Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2022 CI 43

Date : 2022-08-19
Numéro de dossier du Commissariat : 3215-00887
Numéro de dossier de l’institution : A-2014-00419/DGI

Sommaire

La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 15(1) (sécurité nationale, défense) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès visant des documents historiques concernant la défense dans la région de l’Arctique. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

BAC n’a pas démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères de l’exception, notamment comment la communication des renseignements en cause pourrait nuire à la sécurité nationale et/ou à la défense du Canada.

La Commissaire à l’information a recommandé à BAC de communiquer les documents répondant à la demande dans leur intégralité. BAC a avisé la Commissaire à l’information qu’elle donnerait suite à la recommandation.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 15(1) (sécurité nationale, défense) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès visant des documents historiques concernant la défense dans la région de l’Arctique.

Enquête

[2]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

Paragraphe 15(1) : sécurité nationale, défense

[3]      Le paragraphe 15(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationale (par exemple, des renseignements relatifs aux tactiques militaires, aux capacités d’armement ou à la correspondance diplomatique, comme le prévoient les alinéas 15(1)a) à i)).

[4]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’un ou l’autre des éléments suivants :
  • la conduite des affaires internationales;
  • la défense du Canada ou de tout État avec lequel le Canada a conclu une alliance ou un traité, ou de tout État avec lequel le Canada est lié, au sens du paragraphe 15(2);
  • la détection, la prévention ou la répression d’activités subversives ou hostiles spécifiques, au sens du paragraphe 15(2).
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[5]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[6]      BAC a fait une communication partielle lorsqu’elle a initialement répondu à la demande. À la suite de l’enquête du Commissariat à l’information, BAC a fait une communication supplémentaire à la partie plaignante. À ce moment-là, certains renseignements qui étaient auparavant visés par l’exception prévue au paragraphe 15(1) ont alors été communiqués. BAC a continué de refuser de communiquer la majorité des renseignements au motif que leur communication aurait une incidence sur la sécurité nationale. Le Commissariat a examiné attentivement les observations reçues de BAC pour justifier les passages qui demeuraient caviardés, mais il n’est pas convaincu que l’application du paragraphe 15(1) à ceux-ci était justifiée.

[7]      Les documents répondant à la demande concernent des plans, des opérations et des renseignements relatifs à la défense de l’Arctique. Les documents comprennent 378 pages et datent des années 1980. Au cours de l’enquête, le Commissariat a fourni à BAC des preuves que le Canada et les États-Unis ont déjà divulgué une grande quantité de renseignements historiques similaires sur la sécurité nationale.

[8]      Par exemple, les États-Unis ont déclassifié un rapport spécial sommaire hebdomadaire de la CIA daté du 31 janvier 1915, intitulé International Relationships in the Arctic Basin.

[9]      Le traité F101003 (Échange de notes constituant un accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur la modernisation du système de défense aérienne de l’Amérique du Nord) fournit également des détails sur la modernisation du système de défense aérienne de l’Amérique du Nord et appuie la position du Commissariat, à savoir que l’affirmation selon laquelle la communication pourrait causer un préjudice n’est pas suffisante pour justifier l’application de l’exception.

[10]    Une partie des documents se rapporte aux mécanismes de détection et à un programme en particulier, le Arctic Subsurface Surveillance System (ARCSSS), qui a été annulé en 1989 (Rob Huebert, 1999, Canadian Arctic Security Issues: Transformation in the Post-Cold War Era, p. 222-223). Dans ses observations, BAC a indiqué que même si le programme ARCSSS a été annulé, la communication de ces parties des documents nuirait à la défense du Canada. BAC n’a cependant pas démontré comment la communication de ces renseignements nuirait à la défense du Canada.

[11]    Les documents concernent également l’USSR, qui a été dissoute en 1991. Par conséquent, toute allégation de préjudice en cas de communication des renseignements pertinents aurait dû être détaillée et précise. BAC n’a pas fourni d’explication suffisante pour justifier le fait que les renseignements relatifs à l’URSS étaient toujours caviardés.

[12]    BAC a déjà communiqué de l’information concernant la menace soviétique (voir demande d’AIPRP A-2015-00577 de BAC, JIC Assessment: The threat to Canada from Communist Subversion, Espionage and Sabotage).

[13]    En outre, les renseignements concernant les opérations dans l’Arctique canadien ont fait l’objet de publications. Par exemple, Adam Lajeunesse et Whitney Lackenbauer ont publié un livre électronique intitulé Canadian Arctic Operations, 1941-2015, Lessons Learned, Lost, and Relearned en 2017. Beaucoup des renseignements figurant actuellement dans les documents répondant à la demande se trouvent dans ce livre.

[14]    De plus, le Commissariat est au courant qu’Affaires mondiales Canada publie proactivement des documents historiques sur l’Arctique (E2-39-Ar-2016.pdf (lac-bac.gc.ca)).

[15]    BAC a aussi indiqué que, compte tenu de la sensibilité des politiques et technologies canadiennes actuelles dans l’Arctique ou liées à la défense de celui-ci, la communication des renseignements pourrait quand même causer un préjudice, malgré le temps écoulé. BAC soutenait que les renseignements pourraient être considérés encore plus sensibles aujourd’hui qu’à la fin des années 1980, lorsque les documents en ont été créés.

[16]    BAC a également affirmé qu’une communication précédente de documents en vertu de la Loi n’a aucune incidence sur la communication d’information en réponse à la demande actuelle.

[17]    Après avoir examiné attentivement les observations de BAC, je ne suis pas d’avis que les critères nécessaires pour refuser la communication des renseignements en vertu de l’alinéa 15(1) ont été satisfaits. Pour arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que les renseignements en cause sont accessibles au public, se rapportent à une république qui n’existe plus et/ou se rapportent à un programme qui pourrait avoir été annulé.

[18]    Même si BAC a répété que les renseignements caviardés sont sensibles dans les circonstances actuelles, elle n’a pas indiqué comment la communication supplémentaire des renseignements nuirait à la sécurité nationale et/ou à la défense du Canada. Comme l’a rappelé le Commissariat à BAC, les allégations de préjudice causé par la communication des renseignements doit être probable et plus qu’une simple possibilité.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[19]    L’enquête a permis de conclure que BAC ne satisfaisait pas au critère du préjudice prévu au paragraphe 15(1). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner l’exercice du pouvoir discrétionnaire par BAC.

Résultat

[20]    La plainte est fondée.

Recommandation

Je recommande au ministre du Patrimoine canadien de communiquer les documents pertinents dans leur intégralité au plus tard 10 jours suivant la date du compte rendu.

Le ministre doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 20 juillet 2022, j’ai transmis au ministre mon rapport dans lequel je présentais ma recommandation prévue.

Le 15 août 2022, le ministre m’a avisée que BAC donnerait suite à ma recommandation.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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