Pêches et Océans Canada (Re), 2023 CI 25

Date : 2023-09-11
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-06636
Numéro de dossier de l’institution : A-2022-00744

Sommaire

La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (le MPO) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)a) (secrets industriels de tiers), 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait la correspondance entre le MPO et Deep Water Recovery. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

L’application du paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer les documents n’est plus visée par la plainte. En outre, le MPO et le tiers ont tous deux reconnu que les alinéas 20(1)a) et 20(1)c) n’auraient pas dû être appliqués pour refuser de communiquer des renseignements.

Ni le MPO ni le tiers n’ont démontré que les renseignements satisfaisaient à tous les critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

La plainte est fondée.

La Commissaire à l’information a ordonné au MPO de communiquer les renseignements.

Le MPO a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (le MPO) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 20(1)a) (secrets industriels de tiers), 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait la correspondance entre le MPO et Deep Water Recovery. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]     Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer des renseignements.

Enquête

[3]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]     Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information est arrivé à la conclusion préliminaire que les alinéas 20(1)a), 20(1)b) et 20(1)c) n’ont pas été appliqués correctement pour refuser de communiquer les documents. Par conséquent, le Commissariat a demandé des observations au MPO et à Deep Water Recovery, conformément à l’article 35 de la Loi.

[5]     En réponse, Deep Water Recovery a reconnu que les alinéas 20(1)a) et 20(1)c) n’auraient pas dû être appliqués aux documents, mais soutenait que la communication des renseignements devrait toujours être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b), et a également suggéré que l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations) soit appliqué aux mêmes renseignements.

[6]     Dans sa réponse, le MPO a convenu que les renseignements ne satisfaisaient pas aux critères des exceptions prévues aux alinéas 20(1)a), 20(1)b) ou 20(1)c), et a indiqué avoir l’intention de les divulguer conformément aux dispositions de la Loi.

[7]     Après avoir reçu toutes les observations, j’ai transmis à Deep Water Recovery un avis aux tiers conformément à l’article 36.3. Dans leur réponse, les représentants de Deep Water Recovery soutenaient que le refus de communiquer les renseignements devrait être maintenu. Ils soutenaient également que l’avis que j’ai transmis allait à l’encontre de la justice naturelle et de l’équité procédurale, puisqu’il ne contenait pas d’analyse des observations précédentes de Deep Water Recovery. Je note que l’avis contenait les éléments énumérés au paragraphe 36.3(2) de la Loi. Je note également que Deep Water Recovery a reçu une analyse approfondie des renseignements non communiqués en vertu des exceptions lorsqu’on lui a donné la possibilité de fournir des observations en vertu de l’alinéa 35(2)c). Je suis donc d’avis que Deep Water Recovery a été traité équitablement et conformément aux modalités d’application de la Loi.

[8]     L’enquête porte sur les pages 2, 3, 8 à 14 et 34 (selon la numérotation dans le coin inférieur droit de chaque page).

[9]     Puisque, depuis le début de l’enquête, le Commissariat était d’avis que les alinéas 20(1)a) et 20(1)c) n’ont pas été correctement appliqués aux documents, et puisque le MPO et Deep Water Recovery ont reconnu que les renseignements en cause ne satisfaisaient pas aux critères de ces exceptions, mon analyse est limitée à l’application de l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[10]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[11]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[12]     Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[13]     De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[14]     Concernant le premier critère, dans la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire. Comme les documents en question contiennent des plans commerciaux, je conviens qu’ils satisfont au premier critère.

[15]     Concernant le deuxième critère, afin que l’alinéa 20(1)b) s’applique, les documents doivent être confidentiels. La Cour fédérale a souligné trois sous-critères précis qui doivent être satisfaits pour que les renseignements soient considérés comme confidentiels :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989]     A.C.F. no 453.]    

[16]     Certains des renseignements dont la communication a été refusée sont autrement accessibles au public. Par exemple, une copie de l’un des documents, dans laquelle seuls les numéros de téléphone des employés n’avaient pas été divulgués, a été communiquée à la suite d’une demande d’accès provinciale, avant que le MPO ne reçoive cette demande d’accès. Ce document était donc accessible au public avant le traitement de cette demande. Certains renseignements sont aussi accessibles dans des rapports d’inspection qui sont accessibles au public ou par simple observation, car Deep Water Recovery accomplit son travail à l’extérieur, à la vue des voisins et de quiconque passe sur l’eau ou dans l’air, ou dans des images satellites. Deep Water Recovery a affirmé que tout observateur serait un intrus, mais comme il y a un quartier résidentiel d’un côté de la propriété et que la majorité du travail se fait directement face à une voie navigable publique, je ne suis pas convaincue que certains renseignements ne sont pas accessibles par observation publique.

[17]     Deep Water Recovery a également noté que la plupart des renseignements en question sont proactifs et contiennent des procédures qui n’ont pas encore été enclenchées. Il y a cependant eu un événement, mentionné dans les nouvelles, qui aurait fait en sorte que ces procédures soient enclenchées. En outre, ce ne sont pas tous les renseignements qui sont proactifs, car certains des paragraphes non communiqués décrivent une pratique observée par des résidents de l’endroit. Encore à titre d’exemple, un autre des documents décrit un processus actuellement suivi qui a été décrit dans des rapports d’inspection provinciaux. Par conséquent, il semble que la majeure partie des renseignements non communiqués est disponible auprès de sources accessibles au public.

[18]     Pour ce qui est de l’attente de confidentialité, la Cour fédérale a conclu ceci : « Une partie qui cherche à obtenir une approbation du gouvernement, tout comme celles qui cherchent à obtenir des fonds ou des contrats du gouvernement, ne peut s’attendre à jouir du même degré de confidentialité qu’une partie qui aide le gouvernement. » [AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé), 2005 CF 189, para 76; confirmé dans 2006 CAF 241]     Comme les documents semblent avoir été soumis dans le cadre du processus d’approbation par le MPO pour effectuer des travaux, il semble que Deep Water Recovery tentait d’obtenir l’approbation du MPO, et non de lui fournir de l’aide. Deep Water Recovery affirmait que ses soumissions au MPO aident ce dernier à remplir son mandat, mais les documents semblent néanmoins destinés à obtenir l’approbation, plutôt qu’à fournir de l’aide. Deep Water Recovery a également cité SNC-Lavalin Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics) [1994]     A.C.F. no 1059, para 35, pour démontrer qu’un document préparé par une quatrième partie pourrait être confidentiel. Dans ce cas, par contre, les documents étaient clairement identifiés comme étant confidentiels. Le document en l’espèce ne contenait aucune identification en ce sens. Il n’a donc pas été établi que les renseignements en cause ont été créés ou transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués.

[19]     Pour ce qui est du troisième critère de confidentialité, à savoir que les renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation qui est dans l’intérêt public, il semble que le but de la relation soit de s’assurer que les activités de Deep Water Recovery ne causent pas de dommage aux écosystèmes aquatiques. Cependant, la surveillance par le MPO continuerait vraisemblablement sans égard pour le type de relation entre les deux parties. Je ne suis pas convaincue que le fait d’assurer la confidentialité de tous les renseignements en cause favoriserait la relation entre Deep Water Recovery et le MPO dans l’intérêt public.

[20]     Compte tenu de ce qui précède et des observations reçues, je conclus qu’aucun des renseignements en cause ne satisfait aux trois critères de confidentialité.

[21]     Bien que Deep Water Recovery ait fourni la plupart des renseignements en question à une institution fédérale, ce qui satisfait au troisième critère de l’exception, les renseignements créés par l’institution fédérale et ses représentants ne satisferaient pas à ce critère, sauf dans la mesure où ceux-ci révéleraient des renseignements confidentiels fournis par le tiers. Par exemple, les recommandations énumérées par le MPO aux pages 2 et 3 ne semblent pas avoir été fournies par Deep Water Recovery. Deep Water Recovery a suggéré que la communication de ces recommandations soit plutôt refusée en vertu de l’alinéa 21(1)a), mais le MPO n’a pas fourni d’observations à cet effet. Par conséquent, je conclus que le critère de l’exception n’a pas été satisfait pour tous les renseignements en cause.

[22]     En ce qui concerne le quatrième critère de l’exception, Deep Water Recovery a fourni des éléments de preuve selon lesquels il a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels et s’attend à ce que ses employés ne les révèlent pas. Je conclus donc que le quatrième critère de l’exception a été satisfait.

[23]     Bien que Deep Water Recovery ait fourni des éléments de preuve selon lesquels il a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels, ni Deep Water Recovery ni le MPO ne se sont acquittés du fardeau de démontrer que les renseignements sont confidentiels et entièrement fournis par le tiers. Par conséquent, je dois conclure que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Résultat

[24]     La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la Ministre des Pêches et des Océans de communiquer tous les renseignements en cause suivants dont la communication avait été refusée en vertu des alinéas 20(1)a), 20(1)b) et 20(1)c) :

  • la page 2, sauf les renseignements dont le MPO a refusé la communication en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • la page 3;
  • les pages 8 à 14, sauf les renseignements dont le MPO a refusé la communication en vertu de l’exception prévue au paragraphe 19(1);
  • la page 34.

Le 4 août 2023, j’ai transmis à la ministre des Pêches et des Océans mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 11 août 2023, le MPO m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à Deep Water Recovery.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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