exclus de ce processus de recherche;
  • quels sont les calendriers de conservation et d’élimination qui s’appliqueraient aux documents demandés et si les documents pertinents avaient été détruits à un moment donné;
  • s’il était possible de récupérer les courriels d’un employé qui ne travaille plus à Postes Canada;
  • si Postes Canada a considéré la nécessité de chercher des documents entreposés hors site ou détenus par un tiers, mais qui relèvent toujours de l’institution;
  • quelle est la nature d’un document jugé non pertinent dans le cadre de la demande et pourquoi il ne figure pas dans la réponse;
  • pourquoi Postes Canada estime qu’il n’existe aucun autre document pertinent dans le cadre de la demande, outre les documents qui ont déjà été trouvés.

[34]      En réponse à la demande d’observations en vertu de l’alinéa 35(2)b), Postes Canada n’a pas fourni d’observations quant à sa recherche de documents ou quant à la raison pour laquelle il y avait peu de documents pertinents relatifs à l’une des personnes nommées dans la demande.

[35]      En l’absence d’autres observations de la part de Postes Canada, il n’a pas été possible de conclure qu’elle a effectué une recherche raisonnable de documents.

Résultat

[36]      La plainte est fondée étant donné que Postes Canada :

  • a reconnu que certains renseignements ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 19(1), notamment des renseignements concernant des fonctionnaires et/ou appartenant au gouvernement du Canada, et a communiqué certains renseignements qu’elle n’avait pas divulgués préalablement en vertu du paragraphe 18.1(1) ainsi que des alinéas 21(1)a) et 21(1)b);
  • n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le paragraphe 18.1(1) s’appliquait aux documents des pages 175-182, et n’a pas montré que les documents n’étaient pas assujettis au paragraphe 18.1(2), en particulier :
    • documents pour lesquels il n’a pas été démontré qu’il s’agissait de secrets industriels;
    • documents qui ont trait à l’administration de Postes Canada, au sens du paragraphe 18.1(2);
  • n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’une recherche raisonnable de documents a été effectuée.

Ordonnances et recommandations

J’ordonne au président de Postes Canada ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements aux pages 175-182;
  2. Effectuer une nouvelle recherche de documents pertinents dans le cadre de la demande d’accès;
  3. Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante une fois la recherche terminée, au plus tard 36 jours ouvrables suivant la date du compte rendu;
  4. Communiquer tous les autres documents pertinents supplémentaires, à moins que leur communication puisse être refusée, en tout ou en partie, en vertu d’une ou plusieurs dispositions de la partie 1 de la Loi. Le cas échéant, mentionner la ou les dispositions en question;
  5. Si aucun document pertinent supplémentaire n’est localisé lors de la recherche, indiquer, dans la réponse, comment et où la recherche a été effectuée et pourquoi aucun document n’a été repéré.

Rapport et avis de l’institution

Le 6 juin 2025, j’ai transmis au président de Postes Canada mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 7 juillet 2025, la gestionnaire, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, m’a avisée que Postes Canada donnerait suite aux ordonnances et qu’une nouvelle recherche de documents a déjà été effectuée.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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