Ministère de la Justice Canada (Re), 2022 CI 54

Date : 2022-12-21
Numéro de dossier du Commissariat : 3217-00082
Numéro de dossier de l’institution : A-2013-01931/CJM

Sommaire

La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations), de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige), ainsi qu’exclu des renseignements en vertu du paragraphe 69(1) (documents confidentiels du Cabinet) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande visant des documents relatifs au processus indépendant de substitution pour les audiences concernant le pensionnat Sainte-Anne pour une période précise. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi. Justice n’a pas pu démontrer qu’il satisfaisait à tous les critères de l’article 23, que ce soit pour le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige, en ce qui concerne plusieurs documents qui sont des communications n’entrant pas dans le cadre de la relation entre un avocat et son client. Plus particulièrement, Justice n’a pas établi l’existence du privilège d’intérêt commun en ce qui a trait à différentes parties au litige, bien qu’il affirme qu’il y avait une relation sui generis entre les parties établie dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI). La Commissaire à l’information a recommandé que le ministre de la Justice communique tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’article 23 qui ne satisfont pas aux critères de l’exception, y compris les échanges entre Justice et d’autres parties au litige. Justice a avisé la Commissaire qu’il maintenait l’application de l’article 23, mais qu’il entreprendrait un examen des documents en cause pour déterminer les renseignements qui pourraient être communiqués dans le contexte de l’application globale de la Loi. La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations), de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige), ainsi qu’exclu des renseignements en vertu du paragraphe 69(1) (documents confidentiels du Cabinet) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande visant des documents relatifs au processus indépendant de substitution pour les audiences concernant le pensionnat Sainte-Anne pour une période précise. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information enquête sur l’application du paragraphe 19(1) de la Loi.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      À l’issue de l’enquête du Commissariat, je conclus que Justice n’a pas correctement appliqué la Loi. Je présente ci-dessous de nombreux exemples de renseignements qui auraient dû être communiqués à la partie plaignante. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive et ces exemples représentent les types de renseignements se trouvant dans les documents qui ne devraient pas être visés par une exception. Ils visent à aider Justice à mettre en œuvre les recommandations que j’ai l’intention de formuler.

Paragraphe 16(2) : faciliter la perpétration d’une infraction

[5]      Le paragraphe 16(2) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction.

[6]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements (par exemple, des renseignements sur les méthodes ou les techniques criminelles, ou des détails techniques sur les armes, comme le prévoient les alinéas 16(2)a) à c)), pourrait faciliter la perpétration d’une infraction;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[7]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[8]      Justice a invoqué le paragraphe 16(2) pour refuser de communiquer des renseignements se trouvant aux pages 10 151, 10 349, 13 388 et 13 390 des documents. Les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de cette disposition sont des codes d’accès à des téléconférences, des numéros d’identification de téléconférences et des mots de passe connexes.

[9]      Compte tenu des observations de Justice, je suis d’avis que ces renseignements satisfont aux critères du paragraphe 16(2) et que leur communication risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction, à savoir une atteinte à la sécurité.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[10]    En vertu du paragraphe 16(2), Justice devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, Justice devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[11]    Dans ses observations, Justice a indiqué qu’il avait pris en considération différents facteurs lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire, y compris le fait que les codes d’accès téléphoniques n’étaient pas uniques et qu’ils étaient régulièrement réutilisés au sein du ministère et du gouvernement.

[12]    Je suis d’avis que Justice a pris en considération tous les facteurs pertinents et conclus qu’il a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements.

Alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations

[13]    L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

[14]    Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[15]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont des avis ou des recommandations;
  • les renseignements ont été créés pour une institution fédérale ou un ministre.

[16]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[17]    Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer ce qui suit : 

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[18]    Justice a invoqué l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer des renseignements se trouvant à la page 6 633 des documents.

[19]    Compte tenu des observations de Justice, je suis d’avis que ces renseignements constituent des avis et recommandations donnés par un fonctionnaire et qu’ils satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a) de la Loi.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[20]    En vertu de l’alinéa 21(1)a), Justice devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, Justice devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[21]    Compte tenu des observations de Justice, je suis d’avis que tous les facteurs pertinents ont été pris en considération et je conclus que Justice a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements.

Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations

[22]    L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.

[23]    Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[24]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
  • le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
  • au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.

[25]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[26]    Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer ce qui suit : 

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[27]    Justice a invoqué l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements se trouvant aux pages 10 114 et 10 172-10 180 des documents.

[28]    Compte tenu des observations de Justice, je suis d’avis que ces renseignements constituent des comptes rendus de consultations ou de délibérations entre fonctionnaires et qu’ils satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b) de la Loi.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[29]    En vertu de l’alinéa 21(1)b), Justice devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, Justice devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[30]    Compte tenu des observations de Justice, je suis d’avis que tous les facteurs pertinents ont été pris en considération et je conclus que Justice a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements.

Article 23 : secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige

[31]    L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[32]    Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[33]    Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige;
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[34]    Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[35]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[36]    Justice a invoqué l’article 23 pour refuser de communiquer la majorité des documents répondant à la demande. Dans ses plus récentes observations, Justice a confirmé qu’il invoquait à la fois secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif à un litige.

Secret professionnel de l’avocat

[37]    Beaucoup des renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’article 23 satisfont aux critères du secret professionnel de l’avocat, y compris les communications confidentielles entre les avocats au sein de Justice et entre les avocats de Justice et le client.

[38]    Bien que les pièces jointes à ce type de communications ne soient pas automatiquement protégées par le privilège [voir Canada (Commissariat à l’information) c. Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95, para 55; Murchison c. Exportation et développement Canada, 2009 CF 77, para 44-46)], je conviens que la plupart des pièces jointes aux communications protégées par le privilège au sein de Justice et entre Justice et le client étaient protégées par le secret professionnel de l’avocat.  

[39]    Cependant, je suis d’avis qu’un grand nombre de documents en cause ne sont pas protégés par le secret professionnel de l’avocat, notamment les documents qui, de prime abord, étaient des communications échangées à l’extérieur du cadre de la relation entre l’avocat et son client. On trouve des exemples de tels documents aux pages suivantes : 3 306, 3 307, 5 550-5 570, 5 716-6 438, 6 675-6 680, 9 580-9 594, 13 394-13 581, 13 905-13 911 et 16 255-16 311.

[40]    Ces communications externes ne font pas partie du continuum des communications confidentielles entre l’avocat et son client. Plus précisément, elles ont été échangées à l’extérieur du cadre de la relation entre Justice, en tant qu’avocat, et son client.

[41]    Dans ses plus récentes observations, Justice soutenait que la relation sui generis entre les parties établie dans le cadre de la CRRPI n’est pas un rapport d’opposition et que le principe de zone de confidentialité entre ces parties permet de les unir dans un intérêt commun. Comme discuté en détail ci-dessous, Justice n’a pas établi l’existence du privilège d’intérêt commun en ce qui a trait aux différentes parties au litige. De plus, Justice n’a pas établi que les pièces jointes à ces communications externes entre les avocats de Justice et d’autres entités étaient protégées par le secret professionnel de l’avocat.

[42]    En outre, plusieurs communications externes (y compris les pièces jointes) ont par la suite été transférées au sein de Justice, entre ses avocats et/ou au personnel de soutien administratif. Je note que ces communications externes existeraient également en tant que documents indépendants en réponse à la demande (dont la portée inclut expressément les communications externes dans une période précise). Dans la mesure où ces communications externes étaient exclues parce qu’il s’agissait de doubles, cela n’est pas conforme à la Loi.

[43]    À la lumière de tout ce qui précède, je ne suis pas d’avis que le secret professionnel de l’avocat s’applique à tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de cette exception.

Privilège relatif à un litige

[44]    Je ne suis pas non plus d’avis que le privilège relatif à un litige s’applique à tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’article 23. L’objectif du privilège relatif à au litige est de créer une « zone de confidentialité » relative à un litige en cours ou appréhendé, entre les parties adverses au litige. [Voir Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, para 27-28, 34.]

[45]    Dans de nombreux cas, les renseignements que Justice a refusé de communiquer en vertu de l’article 23 sont des documents qui, à mon avis, ont été communiqués à l’extérieur d’une zone de confidentialité relative à un litige en cours ou appréhendé. Dans d’autres cas, les renseignements non communiqués semblent avoir été déposés publiquement devant la Cour. Même si ces communications étaient initialement protégées par le privilège relatif à un litige, celui-ci aurait été levé lorsqu’elles ont été divulguées à la partie adverse dans le cadre du litige ou à la Cour [voir Boulos c. Canada (Alliance de la fonction publique), 2012 CAF 193, para 26-30; Première Nation de Grand Rapids c. Canada, 2014 CAF 201, para 49-50; Belgravia Investments Limited c. Canada, 2002 CFPI 649, para 83].

[46]    Dans ses observations, Justice affirme qu’il n’est pas nécessaire que les communications soient confidentielles pour que s’applique le privilège relatif à un litige. Selon le ministère, les renseignements protégés par le privilège relatif à un litige comprennent les documents échangés par les avocats au sein de Justice, entre les avocats et d’autres employés de Justice ainsi qu’entre les avocats de Justice et des tiers.

[47]    Justice semble être d’avis que certains des documents en cause sont visés par le privilège d’intérêt commun. À titre d’explication, Justice a notamment mentionné : [traduction] « des échanges dans un cadre confidentiel entre ces parties aux fins de litige, de négociation et de réconciliation. »   

[48]    Le privilège d’intérêt commun est une exception à la renonciation, qui peut s’appliquer lorsque les parties ont des intérêts communs dans un litige ou dans une transaction commerciale [voir Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2004 CSC 31, para 22-25; Iggillis Holdings Inc. c. Canada (Revenu national), 2018 CAF 51, para 38)].

[49]    Le privilège d’intérêt commun nécessite que les parties partagent des intérêts suffisamment semblables. Justice n’a pas démontré que le critère à cet effet était satisfait, que ce soit pour le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige. Plus précisément, il n’a pas établi que ses intérêts avaient suffisamment en commun avec ceux des autres parties au litige et/ou de la Cour pour appliquer l’article 23 en se fondant sur ce motif. Les différentes parties aux communications externes de Justice n’ont pas toutes des intérêts communs au sens envisagé dans la jurisprudence; Justice n’a pas démontré que le critère pour le privilège de l’intérêt commun, qui requiert des intérêts suffisamment semblables, est satisfait.

[50]    Compte tenu de tout ce qui précède, et après avoir examiné les documents en cause en détail, je ne suis pas d’avis que le privilège relatif à un litige s’applique à tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de cette exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[51]    En vertu de l’article 23, Justice devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, Justice devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication. C’est pertinent dans la mesure où l’article 23 s’applique aux renseignements en cause.

[52]    Au cours de l’enquête du Commissariat, Justice a présenté des observations détaillées sur les facteurs pris en considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire quant aux renseignements non communiqués en vertu de l’article 23, y compris les facteurs soulevés par le Commissariat. Par exemple, je note le fait que Justice a pris en considération la réconciliation lorsqu’il s’est penché sur l’intérêt public de la divulgation des renseignements en cause. Je suis d’avis que Justice a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements en cause, dans la mesure où ceux-ci sont protégés par le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige.

Paragraphe 69(1) : documents confidentiels du Cabinet

[53]    Conformément au paragraphe 69(1), le droit d’accès aux documents en vertu de la partie 1 de la Loi sur l’accès à l’information ne s’applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada (documents confidentiels du Cabinet) (par exemple, les mémoires au Cabinet, les documents de travail présentant des problèmes, des analyses ou des options politiques à l’examen du Cabinet, et les avant-projets de loi, comme le prévoient les alinéas 69(1)a) à g)).

[54]    Toutefois, conformément au paragraphe 69(3), le droit d’accès aux documents s’applique aux documents confidentiels du Cabinet dont l’existence remonte à plus de vingt ans et aux documents de travail lorsque les décisions auxquelles ils se rapportent ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exclusion?

[55]    Conformément au paragraphe 69(1), Justice a exclu des parties de documents.  

[56]    Le Commissariat ne peut pas examiner les renseignements auxquels a été appliquée une exclusion relative aux documents confidentiels du Cabinet. Justice a consulté son avocat désigné pour qu’un second examen de l’application de l’article 69 soit effectué et a confirmé que les renseignements étaient exclus en vertu du paragraphe 69(1).

Résultat

[57]    La plainte est fondée.

Recommandation

Je recommande au ministre de la Justice ce qui suit :

Communiquer tous les renseignements en cause dont la communication est actuellement refusée en vertu de l’article 23 qui ne satisfont pas aux critères de cet article, pour les motifs exposés ci-dessus, notamment les échanges entre Justice et d’autres parties (c.-à-d. les avocats de la partie adverse, les avocats de la Cour et d’autres parties au litige).

Le ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à ma recommandation.

Le 15 novembre 2022, j’ai transmis au ministre de la Justice mon rapport dans lequel je présentais ma recommandation.

Le 19 décembre 2022, le sous-ministre de la Justice et sous-procureur général a répondu au nom du ministre et a notamment déclaré ce qui suit [traduction] :

Justice maintient que l’application de l&rsquoz;article 23 devrait être considérée comme raisonnable pour justifier de ne pas communiquer les documents en cause.

Cependant, Justice prend votre recommandation de communication au sérieux et a entrepris de prendre les mesures appropriées pour déterminer les renseignements qui pourraient être communiqués dans le contexte de l’application globale de la [Loi].

Comme indiqué dans nos observations précédentes dans ce dossier, la plainte à l’égard du dossier d’AIPRP A-2013-01931 est semblable à celle à l’égard du dossier d’AIPRP A-2014-00753 et, à la suite de vos recommandations, Justice a commencé à examiner les documents en cause avec la même considération.

Dans l’éventualité où il ne serait pas possible d’établir que l’article 23 s’applique à certains documents, toute décision de les communiquer serait assujettie à l’application d’autres articles de la [Loi] et aux obligations prévues à ceux-ci.

Pour prendre une nouvelle décision concernant la communication ou non des renseignements, il faudra examiner environ 6 000 pages, dont de la correspondance avec des tiers. Compte tenu du travail déjà accompli dans ce dossier, on prévoit qu’une réévaluation rapide de ces documents pour décider s’ils devraient être communiqués ou non pourrait être effectuée d’ici le 17 février 2023, mais un délai supplémentaire pourrait être requis pour se conformer aux exigences relatives à l’avis aux tiers.

Par conséquent, Justice s’engage à examiner la communication et à prendre une nouvelle décision sur les documents en cause au plus tard le 17 février 2023. Dans l’éventualité où la communication des documents entraîne un délai supplémentaire pour aviser les tiers, une décision provisoire sera rendue à cette date et une décision finale sera communiquée immédiatement après cette date, selon ce que feront les tiers concernés.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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