Gendarmerie royale du Canada (Re), 2025 CI 48
Date : 2025-09-22
Numéro de dossier du Commissariat : 5824-01567
Numéro de la demande d’accès : A-2023-07854/F337
Sommaire
La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’a pas recherché les documents demandés et/ou que d’autres documents pertinents dans le cadre de la demande d’accès susmentionnée doivent exister. La demande vise tous les documents concernant des allégations d’ingérence politique dans les fonctions de la procureure générale relativement la poursuite impliquant SNC-Lavalin par le premier ministre et des employés de son cabinet. Les allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi. L’enquête a révélé que, bien que la GRC ait chargé les bureaux de première responsabilité (BPR) les plus susceptibles de détenir des documents de faire une recherche, ceux-ci n’ont pas cherché de documents pour le 5 juillet 2023 et la période qui précède. La Commissaire à l’information a également conclu qu’un rapport de 4 600 pages dans un dossier du Système d’incidents et de rapports de police était en fait pertinent et aurait dû être traité. La Commissaire à l’information a ordonné à la GRC d’effectuer une nouvelle recherche de documents et de fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante. La GRC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite aux ordonnances. La plainte est fondée.
Plainte
[1]La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) :
- N’a pas recherché les documents demandés et/ou d’autres documents pertinents dans le cadre de la demande susmentionnée doivent exister. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
- A erronément répondu qu’une partie ou la totalité des documents demandés n’existent pas. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
[2]La demande vise : [traduction] « la totalité des documents, des mémoires, des courriels, de la correspondance, des notes de breffage, des messages textes, messages sur Microsoft Teams ou toute autre plateforme de messagerie, ainsi que tout autre document, y compris les ébauches, du 8 juillet 2022 au 5 juillet 2023, concernant des allégations d’ingérence politique dans les fonctions de la procureure générale relativement à la poursuite impliquant SNC-Lavalin par le premier ministre et des employés de son cabinet. »
Enquête
Recherche raisonnable
[3]La GRC est tenue d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.
[4]Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.
[5]Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents.
[6]Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.
L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?
[7]En réponse à la demande d’accès, la GRC a déclaré qu’après avoir effectué une recherche rigoureuse, elle n’a pu localiser aucun document qui répondait à la demande.
[8]La partie plaignante allègue que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents pertinents et que certains documents manquent dans la réponse qui lui a été fournie. Pour corroborer son allégation, la partie plaignante a indiqué que, selon les documents reçus et publiés par Démocratie en surveillance en réponse à une demande précédente similaire, un certain nombre de mesures ont été prises durant la période de la demande actuelle.
[9]Dans ses observations, la GRC soutient qu’elle a effectué une recherche raisonnable de documents et explique que quatre bureaux de première responsabilité (BPR) ont été chargés de chercher les documents demandés. La GRC a également confirmé que ces quatre BPR étaient les plus susceptibles de détenir les documents pertinents.
Police fédérale
[10]Selon la GRC, des membres du groupe Police fédérale (PF) ont fait une recherche sur les lecteurs partagés R et S en utilisant les critères de recherche suivants : « Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes », « SNC Lavalin », « commissaire à l’éthique » et « Andrew Sheer » durant la période du 1er août 2018 au 24 novembre 2022. Des membres du groupe PF ont également fait une recherche dans leurs courriels personnels et leur lecteur personnel.
[11]Bien que je convienne que les critères de recherche et les dépôts dans lesquels les recherches ont été faites étaient raisonnables, compte tenu du texte de la demande, je note que la période visée par la demande en cause est du 8 juillet 2022 au 5 juillet 2023. Il semblerait donc que la GRC n’a pas demandé aux membres du groupe PF de documents datés entre le 24 novembre 2022 et le 5 juillet 2023. Il faudrait donc leur demander à nouveau de faire une recherche.
Division O
[12]La GRC a expliqué que la Division O et la Division nationale ont maintenant été regroupées et qu’elles ont maintenant deux agents de liaison (AL) distincts aux fins de l’accès à l’information de la protection des renseignements personnels (AIPRP). L’AL responsable des documents qui étaient détenus par la Division O a expliqué que les documents seraient détenus par le groupe des Enquêtes internationales et de nature délicate (EIND), qui relevait de la Division nationale. L’AL a expliqué que la réponse fournie, à savoir qu’il n’y avait pas de document, était simplement attribuable au fait que la recherche aurait dû être effectuée par l’AL de la Division
Division nationale
[13]La Division nationale a déclaré que tous les documents pertinents se trouveraient dans le dossier d’incident 2019-287461 dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP), qui a été fourni à l’unité de l’AIPRP de la GRC lorsque l’enquête sur les allégations d’ingérence politique dans les fonctions de la procureure générale concernant la poursuite de SNC-Lavalin a été conclue, le 29 mai 2023 (ci-après le « rapport d’incident du SIRP »). Ce dernier et le dossier comptaient 4 600 pages. Par conséquent, aucun autre fonds de renseignements n’a fait l’objet d’une recherche.
[14]Comme il a été mentionné plus haut, la période visée par cette demande se termine le 5 juillet 2023. Il semble donc que la Division nationale n’a pas cherché de documents qui auraient été créés après la date du rapport d’incident du SIRP, soit entre le 29 mai 2023 et le 5 juillet Par conséquent, la Division nationale devrait être de nouveau chargée de faire une recherche.
Bureau du commissaire
[15]Selon la GRC, le Bureau du Commissaire a cherché dans les dépôts suivants : CCM, GC Docs, Outlook (tâches du commissaire, Services de direction, Bureau du commissaire, courriel du commissaire) et le classeur de documents à ne pas numériser (dossiers papier) jusqu’à 2023. Les critères de recherche utilisés étaient « SNC Lavalin » et « SNC Lavelin ». Le Bureau du commissaire a ensuite confirmé que c’était le groupe des Enquêtes internationales et de nature délicate qui détiendrait les documents pertinents.
[16]La réponse du Bureau du commissaire n’indique pas clairement la période qu’il a utilisée pour faire sa recherche. Il a déclaré avoir cherché jusqu’en 2023, mais il est difficile de savoir s’il a cherché jusqu’en 2023 inclusivement. La partie plaignante a présenté des observations qui laissent entendre qu’il devrait exister des documents au Bureau du Commissaire:
- Le commissaire Duheme et le sergent d’état-major Pincince, de la GRC, ont comparu devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique en octobre 2023 et en février 2024, et ils ont confirmé que Mme Wilson-Raybould et M. Scheer avaient été avisés de la conclusion de l’enquête en janvier 2023.
- Durant cette comparution devant le Comité, le commissaire Duheme s’est rappelé avoir vu des rapports et avoir breffé la commissaire de la GRC à l’époque, la commissaire Lucki, au sujet de l’enquête.
- La réponse du gouvernement à la question no 1649 inscrite au Feuilleton de la Chambre des communes indique que la personne titulaire du poste de ministre de l’Infrastructure à l’époque avait téléphoné au sous-commissaire aux Services de police spécialisés de la GRC, le 19 juin 2023, pour s’informer au sujet des rapports d’enquête dont il était question dans les médias à la suite de la publication par Démocratie en surveillance de la réponse à sa demande d’accès à l’information initiale auprès de la GRC. S’il existait suffisamment d’information pour pouvoir faire référence à cet appel plusieurs mois plus tard, il semble évident qu’il existe aussi des documents concernant l’appel et que ceux-ci seraient pertinents dans le cadre de la demande.
[17]Par conséquent, le Bureau du commissaire devrait être de nouveau chargé de faire une recherche.
Rapport d’incident du SIRP
[18]Les documents relatifs au rapport d’incident du SIRP ont été récupérés lors du traitement initial de la demande, mais la GRC ne les considérait pas comme pertinents et ne les a donc pas transmis à la partie plaignante. Pour corroborer cette décision, la GRC a déclaré que le dossier, les documents et les renseignements que renferment les 4 600 pages du rapport d’incident du SIRP ne sont pas dans la période très précise indiquée dans la demande. La GRC a également affirmé que le rapport d’incident du SIRP comprend le moment où s’est produit l’incident. En l’espèce, il s’agit du 4 septembre 2018 au 14 janvier 2019. De l’avis de la GRC, il s’agit des dates importantes dans le rapport et, puisque l’incident a eu lieu à l’extérieur de la période visée par la demande, il n’est pas pertinent dans le cadre de celle-ci. La GRC ajoute que le dossier est demeuré ouvert à des fins administratives et non à des fins opérationnelles, et qu’aucune information n’a été ajoutée au rapport d’incident du SIRP durant la période visée par la demande.
[19]Je ne suis pas d’accord avec la GRC que le moment où s’est produit l’incident est important pour établir si le rapport lui-même est pertinent et répond à la demande. Bien que je convienne que le moment auquel s’est produit l’incident est du 4 septembre 2018 au 14 janvier 2019, je suis d’avis que ces dates n’ont aucune incidence sur la pertinence du rapport. Il semblerait s’agir des dates entre lesquelles un crime aurait été commis et a fait l’objet d’une enquête. Ceci est appuyé par le fait que le moment où l’incident a été signalé est indiqué comme étant le 4 mars 2019 et que tous les actes signalés dans le rapport d’incident du SIRP se sont produits après la période indiquée durant laquelle se serait produit l’incident.
[20]En ce qui concerne l’affirmation de la GRC selon laquelle le dossier est demeuré ouvert à des fins administratives et qu’aucune information n’a été ajoutée au rapport d’incident du SIRP durant la période visée par la demande, je suis d’avis qu’elle est incorrecte.
[21]Je note que le rapport d’incident du SIRP indique effectivement et précisément que plusieurs actes signalés, indiqués ci-dessous, se sont produits durant la période visée par la demande.
[22]Bien que cette information ait été communiquée au Commissariat par la GRC au cours de son enquête, la GRC ne l’a pas mentionnée dans ses observations.
[23]Puisque le rapport d’incident du SIRP n’a pas été conclu avant mai 2023 et que plusieurs actes semblent y avoir été ajoutés durant la période indiquée dans la demande, je conclus que ce rapport d’incident du SIRP est pertinent dans le cadre de la présente demande et devrait être traité en vue de fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante.
[24]Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès.
Résultat
[25]La plainte est fondée.
Ordonnances
J’ordonne au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ce qui suit :
- Effectuer une nouvelle recherche afin de localiser des documents supplémentaires répondant à la demande d’accès, conformément au délai et aux points indiqués dans le compte rendu.
- Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante, y compris, mais sans s’y limiter, les documents se trouvant dans le rapport d’incident du SIRP.
- Communiquer tous les autres documents pertinents supplémentaires, à moins que leur communication puisse être refusée, en tout ou en partie, en vertu d’une ou plusieurs dispositions de la partie I de la Loi. Si tel est le cas, mentionner la ou les dispositions en question.
Rapport et avis de l’institution
Le 1er août 2025, j’ai transmis au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.
Le 17 septembre 2025, le directeur général, Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, m’a avisée qu’il donnerait suite aux ordonnances.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision.
Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.