Emploi et Développement social Canada (Re), 2023 CI 32

Date : 2023-07-20
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-02741
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00280

Sommaire

La partie plaignante allègue qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des rapports d’enquête sur des accidents mortels rédigés par des employeurs de l’industrie ferroviaire et présentés à EDSC. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

La Commissaire à l’information a conclu qu’une grande partie des renseignements non communiqués satisfont aux critères du paragraphe 19(1), car il s’agit de renseignements au sujet des victimes, des témoins et d’autres individus impliqués, mais a conclu que certains renseignements ne concernaient pas des individus identifiables.

Le Commissariat à l’information a demandé des observations à quatre tiers. L’un des tiers alléguait que les renseignements faisaient également l’objet d’une exception en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers). Pour ce qui est des renseignements de tiers, ni EDSC ni les tiers n’ont fourni d’observations suffisantes pour démontrer que la plupart des renseignements de tiers non communiqués satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b) ou de l’alinéa 20(1)c).

La Commissaire a ordonné à EDSC de communiquer les renseignements qui ne concernent pas des individus identifiables, d’établir dans quelle mesure les renseignements sont accessibles au public et d’exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)b), de communiquer les renseignements qui ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b) et d’exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(5).

EDSC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue qu’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des rapports d’enquête sur des accidents mortels rédigés par des employeurs de l’industrie ferroviaire et présentés à EDSC au sujet d’accidents mortels en milieu de travail qui ont eu lieu entre 2000 et 2020. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le Commissariat à l’information a demandé des observations à quatre tiers conformément à l’alinéa 35(2)c) : la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN), le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (le CFCP), Northstar Frontier Services (Northstar) et la Ville d’Ottawa. Le CN et le CFCP ont répondu, mais ni Northstar ni la Ville d’Ottawa n’ont présenté d’observations en vertu de l’alinéa 35(2)c) de la Loi.

[5]      Comme l’exige l’article 36.3, le Commissariat a avisé les quatre tiers de mon intention d’ordonner à EDSC de communiquer certains des renseignements en cause. Le CN est le seul tiers qui a répondu.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[6]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[7]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[8]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[9]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]    Je conviens que les documents demandés contiennent une quantité importante de renseignements personnels concernant des individus identifiables. Le Commissariat a cependant cherché à savoir si tous les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) satisfont aux critères de l’exception.

[11]    EDSC a invoqué le paragraphe 19(1) pour refuser de communiquer des renseignements qui, de prime abord, ne semblent pas concerner un individu identifiable, dont j’ai fourni des exemples dans mon rapport à EDSC. Au cours de l’enquête, EDSC n’a fourni aucune observation démontrant en quoi ce type renseignements satisfaisait aux critères de l’exception.

[12]    Conformément à l’alinéa 35(2)d), le Commissariat a consulté le Commissariat à la protection de la vie privée. Ce dernier était d’accord avec mon évaluation [traduction] : « Dans ce contexte particulier, nous sommes d’accord que la communication des titres des rapports, de paragraphes passe-partout […], ne satisferait pas au critère du paragraphe 19(1). » Par conséquent, ces renseignements auraient dû être communiqués.

[13]    Le Commissariat a aussi cherché à savoir en quoi les renseignements non communiqués constituaient des renseignements personnels d’un individu identifiable. Bien que, de prime abord, la cause du décès et les détails relatifs aux incidents ne concernent pas un individu identifiable, j’ai cherché à savoir s’il y avait de fortes possibilités que l’individu puisse être identifié au moyen de ces renseignements, s’ils étaient utilisés en combinaison avec d’autres renseignements disponibles. Compte tenu du petit nombre d’incidents, du fait que certains renseignements concernant certains décès sont accessibles en ligne et de la probabilité que certains renseignements soient connus au sein des communautés des défunts, je conclus qu’il y a de fortes possibilités que la communication de renseignements supplémentaires permette d’identifier les individus. Par conséquent, les renseignements comme la cause du décès et les détails relatifs aux incidents satisfont aux critères du paragraphe 19(1) dans le contexte de ces documents.

[14]    Je conclus que certains des renseignements non communiqués ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1), lorsqu’ils ne sont pas de nature personnelle ou lorsque l’individu qu’ils concernent n’est pas identifiable. EDSC a refusé de communiquer ce type de renseignements aux pages 3-16, 18-26 et 34-35 des documents.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[15]    Étant donné qu’une partie des renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[16]    En vertu de l’alinéa 19(2)a), EDSC était tenu d’établir si le consentement a été donné en faisant des efforts raisonnables pour demander le consentement des individus dont les renseignements personnels figurent dans les documents. Le Commissariat a donc cherché à savoir si EDSC avait fait des efforts raisonnables pour demander le consentement et, sinon, pourquoi il n’a pas estimé raisonnable de le faire. Je suis d’avis qu’il n’aurait pas été raisonnable de demander le consentement des individus que les renseignements concernent.

[17]    Je conclus que les circonstances énoncées à l’alinéa 19(2)a) n’existaient pas lorsqu’EDSC a répondu à la demande d’accès.

[18]    En vertu de l’alinéa 19(2)b), EDSC aurait été tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire si certains des renseignements personnels étaient accessibles au public. Le Commissariat a demandé à EDSC s’il avait vérifié si les renseignements personnels étaient accessibles au public au moment de traiter la demande.

[19]    Dans ses observations, EDSC n’a pas indiqué s’il avait vérifié si certains des renseignements étaient accessibles au public et, si c’est le cas, en quoi la communication de ces renseignements dans les documents révélerait davantage de renseignements que ceux qui sont déjà accessibles. EDSC a indiqué que, s’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire, il pourrait raisonnablement le faire afin de refuser de communiquer des renseignements accessibles au public. Il n’a cependant pas indiqué les facteurs pris en considération qui auraient penché en faveur d’un refus de communiquer des renseignements publics.

[20]    Je conclus qu’EDSC n’a pas démontré qu’il avait bien évalué s’il était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)b).

[21]    EDSC était également tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 19(2)c) lorsque la communication serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Comme les documents concernent des accidents mortels en milieu de travail, le Commissariat a cherché à savoir si EDSC avait tenu compte du sous-alinéa 8(2)m)(i) de cette loi, qui lui aurait permis de communiquer des renseignements personnels lorsque « des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ».

[22]    EDSC a indiqué qu’il avait évalué si la communication était dans l’intérêt public, mais a conclu que ce n’était pas le cas dans la plupart des situations, car les décès étaient soit non liés au travail, soit accidentels. Lorsqu’EDSC était d’avis que la communication pourrait être dans l’intérêt public, il n’a pas conclu que ce dernier justifiait la violation de la vie privée qui aurait découlé de la communication, car les renseignements relatifs à la sécurité avaient déjà été communiqués aux médias et leur communication ne favoriserait pas davantage l’intérêt public. Il semblerait que lorsque la communication serait dans l’intérêt public, les renseignements connexes ont déjà été rendus publics, et je conclus qu’il n’est pas déraisonnable qu’EDSC ait conclu que l’intérêt dans la sécurité publique de la communication ne justifie pas la violation de la vie privée.

[23]    Je conclus que les circonstances énoncées à l’alinéa 19(2)c) n’existaient pas lorsqu’EDSC a répondu à la demande d’accès.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[24]    L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[25]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[26]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[27]    Je conviens que certains des renseignements concernent des procédures, des équipements et des processus propres à un tiers, et sont donc des renseignements commerciaux ou techniques, ce qui satisfait au premier critère de l’exception. Ni EDSC ni les tiers ne m’ont fourni d’observations suffisantes pour établir dans quelle mesure les renseignements non communiqués sont de nature commerciale ou technique. Les incidents mortels ne semblent pas faire partie intégrante des opérations commerciales de ces compagnies. Le Commissariat a cherché à savoir dans quelle mesure les documents révèlent des méthodes de tiers ou comment les tiers mènent leurs opérations, afin qu’ils puissent être considérés comme des renseignements commerciaux ou techniques, au sens ordinaire de ces termes.

[28]    Certains de ces renseignements en particulier ne correspondent manifestement pas aux définitions communes de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Plus précisément, le Commissariat a cherché à savoir en quoi les types de renseignements suivants font partie ces catégories : résumé des événements menant aux accidents mortels des employés, personnes ayant été témoins des événements, personnes impliquées dans les enquêtes internes et mesures qu’elles ont prises, détails découverts par les tiers durant les enquêtes internes.

[29]    Il convient de noter que le fait que les opérations aient un but commercial ne signifie pas que tous les renseignements liés à ces opérations sont de nature commerciale, au sens ordinaire du terme. Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, au para 69, la Cour d’appel fédérale a rejeté une telle large interprétation du mot « commercial » lorsqu’il est appliqué à des renseignements :

[…] le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce. Il ne s’ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ».

[30]    Les renseignements en cause ne concernent pas le commerce. Les documents portent plutôt sur des rapports sur des accidents mortels impliquant des employés. Il ne s’agit pas de renseignements commerciaux et le simple fait qu’ils soient liés aux opérations commerciales d’une entité n’en fait pas des renseignements commerciaux.

[31]    Je ne suis pas convaincue que la majeure partie des renseignements caviardés constituent des renseignements techniques, au sens ordinaire du terme. Bien qu’il soit possible que des petites parties des renseignements en cause satisfassent à ce critère, aucune partie n’a été désignée comme telle par les tiers ou EDSC. De plus, la communication de ces parties pourrait seulement être refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) si tous les autres critères de l’exception étaient satisfaits.

[32]    Je conclus que les renseignements ne satisfont pas au premier critère de l’exception lorsqu’ils ne concernent pas de la formation, des procédures, de l’équipement ou des processus propres à un tiers.

[33]    Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. No. 453.]

[34]    Les renseignements relatifs au décès d’au moins un employé ont été rendus publics. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que les conditions de la confidentialité objective peuvent être remplies, lorsque la communication révélerait seulement des renseignements déjà accessibles au public.

[35]    Dans les observations qu’il a présentées à EDSC au cours de l’enquête, le CN soutenait que la confidentialité est prévue par le Code canadien du travail. Bien que le paragraphe 144(3) du Code canadien du travail figure à l’annexe II et qu’il permettrait à EDSC d’invoquer le paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour refuser de communiquer des secrets de fabrication ou de commerce, EDSC n’a pas invoqué ce paragraphe au moment où il a traité la demande et ne l’a pas fait dans sa réponse à ma demande d’observations. Le CN n’a pas non plus fourni à EDSC ou au Commissariat des observations expliquant en quoi les renseignements non communiqués constituent des secrets de fabrication ou de commerce. Par conséquent, je conclus que les renseignements en cause ne sont pas confidentiels en vertu du Code canadien du travail. Si l’intention du Parlement avait été que l’article 144 du Code canadien du travail protège la confidentialité de tous les renseignements recueillis par EDSC dans le cadre de ses enquêtes, le Commissariat s’attendrait à ce que l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information prévoie plus que la protection explicite visant les secrets de fabrication ou de commerce.

[36]    Les paragraphes 144(5) et (5.01) du Code canadien du travail semblent réduire l’assurance raisonnable de confidentialité quant aux renseignements obtenus dans l’exercice des activités prévues à l’article 141. Ces dispositions permettent la publication ou la communication de ce type de renseignements si le chef est convaincu qu’il y va de l’intérêt de la santé et de la sécurité au travail ou de l’intérêt public. Je ne suis pas convaincue que tous ces renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation entre le tiers et EDSC et que la confidentialité des renseignements favorise l’intérêt public. Certains des renseignements se rapportent à des questions de sécurité. Par conséquent, il semblerait que l’intérêt public serait favorisé par la communication des renseignements non divulgués plutôt que par leur confidentialité.

[37]    Compte tenu de ce qui précède, il n’a pas été établi que le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) est satisfait.

[38]    Pour ce qui est du troisième critère de l’alinéa 20(1)b), je conviens que les renseignements non communiqués, sauf les renseignements précis à la page 6 mentionnés dans mon rapport, ont été fournis à EDSC par les tiers.

[39]    Enfin, pour ce qui est du dernier critère de l’alinéa 20(1)b), compte tenu des observations déjà fournies à EDSC par le CN et du CFCP, de façon générale, il semblerait que ces tiers ont toujours traité les renseignements comme étant confidentiels. Northstar, pour sa part, n’a pas présenté d’observations à cet effet. Il a plutôt donné à EDSC son consentement pour communiquer les renseignements, lors du traitement initial de la demande. Ni Northstar ni la Ville d’Ottawa n’ont répondu à la demande d’observations du Commissariat en vertu de l’alinéa 35(2)c) de la Loi. Je ne peux donc pas présumer que Northstar et la Ville d’Ottawa ont toujours traité les renseignements la concernant comme étant confidentiels.

[40]    Je conclus que la plupart des renseignements non communiqués ne satisfont pas aux quatre critères de l’alinéa 20(1)b). Plus précisément, je conviens que les critères de l’alinéa 20(1)b) sont satisfaits seulement dans les cas suivants :

  • les renseignements concernent le CN et le CFCP;
  • la divulgation révélerait des renseignements concernant la formation, les procédures, l’équipement ou les processus propres à un tiers;
  • les renseignements ne sont pas accessibles au public;
  • la communication ne serait pas dans l’intérêt public pour des raisons de santé ou de sécurité.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[41]    Étant donné que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b), EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsque le tiers qu’il concerne consent à la communication, suivant le paragraphe 20(5). Northstar a consenti à la communication des renseignements le concernant.

[42]    De plus, EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques, ou la protection de l’environnement, lorsque les deux circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse.

[43]    Comme certains des documents se rapportent à des accidents mortels en milieu de travail qui pourraient être prévenus et que l’article 44 de la Loi sur la sécurité ferroviaire permet aux chemins de fer d’exercer une certaine forme d’autosurveillance, les renseignements semblent effectivement concerner la sécurité publique.

[44]    Le Commissariat a cherché à savoir si EDSC s’était penché sur la question de l’intérêt public de la communication et s’il avait pondéré l’intérêt public par rapport à toute répercussion financière sur les tiers, à toute atteinte à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’ils mènent.

[45]    EDSC a indiqué qu’il avait évalué si la communication était dans l’intérêt public, mais a conclu que ce n’était pas le cas dans la plupart des situations, car les décès étaient soit non liés au travail, soit accidentels. Lorsqu’EDSC considérait que la communication pourrait être dans l’intérêt public, il n’a pas conclu que l’intérêt public dans la communication était supérieur à l’incidence qu’elle pourrait avoir sur les tiers, car les renseignements relatifs à la sécurité avaient déjà été communiqués aux médias et leur divulgation ne favoriserait pas davantage l’intérêt public. Il semble effectivement que, lorsque la communication serait dans l’intérêt public, des renseignements connexes ont déjà été rendus publics, et je suis d’avis qu’il n’est pas déraisonnable pour EDSC d’avoir conclu que l’intérêt public dans la communication n’était pas supérieur à l’incidence qu’elle pourrait avoir sur les tiers.

[46]    Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) n’existaient pas lorsqu’EDSC a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6).

[47]    Compte tenu du consentement de Northstar, je conclus que les circonstances prévues au paragraphe 20(5) existaient lorsqu’EDSC a répondu à la demande d’accès. Ainsi, EDSC était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, EDSC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[48]    EDSC n’a fourni aucune information selon laquelle il avait pris en considération ses obligations en matière de pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements concernant Northstar. Par conséquent, je dois conclure qu’EDSC n’a pas démontré qu’il avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non les renseignements concernant Northstar.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[49]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[50]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[51]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[52]    En l’espèce, EDSC n’a pas appliqué l’alinéa 20(1)c) aux documents, mais le CN a affirmé que cette exception s’applique aux renseignements en cause. Les observations du CN à l’appui de l’application de cet alinéa concernent les rapports d’enquête d’EDSC, qui ne sont pas visés par cette demande d’accès. Par conséquent, le CN n’a pas fourni d’observations sur le préjudice qui pourrait découler de la divulgation des documents en cause.

[53]    Pour que l’alinéa 20(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[54]    Le CN n’a fourni aucune explication afin de démontrer que la communication risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou des profits financiers ou de nuire à la compétitivité d’un tiers. Par conséquent, EDSC et les tiers n’ont pas démontré un lien clair et direct entre la communication des renseignements en cause et un risque de préjudice au sens de l’alinéa 20(1)c) qui est bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture.

[55]    Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Article 25 : Prélèvements

[56]    L’article 25 s’applique, nonobstant les autres dispositions de la Loi. Cet article exige que les institutions communiquent toute partie d’un document qui ne contient pas de renseignements visés par une exception à condition que le prélèvement de ces renseignements ne pose pas de problèmes sérieux. Il s’agit d’un prolongement du principe voulant que les exceptions nécessaires à l’accès à l’information soient précises et limitées.

[57]    Je note qu’EDSC a refusé de communiquer la totalité de documents concernant le CN et la Ville d’Ottawa, alors qu’il a fait des prélèvements dans le même type de documents concernant le CFCP et Northstar. Compte tenu de cette différence, il semble qu’il aurait été possible d’en prélever davantage de renseignements.

[58]    Par conséquent, je conclus qu’EDSC n’a pas respecté l’article 25 lorsqu’il a refusé de communiquer la totalité des documents concernant le CN et la Ville d’Ottawa en vertu d’une exception. Je demande donc à EDSC de procéder à un exercice de prélèvement conformément à l’article 25 et aux indications relatives à ce dernier fournies par les juges majoritaires de la Cour suprême dans Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, aux para 229-238.

Résultat

[59]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la ministre de l’Emploi et du Développement social ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1) qui ne concernent pas un individu identifiable aux pages 3-16, 18-26 et 34-35 des documents;
  2. Établir si la circonstance décrite à l’alinéa 19(2)b) existe en tenant compte des renseignements accessibles au public qui sont pertinents et, lorsqu’EDSC conclut que la communication ne révélerait pas d’autres renseignements que ceux qui sont publics, exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements personnels;
  3. Communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b) lorsque j’ai conclu qu’ils ne satisfont pas aux critères de l’exception et lorsque je n’ai pas conclu qu’ils satisfont aux critères du paragraphe 19(1);
  4. Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(5) quant aux renseignements liés à Northstar, lorsque les renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 19(1) et aucun autre tiers n’est concerné par les mêmes renseignements, en tenant compte de tous les facteurs pertinents pour et contre la communication.

Le 5 juin 2023, j’ai transmis à la ministre de l’Emploi et du Développement social mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 29 juin 2023, EDSC m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu au CN, au CFCP et au commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers et le commissaire à la protection de la vie privée peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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