Environnement et Changement climatique Canada (Re), 2025 CI 17
Date : 2025-03-13
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-07348
Numéro de la demande d’accès : A-2021-00635
Sommaire
La partie plaignante allègue qu’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de plusieurs dispositions de la Loi sur l’accès à l’information, dont les suivantes :
- article 14 : affaires fédérales-provinciales;
- paragraphe 19(1) : renseignements personnels;
- alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers;
- alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers;
- alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations;
- alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations.
La demande vise la stratégie de rétablissement concernant le pin à écorce blanche. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Les parties n’ont pas démontré que les critères des exceptions appliquées étaient satisfaits en ce qui concerne les renseignements de tiers. ECCC n’a pas montré qu’il avait fait des efforts raisonnables pour demander le consentement en vertu de l’alinéa 19(2)a) et n’a pas prélevé les renseignements factuels dont il avait refusé la communication en vertu des alinéas 21(1)a) et 21(1)b).
La Commissaire à l’information a ordonné à ECCC de communiquer certains renseignements pour lesquels les parties n’ont pas démontré que les critères des exceptions étaient satisfaits. ECCC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue qu’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information :
- paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux;
- article 14 : affaires fédérales-provinciales;
- paragraphe 16(2) : faciliter la perpétration d’une infraction;
- paragraphe 19(1) : renseignements personnels;
- alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers;
- alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers;
- alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations;
- alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations.
[2] La demande vise la stratégie de rétablissement concernant le pin à écorce blanche. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
[3] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information enquête sur :
- les renseignements dont la communication a été refusée aux pages 1 à 1228 des documents pertinents;
- les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 16(2), sauf ceux aux pages 1613, 1614, 1621 à 1623, 1629, 1631 à 1633, 1635, 2324 et 2325;
- les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1), sauf ceux aux pages 2309 et 2310;
- les renseignements dont la communication a été refusée en vertu des alinéas 20(1)b) ou 20(1)c), sauf lorsque l’alinéa 20(1)b) a aussi été appliqué, aux pages 2309, 2310, 3835, 3839, 3967 à 3989, 4021 et 4022.
Enquête
[4] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.
[5] Au cours de l’enquête, ECCC a décidé de ne plus invoquer les paragraphes 13(1) et 16(2) pour refuser de communiquer des renseignements, mais maintenait que ceux-ci satisfont aux critères d’autres exceptions invoquées.
Paragraphe 19(1) : renseignements personnels
[6] Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.
[7] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
- il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
- les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).
[8] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :
- la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
- les renseignements sont accessibles au public;
- la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[9] Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[10] ECCC a refusé de communiquer le nom et les coordonnées d’une personne, en vertu du paragraphe 19(1), aux pages 2309 et 2310. Cette personne avait soumis des commentaires à ECCC au sujet de l’examen de la stratégie de rétablissement concernant le pin à écorce blanche. ECCC a également refusé de communiquer ces commentaires en vertu de l’alinéa 20(1)b).
[11] Le nom et les coordonnées sont des renseignements personnels, et la personne serait identifiable s’ils étaient divulgués. Ces renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions applicables à la définition de « renseignements personnels », puisque la personne n’était pas un fonctionnaire ou un entrepreneur travaillant pour le gouvernement.
[12] ECCC a présenté des observations concernant le risque d’identifier cette personne si les commentaires étaient divulgués. ECCC a affirmé que, compte tenu du petit nombre de personnes ayant une connaissance aussi approfondie du sujet, il a de fortes possibilités que quelqu’un œuvrant dans le même domaine puisse identifier la personne qui a soumis les commentaires, seulement en fonction de ceux-ci. Le Commissariat a trouvé des éléments de preuve selon lesquels le nombre de personnes possédant ce type de connaissances spécialisées est effectivement très petit. Compte tenu de la preuve, je conclus que la position d’ECCC est corroborée, parce qu’il y a de fortes possibilités que la personne puisse être identifiée si les renseignements sont divulgués.
[13] Par conséquent, je conclus que les renseignements en cause satisfont aux critères du paragraphe 19(1).
[14] Puisque j’ai conclu que ces renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), il n’est pas nécessaire d’établir si la communication de ces mêmes renseignements peut aussi être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[15] Étant donné qu’ECCC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères du paragraphe 19(1), il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.
[16] En vertu de l’alinéa 19(2)a), ECCC était tenu d’établir si le consentement a été donné en faisant des efforts raisonnables pour demander le consentement des personnes dont les renseignements personnels figurent dans les documents. ECCC a indiqué qu’il n’avait pas demandé le consentement, car il estimait qu’il n’était pas raisonnable de le faire, puisque les renseignements se rapportent à des points de vue et des opinions personnels de nature scientifique spécialisée. Je suis en désaccord avec la position d’ECCC selon laquelle il ne serait pas raisonnable de demander le consentement pour ce motif. Comme les renseignements sont scientifiques, plutôt qu’exclusivement de nature personnelle, et puisqu’ils se rapportent à une seule personne et qu’ECCC avait facilement accès aux coordonnées de celle-ci, je ne suis pas convaincue que demander le consentement relativement à ces renseignements aurait été déraisonnable.
[17] Je conclus qu’ECCC n’a pas fait d’efforts raisonnables pour demander le consentement et, par conséquent, il n’a pas pu exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il y avait lieu de le faire.
[18] En ce qui concerne l’alinéa 19(2)b), une institution doit prendre des mesures raisonnables pour décider si les renseignements personnels sont accessibles au public. Cependant, rien n’oblige l’institution à vérifier chaque source possible. [Commissaire à l’information c. Canada (Ressources naturelles), 2014 CF 917, au para 55]. Compte tenu des éléments de preuve et des observations dont je dispose, je suis d’avis que les renseignements en cause ne sont pas accessibles au public.
[19] Finalement, le pouvoir discrétionnaire est aussi déclenché au titre de l’alinéa 19(2)c) lorsque la communication des renseignements personnels serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En l’espèce, je conclus que la communication ne serait pas conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[20] Par conséquent, je conclus que le pouvoir discrétionnaire d’ECCC n’a pas été déclenché en vertu des alinéas 19(2)b) ou 19(2)c); il n’est donc pas nécessaire d’examiner l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu de ces dispositions.
[21] Cependant, ECCC n’a pas fait d’efforts raisonnables pour établir si son pouvoir discrétionnaire était déclenché en vertu de l’alinéa 19(2)a) et, par conséquent, il n’a pas pu exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il y avait lieu de le faire.
Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers
[22] L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).
[23] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements sont de nature confidentielle;
- le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
- le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.
[24] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[25] ECCC a refusé de divulguer l’entièreté des communications relatives à Kelt Exploration Ltd (Kelt Exploration) en vertu de l’alinéa 20(1)b) lorsque ces renseignements demeurent en cause aux pages 3967 à 3971, 3976 à 3983, 3989, 4021 et 4022. Le Commissariat a demandé des observations à Kelt Exploration, conformément à l’alinéa 35(2)c), mais le tiers n’a pas répondu.
[26] Ni ECCC ni Kelt Exploration n’ont démontré que des parties précises des renseignements aux pages 3967 à 3971, 3976 à 3983, 3989, 4021 et 4022 contenaient des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Ces communications ont plutôt trait à une erreur administrative.
[27] Pour satisfaire au deuxième critère, à savoir que les renseignements sont objectivement confidentiels, ceux-ci doivent répondre aux trois conditions suivantes :
- les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
- les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
- les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453.]
[28] Bien que certaines des communications contiennent des renseignements accessibles au public, comme de l’information provenant d’une base de données accessible au public, le fait que Kelt Exploration discutait de ces sujets avec ECCC ne semble pas être public. Compte tenu du contexte de la communication, je conviens que les renseignements ont été créés et transmis avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués, et que leur échange confidentiel n’est pas contraire à l’intérêt public. Le deuxième critère de l’exception est donc satisfait.
[29] Comme les documents en cause contiennent des renseignements fournis par ECCC et Kelt Exploration, je ne suis pas convaincue que le troisième critère, à savoir que les renseignements ont été fournis par un tiers, est satisfait en ce qui concerne les renseignements provenant d’ECCC qui ne révèlent pas le teneur des renseignements fournis par Kelt Exploration.
[30] En ce qui concerne le dernier critère, je n’ai reçu aucun élément de preuve selon lequel Kelt Exploration a toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.
[31] Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b), car aucun ne satisfait aux quatre critères de l’exception.
Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations
[32] L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.
[33] Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[34] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
- le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
- au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.
[35] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[36] Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer ce qui suit :
- des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
- des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.
L’information satisfait-elle aux critères des exceptions?
[37] ECCC a refusé de communiquer des parties importantes de renseignements en vertu de l’alinéa 21(1)b), dans de nombreux cas, parallèlement à d’autres exceptions.
[38] Aux pages 3835 et 3839, ECCC a refusé de communiquer des parties d’un échange de courriels entre des employés d’ECCC et un tiers. Je suis d’avis que l’échange de courriels constitue un compte rendu écrit. Le courriel du tiers à ECCC constitue une consultation, dans le cadre de laquelle une personne demandait de l’information à ECCC. Les autres courriels constituent des délibérations connexes entre des employés d’ECCC. Au moins un employé du gouvernement fédéral participait aux consultations et délibérations, et celles-ci ont été créées moins de vingt ans avant que la demande d’accès soit présentée. Par conséquent, je conviens que les renseignements aux pages 3835 et 3839 satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b).
[39] Pour ce qui est du reste des renseignements dont la communication a été refusée en vertu de cette exception, une grande partie de ceux-ci consiste en des échanges de courriels auxquels participaient des employés d’ECCC. Je conviens donc que certains de ces renseignements constituent des comptes rendus de consultations ou de délibérations et satisfont à tous les critères de l’alinéa 21(1)b).
[40] Bien que les tribunaux aient reconnu qu’une vaste gamme de documents produits dans le cadre des processus internes des institutions fédérales satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), il faut néanmoins interpréter correctement les termes « consultations » et « délibérations ». Selon le Manuel de l’accès à l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor, le terme « consultation » signifie « action de consulter, de prendre avis; délibération, conférence » et le terme « délibération » signifie « action de délibérer (délibérer : réfléchir sur une décision à prendre, peser le pour et le contre avant de prendre une décision); examen réfléchi avant de prendre une décision ». Selon ces définitions, seuls les renseignements décrivant les consultations entreprises, les délibérations qui ont eu lieu, l’avis donné ou l’échange d’idées conduisant à une décision particulière constituent un compte rendu au sens de l’alinéa 21(1)b). Les documents contenant des renseignements factuels ou statistiques, ou qui expliquent le contexte d’une politique ou d’une disposition de loi, ne peuvent donc pas être visés par cette exception.
[41] Par exemple, dans la décision Canada (Commissariat à l’information) c. Administration Portuaire Toronto, 2016 CF 683, la Cour fédérale a statué que l’information qui « ne procède pas à l’analyse d’un problème, ne propose pas de solutions et ne contient aucune recommandation » ne satisfaisait pas aux critères de l’alinéa 21(1)b).
[42] Je constate que certains des renseignements non communiqués sont de nature factuelle. Selon ECCC, aucun des renseignements non communiqués n’était « simplement factuel ». Il n’a cependant pas démontré que cela s’appliquait à tous les renseignements. Lorsque les renseignements sont de nature factuelle et peuvent être prélevés des comptes rendus de consultations ou de délibérations, les critères de l’exception ne sont pas satisfaits (par exemple aux pages 2321, 2322, 2324-2325, 2373, 2384-2385, 2515-2517, 2947, 3093, 3749, 3753, 3762, 3788 et 3791).
[43] Je conclus que certains des renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)b), lorsque les renseignements sont de nature factuelle et ne révèlent pas la teneur de consultations ou de délibérations.
[44] Puisque certains renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), je n’ai pas examiné les autres exceptions appliquées par ECCC aux mêmes renseignements.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[45] Étant donné que certains des renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), ECCC devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, ECCC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[46] La décision prise par une institution de ne pas communiquer l’information doit être transparente, intelligible et justifiée. L’explication de l’institution est suffisante lorsque cette dernière précise comment la décision a été prise et que les documents relatifs au processus décisionnel permettent de comprendre pourquoi l’institution a procédé comme elle l’a fait.
[47] ECCC a indiqué qu’il avait pris en considération les facteurs suivants, entre autres, lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 21(1)b) :
- la nature délicate des renseignements;
- l’avis des bureaux de première responsabilité (BPR) concernés;
- le temps écoulé;
- l’intérêt public dans la communication;
- le projet étant en cours, la nature délicate des processus internes connexes;
- une fois les processus internes de coopération relatifs à la mise à jour de la stratégie de rétablissement seront terminés, celle-ci sera republiée aux fins de consultation publique et de commentaires sur le Registre public des espèces en péril;
- l’incidence de la communication sur la franchise des consultations et des délibérations internes futures;
- la bonne foi;
- les principes de justice naturelle.
[48] Dans sa prise de décision, ECCC semble avoir accordé un poids important à l’avis de ses experts en la matière.
[49] Je note que certains documents, par exemple les pages 4058 à 4063, semblent provenir de Parcs Canada, qui a indiqué ne pas s’opposer à la communication. ECCC n’a pas précisé s’il avait considéré qu’il s’agissait d’un facteur pertinent dans la décision de ne pas communiquer ces pages.
[50] Je conclus qu’ECCC n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements dont Parcs Canada avait accepté la communication. Par conséquent, l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant ces renseignements n’était pas raisonnable.
[51] Pour ce qui est du reste des renseignements, je conclus qu’ECCC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas les communiquer. Par conséquent, l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant le reste des renseignements était raisonnable.
Alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations
[52] L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.
[53] Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[54] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont des avis ou des recommandations;
- les renseignements ont été élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.
[55] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[56] Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer ce qui suit :
- des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
- des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.
L’information satisfait-elle aux critères des exceptions?
[57] ECCC a appliqué l’alinéa 21(1)a) à des parties des documents, parallèlement à l’alinéa 21(1)b) dans tous les cas.
[58] En ce qui concerne les renseignements factuels dont ECCC a refusé la communication en vertu de l’alinéa 21(1)a), comme je l’ai exposé dans mon analyse de l’alinéa 21(1)b), je conclus qu’ECCC n’a pas établi en quoi la divulgation de ces renseignements révèlerait la teneur d’avis ou de recommandations, ou pourquoi il n’est pas possible de prélever ces renseignements des avis ou recommandations.
[59] Je conclus que certains des renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)a), lorsque les renseignements sont de nature factuelle et ne révèlent pas la teneur d’avis ou de recommandations.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[60] Étant donné qu’ECCC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’alinéa 21(1)a), il devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, ECCC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[61] ECCC a indiqué avoir pris en considération les facteurs suivants lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser de communiquer les renseignements :
- la nature délicate des renseignements;
- l’avis du BRP concerné;
- le temps écoulé;
- l’intérêt public dans la communication;
- l’incidence de la communication sur la franchise des avis ou recommandations futurs;
- la bonne foi;
- les principes de justice naturelle.
[62] Ces facteurs semblent pertinents. Je conclus qu’ECCC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par ECCC était raisonnable.
Article 14 : affaires fédérales-provinciales
[63] L’article 14 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires fédérales-provinciales.
[64] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à la conduite des affaires fédérales-provinciales du gouvernement du Canada (par exemple, des renseignements sur des consultations ou des délibérations fédérales-provinciales ou sur la stratégie ou les tactiques du gouvernement du Canada liées à la conduite des affaires fédérales-provinciales, comme le prévoient les alinéas 14a) et b)).
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[65] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[66] ECCC a refusé de communiquer les renseignements en cause restants aux pages 2455, 2457, 2947, 3010 à 3013, 3072, 3074, 3075, 3078 et 3079, en vertu de l’article 14, dans tous les cas parallèlement à d’autres exceptions. Au cours de l’enquête, ECCC a aussi invoqué l’article 14 pour refuser de communiquer des renseignements aux pages 3014 à 3017.
[67] Puisque j’ai conclu que les renseignements aux pages 2455, 2457 et 3014 satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), qui a été appliqué parallèlement à l’article 14, il n’était pas nécessaire d’analyser si les critères de l’article 14 sont satisfaits en ce qui a trait à ces renseignements.
[68] Je ne suis pas convaincue que les renseignements à page 2947 satisfont aux critères de l’article 14. Les observations d’ECCC ne mentionnent pas en quoi le simple échange de renseignements principalement factuels pourrait vraisemblablement nuire aux affaires fédérales-provinciales.
[69] Je conviens que le reste des renseignements se rapportent à un échange confidentiel entre ECCC et la province de la Colombie-Britannique. ECCC a présenté des observations attestant que la province s’attendait à ce que les renseignements demeurent confidentiels. Je suis d’avis que la communication des renseignements aux pages 3010 to 3013, 3072, 3074, 3075, 3078 et 3079 pourrait vraisemblablement briser la confiance entre la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral.
[70] Je conclus que les renseignements aux pages 3010 à 3013, 3072, 3074, 3075, 3078 et 3079 satisfont aux critères de l’article 14, mais les renseignements à la page 2947 n’y satisfont pas.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[71] Étant donné que certains des renseignements satisfont aux critères de l’article 14, ECCC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, ECCC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[72] ECCC a indiqué avoir pris en considération les facteurs suivants lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser de communiquer les renseignements :
- la nature délicate des renseignements;
- l’avis du BRP concerné;
- le temps écoulé;
- l’intérêt public dans la communication;
- l’incidence de la communication sur la capacité d’ECCC de discuter de ces questions avec ses homologues provinciaux;
- la bonne foi.
- les principes de justice naturelle.
[73] Ces facteurs semblent pertinents. Je conclus qu’ECCC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par ECCC était raisonnable.
Résultat
[74] La plainte est fondée.
Ordonnance
J’ordonne au ministre de l’Environnement ce qui suit :
- Demander à la personne à qui se rapportent les renseignements dont la communication a été refusée aux pages 2309 et 2310 son consentement pour les communiquer. Si le consentement est obtenu, exercer raisonnablement le pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)a);
- Communiquer tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) qui se trouvent aux pages 3967 à 3971, 3976 à 3983, 3989, 4021 et 4022;
- Communiquer les renseignements dont la communication a été refusée en vertu des alinéas 21(1)a) et 21(1)b), lorsque les renseignements sont de nature factuelle et ne révèlent pas la teneur de conseils, de recommandations, de consultations ou de délibérations;
- Communiquer tous les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’article 14 qui se trouvent à la page 2947;
- Exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements qui, selon Parcs Canada, peuvent être communiqués, mais qu’ECCC a refusé de communiquer en vertu de l’alinéa 21(1)b), en prenant en considération tous les facteurs pertinents pour et contre la communication.
Rapport et avis de l’institution
Le 3 février 2025, j’ai transmis au ministre de l’Environnement mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.
Le 28 février 2025, la directrice, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, d’ECCC m’a avisée que ce dernier donnerait suite aux ordonnances. La directrice a indiqué qu’ECCC avait déjà pris des mesures en vue de donner suite à l’ordonnance, notamment demander le consentement en vertu de l’alinéa 19(2)(a), et a exposé les mesures que prendra ECCC pour donner suite à chaque partie de l’ordonnance. Je note qu’ECCC a indiqué qu’il consultera la province de la Colombie-Britannique pour confirmer que l’article 14 ne s’applique pas aux renseignements à la page 2947.
Je rappelle au ministre que s’il ne prévoit pas de donner suite à l’ensemble de mon ordonnance en communiquant les renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’article 14 à la page 2947, il doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai prévu au paragraphe 41(2) de la Loi.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.