Défense nationale (Re), 2024 CI 06

Date : 2024-02-29
Numéro de dossier du Commissariat : 3218-00180
Numéro de dossier de l’institution : A-2016-01081

Sommaire

La partie plaignante allègue que la Défense nationale, en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des paragraphes 15(1) (affaires internationales et sécurité nationale) et 19(1) (renseignements personnels). La demande visait des renseignements historiques au sujet du Comité consultatif des renseignements.

L’enquête a permis de conclure que les renseignements dont la communication a été refusée ne satisfaisaient pas aux critères des paragraphes 15(1) et 19(1). L’institution a donc entrepris d’examiner de nouveau les exceptions et a préparé deux (2) réponses supplémentaires distinctes, dans lesquelles des renseignements dont la communication avait été refusée précédemment ont été communiqués à la partie plaignante.

À la suite de la deuxième réponse supplémentaire de l’institution, la partie plaignante a réduit la portée de sa plainte afin de se concentrer sur l’application par l’institution du paragraphe 15(1) à plusieurs pages précises des documents pertinents.

L’institution a par la suite proposé une troisième réponse supplémentaire à la partie plaignante, dans laquelle elle a accepté de communiquer des renseignements dont la communication avait été refusée précédemment, mais qu’elle continuerait cependant d’appliquer l’exception prévue au paragraphe 15(1) à certaines parties des documents.

La Commissaire à l’information a conclu que les renseignements qui demeuraient non communiqués ne satisfaisaient pas aux critères du paragraphe 15(1), particulièrement en ce qui a trait au préjudice, puisque le préjudice que pourrait causer la communication n’a pas été établi clairement.

La Commissaire à l’information a recommandé à la Défense nationale de communiquer tous les renseignements qui demeurent non communiqués en vertu du paragraphe 15(1).

L’institution a avisé la Commissaire qu’elle ne donnerait pas suite à la recommandation.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que la Défense nationale a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu des paragraphes 15(1) et 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès visant des documents concernant le Comité consultatif des renseignements. La plainte s’inscrit dans le cadre du paragraphe 30(1) de la Loi.

[2]      Au cours de l’enquête, la partie plaignante a réduit la portée de sa plainte aux renseignements visés par l’exception prévue au paragraphe 15(1) qui se trouvaient aux pages 4 et 6-20 des documents pertinents.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le 15 juin 2023 et le 27 octobre 2023, la Défense nationale a transmis des réponses supplémentaires à la partie plaignante, dans lesquelles étaient communiqués des renseignements supplémentaires dont la communication avait été refusée précédemment.

[5]      La Défense nationale a proposé au Commissariat à l’information d’envoyer une troisième réponse à la partie plaignante. Cependant, la Défense nationale maintient l’application du paragraphe 15(1) à certains renseignements qui se trouvent aux pages 6, 7, 9-14, 17, 18 et 20.

Paragraphe 15(1) : affaires internationales, sécurité nationale

[6]      Le paragraphe 15(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationale (par exemple, des renseignements relatifs aux tactiques militaires, aux capacités d’armement ou à la correspondance diplomatique, comme le prévoient les alinéas 15(1)a) à i)).

[7]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’un ou l’autre des éléments suivants :
  • la conduite des affaires internationales;
  • la défense du Canada ou de tout État avec lequel le Canada a conclu une alliance ou un traité, ou de tout État avec lequel le Canada est lié, au sens du paragraphe 15(2);
  • la détection, la prévention ou la répression d’activités subversives ou hostiles spécifiques, au sens du paragraphe 15(2).
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[8]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[9]      Les pages 6-20 des documents pertinents consistent en un index récapitulatif des documents du Comité consultatif des renseignements de 1991, y compris des notes de renseignement de situation, des comptes rendus renseignement spécial et des évaluations du renseignement, organisés par pays ou zone d’intérêt. La Défense nationale a déjà communiqué et accepté de communiquer beaucoup de renseignements. Cependant, elle continue de refuser de communiquer des parties des renseignements qui se trouvent aux pages 6, 7, 9-14, 17, 18 et 20.

[10]    La Défense nationale s’est fondée, en partie, sur des recommandations obtenues dans le cadre de consultations auprès d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du Conseil privé en ce qui a trait au maintien de l’application des exceptions aux renseignements restants.

[11]    La Défense nationale soutient que la divulgation des renseignements en cause, particulièrement le pays ou la zone d’intérêt/le titre, pourraient révéler des activités de renseignement secrètes, ce qui contreviendrait à la Loi sur la protection de l’information. De plus, elle soutient que toute divulgation serait préjudiciable aux relations bilatérales avec d’autres nations et aurait une incidence sur la capacité de recherche de renseignement du Canada. La Défense nationale a ajouté que des renseignements précis dans les titres pourraient également révéler la source de l’information figurant dans les documents.

[12]    Dans l’affaire Bronskill c. Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983, la Cour a statué que pour que le paragraphe 15(1) s’applique, l’institution ne peut pas invoquer une justification passe-partout et il doit y avoir un lien direct entre la divulgation et le préjudice allégué.

[13]    L’examen des documents et des observations de la Défense nationale ne permet pas d’établir clairement le préjudice causé par la divulgation, surtout si l’on considère que le document en cause contient seulement des titres, des numéros de document et des dates, et qu’il ne révèle pas le contenu des rapports en question. La Défense nationale n’a pas fourni de preuve comme quoi les titres caviardés sont toujours pertinents sur le plan opérationnel ou que ceux-ci pourraient révéler des opérations secrètes. La Défense nationale n’a pas non plus fourni d’information pour corroborer son affirmation selon laquelle la divulgation pourrait avoir une incidence négative sur des opérations bilatérales ni sur la nature exacte du préjudice causé.

[14]    En outre, la lettre accompagnant l’index indique que la classification applicable aux éléments individuels ne figure pas dans l’index, qui a été communiqué à des contacts auprès de chacun de nos partenaires du Groupe des cinq, ainsi qu’à environ 30 différents ministères et organismes gouvernementaux canadiens.

[15]    Enfin, des titres et/ou zones d’intérêt similaires ont déjà été divulgués dans le cadre d’autres demandes d’accès, par exemple dans le procès-verbal du Comité de 1991.

[16]    Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas d’avis que la communication des renseignements caviardés risquerait vraisemblablement d’entraîner un préjudice décrit au paragraphe 15(1).

[17]    Je conclus donc que la Défense nationale ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l’intégralité de l’information en cause satisfait aux critères de l’exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[18]    L’enquête a permis de conclure que, puisque les renseignements caviardés restants ne satisfont pas aux critères de l’exception, il n’est pas nécessaire d’examiner l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la Défense nationale.

Résultat

[19]    La plainte est fondée.

Recommandation

Je recommande au ministre de la Défense nationale ce qui suit :

  1. En plus des renseignements que la Défense nationale a déjà accepté de communiquer dans une troisième réponse, communiquer les pages 4, 6-20 dans leur intégralité au plus tard 10 jours ouvrables après la date à laquelle le ministre reçoit le compte rendu.

Le ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 14 février 2024, j’ai transmis au ministre de la Défense nationale mon rapport dans lequel je présentais ma recommandation.

Le 14 février 2024, la chef des opérations de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée que la Défense nationale n’était pas d’accord avec mes conclusions et qu’elle maintiendrait le caviardage des renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 15(1).

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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