Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2023 CI 24

Date : 2023-06-28
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-02124
Numéro de dossier de l’institution : A-2022-01755

Sommaire

La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à sa demande d’accès était déraisonnable. La demande d’accès visait tout document concernant toutes les demandes d’accès à l’information reçues par BAC au sujet du projet Anecdote. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi.

BAC a pris une prorogation de 1 095 jours en vertu des alinéas 9(1)a) et b). Si cette prorogation était valide, la nouvelle échéance serait le 20 juin 2025.

Lors de l’enquête, BAC a démontré qu’elle satisfait à tous les critères des alinéas 9(1)a) et b), particulièrement que le calcul de la prorogation de délai était suffisamment logique ou soutenable, ou que la communication des documents dans un délai sensiblement plus court que celui proposé entraverait de façon sérieuse son fonctionnement et que les consultations rendraient pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours.

Le Commissariat à l’information conclut que BAC a démontré qu’il satisfaisait à tous les critères des alinéas 9(1)a) et b). La prorogation est donc valide et la date d’échéance du délai de réponse demeure le 20 juin 2025.

La plainte est non fondée.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à sa demande d’accès était déraisonnable. La demande d’accès visait tout document concernant toutes les demandes d’accès à l’information reçues par BAC au sujet du projet Anecdote. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi.

Enquête

[2]     L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9.

[3]     BAC a reçu la demande d’accès 13 mai 2022, mais le paiement des frais a été effectué le 22 mai 2022. Le 14 juin 2022, BAC a prorogé le délai de réponse de 1095 jours en vertu des alinéas 9(1)a) et b). Si cette prorogation était valide, l’échéance du délai de réponse serait le 20 juin 2025.

Prorogations de délai

Avis

[4]     Pour proroger le délai de réponse, les institutions doivent, dans un délai de 30 jours suivant la réception de la demande d’accès, aviser la personne qui a fait la demande :

  • qu’elles prennent une prorogation en vertu de l’alinéa 9(1)a), b) et/ou c) pour
  • répondre à la demande d’accès;
  • de la durée de celle‐ci;
  • que la personne a le droit de déposer une plainte auprès de la Commissaire à l’information à propos de la prorogation.

[5]     Les institutions doivent également démontrer que les critères de l’alinéa du paragraphe 9(1) sur lesquels elles se fondent pour proroger le délai sont satisfaits.

L’institution a‐t‐elle avisé la partie plaignante de la prorogation de délai selon les formes prescrites?

[6]     BAC a envoyé un avis à la partie plaignante dans les 30 jours suivant la réception de la demande d’accès. BAC précisait que la prorogation de délai était de 1 095 jours et qu’elle a été prise en vertu des alinéas 9(1)a) et b). Dans l’avis, BAC a également informé la partie plaignante de son droit de déposer une plainte auprès de la Commissaire à l’information à propos de la prorogation.

[7]     La partie plaignante a été avisée selon les formes prescrites.

Alinéa 9(1)a) : prorogation du délai en raison de la quantité de documents

[8]     L’alinéa 9(1)a) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :

  • la demande vise un grand nombre de documents ou nécessite que l’institution fasse
  • des recherches parmi un grand nombre de documents;
  • l’observation du délai entraverait de façon sérieuse leur fonctionnement;
  • la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.

L’institution a-t-elle démontré qu’elle satisfaisait aux critères de l’alinéa 9(1)a)?

La demande d’accès vise-t-elle un grand nombre de documents?

[9]     BAC a déclaré que plus de 36 000 pages sont visées par la demande. De plus, il serait nécessaire de faire une recherche parmi plusieurs sources d’information différentes afin de repérer les documents pertinents.

[10]     BAC a démontré que la demande vise un grand nombre de documents et nécessite de faire des recherches parmi un grand nombre de documents.

L’observation du délai entraverait-elle de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution?

[11]     BAC a démontré que le fait de rechercher et de traiter autant de documents en plus de répondre à la demande d’accès dans un délai de 30 jours—pour autant que cela soit possible—aurait monopolisé les ressources, notamment en mobilisant l’ensemble du personnel. L’exécution du travail nécessaire entraverait donc de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution.

La prorogation de délai est-elle d’une période que justifient les circonstances?

[12]     Dans ses représentations, BAC a notamment mentionné avoir utilisé le principe général de 1000 pages par mois pour déterminer la durée de la prorogation. Toujours selon BAC, si un analyste moyen a besoin d'un mois pour réviser 1 000 pages à temps plein, il lui faudrait donc 1 095 jours pour réviser les 36 000 pages.

[13]     Néanmoins, selon le Manuel de l’accès à l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada à ce sujet:

« Ainsi, la durée de la prorogation devrait être établie au cas par cas en prenant en considération le volume et la complexité de l’information de cette demande particulière […]     Cette approche évite de déterminer la durée de la prorogation en se basant uniquement sur des facteurs prédéterminés, tel que le temps de réponse moyen pris par une institution ou un tiers par le passé. »

[14]     De ce fait, la Commissariat tient à rappeler que même si des délais standard peuvent exister, il ne suffit pas d’appliquer une approche fondée sur une formule qui repose uniquement sur un calcul général. Avec respect pour le calcul utilisé par BAC, ladite règle de 1000 pages par mois n’est qu’un estimatif et doit être utilisée au cas par cas, le tout selon la nature propre de chaque dossier. De ce fait, le Commissariat ne peut accepter une prolongation uniquement sur ce principe général.

[15]     Toutefois, en matière d’analyse du caractère raisonnable, il ne s’agit pas de savoir si la prorogation est exactement correcte, mais bien raisonnable. Dans cette optique, il faut se demander si le calcul estimatif est suffisamment rigoureux, logique et soutenable.

[16]     À cet effet, afin de déterminer le délai de 730 jours, BAC a également pris en compte la rigueur et la logistique nécessaire au traitement de cette demande qui nécessite notamment une recherche dans les courriels de 45 anciens et actuels employés.

[17]     Au surplus, bien que le nombre de pages ait été l’un des facteurs pris en considération pour déterminer la durée de la prorogation, BAC a affirmé qu’elle avait pris en considération le degré de complexité de cette demande en raison des nombreuses exceptions en lien avec l’article 23 de la Loi.

[18]     À la lumière de ce qui précède, le Commissariat est d’avis que BAC a fait preuve d’une rigueur et d’une logique suffisantes pour déterminer de manière sérieuse la durée de la prorogation du délai, de sorte que le délai de 730 jours est raisonnable et justifié dans les circonstances.

[19]     En conclusion, le Commissariat conclut que BAC a démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères de l’alinéa 9(1)a).

Alinéa 9(1)b) : prorogation du délai aux fins de consultations – 365 jours

[20]     L’alinéa 9(1)b) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :

  • elles doivent mener des consultations au sujet des documents demandés;
  • ces consultations rendent pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours;
  • la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.

L’institution a-t-elle démontré qu’elle satisfaisait aux critères de l’alinéa 9(1)b)?

Les consultations étaient‐elles nécessaires?

[21]     Selon BAC, en raison de la nature des renseignements demandés, une consultation sera nécessaire avec le ministère de la Justice Canada (Justice). En effet, des conseillers juridiques ont été impliqués dans cette affaire.

[22]     Compte tenu de l'objet de la demande, le Commissariat est convaincu que ces consultations sont nécessaires.

Les consultations rendraient‐elles pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours?

[23]     En raison du fort potentiel de nombreux documents nécessitant des consultations, BAC a estimé qu’elle n’était pas possible de recevoir la réponse à la consultation dans le délai initial de 30 jours pour une réponse.

[24]     Compte tenu notamment du volume et de la nature des documents devant être envoyés en consultation, le Commissariat est convaincu que la consultation ne peut raisonnablement pas être terminée dans les 30 jours.

La durée de la prorogation est‐elle raisonnable?

[25]     Dans ses représentations initiales, BAC n’avait pas indiqué le calcul de la prolongation en se fondant sur le nombre de pages à envoyer en consultation. Toutefois, dans des représentations additionnelles, BAC a mentionné avoir besoin de 365 jours pour une consultation avec Justice pour environ 1800 pages.

[26]     À la lumière de ce qui précède, le Commissariat est d’avis que BAC a fait preuve d’une rigueur et d’une logique suffisantes dans le cadre d’un effort sérieux pour déterminer la durée de la prorogation, en rendant 365 jours raisonnables et justifiés dans les circonstances.

[27]     En conclusion, le Commissariat à l’information conclut que BAC a démontré qu’elle répondait à toutes les exigences de l’alinéa 9(1)b).

[28]     Le Commissariat à l’information conclut que BAC a démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères des alinéas 9(1)a) et b). La prorogation est donc valide et la date d’échéance du délai de réponse demeure le 20 juin 2025.

Résultat

[29]     La plainte est non fondée.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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