Agence des services frontaliers du Canada (Re), 2025 CI 12

Date : 2025-02-26
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-04210
Numéro de la demande d’accès : A-2024-03015

Sommaire

La partie plaignante allègue que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès faite en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir des messages rédigés entre le 1er septembre 2023 et le 6 décembre 2023 dans Microsoft Teams (MS Teams), lesquels contiennent une liste de mots clés en lien avec l’application ArriveCAN. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

L’ASFC conserve les messages dans MS Teams pendant 30 jours. Cependant, elle n’a commencé à traiter la demande d’accès que plus de 30 jours après l’avoir reçue, parce qu’elle ne l’avait pas saisie rapidement dans son système de gestion des cas. En partant du principe que tous les documents pertinents avaient déjà été supprimés, les responsables de l’accès à l’information n’ont donc pas demandé aux secteurs de programme de leur fournir des documents. L’ASFC a plutôt indiqué à la partie plaignante qu’il n’existait aucun document de ce genre. 

La politique de l’ASFC exige que les renseignements à valeur opérationnelle échangés dans MS Teams soient sauvegardés dans les dépôts ministériels avant l’expiration de la période de conservation de 30 jours. Compte tenu des questions soulevées au cours de l’enquête, l’ASFC a effectué une recherche de documents dans les dépôts ministériels et a repéré un document pertinent, lequel a été fourni à la partie plaignante. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucun doute que le retard pris pour demander aux secteurs de programme de récupérer les documents pertinents a eu un effet préjudiciable sur le droit d’accès de la personne à l’origine de la demande.

La plainte est fondée.

Une ordonnance n’était pas nécessaire, étant donné que l’ASFC a communiqué le seul document pertinent.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès faite en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir des messages rédigés entre le 1er septembre 2023 et le 6 décembre 2023 dans Microsoft Teams (MS Teams), lesquels contiennent une liste de mots clés précis en lien avec l’application ArriveCAN. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]        L’ASFC est tenue d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.

[3]        Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.

[4]        Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.

L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?

[5]        En réponse à la demande d’accès, l’ASFC a avisé la partie plaignante que les documents demandés n’existent pas, car la période de conservation des messages dans MS Teams est de 30 jours. La partie plaignante allègue que les messages auraient dû exister lorsque sa demande a été reçue le 6 décembre 2023.

[6]        Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a demandé que la documentation relative à la recherche de documents pertinents par l’ASFC lui soit fournie.

[7]        L’ASFC a expliqué qu’elle a adopté le nouveau service de Demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels du Secrétariat du Conseil du Trésor le 9 novembre 2023. Le processus de réception des demandes avait donc changé.  

[8]        L’ASFC a confirmé avoir reçu la demande le 6 décembre 2023. Cependant, en raison de la mise en œuvre du service de Demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels, une erreur administrative s’est produite lors de la réception et de l’enregistrement de la demande. De ce fait, la demande n’a pas été saisie dans le système AccessPro Case Management (APCM) de l’ASFC, le logiciel qu’elle utilise pour traiter les demandes d’accès.

[9]        L’ASFC n’a donc commencé à travailler sur la demande qu’après avoir pris connaissance de l’erreur, soit le 18 janvier 2024.

[10]      Lorsqu’une institution reçoit une demande d’accès, l’une des premières choses qu’elle doit faire est de demander aux bureaux de première responsabilité (BPR) de chercher et de récupérer les documents pertinents. Cette attribution de tâche déclenche la recherche et la récupération de documents pertinents qu’ils doivent entreprendre.

[11]      La politique de conservation de l’ASFC à l’égard des messages dans MS Teams est de 30 jours civils. Ces messages sont automatiquement supprimés à l’expiration de cette période de conservation, et aucune sauvegarde n’est effectuée. Étant donné que l’ASFC a commencé à traiter la demande plus de 30 jours après l’avoir reçue, elle n’a pas demandé aux BPR de chercher et de récupérer les documents pertinents. Elle a plutôt répondu à la partie plaignante qu’il n’y avait pas de document.

[12]      L’ASFC a expliqué que, après avoir appris que la demande en question n’avait pas été correctement saisie dans le système, elle a mis en œuvre de nouveaux processus d’assurance de la qualité. Ces derniers, quoique manuels, veillent à ce que toutes les demandes soient enregistrées en temps opportun afin que la recherche et la récupération de documents pertinents puissent commencer dès que possible.

[13]      Au cours de l’enquête, l’ASFC a confirmé avoir donné des instructions à l’ensemble de son personnel en juillet 2021 pour qu’il sauvegarde les renseignements à valeur opérationnelle dans les dépôts ministériels, puisque la politique de conservation de 30 jours à l’égard des messages dans Teams entrerait en vigueur en août 2021. Le message qui suit a été transmis à l’ensemble du personnel de l’ASFC le 29 juillet 2021 dans « Le Quotidien de l’ASFC » :

À compter du 10 août, les clavardages sur Teams de l’ASFC seront conservés pendant 30 jours seulement. Après cette période, le contenu sera automatiquement purgé.

Il est aux employés de l’ASFC de s’assurer que tous les renseignements liés à l’entreprise qui sont partagés dans Teams de l’ASFC sont consignés et sauvegardés dans Apollo [le dépôt ministériel de l’ASFC].

[14]      En réponse aux questions soulevées au cours de l’enquête, l’ASFC a effectué une recherche de documents pouvant être visés par la présente demande dans les dépôts ministériels. Elle a repéré un document pertinent, lequel a été fourni à la partie plaignante dans le cadre d’une communication supplémentaire.

[15]      Il n’y a aucun doute que le retard pris pour demander aux BPR de récupérer les documents pertinents a eu un effet préjudiciable sur le droit d’accès de la personne à l’origine de la demande. Le droit d’accès s’applique à tous les documents qui relèvent d’une institution au moment où la demande est faite, et ce, peu importe s’ils sont éphémères ou ont une valeur opérationnelle.

[16]      Les systèmes sous-jacents et les méthodes de travail utilisées par les unités de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels au sein de la fonction publique fédérale doivent fonctionner convenablement pour veiller à ce que les droits d’accès soient respectés.

[17]      Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que l’ASFC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès. Cependant, étant donné les efforts de recherche déployés au cours de l’enquête, je suis convaincue qu’une recherche raisonnable a été effectuée.

Résultat

[18]      La plainte est fondée parce que l’ASFC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès.

[19]      Une ordonnance n’est toutefois pas nécessaire, étant donné que l’ASFC a effectué une recherche raisonnable au cours de l’enquête.

[20]      L’enquête a révélé plusieurs problèmes relatifs au traitement de cette demande, notamment le fait qu’elle n’a pas été saisie à temps dans le système APCM de l’ASFC, que les BPR concernés n’ont pas été sollicités à temps et que la recherche de documents était inadéquate, comme en témoigne le document supplémentaire qui a finalement été trouvé, puis envoyé à la partie plaignante.

[21]      Il est impératif que la présidente de l’ASFC prenne immédiatement des mesures pour s’assurer que ces problèmes sont isolés et qu’ils ne révèlent pas l’existence de problèmes systémiques à l’échelle de cette institution. Il convient de noter que le Commissariat a reçu de nombreuses plaintes relatives au traitement des demandes d’accès ayant pour objet l’application ArriveCAN, raison pour laquelle j’ai entrepris ma propre enquête. Dans l’éventualité où des problèmes d’accès systémiques seraient constatés, les résultats de mon enquête feront l’objet d’un rapport distinct. 

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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