Bureau de la sécurité des transports du Canada (Re), 2022 CI 46

Date : 2022-11-04
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-00718
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00079

Sommaire

La partie plaignante allègue que le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information.La demande d’accès visait un Formulaire de signalement d’événements aéronautique et des photographies se rapportant à un incident impliquant un aéronef d’Air Inuit. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

L’application du paragraphe 19(1) n’est plus visée par la plainte.

Le BST n’a pas pu démontrer qu’il satisfaisait à tous les critères de ces exceptions. Concernant l’alinéa 20(1)b), ni le BST, ni le tiers auquel les renseignements se rapportent n’ont fourni de preuve ou d’observation démontrant qu’il s’agissait de renseignements commerciaux confidentiels. Aucune observation n’a été fournie à l’appui de l’application des alinéas 20(1)c) et 20(1)d).

La Commissaire à l’information a ordonné au BST de communiquer tous les renseignements en cause. Le BST a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi.La demande d’accès visait un Formulaire de signalement d’événements aéronautique et des photographies se rapportant à un incident impliquant un aéronef d’Air Inuit. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information enquête sur l’application du paragraphe 19(1) aux documents en cause.

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le 21 décembre 2021, le Commissariat a demandé des observations au tiers, Air Inuit, en vertu de l’alinéa 35(2)c), mais il n’a pas répondu.

[5]      Dans ses observations, le BST a indiqué qu’Air Inuit a autorisé la communication de renseignements supplémentaires aux pages 1-2. Le BST soutenait que les images aux pages 3-6 devraient continuer de faire l’objet d’un refus de communication, invoquant l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[6]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[7]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[8]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[9]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[10]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[11]    Le BST a appliqué l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer les photographies et le Formulaire de signalement d’événements aéronautique.

[12]    En ce qui concerne le premier critère, à savoir que les renseignements doivent être financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, lorsque le BST l’a consulté, Air Inuit a affirmé que le document contenait des renseignements commerciaux confidentiels. Air Inuit, n’a toutefois pas fourni de preuve à l’appui de sa position, ni clairement indiqué à quelles parties des renseignements il faisait référence.

[13]    Comme l’a soutenu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, au para 139, dans le contexte de l’alinéa 20(1)b), « […] il convient de donner aux termes “financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques” leur sens lexicographique ordinaire. »

[14]    Or, selon les définitions lexicographiques :

  • le mot « commercial » signifie « relatif au commerce » ou « conçu, exécuté dans une intention lucrative ».

[15]    Un examen des documents révèle que beaucoup des renseignements dont on a refusé la communication sont des renseignements factuels de base comme la date et l’heure de l’événement, le lieu, le numéro de vol, les détails concernant le départ et des photographies.

[16]    Je ne suis pas convaincue que ces renseignements sont de nature « commerciale », au sens ordinaire du terme. Je note que les renseignements ne sont pas « commerciaux » du seul fait qu’ils se rapportent aux activités d’Air Inuit et que ces activités ont des fins commerciales. Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, au para 69, la Cour d’appel fédérale a rejeté une telle large interprétation du mot « commercial » lorsqu’il est appliqué à des renseignements :

[…] le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce. Il ne s’ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ».

(Voir également : Appleton & Associates c. Bureau du Conseil privé, 2007 CF 640, para 26.)

[17]    Compte tenu de la preuve et des observations reçues, je ne suis pas convaincue que les renseignements sont de nature financière, commerciale, scientifique ou technique.

[18]    Pour ce qui est du deuxième critère de l’alinéa 20(1)b), afin que les renseignements soient considérés comme confidentiels, chacune des conditions suivantes doit être satisfaite :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : la décision susmentionnée au sujet de NAV CANADA, para 72; Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 133.]

[19]    En l’espèce, certains des renseignements peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, y compris le site Web du BST.

[20]    Aucune observation n’a été fournie pour démontrer que le critère de confidentialité est satisfait malgré le fait que les renseignements sont accessibles au public.

[21]    Aucune des parties n’a fourni de preuve, au-delà d’une simple affirmation, pour démontrer que les circonstances ayant donné lieu aux renseignements et dans lesquels ils ont été communiqués permettent de raisonnablement s’attendre à ce qu’ils ne soient pas divulgués. Je note que le BST lui-même publie les détails concernant les événements aéronautiques sur son site Web.

[22]    De plus, aucune des parties n’a démontré que ces renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation dans l’intérêt public et que la confidentialité des renseignements favorise cette relation. Il semble que le signalement de cet événement par Air Inuit était obligatoire en vertu du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports. Bien que le BST ait souligné l’importance pour lui de coopérer avec les tiers, je ne suis pas convaincue que le fait d’assurer la confidentialité des renseignements en cause favoriserait la relation entre le BST et Air Inuit dans l’intérêt public, compte tenu du contexte réglementaire dans lequel les renseignements ont été fournis.

[23]    Je conviens que les renseignements ont été fournis au BST par Air Inuit, de manière à satisfaire au troisième critère de cette exception.

[24]    Pour ce qui est du dernier critère de l’alinéa 20(1)b), je ne suis pas convaincue qu’il est satisfait, car aucune preuve, au-delà d’une simple affirmation, n’a été reçue pour démontrer qu’Air Inuit a toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.

[25]    Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les renseignements se trouvant dans les photographies et le Formulaire de signalement d’événements aéronautique satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[26]    L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[27]    Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[28]    Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[29]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[30]    Le BST a invoqué l’alinéa 20(1)c), parallèlement à l’alinéa 20(1)d), pour refuser de communiquer quatre photographies de l’aéronef après l’accident.

[31]    Pour que cette exception s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication des renseignements et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[32]    Ni Air Inuit, ni le BST n’ont fourni de détail ou d’observation précise expliquant en quoi la divulgation de ces quatre photographies serait suffisamment susceptible de causer un préjudice à Air Inuit, au sens de l’alinéa 20(1)c), particulièrement à la lumière des renseignements qui sont accessibles au public. Comme mentionné ci-dessus, certains détails concernant le site de l’accident et les dommages subis sont documentés dans des sources accessibles au public.

[33]    Je conclus donc que les renseignements non communiqués ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c), car aucun élément de preuve ni aucune observation n’ont été fournis pour démontrer la nature du préjudice ou pour démontrer qu’il existe une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé.

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[34]    L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[35]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[36]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[37]    Le BST a invoqué l’alinéa 20(1)d), parallèlement à l’alinéa 20(1)c), pour refuser de communiquer quatre photographies du site de l’accident.

[38]    Pour que l’alinéa 20(1)d) s’applique, il faut une preuve montrant en quoi la divulgation des renseignements dont on a refusé la communication risquerait d’entraver des négociations que mène ou mènera Air Inuit ainsi que la probabilité que cette entrave se produise. Le mot « entrave » a été interprété comme signifiant une obstruction aux négociations (Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700, para 20). Cette exception, comme les autres exceptions dans la Loi qui concernent un préjudice, exige qu’il y ait un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[39]    Je n’ai reçu aucune preuve ou observation démontrant que ce critère est satisfait.

[40]    Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d), parce qu’aucune preuve ou observation n’a été fournie pour démontrer qu’Air Inuit mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins, ni qu’il y a une attente raisonnable que la divulgation des renseignements puisse nuire à ces négociations. Il n’est pas clairement établi en quoi la divulgation des quatre photographies de l’aéronef après l’accident satisferait à ce critère, particulièrement à la lumière des renseignements à ce sujet qui sont déjà accessibles au public.

Résultat

[41]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au directeur exécutif/à la directrice exécutive du BST de communiquer les documents dont on refuse actuellement la communication, sauf ceux dont la communication est refusée en vertu du paragraphe 19(1).

Le directeur exécutif/La directrice exécutive doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 7 octobre 2022, j’ai transmis au directeur exécutif/à la directrice exécutive du BST mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 1er novembre 2022, le directeur exécutif/la directrice exécutive m’a avisée que le BST donnerait suite à mon ordonnance.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doivent signifier une copie de leur demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, l’ordonnance prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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