Ministère de la Justice Canada (Re), 2021 CI 9

Date : 2021-04-14
Numéro de dossier du Commissariat : 3217-00342
Numéro de dossier de l’institution : A-2016-01834/SS

Sommaire

La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer de l’information en vertu de l’article 23 (avis juridiques et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès visant des honoraires d’avocat liés à un dossier précis. Justice a invoqué le privilège du secret professionnel concernant les débours et les détails des dépenses indiqués dans un rapport de recouvrement des coûts. Bien que la Commissaire à l’information convienne que les débours sont assujettis à une présomption de privilège, son enquête a permis de conclure que cette présomption est renversée, car il n’y a aucune possibilité raisonnable qu’un observateur averti puisse utiliser les renseignements pour obtenir, par déduction ou par un autre moyen, des communications protégées par le privilège. La Commissaire a donc recommandé que Justice communique tous les renseignements qui n’avaient pas été communiqués en vertu de l’article 23 de la Loi. Justice a avisé la Commissaire qu’il mettrait la recommandation en œuvre. La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le ministère de la Justice Canada (Justice) a erronément refusé de communiquer de l’information en vertu de l’article 23 (avis juridiques et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès visant des honoraires d’avocat liés au dossier numéro 8518115 de Justice.

Enquête

Article 23 : avis juridiques et privilège relatif à un litige

[2]      L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[3]      Pour invoquer cette exception relativement à un avis juridique, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques; et
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[4]      Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige; et
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[5]      Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[6]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[7]      Le document visé est un rapport de recouvrement des coûts de quatre pages pour des dossiers précisés dans la demande d’accès. Le rapport contient les débours liés à ces dossiers et les détails des dépenses, renseignements qui n’ont pas été communiqués en vertu de l’article 23 de la Loi.

[8]      Durant l’enquête, Justice a confirmé qu’il invoquait le privilège du secret professionnel relatif aux avis juridiques pour ces renseignements. Le Ministère a indiqué que ce privilège s’applique parce que la ventilation des honoraires d’avocat donne un sommaire ou historique de ce qu’a fait l’avocat pour préparer le dossier. Justice a également soutenu que, dans ce cas, les renseignements sur les débours particuliers étaient privilégiés, car ils révélaient ce qu’avait fait l’avocat pour préparer le dossier. Justice s’est appuyé sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Maranda c. Richer, 2003 CSC 67, qui établit une présomption selon laquelle les renseignements qui figurent dans les comptes d’honoraires des avocats sont privilégiés.

[9]      Je suis d’accord que les débours sont assujettis à une présomption de privilège, tel qu’établi dans la décision Maranda. Toutefois, cette présomption est renversée lorsqu’il n’y a aucune possibilité raisonnable qu’un observateur averti, bien au fait de l’information publique déjà disponible, puisse utiliser les renseignements pour obtenir, par déduction ou par un autre moyen, des communications protégées par le privilège (voir Ontario (Ministry of the Attorney General) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner), 2005 CanLII 6045 (ONCA), para 12 [en anglais seulement]; voir aussi : Kalogerakis c. Commission scolaire des Patriotes, 2017 QCCA 1253, para 41-42.

[10]    Après avoir étudié la preuve et les observations qui m’ont été soumises, je suis d’avis que la présomption de privilège est renversée en ce qui concerne les renseignements en cause et, par conséquent, qu’il s’agit de renseignements neutres qui ne sont pas visés par le privilège. Les renseignements en cause comprennent de l’information connue du public et, de façon plus générale, ne sont pas assez importants pour qu’il y ait une possibilité raisonnable qu’un observateur averti puisse les utiliser pour acquérir, par déduction ou par un autre moyen, de l’information privilégiée. Je conclus donc que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.

Résultats

[11]    La plainte est fondée.

Recommandation

Je recommande au ministre de la Justice ce qui suit :

  • Communiquer tous les renseignements dans les documents répondant à la demande qui n’avaient pas été communiqués en vertu de l’article 23 de la Loi;
  • Envoyer une copie de la lettre de réponse au Greffe du Commissariat à l’information par courriel (Greffe-Registry@oic-ci.gc.ca).

Le 26 janvier 2021, j’ai transmis au ministre de la Justice un rapport présentant ma recommandation.

Le 5 mars 2021, la sous-ministre de la Justice m’a avisée que Justice avait mis ma recommandation en œuvre. La partie plaignante a confirmé avoir reçu les documents.

L’article 41 de la Loi confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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