Ministère de la Justice Canada (Re), 2022 CI 13

Date : 2022-02-22
Numéro de dossier du Commissariat : 3218-01559
Numéro de dossier de l’institution : A-2017-00982

Sommaire

La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer des renseignements en réponse à une demande visant le nom, le numéro de dossier et les plaidoiries de dossiers déposés à la Cour canadienne de l’impôt pour une période donnée, dans lesquels l’Agence du revenu du Canada se fondait sur l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour établir une nouvelle cotisation. L’information en cause était protégée en vertu de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information.

En répondant à la demande, Justice a créé un document imprimé de deux pages, à partir d’information contenue dans sa base de données iCase, en faisant une recherche de dossiers portant sur l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le champ où indiquer les questions en cause. Au cours de l’enquête du Commissariat, Justice a également récupéré les plaidoiries demandées et a appliqué l’exception prévue à l’article 23 de la Loi sur l’accès à l’information à l’intégralité de celles-ci.

L’enquête a montré que, bien que Justice ait choisi de créer une liste de dossiers pertinents grâce à l’information saisie par un avocat dans sa base de données iCase, il n’a pas établi que le repérage de l’information répondant à la demande reposait sur de l’information protégée par le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige. Justice ne pouvait donc pas justifier l’application de l’article 23. La Commissaire à l’information a recommandé que Justice communique les documents répondant à la demande dans leur intégralité.

Justice a avisé la Commissaire qu’il ne donnerait pas suite à la recommandation et demeure d’avis que la communication de l’information donnerait indirectement accès à de l’information privilégiée.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer des renseignements en réponse à une demande visant le nom, le numéro de dossier et les plaidoiries de dossiers déposés à la Cour canadienne de l’impôt pour une période donnée, dans lesquels l’Agence du revenu du Canada se fondait sur l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour établir une nouvelle cotisation. L’information en cause était protégée en vertu de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information.

Enquête

Article 23 : secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige

[2]      L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[3]      Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[4]      Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige;
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[5]      Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[6]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[7]      En répondant à la demande, Justice a créé un document imprimé de deux pages qui contenait une partie, mais pas l’ensemble, de l’information demandée (p. ex., le nom et le numéro des dossiers en question).

[8]      Au cours de l’enquête, Justice a également récupéré les plaidoiries demandées, qui contiennent toute l’information demandée.

[9]      Selon Justice, autant le document imprimé de deux pages créé à la réception de la demande que les plaidoiries (qui contiennent toute l’information demandée) sont protégés par le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif à un litige.

[10]    À titre d’explication, Justice a déclaré ce qui suit :

  • le document imprimé de deux pages a été créé à partir d’information contenue dans sa base de données iCase, en faisant une recherche de dossiers portant sur l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le champ où indiquer les questions en cause;
  • le champ est rempli par un avocat plaidant expérimenté en fiscalité aux premières étapes du litige (c.-à-d. à la réception de l’appel en matière d’impôt), qui y indique les questions juridiques possiblement soulevées dans le dossier selon lui;
  • l’information indiquée dans le champ fait donc partie de l’avis juridique de Justice à son client, l’Agence du revenu du Canada;
  • de plus, l’information est saisie dans iCase dans le but principal d’un litige.

[11]    En ce qui concerne les plaidoiries, Justice convient que les plaidoiries déposées à la Cour ne sont normalement pas protégées par le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige. Cependant, en l’espèce, Justice soutient qu’il était seulement possible de conclure que les plaidoiries répondaient à la demande grâce à l’avis juridique et au produit du travail lié au litige de Justice, qui se trouvent dans la base de données iCase. Communiquer les plaidoiries répondant à la demande reviendrait donc à divulguer de l’information privilégiée saisie dans la base de données iCase et récupérée de celle-ci.

[12]    Après avoir examiné attentivement les observations de Justice et les documents répondant à la demande, je ne suis pas d’avis que l’article 23 s’applique.

[13]    Justice n’a pas établi que le repérage des plaidoiries répondant à la demande, au moyen d’une recherche raisonnable de documents, nécessitait l’avis juridique d’un avocat. Bien que Justice ait choisi de créer une liste de dossiers pertinents au moyen d’information saisie par un avocat dans sa base de données iCase, il n’a pas établi que le repérage de l’information répondant à la demande reposait sur de l’information protégée par le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige.

[14]    Bien que la saisie d’information dans iCase puisse servir de voie de communication protégée par le secret professionnel de l’avocat, je suis d’avis que l’information utilisée pour créer la liste répondant à la demande n’est pas protégée. À cette fin, la saisie du terme « DGAE » dans le champ où indiquer les questions en cause ne révèle aucune information privilégiée. Il s’agit seulement d’une catégorie d’appel en fonction de la disposition concernée, à savoir l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[15]    Les plaidoiries en question font explicitement référence à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu et à la DGAE. Il est évident qu’elles concernent des dossiers portant sur l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, déposées à la Cour canadienne de l’impôt durant la période visée. Le repérage de ces dossiers ne nécessite pas l’avis juridique d’un avocat.

[16]    Le fait que Justice ait choisi de repérer ces dossiers au moyen d’une recherche d’information saisie par un avocat dans iCase ne transforme pas les plaidoiries, qui sont accessibles au public et qui ne sont pas privilégiées, en information qui justifie le refus de communication en vertu de l’article 23.

[17]    Je ne suis pas non plus d’avis qu’une liste créée dans le but principal de faciliter le repérage de documents accessibles au public répondant à une demande d’accès est protégée par le privilège relatif à un litige ou le secret professionnel de l’avocat. Comme mentionné ci-dessus, le saisie du terme « DGAE » dans le champ pour indiquer les questions en cause ne nécessite pas une expertise juridique et la création d’une liste à partir de cette caractéristique ne révèle aucune analyse juridique ou stratégie relative à un litige. Je ne suis donc pas d’avis que les documents ont été créés dans le but principal d’un litige ni qu’ils constituent une communication qui concerne une consultation ou un avis juridique destinée à être confidentielle.

[18]    Par conséquent, je conclus que les documents ne satisfont pas aux critères du secret professionnel de l’avocat ou du privilège relatif à un litige.

Résultats

[19]    La plainte est fondée.

Recommandation

[20]    Je recommande au ministre de la Justice ce qui suit :

  1. Communiquer les documents répondant à la demande dans leur intégralité;
  2. Envoyer une copie de la lettre de réponse au Greffe du Commissariat à l’information par courriel (Greffe-Registry@oic-ci.gc.ca).

[21]    Le 19 novembre 2021, j’ai transmis au ministre de la Justice mon rapport dans lequel je présentais ma recommandation.

[22]    Le 17 février 2022, la sous-ministre déléguée de la Justice a répondu au nom du ministre. Elle m’a avisée que Justice ne donnerait pas suite à ma recommandation et demeure d’avis que la communication de l’information donnerait indirectement accès à de l’information privilégiée.

L’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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