Gendarmerie royale du Canada (Re), 2025 CI 31

Date : 2025-05-02 
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-03607 
Numéro de la demande d’accès : A-2023-03532

Sommaire

La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’article 17 (sécurité des individus), des paragraphes 15(1) (sécurité nationale) et 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 16(2)c) (faciliter la perpétration d’une infraction), 21(1)a) (avis ou recommandations) et 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information . La demande vise tous les documents relatifs aux travaux du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.

La partie plaignante allègue également que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la même demande d’accès. Les deux allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi .

Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé de limiter la portée des allégations relatives aux exceptions à l’application des alinéas 21(1)a) et b) pour refuser de communiquer des renseignements se trouvant sur trois pages précises des documents pertinents dans le cadre de la demande d’accès.

La GRC a démontré qu’elle satisfaisait aux critères des alinéas 21(1)a) et b), et qu’elle avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. La GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents et a reconnu qu’elle n’avait pas chargé tous les détenteurs de documents de faire une recherche ni utilisé tous les critères de recherche pertinents.

La Commissaire à l’information a ordonné à la GRC de fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante et de communiquer tous les documents trouvés dans le cadre de recherches supplémentaires, à moins que leur communication puisse être refusée en vertu d’une ou de plusieurs dispositions de la Loi . La GRC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’article 17 (sécurité des individus), des paragraphes 15(1) (sécurité nationale) et 19(1) (renseignements personnels) ainsi que des alinéas 16(2)c) (faciliter la perpétration d’une infraction), 21(1)a) (avis ou recommandations) et 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information . La demande vise tous les documents relatifs aux travaux du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.

[2]        La partie plaignante allègue également que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la même demande d’accès.

[3]        Les deux allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi .

[4]        Bien que la portée des allégations relatives au caractère raisonnable de la recherche effectuée par la GRC demeure inchangée, au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé de limiter la portée de l’enquête à l’application des alinéas 21(1)a) et b) pour refuser de communiquer des renseignements aux pages 34, 36 et 393 des documents pertinents.

Enquête

[5]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

Alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations

[6]        L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

[7]        Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[8]        Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont des avis ou des recommandations;
  • les renseignements ont été élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

[9]        Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]      Les renseignements en cause comprennent des parties des pages 34, 36 et 393, dont la communication a été refusée parallèlement en vertu des alinéas 21(1)a) et b), et l’ensemble de ceux-ci ont été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[11]      Dans ses observations, selon la partie plaignante, l’information dont la communication a été refusée en vertu des alinéas 21(1)a) et b) semble être une description de mesures qui ont déjà été prises, plutôt que des plans ou des options pour l’avenir, ou l’élaboration d’avis ou de recommandations. La partie plaignante a suggéré de prendre en compte, lors de l’évaluation de l’application de l’exception, la question de savoir si une personne raisonnable penserait que l’intention de l’auteur était de formuler un avis ou des recommandations.

[12]      Aux pages 34 et 36, la GRC a refusé de communiquer des parties d’un courriel en double échangé par elle et le Bureau du Conseil privé (BCP). Je suis d’avis que l’information est une recommandation faite par des employés d’une institution fédérale à l’intention d’une autre institution.

[13]      En ce qui concerne la page 393, la communication d’une section d’un tableau illustrant le calendrier du projet Natterjack est refusée. Je suis d’avis que les renseignements non communiqués dans le tableau consistent en des recommandations faites par une institution fédérale à une autre. Je ne suis cependant pas d’avis que le reste des renseignements non communiqués dans le tableau sont des avis ou des recommandations.

[14]      Par conséquent, je conclus que les renseignements dont la communication a été refusée aux pages 34 et 36 ainsi qu’une partie des renseignements dont la communication a été refusée à la page 393 satisfont aux critères de l’exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[15]      Puisque les renseignements aux pages 34, 36 et une partie de ceux à la page 393 satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a), la GRC devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, la GRC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[16]      La GRC n’a pas à fournir une analyse détaillée de chaque facteur considéré ni expliquer comment ils ont été mesurés les uns par rapport aux autres. Cependant, une déclaration générale selon laquelle l’institution a exercé son pouvoir discrétionnaire et tenu compte de tous les facteurs pertinents ne suffit pas.

[17]      La GRC a expliqué qu’elle avait pesé le droit d’accès, la nature des renseignements non communiqués, la source de ceux-ci, les recommandations reçues durant le traitement de la demande et la nécessité de préserver ses relations avec d’autres ministères. Elle a décidé que les préoccupations et les recommandations reçues concernant la divulgation justifiaient d’appliquer l’exception aux renseignements.

[18]      Je conclus que la GRC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. L’exercice du pouvoir discrétionnaire par la GRC était donc raisonnable.

[19]      Cependant, le reste des renseignements à la page 393 ne satisfait pas aux critères de l’exception. Puisque les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)a), le Commissariat à l’information s’est penché sur la question de savoir si l’alinéa 21(1)b) pourrait être utilisé pour refuser leur communication.

Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations

[20]      L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.

[21]      Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[22]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
  • le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
  • au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.

[23]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[24]      Comme décrit ci-dessus, l’information visée par l’exception à la page 393 consiste en une section d’un tableau illustrant le calendrier du projet Natterjack, dont la communication a été refusée parallèlement en vertu des alinéas 21(1)a) et b).

[25]      Je suis d’avis que cette information consiste en un compte rendu écrit de consultations entre des employés d’institutions fédérales et que les renseignements ont été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[26]      Je conclus que les renseignements à la page 393 satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[27]      Étant donné que les renseignements à la page 393 satisfaisaient aux critères de l’alinéa 21(1)b), la GRC devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, la GRC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[28]      La GRC a démontré qu’elle avait pesé le droit d’accès et la nécessité de protéger l’information. La GRC a notamment établi qu’elle devait protéger sa relation avec d’autres ministères lorsqu’elle travaille sur des questions gouvernementales et, en l’espèce, ses délibérations en vue de prendre une décision étaient nécessaires. La GRC a exercé son pouvoir discrétionnaire pour communiquer d’autres parties de l’information dans le tableau.

[29]      Je conclus que la GRC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, le pouvoir discrétionnaire exercé par la GRC était raisonnable.

[30]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements dont la communication a été refusée aux pages 34, 36 et 393 satisfont aux critères des exceptions prévues aux alinéas 21(1)a) et/ou b)  de la Loi .

Recherche raisonnable

[31]      La GRC est tenue d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.

[32]      Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.

[33]      Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.

L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?

[34]      La partie plaignante allègue que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents pertinents et que certains documents manquent dans la réponse qui lui a été fournie. Elle allègue notamment que :

  • Il manquait des communications par courriel qui ont été fournies à la partie plaignante par une autre institution fédérale dans le cadre d’une demande d’accès distincte.
  • Les documents étaient principalement des courriels et des pièces jointes, et ne comprenaient pas de procès-verbaux de réunion, de breffages ou de notes manuscrites.
  • Il était difficile de savoir si les pièces jointes à de nombreuses communications par courriel avaient été fournies.

[35]      Au cours de l’enquête, le Commissariat a examiné l’information relative aux secteurs de programme chargés d’effectuer une recherche afin d’établir s’ils s’étaient acquittés de leur obligation en vertu de la Loi , à savoir de localiser les documents pertinents dans le cadre de la demande. Je suis d’avis que la GRC a chargé les secteurs de programme qui connaissaient le sujet de la demande et qui seraient susceptibles de détenir des documents pertinents.

[36]      Cependant, l’enquête a permis de conclure que les recherches effectuées par les secteurs de programme étaient incomplètes. La GRC a reconnu que, en raison d’une omission, un secteur de programme n’a pas chargé toutes les personnes détenant des documents de faire une recherche. De plus, elle a expliqué que certains secteurs de programme n’ont pas utilisé tous les critères de recherche pertinents lorsqu’ils ont effectué leurs recherches initiales de documents.  

[37]      Dans ses observations, la GRC a avisé le Commissariat que les secteurs de programme effectuaient des recherches supplémentaires de documents et qu’elle fournirait une nouvelle réponse à la partie plaignante. La GRC pas fourni de nouvelle réponse à la partie plaignante à ce jour.

[38]      Je conclus que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents.

Résultat

[39]      La plainte est fondée parce que la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents.

Ordonnances

J’ordonne au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ce qui suit :

  1. Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante au plus tard le 60e jour ouvrable après la réception du compte rendu;
  2. Communiquer à la partie plaignante tous les documents pertinents localisés par la GRC à la suite des recherches supplémentaires, à moins que leur communication puisse être refusée, en tout ou en partie, en vertu d’une ou plusieurs dispositions de la partie I de la Loi . Si tel est le cas, mentionner la ou les dispositions en question.

Rapport et avis de l’institution

Le 13 mars 2025, j’ai transmis au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 11 avril 2025, le directeur général, Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, m’a avisée que le ministre donnerait suite aux ordonnances.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi , la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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