Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2022 CI 17

Date : 2022-04-19
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-03262
Numéro de dossier de l’institution : S.O.

Sommaire

En janvier 2021, la Commissaire à l’information a entrepris une enquête systémique sur les retards dans les réponses de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) aux demandes d’accès. Cette enquête était motivée par les enquêtes qu’a menées le Commissariat à l’information sur une période de plusieurs années, qui ont permis de conclure que BAC ne répondait pas aux demandes d’accès dans les délais prescrits par la Loi sur l’accès à l’information, une tendance qui s’est amplifiée durant la pandémie.

La plainte est fondée, l’enquête ayant démontré que durant la période visée par l’enquête, environ 80 % des demandes terminées ne respectaient pas les délais prescrits par la Loi.

À titre de responsable de BAC, le ministre du Patrimoine canadien a été informé des conclusions de la Commissaire en janvier 2022. La Commissaire a formulé dix recommandations au ministre et a reçu sa réponse en février 2022.

En avril 2022, la Commissaire a déposé un rapport spécial au Parlement, conformément au paragraphe 39(1) de la Loi. Ce rapport spécial met en lumière les problèmes propres à BAC révélés au cours de l’enquête tout en attirant l’attention du Parlement sur deux des difficultés auxquelles fait face le système d’accès à l’information du Canada dans son ensemble :

  • la manière dont les consultations sur les demandes d’accès sont menées entre les institutions; et
  • l’absence de cadre pangouvernemental pour la déclassification des documents.

Introduction

[1]      Le Commissariat à l’information a enquêté au sujet de plusieurs plaintes sur une période de plusieurs années et il en a conclu que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ne répondait pas aux demandes dans les délais prescrits par la Loi sur l’accès à l’information. Les conclusions de ces enquêtes et les nouvelles plaintes déposées régulièrement au sujet de retards durant la pandémie, en plus du fait que la direction de BAC n’a pris aucune mesure concrète pour régler le problème à la base, m’ont incitée à entreprendre cette enquête.

[2]      Le présent compte rendu est produit conformément à l’alinéa 37(1)a) de la Loi. Il présente les résultats de mon enquête systémique sur le non-respect par BAC de son obligation législative de communiquer en temps opportun les documents qui relèvent d’elle en réponse à des demandes d’accès reçues entre le 1er avril 2020 et le 20 janvier 2021.

[3]      À titre de responsable de BAC, le ministre du Patrimoine canadien a été informé de mes conclusions en janvier 2022. J’ai formulé dix recommandations au ministre et j’ai reçu sa réponse à celles-ci le 14 février 2022. Mes conclusions et mes recommandations de même que mon évaluation de la réponse du ministre se trouvent dans le présent compte rendu.

[4]      Bien que le ministre reconnaisse les difficultés importantes qui empêchent BAC de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi, dans sa réponse, on ne sent aucun sentiment d’urgence et il ne fournit aucune assurance que des changements sont à venir. En outre, le ministre n’a pas abordé directement certaines de mes recommandations.

[5]      Cela dit, ma dixième recommandation était que BAC publie les résultats concrets obtenus eu égard à la mise en œuvre de mes recommandations sur son site Web d’ici la fin de 2022 et qu’elle fournisse des mises à jour trimestrielles. Le ministre a confirmé que des mises à jour seraient publiées deux fois par année. J’ai hâte de prendre connaissance de ces mises à jour – peut-être même autant que les Canadiens directement touchés par l’incapacité de BAC de communiquer l’information en temps opportun, dont les historiens, les chercheurs et les universitaires – et j’espère que cela donnera lieu à des résultats tangibles. Pour apporter des améliorations concrètes et positives au processus d’accès à l’information de BAC, il faudra que le ministre fasse preuve de leadership et s’assure que ce travail soit mené à bien.

[6]      Enfin, l’enquête m’a amenée à publier un rapport spécial afin d’attirer l’attention du Parlement sur deux des difficultés auxquelles fait face le système d’accès à l’information du Canada dans son ensemble :

  • la manière dont les consultations sur les demandes d’accès sont menées entre les institutions;
  • l’absence de cadre pangouvernemental pour la déclassification des documents.

[7]      J’ai l’intention de déposer le rapport spécial au Parlement en mai 2022, conformément au paragraphe 39(1) de la Loi.

Contexte

[8]      Le vaste mandat de BAC consiste à constituer et préserver le patrimoine documentaire du Canada, à le faire connaître et à le rendre accessible. Les documents recueillis, conservés et rendus accessibles pour la recherche et à d’autres fins par BAC comprennent des documents historiques créés par presque tous les ministères et organismes fédéraux. BAC est actuellement le gardien de plus de 200 kilomètres linéaires de documents textuels, cartographiques, photographiques, audiovisuels et, de plus en plus, numériques, dont certains remontent à 1867.

Trois catégories de documents demandés

[9]      Les demandes d’accès faites à BAC visent des documents se trouvant dans les collections archivistiques du gouvernement du Canada. Selon les statistiques fournies au Commissariat, 43 % des demandes d’accès reçues entre le 1er avril 2020 et le 4 février 2021 visaient ce type de documents. Et pourtant, elles comptaient pour 95 % des plaintes faites au Commissariat durant la même période. Ces demandes sont traitées par l’Unité des dossiers archivistiques et opérationnels de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) et de la réponse aux litiges.

[10]    De plus, BAC détient et conserve des millions de dossiers historiques du personnel militaire et civil. Des gens demandent l’accès à ces dossiers afin de démontrer l’admissibilité à des prestations et à des programmes gouvernementaux. Ces documents comptaient pour 56 % des demandes d’accès reçues entre le 1er avril 2020 et le 4 février 2021. Ces demandes sont traitées par l’Unité des documents du personnel de la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges. Le Commissariat reçoit rarement des plaintes concernant ce type de documents.

[11]    Enfin, BAC détient des documents concernant ses propres activités, mais seulement 1 % des demandes qui lui ont été faites entre le 1er avril 2020 et le 4 février 2021 visaient ce type de documents.

Charge de travail

[12]    Le Commissariat a recueilli des renseignements sur la charge de travail de BAC en matière d’accès à l’information durant la période visée par l’enquête, de même qu’avant et après, afin d’observer et d’évaluer les tendances en ce qui concerne les retards (tableau 1).

Tableau 1 : charge de travail de BAC en matière d’accès à l’information, du 1er avril 2018 au 31 août 2021

Tableau 1 : charge de travail de BAC en matière d’accès à l’information, du 1er avril 2018 au 31 août 2021
 

2018-2019

2019-2020

2020-2021

du 1er avril 2021 au 31 août 2021

Demandes reportées des exercices précédents

404

509*

1 153

1 945

Demandes reçues

1 384

2 131

1 646

958

Demandes fermées

1 278

1 487

854

785

Présomptions de refus (demandes auxquelles on a répondu après le délai prescrit)

96

61

676

416

Demandes reportées à la fin de l’exercice

510

1 153

1 945

2 093*

Source : Certains chiffres ont été fournis par BAC au début de l’enquête et plus tard, alors que d’autres proviennent de ses rapports annuels sur l’accès au Parlement ou ont été calculés par le Commissariat à partir des renseignements fournis.

* Les données figurant dans les rapports peuvent être ajustées d’une année à l’autre afin de corriger des erreurs mineures.

[13]    Le nombre de demandes d’accès reçues par BAC a augmenté au cours des dernières années. Dans son Rapport annuel concernant la Loi sur l’accès à l’information, 2019-2020, BAC a attribué cette augmentation à l’élimination des frais conformément à la Directive provisoire concernant l’administration de la Loi sur l’accès à l’information et au fait que le public et ses clients sont davantage sensibilisés à leurs droits en vertu de la Loi. Durant l’enquête, BAC a également attribué l’augmentation au fait que des personnes potentiellement touchées par deux recours collectifs (la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux et l’Entente de règlement définitive concernant la Purge LGBT) cherchaient de l’information en vue de confirmer leur admissibilité à une indemnisation.

Enquête

[14]    Au début de son enquête, le Commissariat a examiné les dossiers associés aux 213 plaintes actives contre BAC afin d’obtenir des détails sur le traitement des demandes d’accès et les circonstances qui ont mené aux retards. Le Commissariat a également examiné l’information que les responsables de l’AIPRP à BAC ont fournie concernant leurs activités et leur charge de travail durant l’enquête, de même que les observations de BAC sur des points particuliers.

Communiquer les documents en temps opportun : une exigence de la Loi sur l’accès à l’information

Répondre dans les délais prescrits par la Loi

[15]    Le paragraphe 4(2.1) de la Loi prévoit l’obligation pour les institutions de communiquer les documents qui relèvent d’elles en temps opportun.

[16]    L’article 7 prévoit les conditions précises de cette obligation. Il requiert que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins d’avoir transféré la demande à une autre institution ou pris une prorogation valide de délai conformément aux exigences prévues à l’article 9. En vertu du paragraphe 10(3), le défaut de communication dans le délai de 30 jours prévu ou dans un délai prorogé équivaut à un refus de communiquer les documents.

[17]    Selon l’information fournie par BAC, cette dernière ne s’est pas acquittée de son obligation de communiquer les documents en temps opportun durant la période visée par l’enquête. Elle a répondu à 79 % des demandes d’accès terminées en 2020-2021 après l’expiration du délai de 30 jours ou du délai prorogé. BAC a également répondu en retard à 53 % des demandes reçues entre le 1er avril et le 31 août 2021. Voir le tableau 1 ci-dessus.

[18]    Le Commissariat a reçu 37 plaintes concernant des retards durant la période d’enquête, en plus des 135 qu’il avait avant le 1er avril 2020. Entre le 1er avril et le 31 août 2021, 36 autres plaintes ont été enregistrées contre BAC. Elles portent toutes sur le fait que BAC n’a pas répondu à des demandes d’accès dans le délai de 30 jours prescrit ou dans le délai prorogé.

[19]    Comme l’illustre le tableau 1, BAC reçoit de plus en plus de demandes d’accès chaque année. Par exemple, elle a commencé l’exercice 2019-2020 avec 510 demandes actives, mais ce chiffre avait grimpé à 1 153 au début de l’exercice suivant. En date du 31 août 2021, BAC avait plus de 2 100 demandes en cours. Au cours de la même période, elle a pris de plus en plus longtemps pour répondre aux demandes : 102 jours en moyenne en 2020-2021, mais 115 jours entre le 1er avril et le 31 août 2021.

[20]    L’un des principaux facteurs à l’origine de l’arriéré et des délais de réponse croissants à BAC est la suspension des activités d’AIPRP durant les premiers mois de la pandémie, lorsque seulement quelques membres du personnel avaient accès aux lieux de travail, aux documents et aux réseaux. Comme je l’ai conclu dans le compte rendu Patrimoine canadien (Re), 2020 CI 10, les institutions sont toujours tenues de répondre aux demandes dans les délais prescrits. La pandémie ne suspend pas leurs obligations en vertu de la Loi. Afin de protéger le droit d’accès, qui est de nature quasi constitutionnelle, les institutions doivent être en mesure de traiter les demandes en tout temps.

[21]    Au cours des enquêtes sur des plaintes contre BAC concernant des retards que le Commissariat a menées jusqu’à maintenant en 2021-2022, dont un grand nombre portent sur les premiers mois de la pandémie, les preuves recueillies démontrent que BAC n’a pris aucune mesure pour traiter les demandes. Les documents n’ont pas été récupérés, les demandes n’ont pas été attribuées aux analystes et aucune prorogation de délai n’a été prise afin d’avoir assez de temps pour répondre. Les demandes concernaient toutes des documents d’archives du gouvernement du Canada, qui relèvent de l’Unité des dossiers archivistiques et opérationnels.

[22]    Je conclus qu’en ne répondant pas aux demandes d’accès dans le délai de 30 jours prescrit ou dans le délai prorogé en vertu de l’article 7, et puisque son personnel de l’accès n’a pas traité les demandes durant les premiers mois de la pandémie, BAC ne s’est pas acquittée de son obligation de communiquer les documents en temps opportun, conformément au paragraphe 4(2.1), durant la période visée par l’enquête.

Recommandation

  • Répondre à l’arriéré de demandes d’accès découlant de la suspension par BAC de ses activités d’AIPRP durant la pandémie

Réponse du ministre

[23]    Le ministre a reconnu que les activités d’AIPRP de BAC ont été suspendues en raison des mesures de santé et de sécurité mises en place durant la pandémie. Comme la plupart des documents d’archives du gouvernement sont sur support papier, il fallait que des employés soient sur place pour traiter les demandes d’accès.

[24]    BAC recrutera des ressources humaines supplémentaires et elle a affecté tout le personnel de l’AIPRP à la réduction de l’arriéré, sauf le personnel qui répond aux demandes urgentes et à celles liées à des recours collectifs.

[25]    De plus, BAC répondra aux demandes d’accès dans l’ordre selon lequel elles ont été reçues.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à ma recommandation

[26]    Chaque demande dans l’arriéré est en retard et devrait être considérée comme une priorité. La réponse du ministre ne mentionne aucune stratégie pour réduire l’arriéré accumulé. Dans sa réponse, la priorité est plutôt accordée aux demandes classées comme urgentes et à celles liées aux recours collectifs.

[27]    La réponse du ministre ne me convainc pas qu’il comprend à quel point la situation à BAC est critique et je me dois d’insister pour qu’il veille à ce que l’arriéré soit traité de la façon la plus efficace possible. L’élaboration de processus simplifiés, l’adoption d’approches innovatrices ainsi que l’établissement d’échéanciers et d’objectifs ne sont que quelques exemples de mesures concrètes que BAC et le ministre pourraient envisager et mettre en œuvre.

Consultations avec d’autres institutions

Les consultations sont-elles toutes nécessaires?

[28]    Les institutions peuvent consulter d’autres institutions au sujet de la communication de documents qui les concernent. Les consultations ne sont pas obligatoires en vertu de la Loi. Si une institution fédérale en consulte une autre, elle doit tout de même répondre dans le délai de 30 jours, à moins de satisfaire aux conditions à l’alinéa 9(1)b). Selon cette disposition, les prorogations de délai sont permises seulement lorsque des consultations sont nécessaires pour répondre à la demande et lorsque celles-ci ne peuvent pas raisonnablement être tenues durant le délai original de 30 jours.

[29]    Concernant les consultations, il convient également de noter la section 7.7 (limiter et réduire la nécessité de mener des consultations interinstitutionnelles en ce qui a trait aux articles 15 et 16 de la Loi sur l’accès à l’information) de la Directive provisoire concernant l’administration de la Loi sur l’accès à l’information, qui précise ce qui suit :

  • Les institutions doivent seulement tenir des consultations en ce qui a trait aux articles 15 (affaires internationales, sécurité nationale et défense) et 16 (enquêtes) lorsqu’elles ont besoin de plus d’information pour exercer correctement leur pouvoir discrétionnaire ou lorsqu’elles ont l’intention de divulguer des renseignements délicats.
  • Les institutions doivent veiller à accorder la même importance aux demandes de consultation d’autres institutions fédérales qu’aux demandes d’accès à l’information.

[30]    Selon BAC, 8 institutions étaient visées par les 445 consultations en cours en date du 31 août 2021. Voir le tableau 2 ci-dessous. Cela comprenait notamment la Défense nationale, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

[31]    BAC dit avoir répondu à 1 210 demandes d’accès sans mener de consultations entre avril 2020 et août 2021. Cependant, il demeure 429 demandes (ou 26 % du nombre total de demandes traitées pendant cette période) pour lesquelles des consultations avec d’autres institutions ont été entreprises. En comparaison, environ 5 % des demandes traitées dans l’ensemble du gouvernement ont nécessité des consultations avec d’autres institutions en 2020-2021, selon les chiffres publiés par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

[32]    Il est compréhensible que BAC doive consulter d’autres institutions plus souvent que les autres, car elle détient des documents qu’elle n’a pas créés. Le fait qu’elle tient cinq fois plus de consultations que la moyenne à l’échelle du gouvernement est significatif et illustre son rôle unique. BAC explique qu’elle doit consulter d’autres institutions sur des questions de sécurité et de renseignement : [traduction] « […] parce qu’il n’y a pas d’experts en la matière à BAC. Les demandes portent sur des sujets complexes et délicats, et BAC doit obtenir les conseils et recommandations d’experts d’autres ministères afin de pouvoir évaluer si l’information demandée doit être protégée. »

[33]    Compte tenu du mandat de BAC, je ne peux pas accepter sa position selon laquelle elle doit systématiquement consulter des institutions sur toutes les questions de sécurité et de renseignement. Les archivistes de BAC organisent des collections de documents historiques, étudient les évènements décrits dans ceux-ci, publient des articles et écrivent des livres sur ces évènements et ces sujets. Je conviens que la tenue de consultations pourrait être justifiée sur certains sujets, questions ou évènements historiques mentionnés dans les documents. Il semblerait toutefois que de renoncer à la responsabilité d’examiner toutes les questions de sécurité et de renseignement dans leur contexte historique va à l’encontre de la raison d’être de BAC.

[34]    BAC a déclaré qu’elle consulte toujours le SCRS au sujet des demandes visant des documents qui proviennent de lui ou de son prédécesseur. La tenue de ces consultations était une condition pour recevoir des documents du SCRS et BAC l’a acceptée. L’accord conclu avec le SCRS en vertu de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada rend les consultations nécessaires conformément à l’alinéa 9(1)b) de la Loi. Ces consultations pourraient toutefois empêcher BAC de respecter son obligation de communiquer les documents en temps opportun en vertu de la Loi. Le droit d’accès s’applique nonobstant toute autre loi fédérale et les accords de transfert ne doivent pas nuire à la communication en temps opportun. À première vue, accepter de tenir obligatoirement des consultations avec le SCRS n’est pas conforme à la Directive provisoire, selon laquelle les institutions doivent tenir des consultations sur les articles 15 et 16 seulement dans deux circonstances précises. Dans les deux situations, BAC doit faire une analyse préliminaire des documents afin de confirmer que les articles 15 et 16 s’appliquent. Cela est conforme à la Loi, qui requiert une analyse préliminaire afin de décider qu’une consultation est nécessaire pour répondre à la demande. Les institutions doivent exercer leur pouvoir délégué d’appliquer les exceptions ou de communiquer les documents en vertu de la Loi, sans prolonger le délai en tenant des consultations qui ne sont pas nécessaires.

[35]    Selon BAC, le but des consultations est de communiquer le plus d’information possible. Cependant, les enquêtes du Commissariat sur un certain nombre de plaintes contre BAC ont révélé que lorsque BAC consulte, elle ne précise pas nécessairement la nature des conseils qu’elle souhaite recevoir ou les renseignements sur lesquels ceux-ci devraient porter. En outre, ces enquêtes ont montré que BAC ne suit pas un processus rigoureux pour fixer la durée des consultations. Cette analyse préliminaire, en vue de cibler les consultations, permettrait aux institutions consultées de répondre dans un délai plus raisonnable.

Attente excessivement longue pour les réponses aux consultations

[36]    BAC dit attendre plus de 3,5 ans, en moyenne, pour recevoir les recommandations concernant la communication de la part des institutions qu’elle consulte. Parmi les 445 consultations en cours en date du 31 août 2021, 11 étaient en cours depuis plus de 66 mois (5,5 ans; voir tableau 2). Les consultations étaient auprès des institutions suivantes : Défense nationale, SCRS, Bureau du Conseil privé, Instituts de recherche en santé du Canada, GRC et Affaires mondiales Canada.

Tableau 2 : temps écoulé depuis que la demande de consultation a été envoyée

Tableau 2 : temps écoulé depuis que la demande de consultation a été envoyée

Nombre de mois

Nombre consultations

De 5 à 23 mois

69

De 24 à 36 mois

209

De 37 à 50 mois

74

De 51 à 66 mois

82

De 67 à 100 mois

8

Plus de 100 mois

3

Total

445

Source : BAC

[37]    Parmi les demandes d’accès associées aux 445 consultations en cours, 381 sont en situation de présomption de refus en vertu du paragraphe 10(3).

[38]    Sur les 213 plaintes contre BAC qui étaient actives au début de l’enquête systémique, 109 (51 %) mettaient en cause des consultations en cours auprès d’autres institutions. Dans la plupart des cas, BAC a pris une prorogation de délai en vertu de l’alinéa 9(1)b) pour tenir compte de ces consultations, mais celle-ci a expiré avant que BAC n’ait fourni une réponse.

[39]    BAC a informé le Commissariat qu’elle ne souhaite généralement pas redéfinir les priorités des autres institutions, car celles-ci manquent aussi de ressources pour composer avec la charge de travail. Cependant, lorsque c’est nécessaire, elle négocie afin de recevoir une réponse plus rapide tout en veillant à ne pas trop perturber le travail des institutions en question. BAC a également affirmé que son équipe de l’AIPRP fait pression sur chaque institution afin qu’elle fournisse des recommandations quant à la communication dans le délai convenu, mais le Commissariat a reçu peu de preuves qu’elle le fait systématiquement ou que cela donne des résultats tangibles.

[40]    BAC a aussi dit au Commissariat qu’elle avait mis au point un modèle pour aider les institutions à prioriser les demandes de consultation. Elle a communiqué la liste de ses consultations en cours auprès du SCRS en septembre 2020, puis en août 2021. Le SCRS a ensuite fourni des recommandations concernant la communication en réponse à six des neuf consultations en cours. Bien que cette initiative ait donné un résultat positif avec le SCRS, BAC n’a pas fait part au Commissariat des résultats qu’elle a pu obtenir auprès des autres institutions consultées.

[41]    Le Commissariat reconnaît que BAC n’a aucun contrôle sur la façon dont les autres institutions traitent ses consultations; cependant, mon enquête a montré que BAC fait preuve de trop de complaisance à l’égard des délais de réponse à celles-ci. Compte tenu du nombre de consultations que mène BAC, cela a des répercussions négatives disproportionnées sur les personnes qui lui présentent des demandes d’accès.

[42]    BAC doit adopter de meilleures pratiques pour ce qui est des consultations, par exemple :

  • procéder à une analyse détaillée de l’information dans son contexte historique;
  • inclure les documents de référence pertinents et des questions ciblées dans chaque demande de consultation;
  • fixer un délai de réponse raisonnable;
  • surveiller les délais fixés;
  • prendre des mesures lorsque les délais de réponse sont expirés.

[43]    Je conclus que BAC n’a pas démontré que le fait de ne pas répondre dans le délai prescrit par la Loi est dû à des consultations qui sont nécessaires en vertu de l’alinéa 9(1)b). En outre, je conclus que les consultations automatiques sur toute l’information liée à la sécurité et au renseignement ne sont pas conformes à la Directive provisoire. Je conclus également qu’attendre les réponses aux consultations plutôt qu’exercer le pouvoir qui lui est entièrement délégué de répondre aux demandes d’accès, qu’elle ait reçu des recommandations ou non quant à la communication, empêche BAC de communiquer les documents demandés en temps opportun.

[44]    Ayant conclu que BAC ne s’acquitte pas de son obligation de communiquer les documents en temps opportun, j’ai examiné plus en profondeur quatre problèmes systémiques qui, selon moi, contribuent, à différents degrés, aux retards.

Recommandations

  • Exiger des responsables de l’AIPRP à BAC qu’ils utilisent leur pouvoir délégué pour répondre immédiatement à toutes les demandes d’accès pour lesquelles des consultations sont en cours.
  • Exiger des responsables de l’AIPRP à BAC, en ce qui concerne les nouvelles demandes d’accès nécessitant des consultations, qu’ils établissent un processus rigoureux pour déterminer la durée des consultations et répondre aux demandes avant la date d’échéance de la prorogation, avec ou sans la contribution des institutions consultées.

Réponse du ministre

[45]    Le ministre n’a pas directement abordé la recommandation 2. Il a cependant confirmé que BAC établira un processus pour mieux exercer ses pouvoirs délégués, ce qui comprend la formation de son personnel.

[46]    En ce qui concerne la recommandation 3, le ministre a confirmé que BAC collaborerait avec les organisations consultées et établirait des normes de service pour les suivis systématiques. BAC évaluera également ses processus de travail et établira une approche axée sur le risque qui sera appliquée par les responsables délégués pour réduire le nombre de consultations avec les autres ministères.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à mes recommandations

[47]    La façon dont BAC consulte actuellement les autres ministères équivaut à renoncer à ses responsabilités en faveur de ces institutions. La sous-délégation des pouvoirs de BAC à d’autres institutions, qui négligent de répondre aux demandes de consultation pendant plus ou moins 3,5 ans, ne sert aucunement les Canadiens.

[48]    Manifestement, les autres ministères que consulte BAC n’accordent pas aux demandes de celle-ci la même importance qu’aux demandes qui leur sont directement adressées. Mes recommandations visent à permettre au personnel de l’AIPRP de BAC d’exercer pleinement le pouvoir qui lui a été délégué en vertu de la Loi. Le fait que le ministre ne s’est pas engagé à exiger cela, comme je l’ai recommandé, mine l’instrument de délégation lui-même.

[49]    Le fait que la Loi ne prévoit pas de durée maximale pour les réponses aux consultations des autres institutions empêche les Canadiens d’avoir accès aux documents en temps opportun, un fait que j’ai déjà porté à l’attention du président du Conseil du Trésor.

Absence d’infrastructure pour traiter les documents « Secret » et « Très secret »

[50]    Pour traiter les demandes d’accès en temps opportun, il faut disposer de l’infrastructure appropriée (personnes et équipement) pour tous les formats et toutes les classifications de documents.

[51]    Pour répondre à presque toutes les demandes d’accès reçues par BAC, il faut d’abord que les responsables de l’AIPRP fassent livrer les documents depuis une installation d’entreposage, qui se trouve souvent dans une autre ville. Ensuite, il faut qu’ils passent en revue le contenu de toutes les boîtes à la main pour voir quels dossiers répondent à la demande. Les documents d’archives provenant d’autres institutions et les documents du personnel qu’elle détient sont, selon BAC, surtout des documents papier fragiles dans des formats non standard.

[52]    Une fois que les documents sont repérés, ils sont triés pour savoir s’ils peuvent être communiqués dans leur intégralité ou s’il faut les caviarder. S’il est nécessaire ou probablement nécessaire de caviarder des documents, les dossiers sont envoyés à une autre équipe qui les numérise avant leur traitement.

[53]    Durant l’enquête, BAC a fourni des preuves comme quoi elle était en mesure de numériser des documents désignés « Protégé B » ou moins à raison de 99 000 pages par mois. Selon BAC, cela est suffisant et n’entrave pas le traitement des documents en réponse aux demandes d’accès.

[54]    Ce n’est toutefois pas le cas pour les documents « Secret » et « Très secret », car BAC ne dispose pas d’une infrastructure adéquate pour les numériser, les examiner, tenir des consultations à leur sujet et les caviarder. Parmi les 213 plaintes actives contre BAC que le Commissariat avait au début de l’enquête, 58 (27 %) portaient sur des réponses en retard à des demandes visant des documents « Très secret ».

[55]    L’enquête a montré que seul un nombre limité de personnes a la cote de sécurité requise pour traiter ces documents et l’espace où on peut les examiner est limité. De plus, BAC ne dispose pas de moyen pour consulter facilement d’autres institutions au sujet de ces documents, puisqu’il n’a pas de réseau assez sécuritaire pour les transmettre.

[56]    Le compte rendu Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2021 CI 14, sur une enquête récemment conclue par le Commissariat, est un exemple de retard causé par cette absence d’infrastructure. L’enquête a démontré que le traitement des documents du Service de sécurité de la GRC sur George Raymond Motolanez détenus par BAC a été retardé en partie par une longue consultation auprès du SCRS. En outre, une fois que le SCRS a fourni ses recommandations, BAC a dû caviarder les documents « Très secret » à la main.

[57]    Au cours de la présente enquête, BAC a confirmé qu’en septembre 2021, elle a désigné un espace physique et établi un environnement numérique convenables pour le traitement des documents « Très secret ».

[58]    BAC a également expliqué qu’elle était en train d’obtenir une certification afin que le personnel puisse traiter des documents « Très secret » qui nécessitent davantage de ségrégation. BAC estime que la certification devrait être obtenue au plus tard le 1er avril 2022.

[59]    J’estime que les efforts déployés par BAC pour mettre en place une infrastructure qui lui permettrait de numériser, traiter et examiner les documents « Très secret » sont un pas dans la bonne direction. Cependant, il est essentiel que ces premières mesures se traduisent rapidement par des réponses en temps opportun aux demandes d’accès et qu’entre-temps, BAC continue de traiter les demandes de documents « Très secret » aussi efficacement que possible.

Recommandations

  • Traiter immédiatement toutes les demandes d’accès en cours visant des documents classifiés « Très secret », même si la mise en œuvre et la certification de la nouvelle infrastructure ne sont pas terminées.
  • Mettre en œuvre une infrastructure entièrement fonctionnelle qui permettra aux responsables de l’AIPRP de traiter efficacement les documents « Secret » et « Très secret ».
  • Veiller à ce que les représentants de l’AIPRP aient accès au réseau et aux logiciels de traitement des documents de BAC en tout temps, afin d’être toujours en mesure de répondre aux demandes d’accès.

Réponse du ministre

[60]    Le ministre a confirmé qu’une solution informatique a été mise en place pour traiter les documents « Très secret » en octobre 2021 et il a reconnu qu’il restait du travail à faire. BAC prévoit qu’elle disposera d’une capacité accrue de traitement des documents « Très secret » en 2023 et les demandes seront traitées dans l’ordre selon lequel elles ont été reçues.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à mes recommandations

[61]    La réponse du ministre n’engage pas vraiment BAC à autre chose que le statu quo, qui est, comme je l’ai déjà souligné, entièrement inadéquat. La réponse du ministre ne précise pas à quelle vitesse BAC commencera à traiter son arriéré de demandes contenant des renseignements « Très secret » et ne donne pas l’assurance que la population canadienne pourra avoir accès à ces documents dans un avenir rapproché.

[62]    La recommandation 6 est complètement ignorée dans la réponse du ministre. BAC a eu près de deux ans pour s’adapter aux nouvelles réalités opérationnelles imposées par la pandémie. Ma position à ce sujet a toujours été la même : en vertu de la Loi, une institution ne peut pas suspendre le traitement des demandes d’accès en raison de la pandémie ou de l’absence d’infrastructure.

[63]    Encore une fois, vu sa réponse, je ne suis pas certaine que le ministre comprend bien à quel point il est urgent d’accroître la capacité de traiter des documents classifiés à BAC.

Absence de programme de déclassification

[64]    Le paragraphe 13(1) de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada régit le transfert à BAC de documents gouvernementaux ou ministériels qui présentent une valeur historique ou archivistique. Cependant, cette loi n’exige pas que les documents soient transférés et elle n’établit pas de calendrier pour le transfert, puisqu’il incombe à chaque institution d’établir son propre calendrier de conservation. Cela signifie qu’une institution peut conserver des documents indéfiniment, y compris ceux présentant une valeur historique, et que BAC n’a aucunement le pouvoir de la forcer à les lui transférer.

[65]    BAC a expliqué que ce sont des accords entre la bibliothécaire et archiviste du Canada et les institutions fédérales qui régissent le transfert de documents présentant une valeur historique ou archivistique. Ces accords, s’il y a lieu, doivent être conclus avant que les documents soient transférés, mais les institutions ne sont aucunement tenues d’en conclure.

[66]    Enfin, une fois qu’une institution conclut un accord de transfert, elle n’est pas tenue par la loi d’examiner, de déclassifier ou de déclasser des documents classifiés avant de les transférer à BAC. En fait, le Canada est le seul membre du Groupe des cinq (une alliance de renseignement composée du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis) qui ne dispose pas de programme national de déclassification.

[67]    Ce n’est pas la désignation de sécurité d’un document qui fait en sorte qu’on doit refuser sa communication en vertu, par exemple, de l’article 13 (renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux) ou de l’article 15 (affaires internationales, sécurité nationale et défense). Cependant, la désignation joue pour beaucoup dans le fait que les institutions invoquent trop souvent ces exceptions. Cela prolonge le temps requis pour traiter les demandes d’accès et consulter les autres institutions, en raison des strictes exigences de sécurité. Ensemble, ces circonstances peuvent retarder considérablement le traitement des demandes d’accès.

[68]    Au cours de l’enquête, le Commissariat a appris que BAC avait convaincu le groupe de travail interministériel sur la déclassification de lancer un projet pilote de déclassification des documents du Comité mixte du renseignement datant de 1943 à 1960 et détenus par différentes institutions. Bien que ce projet pilote soit encourageant, je suis d’avis que seule une approche obligatoire et normalisée de la déclassification à l’échelle du gouvernement pourra débloquer l’impasse associée aux demandes de documents liés à la sécurité et au renseignement.

[69]    Je conclus donc que puisqu’il n’existe aucune exigence, légale ou autre, pour les institutions de déclassifier les documents avant de les transférer à BAC, cela contribue aux retards lorsque ces documents répondent à une demande d’accès adressée à BAC.

Recommandation

  • Exiger des institutions qu’elles examinent et, lorsque c’est possible, déclassifient ou déclassent les documents avant de les transférer à BAC.

Réponse du ministre

[70]    Le ministre a transmis mon rapport à la présidente du Conseil du Trésor.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à ma recommandation

[71]    Je suis d’accord que c’est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui est responsable des politiques encadrant le travail des fonctionnaires, y compris celles sur la classification de sécurité, mais ma recommandation visait aussi BAC, en ce qui concerne les accords de transfert des documents d’archives gouvernementaux.

[72]    Certes, la déclassification des documents hautement classifiés créés dans la fonction publique fédérale n’est pas une question que BAC pourrait régler à elle seule. Même si j’espère que la présidente du Conseil du Trésor entendra mon appel à l’action, je demeure convaincue qu’il y a des mesures que BAC peut prendre unilatéralement. Par exemple, BAC pourrait inclure dans ses accords de transfert des clauses additionnelles exigeant que les institutions déclassifient ou déclassent les documents.

[73]    La recommandation 7 visait également à limiter le transfert de documents hautement classifiés à la source, en imposant des exigences aux institutions en matière de gestion interne. Même si elle sait très bien qu’elle ne dispose pas de l’infrastructure adéquate pour traiter les documents hautement classifiés, particulièrement en réponse à des demandes en vertu de la Loi, je constate que BAC continue d’accepter le transfert de ces documents. Cette pratique est choquante, compte tenu de l’incidence négative qu’elle a sur la capacité de BAC de traiter les demandes d’accès et de respecter le droit d’accès de la population canadienne.

Financement insuffisant des différents secteurs d’activité de BAC

[74]    À titre de gardienne de documents historiques au sujet d’anciens combattants et d’anciens fonctionnaires, BAC joue un rôle crucial en aidant ces personnes et leur famille à prouver leur admissibilité à des indemnités rétroactives ou découlant d’un litige, à une indemnisation d’accident du travail, à des plaques d’immatriculation pour vétérans et à des cartes de service, par exemple. De plus, les Canadiens qui font partie de recours collectifs et de règlements contre le gouvernement (p. ex. la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux) se tournent souvent vers BAC pour obtenir de l’information afin de prouver leur admissibilité à une indemnité.

[75]    Dans un dossier en cours, la Défense nationale a financé de 2018 à la fin de 2022 une équipe d’analystes de l’AIPRP à BAC pour aider à répondre aux demandes découlant de l’Entente de règlement définitive concernant la Purge LGBT. Cette entente indemnise les fonctionnaires fédéraux, militaires et membres de la GRC qui ont été affectés par des politiques et des pratiques discriminatoires entre 1955 et 1996.

[76]    En revanche, BAC n’a pas reçu de financement supplémentaire pour répondre aux demandes concernant la Convention de règlement relative aux externats indiens fédéraux, et ce, malgré les demandes répétées à cet effet faites à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. La période de présentation des demandes d’indemnisation a commencé en 2019 et prend fin à la mi-juillet 2022. BAC estime qu’elle devra traiter environ 2 600 demandes d’AIPRP au cours de cette période, en plus de sa charge de travail habituelle.

[77]    Le personnel de l’AIPRP de BAC répond aussi aux demandes de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui souhaite que les renseignements criminels soient extraits et séparés des dossiers du personnel militaire détenus par BAC. Or, comme l’explique cette dernière, le nombre et la complexité de ces demandes varient chaque année. BAC a toutefois indiqué que ce travail n’est pas financé, mais qu’il est intégré à la charge de travail globale du bureau de l’AIPRP.

[78]    Enfin, BAC a expliqué que le personnel de l’AIPRP coordonne l’accès des chercheurs des autres institutions aux documents d’archives. Ces chercheurs sont chargés par leur institution d’accéder, avec ou sans restriction, aux documents que celle-ci a créés, mais qui relèvent maintenant de BAC.

[79]    Ce sont là des secteurs d’activités légitimes, compte tenu du mandat de BAC, mais celle-ci estime que le fardeau qui y est associé repose presque entièrement sur la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges.

[80]    Je constate que ces secteurs d’activité supplémentaires exercent une pression importante et variable sur le bureau de l’AIPRP. Je conclus également que ces responsabilités, puisque BAC doit les assumer avec ses ressources existantes, à part une exception, contribuent à son incapacité de répondre aux demandes d’accès en temps opportun.

Recommandation

  • Négocier un financement adéquat pour le bureau de l’AIPRP de BAC, à l’appui des nouveaux programmes mis sur pied par d’autres institutions.

Réponse du ministre

[81]    Le ministre a confirmé que BAC consulterait les autres ministères concernés pour s’assurer que ses besoins sont pris en considération et qu’on lui accorde un financement adéquat lorsque de nouveaux programmes ou recours collectifs sont négociés.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à ma recommandation

[82]    Je suis satisfaite de la réponse du ministre.

Ressources insuffisantes consacrées à l’AIPRP

[83]    En plus d’appuyer les différents secteurs d’activités de BAC, le personnel de l’AIPRP de BAC répond aux demandes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. BAC accepte aussi de répondre à ce qu’elle appelle des demandes informelles d’accès aux dossiers du personnel d’anciens fonctionnaires, aux dossiers de service d’anciens membres des Forces armées canadiennes après 1919 et aux documents d’archives du gouvernement du Canada.

[84]    Le nombre actuel de demandes d’accès formelles et informelles dans l’arriéré de BAC, qui est notamment dû à la suspension des activités d’AIPRP durant la pandémie, est ahurissant (voir tableau 3).

Tableau 3 : arriéré de demandes d’accès formelles et informelles, en date du 31 août 2021

Tableau 3 : arriéré de demandes d’accès formelles et informelles, en date du 31 août 2021

Types de documents demandés

Formelles

Informelles

Total

Dossiers militaires et du personnel

135

11 656

11 791

Documents d’archives du gouvernement du Canada

1 949

620

2 569

Documents opérationnels de BAC

9

18

27

Total

2 093

12 294

14 387

Source : BAC

[85]    BAC a informé le Commissariat qu’elle avait temporairement réaffecté des ressources internes pour aider la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges à assumer ses responsabilités et, par conséquent, répondre aux demandes informelles d’AIPRP plus rapidement : 2,5 équivalents temps plein pour administrer et régler les plaintes et 6 pour examiner les demandes formelles et informelles au sein de l’Unité des dossiers archivistiques et opérationnels. BAC a aussi offert de réserver plus d’espace afin que plus de membres du personnel de l’AIPRP puissent travailler sur place en toute sécurité durant la pandémie. Cependant, il faudra probablement un plan d’action robuste pour réduire l’arriéré de ces demandes (sans parler des demandes informelles).

[86]    BAC a confirmé que tous les postes occupés, y compris les postes temporaires, au sein de l’équipe d’AIPRP, étaient maintenus malgré les pressions budgétaires. En outre, trois propositions de financement distinctes (en 2017, 2019 et 2020) visant à obtenir des ressources supplémentaires pour les activités d’AIPRP ont échoué. Selon BAC, toutes les façons possibles de réaffecter des ressources à l’interne pour appuyer ses activités d’AIPRP ont été étudiées, mais aucune autre réaffectation n’est possible sans compromettre sérieusement des activités de programme critiques dans d’autres secteurs.

[87]    Compte tenu des pressions budgétaires, BAC dit ne pas avoir été en mesure de doter les postes vacants et ne pas avoir les fonds nécessaires pour engager de l’aide temporaire. À l’automne 2021, 46 % du personnel du bureau de l’AIPRP occupaient des postes par intérim et 18 %, des postes pour une durée déterminée. De plus, il y avait 16 postes vacants. BAC a mentionné au Commissariat que cette instabilité signifie qu’elle n’a pas pu lancer son nouveau programme de perfectionnement professionnel après qu’il a été approuvé en octobre 2021. Ce programme aurait permis au personnel de profiter de possibilités de promotion au sein de l’organisation, dans le but de retenir les analystes de l’AIPRP entièrement formés, qui sont régulièrement recrutés par d’autres institutions.

[88]    Enfin, BAC a indiqué que le Commissariat exerce une grande pression sur ses ressources limitées pour qu’elles répondent aux demandes relatives à des enquêtes en cours. Je comprends que répondre à ces demandes requiert également des ressources de la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges, mais les plaintes découlent largement de l’incapacité de BAC de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi. C’est un cercle vicieux; plus il y a de demandes qui demeurent sans réponse, plus il y a de plaintes qui sont soumises au Commissariat. Une fois que BAC sera en mesure de répondre aux demandes en temps opportun, après avoir réglé les problèmes soulevés dans le présent compte rendu, je suis convaincue que le nombre de plaintes concernant des retards diminuera. Jusque-là, le Commissariat doit continuer d’enquêter sur les plaintes dans son inventaire.

[89]    Je conclus donc que la grande charge de travail de la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges, le nombre de postes vacants, ainsi que la possible instabilité découlant du fait que de nombreux employés occupent leurs postes par intérim et pour une durée déterminée, contribuent à retarder les réponses aux demandes d’accès.

Recommandation

  • Examiner et ajuster le financement permanent affecté aux différentes unités du bureau de l’AIPRP afin de refléter leur charge de travail.

Réponse du ministre

[90]    Le ministre s’est engagé à s’assurer que BAC établisse un plan d’action pour mesurer les progrès réalisés en vue d’obtenir un financement adéquat pour ses activités d’AIPRP.

Évaluation de la réponse du ministre eu égard à ma recommandation

[91]    Le ministre ne semble pas comprendre la mesure dans laquelle l’unité de l’AIPRP de BAC manque de ressources. Mon enquête ne comprenait pas un examen du budget de BAC; l’institution devra décider des mesures nécessaires pour régler les problèmes de ressources signalés par les responsables de l’AIPRP.

[92]    Il n’en demeure pas moins que, même si BAC a reçu 485 demandes de moins en 2020-2021 qu’en 2019-2020, son arriéré a augmenté de 792 dossiers. Dans les circonstances actuelles, BAC doit envisager d’affecter immédiatement des ressources supplémentaires à l’immense charge de travail avec laquelle doit composer son unité de l’AIPRP. Cette situation déplorable et critique ne peut pas être ignorée par le ministre. BAC aura besoin de son plein soutien afin d’obtenir un financement adéquat pour ses activités d’AIPRP.

Résultat

[93]    La plainte est fondée.

Conclusion

[94]    BAC est fière d’être la gardienne « du passé, aussi bien que de l’histoire récente » du pays, de donner accès au patrimoine documentaire du Canada et « d’être la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions ».

[95]    Je tiens à souligner que la Division de l’AIPRP et de la réponse aux litiges de BAC a collaboré pleinement à l’enquête et a fait preuve de franchise durant celle-ci.

[96]    Cependant, comme cette enquête et de nombreuses autres menées par le Commissariat au cours des dernières années le démontrent, l’état de l’accès à BAC est lamentable. La population canadienne attend bien plus longtemps que les délais prescrits par la Loi pour obtenir une réponse à ses demandes d’accès. Comme l’a appris le Commissariat dans le cadre de ses enquêtes, ces retards, aggravés par les réductions de service dans d’autres secteurs, entravent considérablement le travail des clients de BAC (historiens, chercheurs et universitaires), qui cherchent à comprendre et raconter l’histoire du Canada.

[97]    J’ai formulé des recommandations ciblées qui, si elles sont mises en œuvre, amélioreraient grandement le programme d’accès à l’information de BAC. Ces améliorations aideraient la population canadienne à court et à long terme et elles seraient conformes au mandat de base de BAC.

[98]    À mon avis, le plus décevant est peut-être le fait que les mesures proposées par le ministre ne seront pas suffisantes pour réduire les délais de réponse aux demandes des Canadiens qui souhaitent avoir accès aux documents détenus par BAC. J’espère sincèrement que les résultats que BAC prévoit de publier deux fois par année sur son site Web prouveront que j’ai tort.

Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

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