Postes Canada (Re), 2025 CI 33

Date : 2025-06-06
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-03707
Numéro de la demande d’accès : A-2023-00044

Sommaire

La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, la Société canadienne des postes (Postes Canada) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 19(1) (renseignements personnels) et 18.1(1) (secrets industriels de la Société canadienne des postes) ainsi que de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise la version finale d’un rapport sur la stratégie de santé et sécurité de Postes Canada livré par DuPont Sustainable (DSS) et toute la facturation connexe. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Le tiers s’en est remis à la position de Postes Canada pour ce qui est de l’application de l’alinéa 20(1)b). Postes Canada n’a pas montré que certains renseignements satisfaisaient à tous les critères du paragraphe 18.1(1) et de l’alinéa 20(1)b). En ce qui concerne l’alinéa 20(1)b), elle n’a pas démontré que certains des renseignements en cause étaient accessibles au public, qu’ils avaient été fournis par un tiers ou qu’il y avait une attente raisonnable de confidentialité à leur égard. En vertu du paragraphe 18.1(1), Postes Canada n’a pas démontré que les renseignements étaient des secrets industriels ou qu’il s’agissait de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de Postes Canada.  

La Commissaire à l’information a ordonné à Postes Canada de communiquer certains renseignements.

Postes Canada a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que, en réponse à une demande d’accès, la Société canadienne des postes (Postes Canada) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 19(1) (renseignements personnels) et 18.1(1) (secrets industriels de la Société canadienne des postes) ainsi que de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise la version finale d’un rapport sur la stratégie de santé et sécurité de Postes Canada livré par DuPont Sustainable (DSS) et toute la facturation connexe. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]        Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les renseignements bancaires courants. Plus précisément, le numéro d’acheminement, le numéro de compte et le code SWIFT qui figurent dans la facture à la page 30 ne sont pas en cause dans cette enquête.

Enquête

[3]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]        En vertu de l’alinéa 35(2)c), le Commissariat a donné la possibilité à DSS de présenter des observations expliquant pourquoi les renseignements ne doivent pas être communiqués. Dans ses observations, DSS s’en est remis à la position de Postes Canada selon laquelle les renseignements auxquels s’appliquent l’alinéa 20(1)b) et le paragraphe 18.1(1) ne devraient pas être communiqués. DSS a aussi fourni des observations qui, à son avis, démontrent que le paragraphe 19(1) (renseignements personnels) s’applique aux renseignements dont la communication a été refusée dans la facture.

[5]        Au cours de l’enquête, Postes Canada a présenté son raisonnement initial pour refuser de communiquer des parties des documents en vertu du paragraphe 18.1(1), du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b). Cependant, lorsque le Commissariat lui a demandé de fournir des observations supplémentaires pour étayer son refus de communication, Postes Canada n’a pas répondu.

[6]        Conformément au paragraphe 36.3(1), le Commissariat a avisé DSS de mon intention d’ordonner à Postes Canada de communiquer les renseignements en cause. DSS n’a pas répondu à l’avis.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[7]        Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[8]        Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[9]        Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[10]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[11]      Postes Canada a invoqué le paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer l’information à la page 30, qui est une facture de DSS à Postes Canada pour des services consultatifs rendus à l’appui d’un programme de culture de sécurité à Postes Canada. D’après ce que comprend le Commissariat, les seuls renseignements qui seraient visés par la portée du paragraphe 19(1) sont le nom, le courriel et le numéro de téléphone de la personne-ressource, à la page 30.

[12]      Je suis d’avis que les renseignements caviardés par Postes Canada en vertu du paragraphe 19(1) à la page 30 :

  1. concernent un individu;
  2. il existe une possibilité sérieuse que la communication des renseignements permette d’identifier cet individu;
  3. il ne s’agit pas d’une des exceptions à la définition de « renseignements personnels » prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[13]      Par conséquent, je conclus que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[14]      Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), Postes Canada était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[15]      Après avoir considéré les renseignements en cause ainsi que la totalité des observations présentées par DSS et Postes Canada, je suis d’avis que le nom, le courriel et le numéro de téléphone personnel de la personne-ressource de DSS, qui se trouvent dans la facture de DSS (à la page 30 des documents pertinents), ne sont pas accessibles au public, que le consentement n’a pas été obtenu pour les communiquer et que la communication ne serait pas conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[16]      Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas lorsque Postes Canada a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question ayant trait au pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[17]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[18]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[19]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[20]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[21]      Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[22]      L’alinéa 20(1)b) a été appliqué aux renseignements suivants dans une facture de DSS à Postes Canada (voir la page 30 des documents pertinents) :

  • numéro de facture et numéro de compte client de Postes Canada;
  • numéro de projet, numéro d’entente de consultation, numéro de commande du client;
  • modalités de paiement;
  • total partiel, taxes et total général de la facture de DSS;
  • numéro de TPS/TVH de DSS.

Les renseignements sont-ils financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques?

[23]      Dans la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire.

[24]      Je suis d’avis que les renseignements en cause sont de nature financière et/ou commerciale, au sens ordinaire de ces termes. Par conséquent, le premier critère de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) est satisfait.

Les renseignements sont-ils confidentiels?

[25]      Afin que l’alinéa 20(1)b) s’applique, les renseignements doivent être objectivement confidentiels. Dans la décision Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453, la Cour fédérale a souligné trois sous-critères précis qui doivent être satisfaits pour que les renseignements soient considérés comme confidentiels :

  • les renseignements ne doivent pas être disponibles auprès de sources autrement accessibles au public;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • la relation entre le gouvernement et le tiers n’est pas contraire à l’intérêt public, et l’échange confidentiel des renseignements doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

[26]      En ce qui a trait au premier sous-critère de confidentialité, je suis d’avis que certains renseignements en cause sont accessibles auprès de sources publiques. Il est notamment facile de trouver la première partie des numéros de TPS et de TVH de DSS dans les registres d’entreprises du Canada et sur le site Web d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

[27]      Je conclus que les parties des numéros de TPS et de TVH qui correspondent aux renseignements accessibles en ligne sont accessibles au public et ne satisfont donc pas au premier sous-critère de confidentialité objective. Je conviens que les renseignements qui restent ne sont pas accessibles au public et, par conséquent, qu’ils satisfont au premier sous-critère de confidentialité objective.

[28]      En ce qui concerne le deuxième sous-critère de confidentialité, je suis d’avis qu’il n’a pas été démontré que les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) avaient été fournis à Postes Canada avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués. Dans ses observations, DSS a indiqué que les renseignements sur les prix de ses services sont traités comme étant confidentiels, conformément aux dispositions de son entente avec Postes Canada. Après la réception de ces observations, il a été demandé à Postes Canada de présenter une copie de cette entente afin que je puisse évaluer les dispositions de confidentialité, mais elle ne l’a pas fournie.

[29]      Même s’il était démontré que l’entente de confidentialité visait des renseignements fournis par DSS à Postes Canada, cela n’aurait pas d’effet déterminant sur la question de savoir si les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b), car tous les autres critères de l’exception doivent également être satisfaits.

[30]      Comme mentionné dans la décision Merck, bien que la partie en faveur de l’exception doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que celle-ci s’applique, « la preuve qui sera nécessaire pour satisfaire à cette norme dépendra de la nature de la thèse que le tiers cherche à faire valoir et du contexte particulier de l’affaire » (para 94).

[31]      Dans les circonstances, je n’ai reçu aucun élément de preuve objectif démontrant que Postes Canada avait une quelconque obligation de confidentialité concernant les services de consultation pour lesquels elle avait passé un contrat. Il me faut des éléments de preuve objectifs qui démontrent que ce sous-critère est satisfait en ce qui concerne les renseignements en cause. Les parties n’ont pas fourni une telle preuve.

[32]      Enfin, pour que le troisième sous-critère soit satisfait, il faut que la relation entre le gouvernement et le tiers ne soit pas contraire à l’intérêt public, et que la confidentialité des renseignements favorise cette relation dans l’intérêt du public. Dans ses observations, DSS a fait valoir que la communication des renseignements ne serait pas dans l’intérêt du public, car leur but est de permettre de bien administrer un contrat passé par le gouvernement.

[33]      Je ne suis pas convaincue par cette position, puisque dans la situation en l’espèce, DSS a fourni un service à Postes Canada en échange d’un paiement. Les tribunaux ont conclu que les attentes en matière de confidentialité sont réduites lorsque des fonds publics sont en jeu et que la divulgation est souvent dans l’intérêt public [voir Société canadienne des postes c. Canada (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CF 270, para 40; AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Santé), 2005 CF 189, para 76, confirmé dans 2006 CAF 241].

[34]      Aucune des parties n’a présenté d’observations convaincantes pour démontrer que la confidentialité des renseignements favoriserait la relation dans l’intérêt du public.

[35]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il n’a pas été démontré que les conditions de confidentialité objective sont entièrement satisfaites en ce qui concerne les renseignements en cause. Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) n’est donc pas satisfait.

Les renseignements ont-ils été fournis à une institution fédérale par un tiers?

[36]      Pour ce qui est du troisième critère de l’alinéa 20(1)b), je suis d’accord que la facture en soi a été produite par le tiers et fournie à Postes Canada. Cependant, dans ses observations, DSS a reconnu que certains des renseignements dans la facture provenaient de Postes Canada, dans le cadre de sa relation contractuelle avec DSS. DSS a indiqué que les renseignements provenant de Postes Canada comprennent le numéro de facture, le numéro de compte client, le numéro de projet, le numéro d’entente de consultation et le numéro de commande du client.

[37]      Les renseignements figurant dans une facture peuvent être le résultat de négociations entre des parties. La question de savoir si les renseignements ont été fournis par un tiers est une question de fait et que c’est le contenu plutôt que la forme des renseignements qui doit être pris en compte [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 156-159]. La jurisprudence relative à la Loi démontre que les clauses négociées ne constituent pas des renseignements fournis par un tiers [Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700, para 16; voir aussi : Halifax Developments ltée c. Ministre des Travaux publics (1994), A.C.F. No 2035 (QL) (C.F. 1re inst.)].

[38]      À part les coordonnées relatives à l’employé de DSS, qui satisfont aux critères du paragraphe 19(1), ainsi que les modalités de paiement, les numéros de TPS et de TVH et le total de la facture, le reste des renseignements non communiqués semble provenir de Postes Canada ou pourrait être le résultat de négociations. Je conclus donc que le troisième critère de l’exception n’est pas satisfait.

Le tiers a-t-il toujours traité les renseignements comme étant confidentiels?

[39]      Pour que le dernier critère de l’alinéa 20(1)b) soit satisfait, il faut que les renseignements aient toujours été traités comme étant confidentiels par le tiers.

[40]      Bien que DSS ait fait référence aux dispositions de confidentialité, il n’a pas fourni d’observations suffisantes pour indiquer comment cette information est protégée à l’intérieur et à l’extérieur de son entreprise, à part indiquer que les renseignements ne sont « généralement » pas communiqués au public. Je n’ai donc pas reçu d’observations suffisantes pour conclure que les renseignements ont toujours été traités comme étant confidentiels.

[41]      En ce qui concerne ses numéros de TPS et de TVH de DSS, DSS n’a pas établi qu'il en assure constamment la confidentialité. Au cours de l’enquête, DSS a reconnu que ces renseignements pouvaient être communiqués.

[42]      Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu’aucun des renseignements ne satisfait aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

Paragraphe 18.1(1) : secrets industriels de la Société canadienne des postes, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de la Société canadienne des postes

[43]      Le paragraphe 18.1(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle appartenant à la Société canadienne des postes, Exportation et Développement Canada, l’Office d’investissement des régimes de pension du secteur public et VIA Rail Canada Inc.

[44]      Pour invoquer cette exception relativement à des secrets industriels, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un secret industriel, c’est-à-dire un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé qui possède toutes les caractéristiques suivantes :
    • ils sont secrets, c’est-à-dire qu’ils ne sont connus que par un seul individu ou un nombre restreint de personnes;
    • l’institution a agi avec l’intention de traiter les renseignements comme étant secrets;
    • les renseignements ont une application pratique dans le secteur industriel ou commercial;
    • l’institution a un intérêt digne d’être protégé par la loi (c’est-à-dire un intérêt économique).
  • le secret industriel appartient à l’une des quatre institutions susmentionnées;
  • cette institution a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[45]      Pour invoquer cette exception en ce qui a trait aux renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements appartiennent à une des institutions susmentionnées;
  • cette institution a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[46]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[47]      Postes Canada a également invoqué le paragraphe 18.1(1) pour refuser de communiquer des renseignements se trouvant dans la facture à la page 30, décrits dans l’analyse de l’alinéa 20(1)b). Elle a aussi invoqué ce paragraphe pour refuser de communiquer le contenu d’une majeure partie d’une présentation PowerPoint se trouvant aux pages 2, 9 et 11-28, datée du 3 octobre 2023 et préparée par Postes Canada à l’intention de DSS.

[48]      Après avoir examiné les renseignements en cause et considéré les observations reçues, je ne suis pas d’avis que les renseignements en causent sont des « secrets industriels » au sein courant du terme. Il est notamment difficile de voir en quoi les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 18.1(1)a) constituent « un plan ou procédé, un outil, un mécanisme ou un composé » qui n’est pas seulement secret et destiné à être traité comme tel, mais qui a une application pratique dans le secteur industriel ou commercial pour lequel Postes Canada a un intérêt économique digne d’être protégé. À cet égard, je note que, bien que les renseignements en cause fassent référence à des plans et/ou à l’élaboration de plans, ils ne comprennent pas de détails qui pourraient mener à une application pratique dans le secteur industriel ou commercial pour lequel Postes Canada a un intérêt économique digne d’être protégé. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que le premier critère d’un « secret industriel » est satisfait.

[49]      Postes Canada a indiqué qu’il s’agissait de documents stratégiques, financiers et commerciaux sensibles qui avaient beaucoup de valeur pour la société. J’ai donc examiné si les renseignements en cause étaient de nature financière, commerciale, scientifique ou technique qui appartiennent à Postes Canada

[50]      et que celle-ci les a toujours traités comme étant confidentiels, de sorte qu’ils demeurent visés par l’alinéa 18.1(1)a).

[51]      Je conviens donc que certains des renseignements semblent être de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, comme le total partiel, le montant des taxes et le total général sur la facture ainsi que les renseignements aux pages 9, 16, 18, 21, 25 et 27 des documents.

[52]      Cependant, certains des renseignements ne semblent pas être de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, soit ceux se trouvant aux pages 2, 12, 9 et 14-28 (titres), 15 (première, deuxième et septième puces), 22 (quatrième et cinquième puces), 23 (première puce) et 24 (première puce).

[53]      Pour ce qui est du prochain critère de l’alinéa 18.1(1)a), il est évident que les montants de la facture, dont la communication a été refusée à la page 30 des documents pertinents, ont été préparés par DSS et n’appartiennent pas à Postes Canada.

[54]      Pour ce qui est du reste des renseignements, puisque les diapositives ont été préparées et présentées par DSS, il n’est pas non plus évident que ces renseignements « appartiennent » à Postes Canada.

[55]      Par exemple, bien que les commentaires de DSS à la page 28 semblent donner de l’information et de l’orientation pour résumer les principaux points du plan de santé et sécurité, en soi, ces commentaires semblent avoir été fournis et résumés par le tiers. Dans ses observations initiales, Postes Canada a indiqué qu’elle avait collaboré avec DSS pendant 9 mois pour élaborer le plan au moyen des concepts, des outils et des experts appartenant à DSS. Cela semble indiquer que les renseignements ont été créés de concert et qu’ils n’appartiennent pas seulement à Postes Canada.

[56]      Je suis également d’avis que tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 18.1(1)a) ont toujours été traités comme étant confidentiels par Postes Canada. À cet égard, je note que les détails relatifs à certains des renseignements à la page 9 sont accessibles au public dans le Plan d’entreprise de 2019 à 2023 de la Société canadienne des postes.

[57]      Postes Canada a noté que seulement une petite partie de la stratégie de santé et de sécurité est communiquée à l’échelle de la société, sous le nom de [traduction] « plans d’améliorations de la santé et de la sécurité », afin d’assurer la mise en œuvre et la réalisation des plans. Bien que Postes Canada ait indiqué que les documents pertinents dans le cadre de la demande présentent une stratégie de santé et sécurité actuelle et future qui n’a encore jamais été communiquée à personne à part au conseil d’administration et aux membres du Conseil exécutif, Postes Canada a indiqué qu’elle avait consulté des centaines d’employés lorsqu’elle élaborait le plan avec DSS. Cela semble indiquer qu’il y a une attente de confidentialité moindre à l’égard de l’existence du plan et des divers détails de sa mise en œuvre, puisqu’il s’agit d’une analyse de la stratégie globale de Postes Canada en matière de santé et sécurité qui sera vraisemblablement mise en œuvre par des gestionnaires et des dirigeants à l’échelle de la société.

[58]      Postes Canada s’est dite préoccupée par le fait que les documents, de façon générale, montrent où il y a des « lacunes » au sein de la société, soit des informations que le public que ne devrait pas connaître. Il convient toutefois de noter que Postes Canada a ouvertement mentionné les secteurs à risque dans ses rapports annuels de 2022 et 2023, notamment les risques relatifs au manque de connaissances et de compétences des employés, du manque d’uniformité dans l’application des normes, du roulement de personnel et du fait que les règles ne sont pas appliquées. Postes Canada a donc publiquement indiqué où se trouvaient ces lacunes.

[59]      Enfin, le paragraphe 18.1(2) interdit explicitement aux institutions d’utiliser le paragraphe 18.1(1) pour refuser de communiquer des renseignements qui ont trait à l’administration de Postes Canada. Selon le manuel du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), comme le terme « administration » n’est pas défini dans la Loi, on lui donne son sens habituel : « fonctions de gestion liées à l’administration d’une organisation ».

[60]      Par conséquent, les renseignements se rapportant à l’administration des quatre sociétés d’État susmentionnées et de leurs filiales en propriété exclusive comprennent les renseignements portant sur les ressources humaines, la formation et le perfectionnement, la gestion de l’information et la technologie, les activités de gestion (notamment la planification stratégique, la gestion du rendement, les vérifications et les évaluations), la gestion des biens, la sécurité, et tout autre renseignement relatif à la gestion de l’institution. L’information dans les diapositives, décrite ci-dessus, semble se rapporter à des politiques et à des procédures de gestion de l’information, d’intervention d’urgence et de réaction aux incidents. Ce type d’information semble se rapporter à l’administration de la Société canadienne des postes au sens prévu par le SCT.

[61]      Compte tenu de ce qui précède et de l’absence de réponse à la demande d’observations envoyée par le Commissariat à Postes Canada à l’appui de son application du paragraphe 18.1(1), je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.

Résultat

[62]      La plainte est fondée :

[63]      Postes Canada n’a pas démontré que l’alinéa 20(1)b) s’appliquait à l’information qui suit :

  • certains des renseignements dont la communication a été refusée qui sont accessibles au public;
  • documents dans lesquels seulement une partie des renseignements non communiqués a été fournie à Postes Canada par le tiers;
  • documents pour lesquels Postes Canada et DSS n’ont pas démontré qu’il y avait une attente raisonnable de confidentialité pour l’ensemble des renseignements non communiqués. Pour de plus amples détails, voir l’analyse relative à l’alinéa 20(1)b) dans mon rapport – les sections répondant aux questions « Les renseignements sont-ils confidentiels? » et « Le tiers a-t-il toujours traité les renseignements comme étant confidentiels? »

[64]      Postes Canada n’a pas démontré que le paragraphe 18.1(1) s’appliquait à l’information suivante :

  • documents pour lesquels il n’a pas été démontré qu’il s’agissait de secrets industriels confidentiels;
  • documents pour lesquels il n’a pas été démontré qu’ils avaient une application industrielle ou commerciale;
  • documents pour lesquels il n’a pas été démontré que l’institution avait un intérêt digne d’être protégé par la loi (c’est-à-dire un intérêt économique);
  • documents pour lesquels il n’a pas été démontré qu’ils contenaient des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • documents pour lesquels il n’a pas été démontré qu’ils avaient toujours été traités comme étant confidentiels.

Ordonnances

J’ordre au président de Postes Canada de communiquer certains renseignements auxquels les exceptions suivantes ont été appliquées :

Alinéa 20(1)b)

  1. Communiquer les renseignements se trouvant à la page 30, sauf les renseignements décrits relativement au paragraphe 19(1) et les renseignements qui, comme l’a convenu la partie plaignante, ne sont pas en cause (renseignements bancaires).

Paragraphe 18.1(1)

  1. Communiquer les renseignements se trouvant aux pages 2, 9, 11, 12, 14, 15-28, et 30.

Rapport et avis de l’institution

Le 30 mai 2025, j’ai transmis au président de la Société mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 3 juin 2025, la directrice, Accès à l’information et protection des renseignements personnels m’a avisée que Postes Canada donnerait suite à mon ordonnance.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à DSS.

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