Environnement et Changement climatique Canada (Re), 2025 CI 51
Date : 2025-10-03
Numéro de dossier du Commissariat : 5825-00996
Numéro de la demande d’accès : A-2024-00386
Sommaire
La partie plaignante allègue qu’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), en réponse à une demande d’accès, n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai prorogé en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents relatifs à un projet d’installation d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) appelée « GNL Cedar », à partir de janvier 2020. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
L’enquête a permis de conclure qu’ECCC n’a pas répondu à la date fixée et qu’il est réputé avoir refusé de communiquer les documents demandés en vertu du paragraphe 10(3). Le retard est attribuable au fait que les bureaux de première responsabilité (BPR) et le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) n’ont pas fourni les documents et traité la demande en temps opportun.
La Commissaire à l’information a ordonné à ECCC de fournir des réponses provisoires contenant les documents qui ne nécessitent pas de consultation et de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 16 mars 2026.
La Commissaire a aussi recommandé à ECCC d’élaborer des processus et des procédures pour veiller à ce que les BPR fournissent en temps opportun les documents pertinents, et d’élaborer des indicateurs de rendement afin de tenir ses cadres supérieurs responsables des retards dans la transmission des documents pertinents au bureau de l’AIPRP d’ECCC.
ECCC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux ordonnances et aux recommandations, et a décrit la manière dont les recommandations sont mises en œuvre.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue qu’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), en réponse à une demande d’accès, n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai prorogé en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents relatifs à un projet d’installation d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) appelée « GNL Cedar », à partir de janvier 2020. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Délais pour répondre aux demandes d’accès
[2] L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9. Lorsqu’une institution ne répond pas à une demande dans le délai de 30 jours ou dans le délai prorogé, elle est réputée avoir refusé de communiquer les documents en vertu du paragraphe 10(3).
[3] L’institution est néanmoins tenue de fournir une réponse à la demande.
Qu’est-ce qu’une réponse?
[4] La réponse à une demande d’accès doit être écrite et elle doit indiquer si l’institution communique les documents demandés, en tout ou en partie.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle communique les documents, en tout ou en partie, l’institution doit les communiquer.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle refuse de communiquer les documents, en tout ou en partie, l’institution doit expliquer que les documents n’existent pas ou qu’elle refuse de les communiquer, en tout ou en partie, en vertu d’une exception précise, et elle doit identifier cette disposition.
[5] Dans des circonstances précises, l’institution peut refuser de confirmer ou de nier l’existence des documents, en vertu du paragraphe 10(2).
L’institution a-t-elle répondu dans les délais?
[6] ECCC a reçu la demande d’accès le 16 septembre 2024. Le 21 octobre 2024, ECCC a prorogé le délai de réponse à la demande de 210 jours en vertu des alinéas 9(1)a), 9(1)b) et 9(1)c).
[7] ECCC n’avait pas répondu à la demande d’accès à l’échéance du délai prorogé. Je conclus donc qu’il n’a pas respecté son obligation de répondre à la demande dans le délai prorogé. Par conséquent, ECCC est réputé avoir refusé de communiquer les documents demandés en vertu du paragraphe 10(3).
[8] L’enquête a révélé qu’il y a 3 726 pages de documents potentiellement pertinents dans le cadre de la demande d’accès. Il a fallu à quatre bureaux de première responsabilité (BPR), soit la Direction des activités de protection de l’environnement, le Bureau des marchés du carbone, la Direction de l’énergie et des transports et la Direction générale de la politique stratégique et des affaires internationales, ensemble, entre six et neuf mois pour envoyer tous les documents pertinents au bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP), alors que d’autres BPR ont fourni leurs documents dès octobre 2024.
[9] J’estime que le temps pris par ces quatre BPR pour récupérer tous les documents pertinents est inacceptable. L’absence de réponse de la part des BPR a eu une incidence sur la capacité d’ECCC de respecter son obligation de répondre à cette demande d’accès conformément aux exigences de la Loi. La ministre se doit de rappeler à ses fonctionnaires leur responsabilité, à savoir d’assurer aux Canadiens et Canadiennes un accès à l’information en temps opportun. La responsabilité de veiller au respect de la Loi n’incombe pas seulement au bureau de l’AIPRP; il s’agit d’une responsabilité ministérielle et collective. C’est au responsable de l’institution, en l’occurrence la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, de veiller à ce que cette responsabilité soit comprise et respectée au sein de l’institution.
[10] L’examen des documents a commencé le 7 juillet 2025, après l’échéance de la prorogation de délai et seulement après avoir reçu avis de la plainte relative au retard. Sur les 3 726 pages, 2 708 avaient été examinées en date du 14 août 2025. ECCC a indiqué qu’il s’attendait à ce que l’examen des documents soit terminé au plus tard le 30 septembre 2025.
[11] ECCC a expliqué que les retards dans le traitement des documents sont attribuables à la grande quantité de documents et à leur complexité, en plus de l’immense charge de travail du bureau de l’AIPRP.
[12] Selon les documents qui avaient été examinés en date du 14 août 2025, ECCC avait noté que certains des documents devraient faire l’objet d’une consultation auprès d’au moins six tiers, trois autres ministères, un gouvernement provincial et ses propres Services juridiques en ce qui a trait à de potentiels documents confidentiels du Cabinet. Compte tenu de la quantité de documents et du nombre de consultations, ECCC a indiqué qu’il faudrait environ un mois pour envoyer les dossiers de consultation et qu’il s’attendait à ce que le processus de consultation soit terminé au plus tard le 31 mars 2026.
[13] Les articles 27 et 28 de la Loi prévoient un processus selon lequel les institutions donnent aux tiers la possibilité de présenter des observations.
[14] Bien que je reconnaisse que, dans certaines circonstances, il peut être approprié qu’une institution fasse des consultations, c’est à ECCC qu’il incombe de veiller à ce que le processus de consultation ne retarde pas indûment l’accès.
[15] ECCC prévoyait qu’il lui faudrait environ 35 jours ouvrables pour le processus d’approbation et trois autres jours ouvrables pour préparer et envoyer la réponse finale. ECCC a expliqué qu’il fournirait une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 15 mai 2026. Il a indiqué qu’il fournirait une réponse provisoire lorsque c’était possible de le faire.
[16] Je suis d’avis que mai 2026 est une date déraisonnable, compte tenu du temps pendant lequel la réponse à la demande d’accès n’a pas progressé et du fait qu’ECCC semble avoir attendu la plainte auprès du Commissariat pour y donner suite. La partie plaignante attend maintenant une réponse à sa demande d’accès depuis près d’un an. Chaque jour supplémentaire pris pour répondre à cette demande représente un jour de plus où les droits d’accès de la partie plaignante lui sont refusés. Ce retard est inacceptable et contrevient clairement aux obligations d’ECCC en vertu de la Loi, et mine la crédibilité du système d’accès.
[17] Dans ses observations, ECCC a indiqué que l’équipe responsable du traitement de la demande doit gérer plusieurs plaintes relatives à l’accès à l’information, de même que d’autres demandes volumineuses. Cela ne devrait pas affecter indûment le droit à une réponse en temps opportun dont bénéficie une personne qui fait une demande. ECCC devrait s’assurer que son bureau de l’AIPRP a suffisamment d’employés pour répondre aux demandes d’accès et aux plaintes en temps opportun. Il pourrait aussi envisager d’investir dans des outils conçus pour automatiser les processus répétitifs afin de permettre la réaffectation des ressources humaines aux tâches nécessitant une prise de décision (consulter mon rapport spécial intitulé Accès en question : un statu quo intenable pour en savoir plus sur des mesures similaires prises par d’autres institutions).
[18] ECCC doit répondre à la demande d’accès dans les plus brefs délais. Toute réponse doit nécessairement être conforme aux autres obligations d’ECCC en vertu de la Loi, y compris celle de donner suite à la demande de façon précise et complète, et en temps opportun. Compte tenu du travail qu’il reste à faire ainsi que des consultations nécessaires auprès de tiers, je conclus qu’il convient qu’ECCC fournisse une réponse à la demande au plus tard le 16 mars 2026 et qu’il fournisse des réponses provisoires au fur et à mesure que les documents sont disponibles.
Résultat
[19] La plainte est fondée.
Ordonnances et recommandations
J’ordonne à la ministre de l’Environnement et du Changement climatique ce qui suit :
- Transmettre des réponses provisoires contenant les documents qui ne nécessitent pas de consultation et dont l’examen est terminé;
- Fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 16 mars 2026.
Je recommande à la ministre de l’Environnement et du Changement climatique ce qui suit :
- Élaborer des processus et des procédures appropriés pour veiller à ce que les BPR d’ECCC s’acquittent de leurs responsabilités et fournissent en temps opportun les documents pertinents au bureau de l’AIPRP;
- Élaborer des indicateurs de rendement afin de tenir ses cadres supérieurs responsables des retards dans la transmission des documents pertinents au bureau de l’AIPRP d’ECCC.
Rapport et avis de l’institution
Le 11 septembre 2025, j’ai transmis à la ministre mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances et mes recommandations.
Le 25 septembre 2025, la directrice de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels d’ECCC m’a avisée que ce dernier donnerait suite à mes ordonnances et à mes recommandations. Plus particulièrement, ECCC a indiqué que les membres de son équipe de haute direction reçoivent des rappels réguliers sur l’importance de répondre aux demandes de documents en temps opportun. De plus, ECCC cherche continuellement des façons d’améliorer ses processus pour garantir des réponses en temps opportun et offre de la formation régulièrement aux BPR. ECCC croit également que la mise en œuvre du logiciel ATIPXpress, d’ici la fin de l’exercice financier, facilitera davantage les interactions entre le bureau de l’AIPRP et les fonctionnaires des programmes, en plus d’être compatible avec les outils maison de déduplication. De plus, ECCC mettra en œuvre de nouveaux indicateurs de rendement trimestriel pour les responsables des directions générales, et la sous-ministre s’est déjà engagée à tenir les fonctionnaires responsables et à améliorer la gestion de l’information.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, l’ordonnance prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.