Agence d’évaluation d’impact du Canada (Re), 2025 CI 36

Date : 2025-06-27
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-00319
Numéro de la demande d’accès : A-2020-00058

Sommaire

La partie plaignante allègue que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information :

  • paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux);
  • article 14 (affaires fédérales-provinciales);
  • alinéa 16(1)c) (déroulement d’enquêtes);
  • paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction);
  • paragraphe 19(1) (renseignements personnels);
  • alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers);
  • alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers);
  • alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations);
  • alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations);
  • alinéa 21(1)c) (positions ou plans élaborés pour des négociations);
  • alinéa 21(1)d) (projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration);
  • article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige);
  • paragraphe 24(1) (communication restreinte par une autre loi);
  • alinéa 68a) (documents publiés ou mis en vente).

La demande vise des renseignements relatifs au plan d’inspection 2020-2021 de l’AEIC. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Les parties n’ont pas démontré que certains renseignements satisfaisaient aux critères des exceptions appliquées. L’AEIC n’a fourni aucune information selon laquelle elle avait pris en considération ses obligations en matière de pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

La Commissaire à l’information a ordonné à l’AEIC de communiquer certains renseignements pour lesquels les parties n’ont pas démontré que les critères des exceptions étaient satisfaits. L’AEIC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu des dispositions suivantes de la Loi sur l’accès à l’information :

  • paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux);
  • article 14 (affaires fédérales-provinciales);
  • alinéa 16(1)c) (déroulement d’enquêtes);
  • paragraphe 16(2) (faciliter la perpétration d’une infraction);
  • paragraphe 19(1) (renseignements personnels);
  • alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers);
  • alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers);
  • alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations);
  • alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations);
  • alinéa 21(1)c) (positions ou plans élaborés pour des négociations);
  • alinéa 21(1)d) (projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration);
  • article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige);
  • paragraphe 24(1) (communication restreinte par une autre loi);
  • alinéa 68a) (documents publiés ou mis en vente).

[2]        La demande vise des renseignements relatifs au plan d’inspection 2020-2021 de l’AEIC, notamment la liste des inspections réalisées, la liste des rapports annuels examinés, les mesures d’application prises et tous les documents de breffage relatifs au programme de conformité et d’application de la loi de janvier 2020 à juin 2021. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[3]        Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information enquête sur le refus de communiquer des mots de passe en vertu du paragraphe 16(2) et sur l’application du paragraphe 19(1).

Enquête

[4]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[5]        Le 1er mai 2024, l’AEIC a divulgué des renseignements supplémentaires, dont la communication avait été refusée en vertu du paragraphe 14, de l’alinéa 16(1)c), de l’alinéa 20(1)b), de l’alinéa 20(1)c) et de l’alinéa 21(1)a) quand elle a répondu à la demande d’accès. Dans certains cas, l’AEIC ne pouvait pas étayer l’application des exceptions à ces renseignements et, dans d’autres cas, elle a décidé de communiquer les renseignements en raison du temps écoulé.

[6]        Au cours de l’enquête, l’AEIC a décidé de ne plus invoquer le paragraphe 13(1) pour refuser de communiquer des renseignements. L’AEIC a indiqué qu’elle continuerait de refuser la communication des mêmes renseignements en vertu du paragraphe 21(1) au lieu du paragraphe 13(1).

[7]        En vertu de l’alinéa 35(2)c), le Commissariat a demandé des observations aux trois tiers identifiés par l’AEIC comme étant ceux qu’elle aurait consultés si elle avait eu l’intention de divulguer les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 20(1) : Artemis Gold Inc. (Artemis Gold), le Conseil tribal des réserves de la région des lacs (Conseil tribal) et Nemaska Lithium (Nemaska). Nemaska a répondu à la demande du Commissariat, mais a refusé de fournir des observations. Artemis Gold et le Conseil tribal ont présenté des observations, qui ont été communiquées à l’AEIC.  

[8]        Conformément à l’article 36.3, le Commissariat a avisé les trois tiers de l’ordonnance que j’avais l’intention de rendre concernant les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 20(1). Nemaska a de nouveau indiqué qu’il refusait de présenter des observations. Le Conseil tribal n’a pas répondu à l’avis. Artemis Gold a fourni des observations supplémentaires, que j’ai prises en considération.

[9]        J’ai également pris en considération les observations reçues de l’AEIC et de la partie plaignante pour tirer mes conclusions.

Article 14 : affaires fédérales-provinciales

[10]      L’article 14 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires fédérales-provinciales.

[11]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la conduite des affaires fédérales-provinciales du gouvernement du Canada (par exemple, des renseignements sur des consultations ou des délibérations fédérales-provinciales ou sur la stratégie ou les tactiques du gouvernement du Canada liées à la conduite des affaires fédérales-provinciales, comme le prévoient les alinéas 14a) et b)).
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[12]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[13]      L’AEIC continue de refuser de communiquer des renseignements en vertu de l’article 14 à la page 20 des documents.

[14]      L’AEIC n’a pas présenté d’observations concernant le préjudice qui pourrait découler de la communication ou expliquant en quoi celle-ci serait vraisemblablement préjudiciable aux relations fédérales-provinciales. Dans ses observations finales, l’AEIC a plutôt indiqué que les renseignements devraient être communiqués, mais elle ne l’a pas encore fait.

[15]      Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’article 14.

Alinéa 16(1)c) : déroulement d’enquêtes

[16]      L’alinéa 16(1)c) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application des lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes (par exemple, des renseignements sur l’existence d’une enquête qui révéleraient l’identité d’une source confidentielle ou qui ont été obtenus au cours d’une enquête, comme le prévoient les sous-alinéas 16(1)c)(i) à (iii)).

[17]      Pour invoquer cette exception relativement à l’application des lois fédérales ou provinciales, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’application de toute loi du Canada ou d’une province;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[18]      Pour invoquer cette exception relativement au déroulement des enquêtes, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire au déroulement d’enquêtes licites, c’est-à-dire d’enquêtes qui relèvent des pouvoirs d’une institution et qui correspondent à l’une des situations suivantes :
    • elles sont menées pour appliquer une loi fédérale ou sont autorisées en vertu d’une telle loi;
    • elles font partie d’une catégorie d’enquête décrite à l’annexe II du Règlement sur l’accès à l’information.

[19]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[20]      L’AEIC a appliqué l’alinéa 16(1)c) aux pages 23, 35-39, 228-229, 589-595, 730-739, 743, 745, 748-749, 752, 759-765, 775, 783-785, 787-788, 791-793, 799-808, 835, 839, 842, 845-846, 1024-1026, 1125-1127, 1157, 1161-1166, 1206, 1215, 1217, 1285-1286, 1288-1289, 1293-1296, 1316, 1364-1365, 1373, 1492-1493, 1590, 1603-1610, 1662-1671, 1718-1728 et 1700-1701, parallèlement à d’autres exceptions dans plusieurs cas.

[21]      L’AEIC a seulement fourni des observations sur l’application de l’alinéa 16(1)c) à des renseignements relatifs à une plainte déposée contre un autre tiers. L’AEIC a indiqué qu’elle avait appliqué cette exception afin de protéger l’identité de la partie qui a déposé la plainte, car il s’agissait d’une source d’information confidentielle. La partie qui a déposé la plainte auprès de l’AEIC a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à la communication des renseignements la concernant. Je ne suis donc pas convaincue que la communication équivaudrait à révéler l’identité d’une source confidentielle.

[22]      Pour ce qui est des renseignements qui ne se rapportent pas à la plainte, l’AEIC n’a pas indiqué en quoi la communication pourrait nuire à l’application d’une loi ou à la conduite d’enquêtes, ni fourni d’observations indiquant en quoi la communication pourrait causer un tel préjudice.

[23]      Bien que l’AEIC ait indiqué que l’exception n’est plus justifiée à certaines pages, elle n’a toujours pas communiqué les renseignements.

[24]      Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 16(1)c).

Paragraphe 16(2) : faciliter la perpétration d’une infraction

[25]      Le paragraphe 16(2) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction.

[26]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements (par exemple, des renseignements sur les méthodes ou les techniques criminelles, ou des détails techniques sur les armes, comme le prévoient les alinéas 16(2)a) à c)), pourrait faciliter la perpétration d’une infraction;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[27]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[28]      L’AEIC continue d’invoquer le paragraphe 16(2) pour refuser de communiquer les renseignements suivants : adresses URL menant vers des documents internes et chiffres relatifs au budget.

[29]      L’AEIC a indiqué qu’elle était disposée à communiquer la première partie des adresses URL, mais pas leur totalité. L’AEIC a déclaré qu’il n’y avait aucune raison valide pour que la partie plaignante ait accès à cette information. Il incombe cependant à l’AEIC de démontrer que les renseignements sont visés par une exception. L’utilisation que ferait la partie plaignante des renseignements n’est pas un facteur permettant d’établir si les critères de l’exception sont satisfaits.

[30]      L’AEIC n’a pas établi que la communication d’une quelconque partie des adresses URL ou des chiffres relatifs au budget pourrait faciliter la perpétration d’une infraction, et encore moins établi qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé. Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 16(2).

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[31]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[32]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[33]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[34]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[35]      Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[36]      L’AEIC a refusé de communiquer beaucoup de renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)b), parallèlement aux alinéas 16(1)c), 20(1)c), 21(1)a), 21(1)b) et au paragraphe 24(1) dans certains cas.

[37]      Le premier critère de l’exception est que les renseignements dont la communication est refusée doivent être de nature financière, commerciale, scientifique ou technique. Dans la décision Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire.

[38]      Selon les dictionnaires, le mot « commercial » signifie « relatif au commerce » ou « conçu, exécuté dans une intention lucrative ». Le Petit Robert de la langue française définit le terme technique ainsi : « Qui appartient à un domaine particulier, spécialisé, de l’activité ou de la connaissance ».

[39]      En ce qui concerne les renseignements relatifs à Artemis Gold, je suis d’avis que seuls certains renseignements satisfont au premier critère. Les détails des plans d’Artemis Gold et l’incidence potentielle des retards sur Artemis Gold constituent des renseignements financiers, commerciaux et techniques qui satisfont à ce critère (ceux-ci se trouvent, par exemple, aux pages 325, 331-332, 336, 344, 348, 371 et 374-378). Bien qu’Artemis Gold ait indiqué que son « interprétation légale de ses exigences réglementaires » constitue de l’information commerciale sensible, je ne suis pas d’avis que ce type de renseignements correspond à la définition courant de « renseignements commerciaux ». Il n’a pas non plus été démontré que le reste des renseignements se rapportant à Artemis Gold, qui comprennent des détails du processus d’approbation du gouvernement, des consultations auprès des Premières Nations et des détails administratifs généraux au sujet de réunions et de discussions relatives à Artemis Gold, satisfait à ce premier critère.

[40]      En ce qui a trait aux renseignements relatifs au Conseil tribal, bien que l’AEIC ait indiqué que ces renseignements étaient de nature technique, les parties n’ont pas démontré qu’une expertise particulière était nécessaire pour les comprendre. Il n’a donc pas été établi que les renseignements se rapportant au Conseil tribal étaient visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

[41]      En ce qui concerne les renseignements de Nemaska, je conviens qu’ils sont tous de nature commerciale et/ou technique et qu’ils satisfont donc au premier critère de l’exception.

[42]      Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Les renseignements doivent répondre aux trois conditions suivantes :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Air Atonabee (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453.]

[43]      Certains des renseignements relatifs à Artemis Gold sont devenus accessibles au public après que le Conseil tribal a répondu à la demande d’accès, mais ce type de renseignements ne semble pas avoir été accessible au public au moment où la demande a été traitée. La plupart des renseignements qui demeurent en cause sont plus détaillés que les types de renseignements que l’AEIC a mis à la disposition du public à la suite de ses enquêtes ou mesures d’application, et je n’ai trouvé aucun élément de preuve selon lequel ces renseignements étaient publics au moment où l’AEIC a traité la demande.

[44]      Les renseignements relatifs au Conseil tribal ne sont pas accessibles au public.

[45]      Le rapport annuel 2020 de Nemaska qui fait l’objet de la discussion dans les courriels aux pages 1770-1771 est accessible au public ici : https://iaac-aeic.gc.ca/050/documents/p80021/143037F.pdf. Puisque le rapport était public au moment où la demande a été présentée, les renseignements non communiqués qui y figurent ne satisfont pas au deuxième critère de l’exception. Les suivants ne satisfont pas à ce critère :

  • Les dates auxquelles Nemaska a publié certains rapports;
  • L’état d’avancement de la construction, des soins et de l’entretien;
  • La disponibilité d’une entente précise;
  • Les descriptions de certains renseignements qui se trouvent dans le rapport.

[46]      En ce qui concerne la deuxième condition de confidentialité objective, selon les documents, il semblerait qu’Artemis Gold savait, au moment où l’AEIC a traité la demande, que certains renseignements devraient être publiés avant que l’AEIC prenne une décision finale. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’Artemis Gold aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que l’AEIC assure la confidentialité de ces renseignements. Ces détails ont été publiés en décembre 2022 (https://iaac-aeic.gc.ca/050/documents/p80017/145722F.pdf).

[47]      Ni le Conseil tribal ni Nemaska n’ont présenté d’observations à l’appui du fait que ces tiers avaient une attente raisonnable que l’AEIC assure la confidentialité des renseignements qu’ils ont fournis.

[48]      En ce qui concerne les renseignements relatifs aux plans d’Artemis Gold et l’incidence potentielle des retards sur Artemis Gold, compte tenu des observations reçues, je suis d’avis que la confidentialité de ces renseignements favorise la relation entre l’AEIC et Artemis Gold dans l’intérêt du public.

[49]      En ce qui concerne les renseignements se rapportant à Nemaska qui se trouvent aux pages 1770-1771, je ne suis pas convaincue que la confidentialité de ces renseignements favorise la relation entre l’AEIC et Nemaska dans l’intérêt du public. Les parties n’ont pas établi en quoi ce critère est satisfait.

[50]      J’en arrive à la conclusion préliminaire que seule une quantité limitée de renseignements se rapportant à Artemis Gold satisfait au deuxième critère de l’exception.

[51]      En ce qui concerne le troisième critère de l’alinéa 20(1)b), je conviens que certains des renseignements dont la communication a été refusée ont été fournis par les tiers ou que la communication révélerait des renseignements fournis par les tiers. Dans le cas des lettres, des comptes rendus de réunions et des communications internes de l’AEIC, cependant, je suis d’avis qu’un prélèvement serait possible afin de communiquer des renseignements qui n’ont pas été fournis par les tiers. Dans le cas des références aux renseignements manquants dans les rapports annuels, celles-ci ont été créées par l’AEIC et ne satisfont donc pas à ce critère.

[52]      Compte tenu des observations présentées par Artemis Gold à l’AEIC durant le traitement de la demande, je conviens qu’au moment du traitement de la demande, Artemis Gold avait toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels. Le Conseil tribal et Nemaska n’ont cependant pas démontré qu’ils avaient toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.

[53]      Je conclus que seuls les renseignements commerciaux, techniques ou scientifiques fournis confidentiellement par Artemis Gold à l’AEIC satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b). Ces renseignements se trouvent aux pages 336-337, 344, 346, 356, 366, 374-378, 384-388, 408 et 455-459. Je conclus que les autres renseignements dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b) ne satisfont pas aux critères de cette exception.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[54]      L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[55]      Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[56]      Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[57]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[58]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[59]      Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[60]      L’AEIC a appliqué l’alinéa 20(1)c) parallèlement à l’alinéa 20(1)b), et dans certains cas, parallèlement aux alinéas 16(1)c), 21(1)a), 21(1)c) et au paragraphe 24(1), pour refuser de communiquer certains renseignements relatifs à Artemis Gold, au Conseil tribal et à Nemaska.

[61]      Artemis Gold a indiqué que la communication des documents le concernant révèlerait sa stratégie de développement ou aurait une incidence sur sa capacité d’obtenir du financement de capital.

[62]      En ce qui concerne les renseignements du Conseil tribal, celui-ci a indiqué qu’il ne s’attendait pas à ce que la communication des renseignements le concernant cause un préjudice. Les observations de l’AEIC concernant le préjudice potentiel découlant de la communication des renseignements se rapportant au Conseil tribal étaient entièrement fondées sur des suppositions. L’AEIC n’a pas expliqué en quoi la communication de ces renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables au Conseil tribal ou un autre tiers, ou nuire à la compétitivité du Conseil tribal. L’AEIC n’a pas non plus expliqué en quoi il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé.

[63]      Enfin, en ce qui concerne les renseignements se rapportant à Nemaska, l’AEIC a indiqué que la communication pourrait causer des pertes appréciables à Nemaska. Ni Nemaska ni l’AEIC n’ont établi en quoi l’un des préjudices décrits à l’alinéa 20(1)c) pourrait être causé, encore moins qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé par la communication des renseignements relatifs à Nemaska.

[64]      Pour que l’alinéa 20(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[65]      Les observations d’Artemis Gold ne démontrent pas de lien clair entre la communication et le préjudice allégué. Les parties n’ont pas démontré que la communication, dans ce contexte, pourrait être la cause directe d’un préjudice. De plus, certains des renseignements qui, selon l’AEIC, pourraient être préjudiciables ont été publiés par celle-ci en décembre 2022, dans le cadre d’une analyse de projet, et Artemis Gold n’a pas indiqué de préjudice découlant de cette publication.

[66]      Ni l’AEIC ni les tiers n’ont fourni d’observations et d’éléments de preuve reposant sur davantage que des suppositions qui démontrent qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé par la divulgation des renseignements non communiqués.  

[67]      Je conclus que l’information ne satisfait pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[68]      Étant donné que l’AEIC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères des alinéas 20(1)b) et c), elle était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques, ou la protection de l’environnement, lorsque les deux circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse.

[69]      Compte tenu de la nature de la demande, qui est liée aux inspections et aux mesures d’application de la loi d’une agence chargée d’assurer la protection de l’environnement, une grande partie des renseignements dont l’AEIC a refusé la communication sont liés à des questions environnementales. Dans les cas où j’ai conclu que certains des renseignements se rapportant à Artemis Gold satisfont aux critères des alinéas 20(1)b) et c), certains des renseignements non communiqués se rapportent aux impacts potentiels sur l’environnement du projet et aux mesures visant à atténuer ces impacts. Par conséquent, je suis d’avis que l’AEIC devrait s’être demandé si elle était tenue d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 20(6).  

[70]      L’AEIC n’a fourni aucune observation selon laquelle elle avait pris en considération la question de savoir si les circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse à la demande d’accès. Je dois donc conclure que l’AEIC n’a pas démontré qu’elle avait établi l’existence ou non de ces circonstances, ce qui l’a empêchée d’exercer son pouvoir discrétionnaire, le cas échéant.

Alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations

[71]      L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

[72]      Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[73]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont des avis ou des recommandations;
  • les renseignements ont été élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

[74]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[75]      Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer ce qui suit : 

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[76]      L’AEIC a largement appliqué l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer des renseignements, dans de nombreux cas parallèlement aux alinéas 21(1)b) ou 21(1)c). Les documents ont été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[77]      Dans de nombreux cas, je conviens que les renseignements consistent en des avis ou recommandations échangés par des fonctionnaires.

[78]      Dans certains cas, l’exception a été appliquée à des renseignements factuels ou à des renseignements identificatoires (p. ex. définitions, parties d’ébauches identiques aux versions définitives, pages de titre, en-têtes de courriels, blocs-signatures de fonctionnaires) qu’il est possible de prélever des renseignements satisfaisant aux critères de l’exception (pages 64-65, 155, 290, 293, 297, 302, 326-335, 341-344, 352-354, 368-370, 400, 404-406, 410-420, 432-437, 445-463, 589-595, 622-633, 752, 883-884, 889-911, 946-947, 950, 985-987, 1157 et 1335).

[79]      De plus, la référence au Conseil tribal à la page 834 ne satisfait pas aux critères de cette exception, car il est simplement question d’un courriel, mais pas du contenu de celui-ci. L’AEIC a accepté de communiquer cette information, mais elle ne l’a pas encore fait.

[80]      L’AEIC n’a fait aucune observation établissant en quoi les renseignements factuels et identificatoires généraux satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a) ou pourquoi il n’aurait pas été possible de prélever ces renseignements sans problèmes sérieux.

[81]      Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)a), sauf dans les cas où ils consistent clairement en des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.

Alinéa 21(1)b) : comptes rendus de consultations ou de délibérations

[82]      L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.

[83]      Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[84]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
  • le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
  • au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.

[85]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[86]      Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer ce qui suit : 

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[87]      L’AEIC a largement appliqué l’alinéa 21(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements, dans de nombreux cas parallèlement aux alinéas 21(1)a) et/ou 21(1)c). Les documents ont été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[88]      Je conviens qu’une grande partie des renseignements consistent en des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles a participé au moins un fonctionnaire.

[89]      Aux pages 68 et 70, cependant, l’AEIC est d’accord avec le Commissariat que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception et a indiqué qu’elle était disposée à les communiquer, mais elle ne l’a pas encore fait.

[90]      De plus, de nombreuses pages n’ont pas été communiquées dans leur intégralité. L’AEIC n’a pas fourni d’observations indiquant en quoi l’intégralité de ces pages satisfait aux critères de l’exception ou pourquoi il n’est pas possible de faire des prélèvements lorsqu’elles contiennent des renseignements factuels ou identificatoires généraux, et je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)b).

[91]      Je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)b), à part les puces aux pages 68 et 70 et les renseignements factuels ou identificatoires généraux aux pages 72-74, 82-84, 95-97, 155, 326-335, 341-343, 352, 354, 368-370, 400, 404-406, 410-417, 432-437, 443, 445-455, 461-463, 523-525, 531-533, 589, 622-624, 630-632, 745, 752, 883-884, 889-908, 911, 923, 926, 946-947, 950, 962, 964, 986-987, 1157 et 1590.

Alinéa 21(1)c) : positions ou plans élaborés pour des négociations

[92]      L’alinéa 21(1)c) permet aux institutions de refuser de communiquer les positions ou les plans élaborés aux fins de négociations par le gouvernement du Canada ou en son nom.

[93]      Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[94]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements consistent en des positions ou des projets préparés en vue de négociations ou portent sur des considérations connexes;
  • les négociations ont été menées, sont menées ou seront menées par le gouvernement du Canada ou en son nom.

[95]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[96]      Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)c) pour refuser de communiquer ce qui suit : 

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[97]      À part le nom du tiers dont la communication a été refusée à la page 834, qui, comme l’a reconnu l’AEIC, ne satisfait pas aux critères de l’exception, la plupart des renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 21(1)c) satisfont aux critères de cette exception ou d’une exemption qui a été invoquée en parallèle.

[98]      Dans certains cas, l’exception a été appliquée à des renseignements factuels ou à des renseignements identificatoires (p. ex. définitions, parties d’ébauches identiques aux versions définitives, pages de titre, en-têtes de courriels, blocs-signatures de fonctionnaires) qu’il est possible de prélever des renseignements satisfaisant aux critères de l’exception (pages 72-80, 82-90, 95-103, 155, 589-595, 883-884 et 1157).

[99]      Je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)c) ou d’une autre exception, mis à part le nom du tiers à la page 834 et les renseignements factuels et les renseignements identificatoires généraux aux pages énumérées ci-dessus.

Alinéa 21(1)d) : projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration

[100]   L’alinéa 21(1)d) permet aux institutions de refuser de communiquer les projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration des institutions lorsque ces projets n’ont pas encore été mis en œuvre.

[101]   Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[102]   Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont des projets;
  • ces projets portent sur la gestion du personnel ou sur l’administration d’une institution;
  • ces projets n’ont pas encore été mis en œuvre.

[103]   Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

[104]   Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)d) pour refuser de communiquer ce qui suit :

  • des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
  • des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[105]   L’AEIC a appliqué l’alinéa 21(1)d) aux pages 1222 et 1251-1252 pour refuser de communiquer une liste de priorités relatives à la dotation. Ces documents ont été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[106]   Compte tenu des observations de l’AEIC, je conviens que les renseignements constituent des projets relatifs à la gestion du personnel qui n’ont pas été mis en œuvre.

[107]   Par conséquent, je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)d).

Article 23 : secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige

[108]   L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[109]   Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[110]   Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige;
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[111]   Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[112]   Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[113]   Je conviens que le l’AEIC a généralement appliqué l’article 23 à des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat qui satisfont aux critères de l’exception.

[114]   L’AEIC n’a cependant pas démontré en quoi les documents dont la communication a été refusée aux pages 523-533 et 589-595 satisfont aux critères de l’exception. L’AEIC a indiqué être disposée à cesser d’invoquer l’article 23 pour ces pages, mais n’a pas communiqué ces renseignements.

[115]   Je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’article 23, à part ceux dont la communication a été refusée aux pages 523-533 et 589-595.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[116]   Étant donné que l’AEIC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères des alinéas 21(1)a), 21(1)b), 21(1)c) et 21(1)d) et de l’article 23, elle était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, l’AEIC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour et contre la communication.

[117]   La décision prise par une institution de ne pas communiquer l’information doit être transparente, intelligible et justifiée. L’explication de l’institution est suffisante lorsque cette dernière précise comment la décision a été prise et que les documents relatifs au processus décisionnel permettent de comprendre pourquoi l’institution a procédé comme elle l’a fait.

[118]   L’AEIC n’a fourni aucune information selon laquelle elle avait pris en considération ses obligations en matière de pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Je dois donc conclure que l’AEIC n’a pas démontré qu’elle a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire.

[119]   J’ai également constaté que certains des renseignements sont accessibles au public. Il est difficile de savoir quand ces renseignements ont été publiés, mais l’AEIC aurait dû considérer tous les renseignements de ce type lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire. Le protocole d’entente dont la communication a été refusée aux pages 95-102, et dont les ébauches n’ont pas non plus été communiquées, sembleraient être publics.

[120]   Lorsqu’elle exercera de nouveau son pouvoir discrétionnaire, l’AEIC devrait prendre en considération tous les facteurs pertinents, y compris les renseignements qui sont maintenant accessibles au public.

Paragraphe 24(1) : communication restreinte par une autre loi

[121]   Le paragraphe 24(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication est restreinte par une disposition de l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[122]   L’AEIC a appliqué le paragraphe 24(1) aux pages 748-749, 761-765 et 799-803. L’AEIC a indiqué que ces renseignements se rapportant à des connaissances autochtones traditionnelles ont été fournis à titre confidentiel et sont donc conformes au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’évaluation d’impact.

[123]   L’article 30 de la Loi sur l’évaluation d’impact est une disposition prévue à l’annexe II. Le paragraphe 30(1) restreint la communication de documents lorsque celle-ci, selon l’AEIC, « causerait directement un préjudice réel et sérieux à une personne ou à un groupe autochtone ». Ce type de renseignements peut seulement être communiqué avec l’autorisation de la personne ou du groupe autochtone.

[124]   L’AEIC a indiqué que la communication des renseignements a été refusée pour protéger le Conseil tribal. Les observations de ce dernier indiquent qu’il ne s’oppose pas à la communication de renseignements le concernant. Je ne suis pas convaincue que la communication causerait un préjudice précis, direct et sérieux au Conseil tribal, particulièrement compte tenu de ses observations. L’AEIC n’a pas fourni d’observations pour établir en quoi cette exception s’applique, compte tenu des observations du Conseil tribal.

[125]   Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’évaluation d’impact, et par conséquent, que leur communication ne peut pas être refusée en vertu du paragraphe 24(1).

Alinéa 68a) : documents publiés ou mis en vente

[126]   Conformément à l’article 68, le droit d’accès aux documents prévu à la partie 1 de la Loi sur l’accès à l’information ne s’applique pas à ce qui suit :

  • aux documents publiés, à l’exception des documents divulgués de façon proactive en vertu de la partie 2 de la Loi sur l’accès à l’information;
  • aux documents mis en vente dans le public;

L’information satisfait-elle aux critères de l’exclusion?

[127]   L’AEIC a refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’exception prévue à l’alinéa 68a) et a fourni à la partie plaignante une adresse URL menant aux renseignements publics. Je conviens que ces renseignements sont publiés en ligne.

[128]   Par conséquent, je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 68a).

Résultat

[129]   La plainte est fondée.

Ordonnances

J’ordonne au président de l’AEIC ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’article 14 qui se trouvent à la page 20;
  2. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 20(1)b), sauf lorsque les renseignements relatifs à Artemis Gold satisfont aux critères de cette exception (aux pages 336-337, 344, 346, 356, 366, 374-378, 384-388, 408, 434 et 455-459) ou dans les cas où j’ai conclu que les critères d’une autre exception sont satisfaits pour les mêmes renseignements;  
  3. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 20(1)c), sauf dans les cas où j’ai conclu que les critères d’une autre exception sont satisfaits pour les mêmes renseignements;
  4. Établir si les circonstances décrites au paragraphe 20(6) existent en établissant si l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène, et, si c’est le cas, exercer le pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable afin de décider de communiquer ou non les renseignements de tiers pour des raisons concernant la santé ou la sécurité publiques ou pour protéger l’environnement;
  5. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 21(1)a) qui se trouvent aux pages 16, 64-65, 155, 228-229, 290, 293, 297, 302, 326-335, 341-344, 352-354, 368-370, 400, 404-406, 410-420, 432-437, 445-463, 589-595, 622-633, 752, 834, 883-884, 889-911, 946-947, 950, 985-987, 1157, 1293-1296, 1335, 1365 et 1373, sauf lorsqu’il s’agit clairement d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;
  6. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 21(1)b) qui se trouvent aux pages 68, 70, 72-74, 82-84, 95-97, 155, 326-335, 341-343, 352, 354, 368-370, 400, 404-406, 410-417, 432-437, 443, 445-455, 461-463, 523-525, 531-533, 589, 622-624, 630-632, 745, 752, 883-884, 889-908, 911, 923, 926, 946-947, 950, 962, 964, 986-987, 1157 et 1590, sauf lorsqu’ils consistent clairement en des comptes rendus de consultation ou de délibérations auxquelles a participé au moins un fonctionnaire;
  7. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 21(1)c) qui se trouvent aux pages 72-80, 82-90, 95-103, 155, 589-595, 834, 883-884 et 1157;
  8. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’article 23 qui se trouvent aux pages 523-533 et 589-595, sauf dans les cas où j’ai conclu que les mêmes renseignements satisfont aux critères d’une autre exception;
  9. Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements qui, selon mes conclusions, satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a), de l’alinéa 21(1)b), de l’alinéa 21(1)c) et de l’alinéa 21(1)d);
  10. Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements qui, selon mes conclusions, satisfont aux critères de l’article 23;
  11. Communiquer les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 24(1), sauf dans les cas où j’ai conclu que les mêmes renseignements satisfont aux critères d’une autre exception.

Rapport et avis de l’institution

Le 6 mai 2025, j’ai transmis au président mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 24 juin 2025, le coordinateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de l’AEIC m’a avisé que cette dernière donnerait suite aux ordonnances dans leur entièreté.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à Artemis Gold, au Conseil tribal et à Nemaska.

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