Emploi et Développement social Canada (Re), 2023 CI 35

Date : 2023-08-18
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-02740
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00281

Sommaire

La partie plaignante allègue qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 16(1)c) (déroulement d’enquêtes), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers de tiers) et l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des rapports d’enquête sur des accidents mortels en milieu de travail dans l’industrie ferroviaire rédigés par EDSC entre 2000 et 2020. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

La Commissaire à l’information a conclu qu’une grande partie des renseignements non communiqués satisfont aux critères du paragraphe 19(1), car il s’agit de renseignements au sujet des victimes, des témoins et d’autres individus impliqués, mais a conclu que certains renseignements ne concernaient pas des individus identifiables ou concernaient des individus décédés depuis plus de vingt ans.

Le Commissariat à l’information a demandé des observations à trois tiers. Pour ce qui est des renseignements de tiers, ni EDSC ni les tiers n’ont fourni d’observations suffisantes pour démontrer que la plupart des renseignements de tiers non communiqués satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b) ou que des renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c).

La plainte est fondée.

La Commissaire a ordonné à EDSC de communiquer les renseignements pour lesquels il n’a pas démontré qu’ils satisfaisaient aux critères des exceptions, d’établir s’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il ne l’a pas encore fait, et d’exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il n’a pas démontré qu’il l’avait exercé raisonnablement.

EDSC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 16(1)c) (déroulement d’enquêtes), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers de tiers) et l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des rapports d’enquête sur des accidents mortels en milieu de travail dans l’industrie ferroviaire rédigés par EDSC entre 2000 et 2020. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[3]      Le Commissariat à l’information a demandé des observations à trois tiers conformément à l’alinéa 35(2)c) : la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN), le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (le CFCP) et la Ville d’Ottawa. Le CN et le CFCP ont répondu, mais la Ville d’Ottawa n’a pas présenté d’observations en vertu de l’alinéa 35(2)c) de la Loi.

[4]      Comme l’exige l’article 36.3, le Commissariat a avisé les trois tiers de mon intention d’ordonner à EDSC de communiquer certains des renseignements en cause. Le CN est le seul tiers qui a répondu.

Alinéa 16(1)c) : déroulement d’enquêtes

[5]      L’alinéa 16(1)c) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application des lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes (par exemple, des renseignements sur l’existence d’une enquête qui révéleraient l’identité d’une source confidentielle ou qui ont été obtenus au cours d’une enquête, comme le prévoient les sous-alinéas 16(1)c)(i) à (iii)).

[6]      Pour invoquer cette exception relativement à l’application des lois fédérales ou provinciales, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’application de toute loi du Canada ou d’une province;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[7]      Pour invoquer cette exception relativement au déroulement des enquêtes, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire au déroulement d’enquêtes licites, c’est-à-dire d’enquêtes qui relèvent des pouvoirs d’une institution et qui correspondent à l’une des situations suivantes :
    • elles sont menées pour appliquer une loi fédérale ou sont autorisées en vertu d’une telle loi;
    • elles font partie d’une catégorie d’enquête décrite à l’annexe II du Règlement sur l’accès à l’information.

[8]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[9]      Comme pour les autres critères de préjudice, pour que l’alinéa 16(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 RCS 773; Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206]. En l’espèce, EDSC a appliqué l’alinéa 16(1)c) pour refuser de communiquer des photographies prises durant des enquêtes.

[10]    Selon l’information fournie par EDSC, il semble qu’aucune des enquêtes associées aux photographies n’était en cours au moment où la réponse a été fournie et les photographies ne semblent pas révéler de technique d’enquête. Le Commissariat a cherché à savoir en quoi il y a une attente raisonnable, soit plus qu’une simple conjecture, que la divulgation nuise directement à des enquêtes ou à l’application d’une loi. EDSC n’a pas indiqué un tel préjudice dans ses observations et il n’a donc pas pu démontrer qu’il y avait une attente raisonnable qu’il puisse être causé par la divulgation.

[11]    Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 16(1)c). Par conséquent, il n’est pas nécessaire de vérifier si ESDC a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[12]    Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[13]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[14]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[15]    Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[16]    Je conviens que les documents demandés contiennent une quantité importante de renseignements personnels concernant des individus identifiables, puisque les renseignements concernant la mort d’un individu sont manifestement visés par la définition des renseignements concernant cet individu, et que les rapports contiennent d’autres renseignements qui ont toujours été considérés comme concernant des individus, comme des dépositions de témoins. Le Commissariat a cependant cherché à savoir si tous les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) satisfont aux critères de l’exception.

[17]    L’un des individus semble être décédé plus de vingt ans avant la date de la réponse à la demande, ce qu’a confirmé EDSC. Par conséquent, les renseignements au sujet de l’individu sont assujettis à l’exception prévue à l’alinéa 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicable à la définition de « renseignements personnels ». Ce type de renseignement est seulement visé par l’exception prévue au paragraphe 19(1) quand il s’agit également des renseignements personnels d’un autre individu, comme dans un témoignage ou lorsque la divulgation révélerait des renseignements personnels au sujet des membres survivants de la famille de la victime.

[18]    Lorsque des renseignements comme les titres de rapport n’ont pas été communiqués, le Commissariat a cherché à savoir en quoi ceux-ci constituaient des renseignements personnels d’un individu identifiable. L’explication fournie par EDSC en réponse à la demande d’observations du Commissariat, à savoir que leur divulgation pourrait permettre de rassembler des renseignements personnels, ne contient pas d’explication précise sur la manière dont EDSC a établi qu’il y avait un risque important de réidentification lié à ces renseignements. Par conséquent, je conclus qu’EDSC n’a pas démontré qu’une analyse appropriée avait été réalisée afin d’établir si ces renseignements concernaient un individu identifiable.

[19]    Conformément à l’alinéa 35(2)d), le Commissariat a consulté le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP). Celui-ci était d’accord avec mon évaluation ci-dessus et a conseillé qu’EDSC fasse preuve de prudence lorsqu’il détermine les individus que les renseignements concernent et évalue s’il y a un risque important de réidentification. Le CPVP a souligné les points suivants :

[traduction]

Bien que, manifestement, les renseignements personnels concernent l’individu décédé, certains renseignements pourraient également concerner d’autres individus, comme des membres de la famille proche. Par exemple, si le défunt souffrait d’une maladie héréditaire, la divulgation de cette information pourrait révéler du même coup des renseignements concernant ses parents, ses frères et sœurs ainsi que ses enfants. De même, dans les situations où l’employé décédé était impliqué dans une situation impliquant un autre employé, il faudrait se demander si la divulgation peut également révéler des renseignements personnels concernant d’autres employés. D’autres situations pourraient s’appliquer; c’est pourquoi le CPVP recommande de procéder à une évaluation globale lorsque des renseignements très sensibles concernant un individu décédé depuis plus de vingt ans sont divulgués. Et, bien qu’il ne s’agisse pas d’un motif pour refuser de communiquer des renseignements, il faudrait également envisager d’informer les plus proches parents au préalable, dans l’éventualité où la divulgation des renseignements pourrait causer un traumatisme ou un autre préjudice à la famille.

[…]

Dans les cas où [des renseignements généraux au sujet de l’équipement, des procédures et des recommandations ne sont] pas directement liés à la blessure ou au décès de l’individu, il pourrait ne pas s’agir de renseignements personnels. Cependant, dans les situations où ces renseignements sont pertinents eu égard à la cause de la blessure ou du décès, ils pourraient révéler des renseignements personnels concernant les actions d’un employé (celles du défunt ou d’autres employés).

[20]    Je conclus que certains des renseignements non communiqués ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1), lorsque l’individu qu’ils concernent n’est pas identifiable ou lorsque les renseignements concernent seulement un individu dont le décès s’est produit plus de vingt ans avant que la demande soit traitée.

L’institution était-elle tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire et, le cas échéant, a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[21]    Étant donné qu’une partie des renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[22]    En vertu de l’alinéa 19(2)a), EDSC était tenu d’établir si le consentement a été donné en faisant des efforts raisonnables pour demander le consentement des personnes dont les renseignements personnels figurent dans les documents. Puisque certaines familles souhaitent obtenir ces rapports, comme le montrent les demandes d’accès qu’elles ont présentées pour les obtenir, certaines familles pourraient également être disposées à consentir à la divulgation des renseignements concernant les défunts. Le Commissariat a donc cherché à savoir si EDSC avait fait des efforts raisonnables pour demander le consentement et, sinon, pourquoi il n’a pas estimé raisonnable de le faire. Compte tenu de l’information dont je dispose, je suis d’avis qu’il n’aurait pas été raisonnable de demander le consentement.

[23]    Je conclus que les circonstances énoncées à l’alinéa 19(2)a) n’existaient pas lorsqu’EDSC a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)a).

[24]    En vertu de l’alinéa 19(2)b), EDSC était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire si certains des renseignements personnels étaient accessibles au public. Le Commissariat a demandé à EDSC s’il avait vérifié si les renseignements personnels étaient accessibles au public au moment de traiter la demande, car le Commissariat a constaté que certains des renseignements étaient accessibles en ligne.

[25]    Dans ses observations, EDSC a indiqué qu’il savait que certains renseignements relatifs aux accidents mortels en question sont publics, mais il affirmait que les renseignements qui sont publics ne sont pas les mêmes que ceux qui figurent dans les documents. Je ne suis pas d’accord avec son affirmation selon laquelle il n’y a pas de chevauchement entre les renseignements accessibles au public et les renseignements en cause. Quand le décès d’un individu est publiquement lié à un incident en milieu de travail tiers, il semble évident qu’EDSC serait tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire quant à la divulgation du fait qu’il a enquêté sur le décès de cet individu, car cela révélerait seulement l’information qui est accessible au public (soit le fait qu’un individu est décédé au travail) et qu’EDSC remplissait son mandat, à savoir enquêter sur ces accidents mortels.

[26]    EDSC a aussi indiqué que, s’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire, il pourrait raisonnablement le faire afin de refuser de communiquer des renseignements accessibles au public. Il n’a cependant pas indiqué les facteurs pris en considération qui auraient penché en faveur d’un refus de communiquer des renseignements publics. EDSC n’a pas fourni suffisamment d’information indiquant qu’il avait pris en considération ses obligations en matière de pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)b). Je conclus donc qu’EDSC n’a pas démontré qu’il a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire.

[27]    EDSC était également tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)c) lorsque la communication serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme les documents concernent des accidents mortels en milieu de travail, le Commissariat a cherché à savoir si EDSC avait tenu compte du sous-alinéa 8(2)m)(i) de cette loi, qui lui aurait permis de communiquer des renseignements personnels lorsque « des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ». EDSC a indiqué qu’il avait évalué si la communication était dans l’intérêt public, mais a conclu que ce n’était pas le cas dans la plupart des situations, car les décès étaient soit non liés au travail, soit accidentels. Lorsqu’EDSC était d’avis que la communication pourrait être dans l’intérêt public, il n’a pas conclu que ce dernier justifiait la violation de la vie privée qui aurait découlé de la communication, car les renseignements relatifs à la sécurité avaient déjà été communiqués aux médias et leur communication ne favoriserait pas davantage l’intérêt public. L’affirmation d’EDSC selon laquelle tous les renseignements qui sont dans l’intérêt de la sécurité publique sont déjà dans le domaine public ne correspond pas à ce que j’ai constaté, et EDSC n’a pas donné d’exemples précis de cas où les renseignements qui sont déjà publics sont dans l’intérêt public.

[28]    EDSC n’a pas démontré qu’il avait adéquatement tenu compte de la mesure dans laquelle la communication des renseignements serait dans l’intérêt public, et il n’a donc pas démontré qu’il avait pondéré l’intérêt public par rapport à la violation de la vie privée de l’individu. Par conséquent, je dois conclure qu’EDSC n’a pas démontré que les circonstances énoncées à l’alinéa 19(2)c) existaient, ce qui l’a empêché d’exercer son pouvoir discrétionnaire, le cas échéant.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[29]    L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[30]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[31]    Lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[32]    Je conviens que certains des renseignements concernent des procédures, des équipements et des processus propres à un tiers, et sont donc des renseignements commerciaux ou techniques, ce qui satisfait au premier critère de l’exception. Bien que dans ses observations à EDSC, le CFCP ait désigné des sommaires d’événements, des renseignements sur les procédures propres au CFCP et une photographie comme étant des renseignements commerciaux ou techniques, ni EDSC ni les tiers ne m’ont fourni d’observations suffisantes pour établir dans quelle mesure les renseignements non communiqués sont de nature commerciale ou technique. Les incidents mortels ne semblent pas faire partie intégrante des opérations commerciales de ces compagnies. Le Commissariat a cherché à savoir dans quelle mesure les documents révèlent des méthodes de tiers ou comment les tiers mènent leurs opérations, afin qu’ils puissent être considérés comme des renseignements commerciaux ou techniques, au sens ordinaire de ces termes. Certains de ces renseignements en particulier ne correspondent manifestement pas aux définitions communes de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques.

[33]    Il convient de noter que le fait que les opérations aient un but commercial ne signifie pas que tous les renseignements liés à ces opérations sont de nature commerciale, au sens ordinaire du terme. Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, au para 69, la Cour d’appel fédérale a rejeté une telle large interprétation du mot « commercial » lorsqu’il est appliqué à des renseignements :

[…] le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce. Il ne s’ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ».

[34]    Les renseignements en cause ne concernent pas le commerce. Les documents contiennent plutôt les observations et les conclusions des inspecteurs de réglementation concernant des accidents mortels. Il ne s’agit pas de renseignements commerciaux et le simple fait qu’ils soient liés aux opérations commerciales d’une entité n’en fait pas des renseignements commerciaux.

[35]    Je ne suis pas convaincue que la majeure partie des renseignements caviardés (à savoir des sommaires, des notes et des conclusions d’inspecteurs) constituent des renseignements techniques, au sens ordinaire du terme. Bien qu’il soit possible que des petites parties des renseignements en cause satisfassent à ce critère, aucune partie n’a été désignée comme telle par les tiers ou EDSC. De plus, la communication de ces parties pourrait seulement être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) si tous les autres critères de l’exception étaient satisfaits.

[36]    Je conclus que les renseignements ne satisfont pas au premier critère de l’exception lorsqu’ils ne concernent pas des procédures, de l’équipement ou des processus propres à un tiers.

[37]    Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453.]

[38]    Les renseignements relatifs aux décès de certains des employés ont été rendus publics dans une certaine mesure, comme mentionné dans l’analyse des renseignements personnels connexes. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que les conditions de la confidentialité objective peuvent être remplies, lorsque la communication révélerait seulement des renseignements déjà accessibles au public.

[39]    Dans la mesure où les renseignements non communiqués ont été rendus publics dans le cadre d’instances judiciaires, comme cela semble être le cas pour certains, je ne suis pas convaincue que ces renseignements sont objectivement confidentiels. Par conséquent, ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

[40]    Je ne suis pas non plus convaincue que les renseignements en cause ont été créés et transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués. Les documents en cause ont été créés et transmis dans le contexte du mandat d’EDSC en vertu du Code canadien du travail, à savoir enquêter sur les décès d’employés qui se sont produits en milieu de travail ou lorsque l’employait travaillait.

[41]    Dans ses observations, le CN soutenait que la confidentialité est prévue par le Code canadien du travail. Bien que le paragraphe 144(3) du Code canadien du travail figure à l’annexe II et qu’il permettrait à EDSC d’invoquer le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour refuser de communiquer des secrets de fabrication ou de commerce, EDSC n’a pas invoqué ce paragraphe au moment où il a traité la demande et ne l’a pas fait dans sa réponse à ma demande d’observations. Le CN n’a pas non plus fourni à EDSC ou au Commissariat des observations expliquant en quoi les renseignements non communiqués constituent des secrets de fabrication ou de commerce. Par conséquent, je conclus que les renseignements en cause ne sont pas confidentiels en vertu du Code canadien du travail. Si l’intention du Parlement avait été que l’article 144 du Code canadien du travail protège la confidentialité de tous les renseignements recueillis par EDSC dans le cadre de ses enquêtes, le Commissariat s’attendrait à ce que l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information prévoie plus que la protection explicite visant les secrets de fabrication ou de commerce.

[42]    Les paragraphes 144(5) et (5.01) de celui-ci semblent réduire l’assurance raisonnable de confidentialité quant aux renseignements obtenus dans l’exercice des activités prévues à l’article 141. Ces dispositions permettent la publication ou la communication de ce type de renseignements si le chef est convaincu qu’il y va de l’intérêt de la santé et de la sécurité au travail ou de l’intérêt public. Je ne suis pas convaincue que tous ces renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation entre le tiers et EDSC et que la confidentialité des renseignements favorise l’intérêt public. Certains des renseignements se rapportent à des questions de sécurité. Par conséquent, il semblerait que l’intérêt public serait favorisé par la communication des renseignements non divulgués plutôt que par leur confidentialité.

[43]    Compte tenu de ce qui précède, il n’a pas été établi que le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) est satisfait pour tous les renseignements sauf les renseignements hautement confidentiels dont la divulgation nuirait à la relation entre les tiers et le gouvernement, ce qui serait contraire à l’intérêt public. Par exemple, il ne serait pas dans l’intérêt public de communiquer les renseignements concernant les processus ou la formation d’une entreprise qui ne sont pas liés à la cause du décès de l’employé.

[44]    Pour ce qui est du troisième critère de l’alinéa 20(1)b), je constate que la majorité des renseignements en cause n’ont pas été fournis à une institution fédérale par un tiers. Bien que les documents aient été préparés en tenant compte d’observations concernant les opérations de tiers et, dans certains cas, avec des renseignements fournis par des tiers, cela ne suffit pas pour considérer que les renseignements en cause ont été fournis par ces tiers. La jurisprudence ayant trait à l’alinéa 20(1)b) a régulièrement fait la distinction entre des renseignements fournis par un tiers et des observations indépendantes qui ont été faites selon des renseignements qui ont été fournis [voir, p. ex. : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 152-158; Canada (Transports) c. Air Transat A.T. Inc., 2019 CAF 286, para 71-81].

[45]    Les parties des documents en cause qui pourraient être considérées comme ayant été fournies par des tiers se limitent aux renseignements provenant directement de ces tiers, sans qu’il y soit ajouté d’évaluation, d’observation ou de commentaire de la part de fonctionnaires d’EDSC, comme des citations directes ou des copies de documents internes d’un tiers. La majeure partie de ces renseignements ne consiste pas en ce type d’information. Par conséquent, sauf quelques exceptions, le troisième critère de l’alinéa 20(1)b) n’est pas satisfait.

[46]    Enfin, pour ce qui est du dernier critère de l’alinéa 20(1)b), compte tenu des observations fournies à EDSC par le CN et du CFCP, de façon générale, il semblerait que ces tiers ont toujours traité les renseignements comme étant confidentiels. Comme aucune observation n’a été reçue de la Ville d’Ottawa, je ne peux pas présumer qu’elle a toujours traité les renseignements la concernant comme étant confidentiels.

[47]    Je conclus que la plupart des renseignements non communiqués ne satisfont pas à tous les critères de l’alinéa 20(1)b). Plus précisément, je conviens que les critères de l’alinéa 20(1)b) sont satisfaits seulement dans les cas suivants :

  • les renseignements provenaient directement du CN ou du CFCP, sans qu’il y soit ajouté d’évaluation, d’observation ou de commentaire de la part de fonctionnaires d’EDSC;
  • la divulgation révélerait des renseignements concernant la formation, les procédures, l’équipement ou les processus propres à un tiers;
  • les renseignements ne sont pas accessibles au public;
  • la communication ne serait pas dans l’intérêt public pour des raisons de santé ou de sécurité.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[48]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[49]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[50]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[51]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[52]    Pour que l’alinéa 20(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[53]    En l’espèce, le CN a affirmé que la divulgation des conclusions de l’enquêteur concernant la cause d’un accident mortel pourrait être interprétée comme si la responsabilité légale ou même la culpabilité criminelle était imputée au CN. Le CFCP a indiqué que les renseignements en cause [traduction] « pourraient être utilisés par des concurrents pour désavantager le CFCP et lui nuire, et que les opinions générales des enquêteurs peuvent avoir des implications juridiques », ce qui pourrait entraîner un préjudice au sens de l’alinéa 20(1)c). Compte tenu de l’âge de la plupart de ces rapports, il semble peu probable qu’ils puissent être interprétés de cette façon, car des accusations auraient vraisemblablement déjà été portées contre les tiers, si c’était le cas. De plus, les tribunaux se sont montrés sceptiques à l’égard des arguments relatifs aux malentendus de la part du public, parce que de tels arguments pourraient miner l’objectif fondamental de la législation quant à l’accès à l’information – qui est de donner au public l’accès à l’information afin qu’il puisse l’évaluer, et non de protéger le public de l’information [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 224]. Je conclus que les arguments présentés par les tiers sont entièrement de nature spéculative.

[54]    Le Commissariat a aussi cherché à savoir si EDSC pourrait ajouter une note explicative, compte tenu des conclusions de la Cour fédérale dans Concord Premium Meats Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2020 CF 1166, para 122, 126-127. Bien qu’EDSC ne l’ait pas mentionné dans ses observations, je ne suis pas convaincue que le préjudice aux tiers envisagé ne pourrait pas être prévenu par l’ajout d’une telle note explicative. Par exemple, une note explicative pourrait préciser que le contenu des rapports consiste en l’opinion générale des enquêteurs et ne devrait pas être interprété comme un verdict de responsabilité.

[55]    Enfin, aucune explication n’a été fournie afin de démontrer que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou des profits financiers ou de nuire à la compétitivité d’un tiers. Par conséquent, EDSC et les tiers n’ont pas démontré un lien clair et direct entre la communication des renseignements en cause et un risque de préjudice au sens de l’alinéa 20(1)c) qui est bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture.

[56]    Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

L’institution était-elle tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire et, le cas échéant, a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[57]    Étant donné qu’EDSC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères des alinéas 20(1)b) et c), il était tenu d'exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques, ou la protection de l’environnement, lorsque les deux circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse.

[58]    Comme certains des documents se rapportent à des accidents mortels en milieu de travail qui pourraient être prévenus et que l’article 44 de la Loi sur la sécurité ferroviaire permet aux chemins de fer d’exercer une certaine forme d’autosurveillance, certaines parties des documents semblent effectivement concerner la sécurité publique.

[59]    Le Commissariat a cherché à savoir si EDSC s’était penché sur la question de l’intérêt public de la communication et s’il avait pondéré l’intérêt public par rapport à toute répercussion financière sur les tiers, à toute atteinte à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[60]    EDSC a indiqué qu’il avait évalué si la communication était dans l’intérêt public, mais a conclu que ce n’était pas le cas dans la plupart des situations, car les décès étaient soit non liés au travail, soit accidentels. Lorsqu’EDSC considérait que la communication pourrait être dans l’intérêt public, il n’a pas conclu que l’intérêt public dans la communication était supérieur à l’incidence qu’elle pourrait avoir sur les tiers, car les renseignements relatifs à la sécurité avaient déjà été communiqués aux médias et leur divulgation ne favoriserait pas davantage l’intérêt public. L’affirmation d’EDSC selon laquelle tous les renseignements d’intérêt public concernant la sécurité sont déjà dans le domaine public ne correspond pas à ce que j’ai constaté, et EDSC n’a pas donné d’exemples précis de cas où les renseignements qui sont déjà publics sont dans l’intérêt public. EDSC n’a pas non plus indiqué de préjudice important aux tiers susceptible de se produire si les renseignements étaient communiqués.

[61]    EDSC n’a pas démontré qu’il avait adéquatement tenu compte de la mesure dans laquelle la communication des renseignements serait dans l’intérêt public, et il n’a pas démontré que la communication nuirait aux intérêts des tiers. Par conséquent, je dois conclure qu’EDSC n’a pas démontré qu’il avait établi l’existence ou non des circonstances décrites au paragraphe 20(6), ce qui l’a empêché d’exercer son pouvoir discrétionnaire, le cas échéant.

Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations

[62]    L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.

[63]    Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[64]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
  • le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
  • au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.

[65]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[66]    EDSC a appliqué l’alinéa 21(1)b) à la page 74 des documents relatifs à la demande. Je conviens que la référence à une ligne de conduite proposée satisfait aux critères de l’exception, car il s’agit d’un compte rendu de délibérations entre des employés d’EDSC et il a été créé moins de vingt ans avant la demande.

[67]    Je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[68]    Étant donné que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, EDSC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[69]    EDSC n’a fourni aucune information selon laquelle il avait pris en considération ses obligations en matière de pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Je conclus donc qu’EDSC n’a pas démontré qu’il a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire.

Article 25 : Prélèvements

[70]    L’article 25 s’applique, nonobstant les autres dispositions de la Loi sur l’accès à l’information. Cet article exige que les institutions communiquent toute partie d’un document qui ne contient pas de renseignements visés par une exception à condition que le prélèvement de ces renseignements ne pose pas de problèmes sérieux. Il s’agit d’un prolongement du principe voulant que les exceptions nécessaires à l’accès à l’information soient précises et limitées.

[71]    Je note qu’EDSC a refusé de communiquer la totalité des documents concernant le CN, alors qu’il a fait des prélèvements dans le même type de documents concernant le CFCP et la Ville d’Ottawa. Compte tenu de cette différence et du fait que les documents ont été créés par EDSC (et donc qu’ils contiennent des renseignements qui ne semblent pas satisfaire aux critères d’une exception relative aux tiers), il semble qu’il aurait été possible d’en prélever davantage de renseignements et de les communiquer.

[72]    Par conséquent, je conclus qu’EDSC n’a pas respecté l’article 25 lorsqu’il a refusé de communiquer la totalité des documents concernant le CN en vertu d’une exception. Je demande donc à EDSC de procéder à un exercice de prélèvement conformément à l’article 25 et aux indications relatives à ce dernier fournies par les juges majoritaires de la Cour suprême dans Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, aux para 229-238.

Résultat

[73]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la ministre de l’Emploi et du Développement social ce qui suit :

  1. Communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 16(1)c) lorsque ce dernier n’est pas appliqué à des renseignements personnels qui ne peuvent pas être prélevés des renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 16(1)c);
  2. Communiquer les renseignements personnels de l’individu décédé plus de vingt ans avant la date de la demande, lorsque je n’ai pas conclu qu’il peut aussi s’agir des renseignements personnels d’autres individus et que je n’ai pas conclu que les critères de l’alinéa 21(1)b) sont satisfaits;
  3. Lorsque les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) ne sont pas à première vue des renseignements personnels, procéder à une évaluation du risque de réidentification de l’individu ou des individus que les renseignements concernent et, lorsqu’EDSC conclut qu’il n’y a pas de risque important de réidentification et que je n’ai pas conclu que l’application d’une autre exception était valide, communiquer ces renseignements;
  4. Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire quant à la communication des renseignements qui sont accessibles au public, conformément à l’alinéa 19(2)b);
  5. Établir si les circonstances décrites à l’alinéa 19(2)c) existent en tenant compte de tous les intérêts pertinents liés à la sécurité publique et en les pondérant par rapport à la violation de la vie privée des individus et, lorsqu’EDSC a conclu que l’intérêt public justifie la violation de la vie privée, exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non leurs renseignements personnels;
  6. Communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b) qui ne satisfont pas aux critères de l’exception, comme mentionné dans mon rapport, lorsque je n’ai pas conclu que l’application d’une autre exception était valide;
  7. Communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)c) lorsque je n’ai pas conclu que l’application d’une autre exception était valide;
  8. Établir si les circonstances décrites au paragraphe 20(6) existent en tenant compte de tous les intérêts pertinents liés à la sécurité publique et en les pondérant par rapport à toute répercussion financière sur les tiers, à toute atteinte à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène et, lorsqu’EDSC conclut que l’intérêt public est supérieur au préjudice potentiel à un tiers, exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements de tiers;
  9. Exercer son pouvoir discrétionnaire quant aux renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 21(1)b).

Le 5 juillet 2023, j’ai transmis à la ministre de l’Emploi et du Développement social mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 8 août 2023, EDSC m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu au CN, au CFCP et au commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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